18 May 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.852

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00297

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Sauvegarde - Période d'observation - Poursuite de l'activité - Régime de faveur des créances nées après le jugement d'ouverture - Conditions - Naissance pour les besoins de la procédure - Applications diverses - Impôt sur les sociétés

Il résulte de la combinaison des articles L.622-17, I, du code de commerce et 38 du code général des impôts que, lorsque la clôture de l'exercice fiscal, qui, seule permet de déterminer le bénéfice net imposable, est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, le paiement de l'impôt sur les sociétés constitue pour les entreprises qui y sont assujetties une obligation légale inhérente à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture donnant naissance à une créance éligible aux dispositions du premier texte. Il résulte de l'article 223-A du code général des impôts que, par l'intégration fiscale dans les conditions qu'il détermine, la société mère se constitue seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe

IMPOTS ET TAXES - Contributions directes et taxes assimilées - Impôt sur les sociétés - Fait générateur - Clôture de l'exercice comptable - Cas

IMPOTS ET TAXES - Contributions directes et taxes assimilées - Impôt sur les sociétés - Intégration fiscale - Personne redevable de l'impôt - Détermination - Société mère

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mai 2022




Cassation


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 297 F-B


Pourvois n°
R 20-21.852
E 20-21.888 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 MAI 2022

I - Le comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé parisien 1, chargé du recouvrement, agissant sous l'autorité du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, et du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° R 20-21.852 contre un arrêt (RG N° 19/11726) rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Hexagona, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [G] [V], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Hexagona,

3°/ à la société BCM, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Hexagona,

défenderesses à la cassation.

II - La société Hexagona, société par actions simplifiée, a formé le pourvoi n° E 20-21.888 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ au comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé parisien 1, chargé du recouvrement, agissant sous l'autorité du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, et du directeur général des finances publiques,

2°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Hexagona,

3°/ à la société BCM, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Hexagona,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur au pourvoi n° R 20-21.852 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° E 20-21.888 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé parisien 1, chargé du recouvrement, agissant sous l'autorité du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, et du directeur général des finances publiques, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Hexagona et de la société BCM, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 20-21.852 et E 20-21.888 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2020), la société Hexagona a bénéficié d'une procédure de sauvegarde le 12 juillet 2017, les sociétés BCM & associés et MJA étant désignées respectivement administrateur et mandataire judiciaires. Un plan de sauvegarde a été arrêté le 3 juillet 2018, la société BCM & associés étant désignée commissaire à l'exécution du plan.

3. Le 21 décembre 2017, le juge-commissaire a autorisé la transmission universelle à la société Hexagona du patrimoine de la société FFSG, sa filiale à 100 % . La somme correspondant à l'impôt sur les sociétés estimé dû par la société FFSG (2 255 095 euros) a été consignée entre les mains de l'administrateur, devenu commissaire à l'exécution du plan.

4. Le 28 mai 2018 l'administration fiscale, après avoir établi une situation au 31 décembre 2017, a émis un avis de mise en recouvrement et adressé à la société Hexagona une mise en demeure de payer le montant en résultant, que la société Hexagona a contesté.

5. Par requête du 22 novembre 2018, cette dernière a saisi le juge commissaire d'une demande aux fins de voir déclarée la créance fiscale non éligible aux dispositions de l'article L. 622-17, II, du code de commerce et de solliciter l'autorisation pour le commissaire à l'exécution du plan de se libérer à son profit de la consignation. Devant la cour d'appel, le comptable public a demandé l'inscription de la créance sur la liste des créances postérieures privilégiées.

Examen du moyen du pourvoi n° R 20-21.852, formé par le comptable public

Enoncé du moyen

6. Le comptable public fait grief à l'arrêt de dire que la créance postérieure du service d'imposition des entreprises n'est pas éligible au traitement préférentiel privilégié et de le débouter de sa demande d'inscription de cette somme sur la liste des créances postérieures privilégiées, alors « que l'impôt sur les sociétés en cause était une créance d'origine légale, et qu'elle était postérieure, car née régulièrement lors de la clôture de l'exercice comptable, après le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Hexagona ; qu'il était dès lors exclu qu'on puisse considérer que cet impôt ne constituait pas, en ce qui concerne cette société, la contrepartie d'une prestation fournie et n'était pas née pour les besoins de la procédure ou encore qu'elle ne serait une créance utile qu'à l'égard de la société absorbée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-17, I, du code de commerce, 38 et 223-A du code général des impôts :

7. Il résulte de la combinaison des deux premiers textes que, lorsque la clôture de l'exercice fiscal, qui, seule permet de déterminer le bénéfice net imposable, est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, le paiement de l'impôt sur les sociétés constitue pour les entreprises qui y sont assujetties une obligation légale inhérente à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture donnant naissance à une créance éligible aux dispositions du premier texte. Il résulte du dernier texte que, par l'intégration fiscale dans les conditions qu'il détermine, la société mère se constitue seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe.

