13 April 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.454

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00483

Texte de la décision

SOC.

ZB


COUR DE CASSATION
_____________________


Audience publique du 13 avril 2022




Cassation


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 483 F-D

Pourvoi n° V 20-22.454

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme. [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 juin 2021.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

La société KLB Group, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-22.454 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à Mme [I] [Y], domiciliée, [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la société KLB Group, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme [Y], après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, M. Desplan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 septembre 2020), la société KLB Group a transmis le 18 décembre 2014 un projet de contrat de travail à Mme [Y], laquelle l'a renvoyé modifié le 23 décembre 2014.

2. Estimant avoir été bénéficiaire d'une promesse d'embauche, Mme [Y] a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de juger la rupture de la promesse d'embauche abusive et de la condamner au paiement de diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour rupture abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la proposition d'embauche n'engage pas l'employeur si elle appelle une confirmation du consentement de son destinataire sur les éléments essentiels du contrat de travail qui y sont mentionnés ; que la partie variable de la rémunération constitue un élément essentiel du contrat ; qu'en l'espèce, la société KLB Group soutenait que la proposition du 18 décembre 2014 était accompagnée d'un avenant sur la partie variable de la rémunération qui n'a pas été signé par Mme [Y] ; qu'en décidant cependant que la société était engagée par une promesse valant contrat de travail, dans la mesure où l'absence de signature de l'avenant sur la part variable de la rémunération était sans emport, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1235-5 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 1221-1 du code du travail :

4. Il résulte de ces textes que la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

5. Pour retenir l'existence d'une promesse unilatérale d'embauche et condamner la société au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que le fait pour la société d'avoir concrétisé le 23 décembre 2014 une proposition de contrat mentionnant le salaire, la nature de l'emploi et prévoyant une entrée en fonction au 22 janvier 2015 suffit à convaincre de l'existence d'une promesse d'embauche valant contrat de travail, étant précisé que Mme [Y] a donné son accord sur ces éléments essentiels, et que le complément sur les responsabilités données comme l'absence de signature portant uniquement sur la part variable de la rémunération sont sans emport.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les pourparlers sur la détermination de la part variable de la rémunération s'étaient poursuivis, de sorte que la proposition ne valait pas contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour la société KLB Group

La société KLB Group fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé la rupture de la promesse d'embauche abusive et de l'avoir condamnée à payer à Mme [Y] les sommes de 3 333,33 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 333,33 euros bruts de congés payés afférents, 7000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Alors 1°) que l'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire ; que le projet de contrat de travail ne constitue pas une promesse d'embauche ; qu'en décidant néanmoins que l'écrit qui précisait l'emploi proposé et la date d'entrée en fonction valait contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

Alors 2°) que, à titre subsidiaire, la proposition d'embauche n'engage pas l'employeur si elle appelle une confirmation du consentement de son destinataire sur les éléments essentiels du contrat de travail qui y sont mentionnés ; que la partie variable de la rémunération constitue un élément essentiel du contrat ; qu'en l'espèce, la société KLB Group soutenait que la proposition du 18 décembre 2014 était accompagnée d'un avenant sur la partie variable de la rémunération qui n'a pas été signé par Mme [Y] ; qu'en décidant cependant que la société était engagée par une promesse valant contrat de travail, dans la mesure où l'absence de signature de l'avenant sur la part variable de la rémunération était sans emport, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1235-5 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016 ;

Alors 3°) que la société KLB Group soutenait devant la cour d'appel que « la Cour constatera que Madame [Y] a effectué des modifications du contrat de travail de manière manuscrite et unilatérale avant de le signer et de l'adresser en l'état à la Société KLB Group » (conclusions, p. 5) ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pourtant de nature à démontrer que la proposition signée par Mme [Y] ne pouvait valoir contrat de travail car la salariée l'avait modifiée de manière manuscrite, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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