20 April 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-80.828

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CR00636

Texte de la décision

N° M 22-80.828 F-D

N° 00636




20 AVRIL 2022

RB5





NON LIEU À RENVOI







M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 AVRIL 2022



M. [T] [S], partie civile, a présenté, par mémoire spécial reçu le 7 février 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, en date du 16 décembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [F] [B] du chef de violences avec arme, a prononcé sur les intérêts civils.

Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Maziau, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, en les termes « la formation déclare non admis les pourvois [...] non fondés sur un moyen sérieux de cassation », à la lumière de l'interprétation qui en est faite par la chambre criminelle de la Cour de cassation, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 1, 6, 8, 12 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au préambule et à l'article 1er de la Constitution de 1958 (principes constitutionnels d'égalité des citoyens devant la loi, de motivation et de publicité des décisions de justice, notamment en matière pénale, et d'accès à un recours juridictionnel effectif ) :

- en ce qu'elles autorisent la chambre criminelle, par arrêt non motivé et non publié, à refuser d'admettre un pourvoi au seul motif pris de ce que le moyen de cassation proposé par le requérant serait inopérant ou non sérieux :

- et en outre, lorsque plusieurs moyens sont proposés, à écarter un ou plusieurs de ces moyens jugés inopérants ou non sérieux, sans motivation et sans même faire état de la teneur du moyen ainsi évincé (« non-admission partielle »), alors :

1°/ que la pratique des arrêts dits de « non-admission partielle » n'existait pas au jour où les dispositions attaquées ont été déclarées conformes à la Constitution le 19 juin 2001 par décision n° 2001-445 DC ; qu'en effet, cette pratique, née ex-nihilo en matière pénale, n'a vu le jour que par mimétisme de la chambre criminelle envers ses voisines civilistes en application de l'article 1014 alinéa 2 du code de procédure civile : que, dès lors, la naissance de cette pratique en matière pénale constitue une circonstance de fait ou de droit nouvelle justifiant un nouvel examen par les sages ;

2°/ que ces dispositions ne sauraient se justifier par le principe constitutionnel de bonne administration de la justice, dès lors que le caractère prétendument inopérant ou non sérieux du moyen ne peut être mis en lumière qu'après analyse effective dudit moyen par la juridiction et par l'avocat général ; que cette analyse transparaît au travers du rapport rendu par le conseiller commis à cet effet et par l'avis rendu par l'avocat général ; que, dès lors, les dispositions attaquées n'ont ni pour objet, ni pour effet d'alléger la charge de travail des magistrats ; qu'en outre, l'analyse de l'admissibilité du pourvoi étant confondue avec l'analyse du pourvoi au fond, les décisions d'irrecevabilité ou de non-admission sont rendues dans des délais identiques aux arrêts de cassation ou de rejet (contrairement à la procédure devant le Conseil d'État) ; que, par ailleurs, la formation
restreinte prévue par l'article 567-1-1 peut tout aussi bien prononcer un arrêt de rejet dûment publié et motivé qu'un arrêt de non admission non motivé et non publié ; que, par suite, rien ne justifie de rendre un arrêt partiellement ou totalement non motivé et non publié de non-admission plutôt qu'un arrêt de rejet dûment publié et motivé, quitte à ce que l'arrêt de rejet reprenne in extenso les motifs développés par le conseiller-rapporteur ou l'avocat général ; ou, alternativement, quitte à publier, anonymisés, les avis rendus ainsi que le mémoire du requérant en annexe d'un arrêt non motivé mais publié ;

3°/ qu'en outre, les avis rendus par le conseiller-rapporteur et par l'avocat général, au demeurant non publiés, n'ont pas valeur d'une décision de justice et sont même susceptibles de se contredire l'un et l'autre ; que, dès lors, leur existence n'est pas par elle-même susceptible de se substituer à une décision de justice en bonne et due forme dont la lecture des motifs pénétrait à elle seule de comprendre le bien-fondé du dispositif, tant vis-à-vis des parties au procès que des tiers nécessairement affectés par l'effet erga omnes de l'interprétation de la loi et des règles prétoriennes dont la Cour de cassation a le devoir de préciser et d'harmoniser ;

4°/ que par suite, et enfin, en raison de la non-publicité couplée à la non-motivation de l'arrêt qui en découle, ces dispositions sont susceptibles d'entraîner des abus ou des dénis de justice de la part de la chambre criminelle, qui peut alors arbitrairement déclarer un pourvoi non-admis, animée par des motifs iniques, non conformes à la loi ou à sa propre jurisprudence, sans avoir à assumer les conséquences d'un revirement officiel ou d'une règle prétorienne contra legem, tant à l'égard de l'opinion publique que de la doctrine (ainsi qu'il ressort par exemple d'un arrêt de non-admission du 14 octobre 2020 n° 19-86.900, à l'occasion duquel la non-admission du pourvoi, formé à rencontre d'un arrêt confirmatif de refus d'informer, avait été sollicitée par le conseiller rapporteur et par l'avocat général, au visa de l'article 86 du code de procédure pénale, au motif contra legem que les faits Page 3 sur 11 dénoncés étaient « hypothétiques », ce qui autorisait le juge d'instruction à refuser d'informer nonobstant l'absence d'enquête préliminaire préalable et nonobstant le réquisitoire introductif contre X pris par le procureur) ? ».

2. Les dispositions de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 concernant la loi organique du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

3. La pratique des non-admissions partielles ne constitue pas un changement de circonstances de droit ou de fait, au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel qui, affectant la portée de la disposition législative critiquée, en justifierait le réexamen.

4. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt avril deux mille vingt-deux.

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