8. Pour dire que la créance fiscale ne bénéficie pas du traitement privilégié, l'arrêt, après avoir constaté que la société FFSG était une filiale fiscalement intégrée à la société mère Hexagona, retient que, si en application de l'article 223-A du code général des impôts, c'est sur cette société que l'administration fiscale détient une créance d'impôt, cette dernière, née à la clôture de l'exercice fiscal à raison du résultat bénéficiaire, résulte exclusivement du produit de la cession réalisée par la filiale le 26 janvier 2017. Il en déduit que la créance fiscale n'est pas née en contrepartie d'une prestation fournie par la société débitrice ni pour les besoins du déroulement de sa procédure.

9. En statuant ainsi tout en constatant que la société filiale était, pendant toute l'année 2017, intégrée fiscalement à la société mère Hexagona, cette dernière étant débitrice de l'impôt sur les sociétés, calculé en tenant compte du résultat de la filiale, et que la clôture de l'exercice de la société Hexagona était postérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi n° E 20-21.888, formé par la société Hexagona, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Hexagona aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° R 20-21.852 par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le comptable, chef du pôle de recouvrement spécialisé parisien 1, chargé du recouvrement, agissant sous l'autorité du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, et du directeur général des finances publiques.

L'arrêt attaqué, critiqué par le comptable, encourt la censure ;

EN CE QU'il a dit que la créance postérieure du SIE d'un montant de 2.419.551 € n'était pas éligible au traitement préférentiel privilégié et débouté en conséquence le comptable de sa demande d'inscription de cette somme sur la liste des créances postérieures privilégiées de la société HEXAGONA ;

ALORS QU E l'impôt sur les sociétés en cause était une créance d'origine légale, et qu elle était postérieure car née régulièrement lors de la clôture de l'exercice comptable, après le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société HEXAGONA qu'il était dès lors exclu qu'on puisse considérer que cet impôt ne constituait pas en ce qui concerne cette société la contrepartie d'une prestation fournie et n'était pas née pour les besoins de la procédure ou encore qu'elle ne serait une créance utile qu'à l'égard de la société absorbée qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 622 17 du code de commerce. Moyen produit au pourvoi n° E 20-21.888 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Hexagona.

La société Hexagona reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de L'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir déclarer inopposable à la procédure collective la créance du SIE d'un montant de 2.419.551 euros, de l'AVOIR en conséquence déboutée de sa demande tendant à autoriser la Selarl BCM, prise en la personne de Me [E] ès qualités, à se libérer à son profit de la consignation d'un montant de 2.260.000 euros et d'AVOIR renvoyé les parties devant le juge-commissaire à fin qu'il soit statué sur l'admission au passif de la procédure collective de la société Hexagona de la créance du SIE d'un montant de 2.419.551 euros ;

1/ ALORS QUE les créances rejetées par le juge-commissaire de la liste des créances déposées au greffe sont réputées avoir été déclarées dans les conditions de l'article L. 622-24 du code de commerce ; que cette présomption n'est applicable que dans l'hypothèse où il s'agit de créances qui ont été rejetées de la liste déposée au greffe, ce qui suppose qu'elles aient été soumises à l'appréciation du juge-commissaire ; qu'en l'espèce, la créance litigieuse n'avait pas été rejetée de la liste des créances postérieures méritantes par le juge-commissaire, lequel s'était estimé incompétent pour apprécier le caractère méritant ou non de cette créance postérieure, de sorte que la présomption instituée par l'article R.622-15 du code de commerce ne pouvait recevoir application ; qu'en énonçant cependant que la créance était réputée, en application de l'article R. 622-15 du code de commerce, avoir été déclarée dans les conditions de l'article L.622-24 du code de commerce et qu'en conséquence, cette créance n'était pas inopposable à la procédure collective, la cour d'appel a violé les articles L.622-24 et R.622-15 du code de commerce ;

2/ ALORS QUE lorsque la cour d'appel infirme une décision du juge-commissaire s'estimant à tort incompétent pour statuer sur le caractère méritant ou non d'une créance postérieure et retient le caractère méritant de ladite créance, il lui appartient de statuer sur l'admission de celle-ci avec les pouvoirs du juge-commissaire qui lui sont dévolus par le recours dont elle est saisie ; qu'en renvoyant les parties devant le juge-commissaire à fin qu'il soit statué sur l'admission au passif de la procédure collective de la société Hexagona de la créance du SIE d'un montant de 2.419.551 euros, après avoir retenu le caractère non méritant de la créance, la cour d'appel a violé les articles L.624-2 du code de commerce et 561 du code de procédure civile.

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