15 June 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.393

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO10409

Texte de la décision

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2022




Rejet non spécialement motivé


M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10409 F

Pourvoi n° F 20-18.393




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JUIN 2022

1°/ La société L, société par actions simplifiée,

2°/ la société L accessoires, société par actions simplifiée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° F 20-18.393 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2020 par la cour d'appel de Reims (chambre civile - 1re section), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Mazars, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à M. [D] [O], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La société Mazars et M. [O] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés L et L accessoires, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Mazars et de M. [O], après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation du pourvoi principal et celui du pourvoi incident annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne les sociétés L et L accessoires aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés L et L accessoires et les condamne à payer à la société Mazars et à M. [O] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés L et L accessoires.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés L et L. Accessoires de leurs demandes de dommages et intérêts,

AUX MOTIFS QU'il est constant que du 1er avril 2005 au 22 août 2005 la société L. alors dénommée Kemos puis Stéphane Kelian, a avancé en compte courant de sa filiale la société SKP la somme de 2 591 000 euros pour financer les pertes d'exploitation de celle-ci ; qu'elle reproche aux commissaires de l'avoir privée en ne lançant pas l'alerte, de la possibilité de mettre en oeuvre le plan de développement de la marque Stéphane Kelian ; qu'elle ne démontre pas que le lancement de la procédure d'alerte de février 2005 aurait évité la cessation des paiements et aurait donc permis la mise en oeuvre de ce plan et la continuation de l'activité ; que compte tenu de la situation déficitaire de la société SKP crée en 2003 constatée depuis son premier bilan établi en mars 2004 et de l'ampleur des pertes atteinte par celle-ci dès le mois de mars 2005 développée précédemment, compte tenu de l'analyse de l'expert-comptable consulté par les enquêteurs dans le cadre du volet pénal qui a indiqué dans son rapport qu'il apparaissait déjà en 2004 que compte tenu des pertes dégagées, l'entreprise SKP ne survivait que grâce aux apports en compte courant consentis par la société mère Kennos, la cessation des paiements n'apparaît en réalité que comme l'inévitable conséquence de la décision de Monsieur [G] de cesser le renflouement de la filiale par le groupe au mois de juillet 2005 ; que cette décision et ses conséquences sont largement développées dans l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble qui a retenu la culpabilité de Monsieur [G] du délit de complicité de banqueroute parce qu'alors qu'il avait décidé de cesser son soutien à la filiale, il a organisé parallèlement au cours de l'été 2005, le détournement d'actifs de la Société SKP ; qu'aussi ce préjudice allégué par la société L. est sans lien avec la faute des commissaires ; que s'agissant par ailleurs de celui résultant de la perte des montants avancés en pure perte en compte courant de sa filiale de février 2005 à la déclaration de cession des paiements au mois d'août 2005, il correspond à la créance déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société SKP dont la société L. ne dispose plus puisqu'elle l'a cédée à la société L.Accessoires dans sa totalité ; qu'en conséquence la société L. ne démontre pas l'existence d'un préjudice résultant de la faute des commissaires aux comptes et elle est déboutée de ses prétentions à réparation ; que la société L.Accessoires se prévaut d'un préjudice d'un montant total de 4 724 542,15 euros et consistant d'une part dans la perte des créances détenues sur la société SKP incluant les créances rachetées dans le cadre de la procédure collective pour un montant déclaré et admis au passif de 4 325 479,20 euros qui a résulté de la procédure de liquidation judiciaire de celle-ci, d'autre part dans les sommes payées par elle pendant le cours de la procédure de liquidation de la société SKP engagées en pure perte pour un total de 376 104 euros soient 245 000 euros le 17 décembre 2007 et 135 404 euros le 2 avril 2008 outre les frais d'avocats de 22 658,95 € ; que s'agissant de la perte des créances qu'elle a rachetées en novembre 2007, il apparaît que ce rachat est postérieur à l'ouverture de la liquidation judiciaire et qu'il visait à y mettre un terme alors que le dirigeant du groupe Kelian était poursuivi pour des faits de complicité de banqueroute pour lesquels il sera condamné définitivement par arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 6 février 2012 ; que celui-ci se prévaut dans le cadre de la procédure pénale du moyen écarté par la cour d'appel de Grenoble selon lequel le délit ne serait pas constitué dès lors que la procédure collective avait fait l'objet d'une clôture pour extinction du passif, la cour constatant que le délit était antérieur à la clôture et que celle-ci avait été obtenue parce que l'une des sociétés du groupe dirigé par [Z] [G] avait procédé au rachat des créances puis renoncé irrévocablement à l'exigibilité de celles-ci ; que ce rachat est donc sans lien avec la faute du commissaire aux comptes mais résulte du choix de l'actionnaire de la société SKP de mettre fin aux opérations de liquidation judiciaire de celle-ci alors même qu'elle ne pouvait ignorer à cette date que ce rachat ne lui permettrait pas de recouvrer sa créance et qu'il poursuivait un autre but ; que s'agissant des sommes payées par elle pendant le cours de la procédure de liquidation elles répondent à sa volonté d'intervenir à la procédure de liquidation dont il a été démontré précédemment qu'elle n'aurait pas pu être évitée par le lancement de l'alerte au mois de février 2005,

