9 June 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-20.688

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100473

Titres et sommaires

SUCCESSION - Partage - Demande - Demande relative à l'établissement de l'actif et du passif - Nature - Détermination - Portée

Aux termes de l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par l'alinéa 1 ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse

APPEL CIVIL - Demande nouvelle - Recevabilité - Conditions - Défense à une prétention adverse - Applications diverses - Demande en matière de partage

PARTAGE - Action en partage - Demande relative à l'établissement de l'actif et du passif - Nature - Détermination - Portée

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juin 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 473 FS-B

Pourvoi n° A 20-20.688




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022

Mme [P] [D], épouse [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-20.688 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [K] [D], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Mme [T] [D], domiciliée [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [P] [D], de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [K] [D] et de Mme [T] [D], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mmes Dard et Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2020), [G] [J] et [K] [D] sont décédés respectivement les 2 juin 2014 et 6 juin 2016, en laissant pour leur succéder leurs trois enfants, [K], [P] et [T].

2. Des difficultés se sont élevées au cours des opérations de comptes, liquidation et partage des successions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Mme [P] [L] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les prétentions formées dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, alors « que sont en tout état de cause recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions ou pièces adverses ; qu'en ne recherchant pas si l'augmentation du quantum des demandes de rapport ne constituait pas une réplique aux pièces et conclusions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 910-4 du code de procédure civile :

5. En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par son alinéa 1er ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses.

6. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

7. Pour déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formées par Mme [L] au titre des rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] dans ses conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, l'arrêt retient qu'en l'absence de survenance ou de révélation d'un fait postérieur à leurs écritures déposées dans les délais des articles 908, 909 et 910 du code de procédure civile, ne sont recevables que les prétentions formées par Mme [L] dans ses conclusions du 26 novembre 2018 formant appel incident et que les prétentions contenues dans les conclusions postérieures se heurtent à l'irrecevabilité édictée par l'article 910-4 du même code.

8. En statuant ainsi, alors que les prétentions formées par Mme [L] dans ses dernières conclusions portaient sur de nouvelles demandes de rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] et avaient donc trait au partage de l'indivision successorale, de sorte qu'elles devaient s'analyser en une défense aux prétentions adverses, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les prétentions nouvelles formées par Mme [L] au titre des rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019,prétentions nouvelles formées par de Mme [L], l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne M. [K] [D] et Mme [T] [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme [P] [D].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme [P] [L] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les prétentions formées dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019,

1) ALORS QU'à peine d'irrecevabilité les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; que cette exigences ne fait pas obstacle à ce qu'une partie actualise ses demandes, en en modifiant le quantum; que dans ses conclusions du 26 novembre 2018, Mme [P] [L] formait des demandes de rapport contre Mme [T] [D] et M. [K] [D] ;
qu'en retenant, pour les déclarer irrecevables, que les augmentations du quantum des demandes constituaient des prétentions ultérieures au sens de l'article 910-4 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé cette disposition, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2) ALORS QUE sont en tout état de cause recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions ou pièces adverses ; qu'en ne recherchant pas si l'augmentation du quantum des demandes de rapport ne constituait pas une réplique aux pièces et conclusions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Mme [P] [L] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. [K] [D] à rapporter à la succession de chacun de ses parents la seule somme de 5.000 €,

ALORS QUE tout héritier doit rapporter à ses cohéritiers ce qu'il a reçu du défunt par donation ; que la cour d'appel a constaté que M. [K] [D] avait reçu de son père, le 5 octobre 2005, un don manuel de 45.734 € ; qu'en énonçant, pour dire que cette somme n'avait pas à être rapportée, que M. [K] [D] l'avait ensuite lui-même donnée à ses enfants, la cour d'appel, qui s'est déterminée au regard de l'utilisation faite par le donataire des sommes reçues, s'est prononcée par des motifs inopérants et n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles 843 et suivants du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Mme [P] [L] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté ses demandes de tendant au rapport par Mme [T] [D] de divers biens et oeuvres figurant au procès-verbal de constat du 21 juillet 2017 et dans l'inventaire du 2 mai 2009,

1) ALORS QUE les présents d'usage sont dispensés de rapport ; que constitue un présent d'usage, la libéralité faite à l'occasion d'un évènement particulier qu'il est d'usage de célébrer et d'une valeur modeste au cours de l'état de fortune du donateur ; que pour dispenser Mme [T] [D] du rapport d'un certain nombre d'objets, la cour d'appel a retenu qu'elle les avait reçus de ses parents à titre de présents d'usage ; qu'en ne précisant pas à quelles occasions correspondaient ces présents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 852 du code civil ;

2) ALORS QUE pour dire que Mme [T] [D] avait bénéficié de présents d'usage de la part de ses parents, la cour d'appel a seulement énoncé que celle-ci et ses enfants avaient « nécessairement » reçu des objets décoratifs ; que la cour d'appel qui a ainsi statué par un motif d'ordre général n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Mme [P] [L] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté ses demandes aux fins de condamnation de M. [K] [D] et de Mme [T] [D] aux peines du recel successoral,

1) ALORS QUE le recel vise toutes les fraudes au moyen desquelles un héritiers cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l'égalité du partage ; que la fraude s'apprécie en la personne accusée de recel ; que pour écarter le recel invoqué par Mme [P] [L] à l'encontre de ses cohéritiers, la cour d'appel a énoncé qu'elle disposait, en qualité de tutrice, de l'ensemble des pièces bancaires du défunt et n'ignorait pas sa pratique de dons ; qu'en se prononçant en référence à la personne de Mme [P] [L], sans rechercher si M. [K] [D] et Mme [T] [D], contre lesquels le recel était invoqué, n'avaient pas dissimulé des donations rapportables à la succession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 792 du code civil devenu 778 du code civil ;

2) ALORS QUE, pour écarter le recel, la cour d'appel a retenu que Mme [P] [L] avait, en qualité de tutrice du défunt, accès à tous les comptes bancaires ; qu'en se prononçant pas un motif inopérant au regard du recel des objets d'art, sur lequel portait la demande, la cour d'appel a violé l'article 792 devenu 778 du code civil ;

3) ALORS QUE la cassation à intervenir sur les demandes de rapport entrainera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt sur la question du recel, par application de l'article 624 du code de procédure civile.

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