25 May 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-23.598

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00624

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022




Cassation


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 624 F-D

Pourvoi n° P 20-23.598




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MAI 2022

1°/ M. [U] [H], domicilié [Adresse 2],

2°/ le syndicat CGT UGECAM Nord Est, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° P 20-23.598 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud homale), dans le litige les opposant :

1°/ à l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie (UGECAM) Nord Est, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [H] et du syndicat CGT UGECAM Nord Est, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie Nord Est, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [H] et au syndicat CGT Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie (UGECAM) Nord Est du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 15 octobre 2020), M. [H] a été engagé à compter du 10 juin 2003 par l'UGECAM Nord Est en qualité de moniteur éducateur au sein de l'institut médico éducatif de Ville-en-Selve. Il occupait en dernier lieu les fonctions d'éducateur spécialisé.

3. A compter du 8 octobre 2012, il a été élu délégué du personnel suppléant et membre du comité d'entreprise.

4. Soutenant faire l'objet de discrimination syndicale et de harcèlement moral, le salarié et le syndicat CGT UGECAM Nord Est ont saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral, alors « qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que les faits invoqués par M. [H] faisaient présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel a retenu que les éléments médicaux et personnels produits sont insuffisants à caractériser la dégradation de l'état de santé du salarié en lien avec les conditions d'exercice de sa profession" et a conclu que la situation de harcèlement n'est pas établie" ; qu'en statuant sans avoir apprécié si l'UGECAM prouvait que l'ensemble de ses agissements n'étaient pas constitutifs de harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige :

6. Il résulte de ces textes que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

7. Pour rejeter les demandes du salarié au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient d'abord que le salarié produit suffisamment d'éléments pour remplir la charge de la preuve qui lui incombe et considère que pris dans leur ensemble ces éléments sont suffisants à laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

8. Il retient ensuite que les éléments médicaux et personnels produits sont insuffisants à caractériser la dégradation de l'état de santé du salarié en lien avec les conditions d'exercice de sa profession, aucune mention n'étant précisée sur les arrêts maladie sur ce lien, que les éléments produits par le salarié ne sont pas suffisamment probants et que l'examen du compte rendu du comité d'entreprise ne caractérise pas de propos harcelants ou faussement incriminants du salarié.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que le salarié présentait des éléments qui, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les agissements invoqués étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

10. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de rejeter les demandes formées au titre de la discrimination syndicale, alors :

« 1°/ que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que M. [H] établit l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre", la cour d'appel a énoncé que, concernant le refus de financement de formations, l'employeur énonce sans être spécifiquement démenti que Monsieur [H] n'a pas demandé la prise en charge des frais afférents à la VAE. Monsieur [H] ne verse pas de pièces en ce sens", que les pièces produites par le salarié sont insuffisantes à établir un refus discriminatoire de l'employeur de décaler l'entretien en raison d'une délégation syndicale", qu'elle écarte spécifiquement que l'existence de l'agression de Monsieur [H] sur son lieu de travail alors qu'il était en position de tractage par un autre salarié soit constitutive d'une discrimination syndicale imputable à l'employeur. La cour écarte également le courrier de l'inspection du travail en date du 8 août 2014, retenu par les premiers juges, qui ne mentionne ni discrimination ni entrave" ; qu'en statuant ainsi, en faisant peser la charge de la preuve sur le salarié et sans constater que les faits établis étaient objectivement justifiés par l'UGECAM par des motifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

2°/ que la discrimination syndicale peut viser l'ensemble des syndicats ; qu'après avoir constaté que M. [H] établit l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre, la cour d'appel a énoncé qu' "une adhérente à un autre syndicat rapporte…que ses tracts lui étaient régulièrement retournés ou détruits, ce qui démontre l'hostilité visait les syndicats en général et non particulièrement Monsieur [H]. L'ensemble des documents produits rapportent un climat social dégradé, dont l'imputation est discutée" ; qu'en statuant par des motifs inopérants et sans avoir constaté que cette situation était objectivement justifiée l'employeur par des motifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail :

11. En application de ces textes, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

12. Pour rejeter la demande au titre de la discrimination syndicale, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié présentait des éléments matériellement établis laissant présumer l'existence d'une discrimination, écarte ensuite toute discrimination en retenant, notamment, s'agissant du tractage, qu'une adhérente à un autre syndicat rapporte également que ses tracts lui étaient régulièrement retournés ou détruits, ce qui démontre que l'hostilité visait les syndicats en général et non particulièrement le salarié, l'ensemble des documents établissant un climat social dégradé, et, s'agissant des évaluations, que les pièces produites par le salarié sont insuffisantes à établir un refus discriminatoire de l'employeur à décaler l'entretien.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que le salarié présentait des éléments qui laissaient présumer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que ces faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie et la condamne à payer à M. [H] et au syndicat CGT UGECAM Nord Est la somme de 1 500 euros chacun ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.










MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. [H], le syndicat CGT UGECAM Nord Est


PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [H] et le syndicat CGT UGECAM NORD EST font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande au titre du harcèlement moral ;

ALORS QU'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que les faits invoqués par M. [H] faisaient présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel a retenu que « les éléments médicaux et personnels produits sont insuffisants à caractériser la dégradation de l'état de santé du salarié en lien avec les conditions d'exercice de sa profession » et a conclu que « la situation de harcèlement n'est pas établie » ; qu'en statuant sans avoir apprécié si l'UGECAM prouvait que l'ensemble de ses agissements n'étaient pas constitutifs de harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [H] et le syndicat CGT UGECAM NORD EST font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande au titre d'une discrimination syndicale ;

ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que « M. [H] établit l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre » (arrêt p. 6), la cour d'appel a énoncé que, concernant le refus de financement de formations, « l'employeur énonce sans être spécifiquement démenti que Monsieur [H] n'a pas demandé la prise en charge des frais afférents à la VAE. Monsieur [H] ne verse pas de pièces en ce sens », que « les pièces produites par le salarié sont insuffisantes à établir un refus discriminatoire de l'employeur de décaler l'entretien en raison d'une délégation syndicale », qu'elle « écarte spécifiquement que l'existence de l'agression de Monsieur [H] sur son lieu de travail alors qu'il était en position de tractage par un autre salarié soit constitutive d'une discrimination syndicale imputable à l'employeur. La cour écarte également le courrier de l'inspection du travail en date du 8 août 2014, retenu par les premiers juges, qui ne mentionne ni discrimination ni entrave » ; qu'en statuant ainsi, en faisant peser la charge de la preuve sur le salarié et sans constater que les faits établis étaient objectivement justifiés par l'UGECAM par des motifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la discrimination syndicale peut viser l'ensemble des syndicats ; qu'après avoir constaté que M. [H] établit l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre (arrêt p. 6), la cour d'appel a énoncé qu'« une adhérente à un autre syndicat rapporte…que ses tracts lui étaient régulièrement retournés ou détruits, ce qui démontre l'hostilité visait les syndicats en général et non particulièrement Monsieur [H]. L'ensemble des documents produits rapportent un climat social dégradé, dont l'imputation est discutée » ; qu'en statuant par des motifs inopérants et sans avoir constaté que cette situation était objectivement justifiée l'employeur par des motifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

ALORS ENFIN, QU'après avoir constaté que s'agissant de l'inégalité de traitement concernant son salaire, M. [H] indiquait qu'il n'avait pas bénéficié de la même progression de salaire que les collègues placés dans la même situation que lui, notamment qu'il n'avait pas été gratifié d'un point de compétence permettant une augmentation salariale qu'après le déclenchement de la procédure en décembre 2016, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que cette situation était objectivement justifiée par l'employeur par des motifs étrangers à toute discrimination, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.

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