1) ALORS QUE le commissaire aux comptes doit attirer l'attention des dirigeants et actionnaires sur les faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, pour qu'ils puissent prendre les décisions qui s'imposent ; que le commissaire aux comptes qui manque à son devoir d'alerte fait perdre une chance au dirigeants et actionnaires de prendre les décisions qui s'imposent et de limiter les pertes ; que pour rejeter la demande de la société L., la cour d'appel a retenu qu'elle avait cédé sa créance ; qu'en ne recherchant pas si la société L., qui ne demandait pas le règlement de sa créance mais à être indemnisée de son préjudice, n'avait pas subi des pertes du fait des sommes investies durant la période litigieuse, sans avoir été informée par le commissaire aux comptes que les conditions de la poursuite d'activité n'étaient pas réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable ;

2) ALORS QUE la cour d'appel a retenu que les pertes résultant du rachat, par la société L. Accessoires, des créances sur la société SKP étaient sans lien avec la faute du commissaire aux comptes mais résultaient du choix de l'actionnaire de mettre un terme aux opérations de liquidation judiciaire ; qu'en ne recherchant pas si, indépendamment du choix d'éteindre le passif, ces pertes, générées pendant la période durant laquelle l'activité avait été poursuivie quand les faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation étaient constitués et connus du commissaire aux comptes qui s'était abstenu de les porter à la connaissance des dirigeants et des actionnaires, auraient pu être évitées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable ;

3) ALORS QU'en retenant que la société L. ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice du fait des sommes versées en compte courant, car elle avait cédé la créance, et que la société L. Accessoires, qui avait racheté cette créance et renoncé à en demander le paiement, n'avait pas davantage de préjudice à faire valoir, la cour d'appel, qui a en définitive laissé sans réparation le préjudice résultant des sommes investies en pure perte entre février et août 2005, et qui auraient pu être évitées ou limitées si le commissaire aux comptes avait satisfait à son devoir d'alerte, la cour d'appel a violé le principe selon lequel la réparation du préjudice doit être intégrale ;

4) ALORS QU'en énonçant que la déclaration de cessation des paiements était la conséquence de la décision de la société L., qui avait décidé de cesser, en juillet 2005, de soutenir la société SKP ; sans rechercher si, saisis dès février 2005 d'une alerte dont les conditions étaient réunies, les actionnaires n'auraient pu mettre en oeuvre des actions et envisager une autre stratégie de croissance, avant que l'ampleur des pertes ne compromette définitivement le projet du groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Mazars et M. [O].

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevables les actions en responsabilité introduites par la SAS L et la société L Accessoires ;

1°/ ALORS QUE les créanciers d'une société à l'égard de laquelle a été ouverte une procédure en liquidation judiciaire ne sont recevables à agir en responsabilité contre un tiers qu'à la condition de justifier d'un préjudice personnel et distinct de celui subi par la collectivité des créanciers de la société en liquidation et non par cette société elle-même ; qu'en affirmant que la société L Accessoires était recevable à agir dès lors qu'elle se prévalait d'un préjudice personnel et distinct de celui subi par la société SKP en liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce ;

