18 May 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.444

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00606

Texte de la décision

SOC.

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mai 2022




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 606 F-D

Pourvoi n° X 20-21.444




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MAI 2022

La société Casino services, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-21.444 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant au comité social et économique de la société Casino services, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Casino services, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique de la société Casino services, après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 22 octobre 2020), le comité social et économique de la société Casino services (la société) a décidé le 22 octobre 2019 de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, mentionnée au 3° de l'article L. 2312-17 du code du travail. Il a désigné le cabinet Syndex qui, les 25 octobre, 5 et 11 décembre 2019, a notamment sollicité auprès de la société la transmission de certaines informations sociales individuelles.

2. Invoquant l'insuffisance des éléments transmis, le comité social et économique a fait citer la société, le 21 janvier 2020, devant le président du tribunal judiciaire, selon la procédure accélérée au fond.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à transmettre à l'expert, dans un délai de dix jours à compter de la signification de la décision, les informations individuelles sous matricule pour les trois années 2017-2018-2019 selon le format suivant : - pour les salariés jusqu'au niveau 8 inclus : précision du lieu de travail pour chacun des matricules et chacune des années et réintégration de l'ensemble des informations anonymisées relatives aux populations inférieures à cinq salariés relevant de la même fonction, - pour les salariés relevant des niveaux 9, 9+ et HC : extractions brutes des informations anonymisées sous une forme identique à celles déjà reçues, intégrant en plus le lieu de travail, mais excluant les informations suivantes : « unité structurelle » et « qualification » regroupées dans les colonnes Q et R des fichiers déjà communiqués, de liquider l'astreinte provisoire ordonnée, de la condamner à payer au comité social et économique une certaine somme à ce titre et d'ordonner une nouvelle astreinte, alors :

« 1) que lorsqu'un expert est désigné par le comité social et économique dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, prévue à l'article L. 2312-26
du code du travail, l'employeur n'est tenu de lui communiquer que les pièces utiles à cette consultation, c'est-à-dire les éléments recensés à l'article R. 2312-20 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu au contraire, adoptant en cela les motifs des premiers juges, que le comité social et économique pouvait légitimement solliciter la communication à son expert d'autres éléments « ''bruts'', pris à la source », cette production étant ''nécessaire à la réalisation de la mission d'analyse de l'expert et ne constitue pas un abus de droit'', en soulignant que ''Ces éléments sont en effet de nature à permettre une analyse complète sur 20 % de la population exclue des données fournies par l'employeur, en matière de promotion, de qualification et d'égalité professionnelle entre hommes et femmes, et ce sur la totalité du périmètre social, alors que l'agglomération des données produites par la société, est susceptible de fausser l'analyse notamment en gommant les écarts de salaire qui pourraient s'avérer importants dans ces catégories professionnelles ainsi que les changements annuels de ces populations de cadres'' ; qu'il en résulte que la cour d'appel a violé l'article L. 2315-83 du code du travail, ensembles les articles L. 2312-26 et R. 2312-20 du même code ;

2) que les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que les éléments dont la transmission à l'expert était sollicitée par le comité social et économique étaient inexistants ; qu'en affirmant cependant ''qu'il n'est pas contesté que les documents en question existent'' et que la société Casino services ''se borna[i]t à soutenir qu'elle a répondu aux exigences de l'article R. 2312-9 du code du travail portant sur la composition de la base de données prévue à l'article L. 2312-18'', la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 2315-91 du code du travail, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi mentionnée au 3° de l'article L. 2312-17.

5. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, de ce code, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.

6. En application de l'article L. 2315-83 du même code, l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission.

7. D'une part, ayant constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments produits au débat, que l'existence des informations individualisées et anonymisées sollicitées par l'expert n'était pas contestée par la société, la cour d'appel n'encourt pas le grief de dénaturation invoqué par la seconde branche du moyen.

8. D'autre part, ayant énoncé que la production de ces éléments « bruts », pris à la source, s'avérait nécessaire à la réalisation de la mission d'expertise, dès lors qu'ils étaient de nature à permettre une analyse complète sur 20 % de la population exclue des données fournies par l'employeur, en matière de promotion, de qualification et d'égalité professionnelle entre hommes et femmes, et ce sur la totalité du périmètre social, alors que l'agglomération des données produites par la société était susceptible de fausser l'analyse, notamment en gommant les écarts de salaire qui pourraient s'avérer importants dans ces catégories professionnelles ainsi que les changements annuels de ces populations de cadres, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, peu important que les informations demandées ne soient pas au nombre de celles devant figurer dans la base de données économiques et sociales en application des articles L. 2312-36, R. 2312-9 et R. 2312-20 du code du travail.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Casino services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Casino services et la condamne à payer au comité social et économique de la société Casino services la somme de 3 000 euros ;






Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Casino services


La société Casino services fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait fait droit à la demande du CSE de condamné la SAS Casino services à transmettre à la société d'expertise comptable Syndex, dans un délai de dix jours à compter de la signification de la décision, sous peine d'une astreinte, les informations individuelles sous matricule pour les trois années 2017-2018-2019 selon le format suivant : - pour les salariés jusqu'au niveau 8 inclus : précision du lieu de travail pour chacun des matricules et chacune des années et réintégration de l'ensemble des informations anonymisées relatives aux populations inférieures à 5 salariés relevant de la même fonction, - pour les salariés relevant des niveaux 9, 9+ et HC : extractions brutes des informations anonymisées sous une forme identique à celles déjà reçues, intégrant en plus le lieu de travail, mais excluant les informations suivantes : « unité structurelle » et « qualification » regroupées dans les colonnes Q et R des fichiers déjà communiqués ; d'AVOIR liquidé l'astreinte provisoire ordonnée par le tribunal judiciaire de Saint-Étienne le 14 février 2020 : - à la somme de 3 900 Euros pour la période du 28 février 2020 au 11 mars 2020, - à la somme de 25 800 Euros pour la période du 24 juin 2020 au 17 septembre 2020, d'AVOIR en conséquence la société Casino services à payer au comité économique et social la somme de 29 700 Euros et dit que les informations devront être transmises à la société d'expertise comptable Syndex dans le délai de 10 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 1 000 Euros par jour de retard ;

1) ALORS QUE lorsqu'un expert est désigné par le CSE dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, prévue à l'article L.2312-26 du code du travail, l'employeur n'est tenu de lui communiquer que les pièces utiles à cette consultation, c'est-à-dire les éléments recensés à l'article R.2312-20 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu au contraire, adoptant en cela les motifs des premiers juges, que le CSE pouvait légitimement solliciter la communication à son expert d'autres éléments « "bruts", pris à la source », cette production étant « nécessaire à la réalisation de la mission d'analyse de l'expert et ne constitue pas un abus de droit », en soulignant que « Ces éléments sont en effet de nature à permettre une analyse complète sur 20 % de la population exclue des données fournies par l'employeur, en matière de promotion, de qualification et d'égalité professionnelle entre hommes et femmes, et ce sur la totalité du périmètre social, alors que l'agglomération des données produites par la société, est susceptible de fausser l'analyse notamment en gommant les écarts de salaire qui pourraient s'avérer importants dans ces catégories professionnelles ainsi que les changements annuels de ces populations de cadres » ; qu'il en résulte que la cour d'appel a violé l'article L.2315-83 du code du travail, ensembles les articles L.2312-26 et R.2312-20 du même code ;

2) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que les éléments dont la transmission à l'expert était sollicitée par le CSE étaient inexistants (conclusions d'appel page 32, § 6 et page 33, §4) ; qu'en affirmant cependant « qu'il n'est pas contesté que les documents en question existent » et que la société Casino services « se borna[i]t à soutenir qu'elle a répondu aux exigences de l'article R.2312-9 du code du travail portant sur la composition de la base de données prévue à l'article L.2312-18 », la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.

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