2°/ ALORS QUE constitue un préjudice collectif, dont la réparation relève du monopole du liquidateur judiciaire, celui affectant le gage commun des créanciers, c'est-à-dire celui résultant de l'amoindrissement ou la disparition du patrimoine de la société en liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté d'une part, que la société L Accessoires agissait en responsabilité contre le commissaire aux comptes en vue d'obtenir réparation des pertes essuyées et gains manqués d'un montant total de 4.724.542,15 euros déclaré au passif de la procédure collective de la société SKP et d'autre part, que la société L sollicitait la réparation du préjudice consistant en la somme de 2.591.000 euros avancée en pure perte en compte courant de la société SKP ; qu'ainsi, les préjudices dont la réparation était sollicitée résultaient de la dégradation du gage commun de la société SKP et n'étaient pas distincts de celui subi collectivement par l'ensemble des créanciers de cette société ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce ;

3°/ ALORS QUE pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les exposants tirée du défaut de qualité à agir de la société L Accessoires à raison de la renonciation, par cette dernière, à l'exigibilité des créances déclarées au passif de la société SKP en liquidation judiciaire, la cour d'appel a affirmé que cette renonciation interdisait seulement à la société L Accessoires d'exiger les créances déclarées dans le cadre de la procédure collective et non d'agir contre un tiers sur le fondement délictuel (cf. arrêt p. 5, §1 et §2) ; qu'en statuant ainsi, tout en ayant constaté que cette dernière sollicitait une réparation au titre de la somme de « 4 724 542,15 euros déclarée et admise au passif de la procédure de liquidation de la société SKP » (cf. arrêt p. 5, § 6), la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QU'après avoir constaté que la société L avait cédé à la société L Accessoires sa créance correspondant à l'avance en compte courant réalisée au profit de la société SKP pour un montant de 1.544.173,13 euros, la cour d'appel ne pouvait retenir que la société L avait qualité à agir pour l'ensemble de ses demandes, y compris pour celle sollicitant une réparation au titre des sommes avancées en compte courant de la société SKP, sans méconnaître les conséquence légales de ses propres constatations, en violation de l'article 122 du code de procédure civile ;

5°/ ALORS QUE le délai de prescription de l'action en responsabilité court à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, à compter de sa révélation à la victime ; qu'en l'espèce, le fait dommageable dénoncé par les appelantes consistait en l'absence de déclenchement de la procédure d'alerte par le commissaire aux comptes en 2005 ; que la cour d'appel a constaté que ce fait avait été révélé à l'occasion des investigations du chef de fausse procédure d'alerte dans le cadre de la procédure pénale initiée en 2005 à l'encontre de M. [O] et ayant abouti à un jugement rendu par le tribunal correctionnel de Valence le 27 janvier 2011, ayant relaxé ce dernier du chef dudit délit ; qu'il en résulte que c'est à la date de ce jugement que les appelantes ont eu, au plus tard, connaissance du fait dommageable de sorte que l'action en responsabilité engagée le 27 février 2015, soit après l'expiration du délai triennal prévu à l'article L. 822-18 du code de commerce, par renvoi à l'article L. 225-254 du même code, était prescrite ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé ces textes, par fausse application ;

6°/ ALORS QUE pour retenir que l'action introduite par les sociétés L et L Accessoires le 27 janvier 2015 n'était pas prescrite, la cour d'appel a affirmé que « dans l'hypothèse où la prescription ne court que du jour où les droits de la victime du fait dommageable imputé aux commissaires au compte ont été reconnus par une décision de justice, le point de départ de la prescription est le jour où ces droits ont été reconnus par une décision passée en force de chose jugée », de sorte que la prescription triennale avait, en l'espèce, commencé à courir à compter de la date de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble rendu le 6 février 2012, ayant partiellement réformé le jugement du 27 janvier 2011 rendu par le tribunal correctionnel de Valence (cf. arrêt p. 6, §8 à §9) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le droit à réparation invoqué par les appelantes – tout comme le fait dommageable dénoncé par ces dernières, à savoir l'absence de déclenchement d'une procédure d'alerte par le commissaire aux comptes – n'avait pas été reconnu par l'arrêt d'appel du 6 février 2012 lequel avait confirmé, sur ce point, le jugement qui avait relaxé le commissaire aux comptes des chefs de fausse procédure d'alerte, la cour d'appel a violé les articles L. 822-18 et L. 225-254 du code de commerce.

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