13 April 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.199

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100332

Titres et sommaires

TESTAMENT - Testament-partage - Définition - Portée

Il résulte des articles 1075 et 1079 du code civil que le testament-partage est un acte d'autorité par lequel le testateur entend imposer le partage. En conséquence, des testaments prévoyant des attributions présentant un caractère facultatif pour leurs bénéficiaires ne peuvent être qualifiés de testaments-partage

TESTAMENT - Testament-partage - Qualification - Exclusion - Cas

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 332 FS-B

Pourvoi n° G 20-17.199




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022

M. [B] [X], domicilié [Adresse 5], [Localité 8], a formé le pourvoi n° G 20-17.199 contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant à M. [N] [X], domicilié [Adresse 1], 22220 Plouguiel, défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [B] [X], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [N] [X], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 février 2020), [T] [P] et [O] [X], époux communs en biens, sont décédés respectivement les 26 mai 2012 et 7 septembre 2015, en laissant pour leur succéder leurs fils, [N] et [B], et en l'état de deux testaments authentiques dressés le 23 avril 2003 et rédigés en des termes quasi-identiques, chacun des testateurs léguant la quotité disponible de sa succession à son fils [B] et offrant à celui-ci, outre une priorité sur le choix des meubles, la faculté de prélever à titre d'attribution un bien situé à [Localité 7] lui appartenant ([T] [P]) ou ses droits sur ce bien ([O] [X]) et à son fils [N] la même faculté à l'égard d'un bien situé à [Localité 8].

2. Des difficultés sont survenues lors du règlement des successions.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [B] [X] fait grief à l'arrêt de déclarer nuls les testaments, alors « que seul un testament-partage imposant aux héritiers et légataires le partage et portant sur la totalité de la succession exclut la possibilité pour le testateur de léguer un bien dépendant de la communauté et les dispositions de l'article 1423 du code civil ; qu'en l'espèce il résulte des termes clairs des testaments litigieux qu'aucun partage n'était imposé aux héritiers, puisqu'il n'était stipulé qu'une simple faculté de se faire attribuer certains biens ; qu'en outre la cour d'appel relève que lesdits testaments répartissaient « la quasi-totalité » du patrimoine et non la totalité ; qu'en décidant néanmoins qu'il s'agissait de testaments-partages, excluant l'application des dispositions de l'article 1423 du code civil, l'arrêt attaqué a violé les articles 1075 et 1079 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1075 et 1079 du code civil :

4. Il résulte de ces textes que le testament-partage est un acte d'autorité par lequel le testateur entend imposer le partage.

5. Pour déclarer nuls les testaments, l'arrêt retient que ceux-ci, rédigés de façon similaire et ayant pour objet de répartir entre les héritiers la quasi-totalité du patrimoine des époux, lesquels ont ainsi entendu procéder au partage de leurs biens, comprennent des dispositions portant sur les biens communs, ce qui excède la faculté accordée aux ascendants par l'article 1075 du code civil de procéder par anticipation au partage de leur succession, les dispositions de l'article 1423 du même code ne pouvant s'appliquer qu'aux légataires et non aux héritiers.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les attributions prévues par les testaments présentaient un caractère facultatif pour leurs bénéficiaires, de sorte que ces actes ne pouvaient être qualifiés de testaments-partage, la cour d'appel, qui n'en a pas tiré les conséquences légales, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare nuls les testaments du 23 avril 2003 de [O] [X] et d'[T] [P], épouse [X], l'arrêt rendu le 11 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne M. [N] [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] [X] et le condamne à payer à M. [B] [X] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [B] [X].

IL EST FAIT GRIEF l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nuls les testaments du 23 avril 2003 de M. [O] [X] et Mme [T] [P] épouse [X] ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article 1075 du code civil: « Toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits. Cet acte peut se faire sous forme de donation-partage ou de testament-partage. (…) ».
Aux termes de l'article 1423 du même code: « Le legs fait par un époux ne peut excéder sa part dans la communauté.
Si un époux a légué un effet de la communauté, le légataire ne peut le réclamer en nature qu'autant que l'effet, par l'événement du partage, tombe dans le lot des héritiers du testateur ; si l'effet ne tombe point dans le lot de ces héritiers, le légataire a la récompense de la valeur totale de l'effet légué, sur la part, dans la communauté, des héritiers de l'époux testateur et sur les biens personnels de ce dernier. ».
Le testament de M. [X] est rédigé comme suit : « Je maintiens les termes de la donation entre époux que j'ai consentie à mon conjoint.
Je lègue à mon fils [B] ma quotité disponible.
Je laisse la faculté, s'il le souhaite, à mon fils [B] de prélever à titre d'attribution mes droits (récompenses) sur la propriété à [Localité 7] au lieudit [Localité 6] qui appartient à ma femme.
Mon fils [N] aura la même faculté en ce qui concerne l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 8] dont il est locataire.
Ils auront un délai de trois mois après le décès de mon époux et de moi-même pour exercer cette faculté.
S'il existe un conflit sur la fixation de la valeur de ces immeubles, celle-ci sera fixée à dire d'expert nommé par le président du Tribunal de Grande Instance compétent.
Je désire qu'au décès du dernier d'entre nous, le passage que j'ai créé sur la propriété [Adresse 2] à [Localité 8] pour accéder à l'arrière de la propriété [Adresse 4], soit purement et simplement supprimé.
Lors du partage de notre mobilier, [B] choisira, en priorité, les meubles qu'il souhaite recevoir, les autres reviendront à [N]. », Le testament de Mme [X] est rédigé comme suit: « Je maintiens les termes de la donation entre époux que j'ai consentie à mon Conjoint.
Je lègue à mon fils [B] ma quotité disponible.
Je laisse la faculté, s'il le souhaite, à mon fils [B] de prélever à titre d'attribution la propriété qui m'appartient à [Localité 7] au lieudit Kergrenn.
Mon fils [N] aura la même faculté en ce qui concerne l'immeuble [Adresse 4] à [Localité 8] dont il est locataire.
Ils auront un délai de trois mois après le décès de mon époux et de moi-même pour exercer cette faculté.
S'il existe un conflit sur la fixation de la valeur de ces immeubles, celle-ci sera fixée à dire d'expert nommé par le président du Tribunal de Grande Instance compétent.
Je désire qu'au décès du dernier d'entre nous, le passage que j'ai créé sur la propriété [Adresse 2] à [Localité 8] pour accéder à l'arrière de la propriété [Adresse 4], soit purement et simplement supprimé.
Lors du partage de notre mobilier, [B] choisira, par priorité, les meubles qu'il souhaite recevoir, les autres reviendront à [N]. ».
Il ressort du projet de déclaration fiscale de Mme [X], que sont des actifs de communauté le montant des récompenses dues par la succession pour le financement par le patrimoine commun de l'acquisition des 6/7ème indivis de l'immeuble sis à [Localité 7], le bâtiment à usage de commerce situé [Adresse 3] à [Localité 8], le mobilier.
M. et Mme [X] ont rédigé de façon similaire des testaments qui ont pour objet de répartir entre les héritiers la presque totalité du patrimoine des époux, et ceci que les biens concernés soient propres ou communs. En procédant ainsi, ils ont entendu procéder au partage de leurs biens entre leurs héritiers.
La faculté accordée par l'article 1075 du Code civil aux ascendants de faire par anticipation le partage de leur succession est limitée aux biens dont chacun d'eux à la propriété et la libre disposition sans pouvoir être étendue aux biens communs. Les dispositions de l'article 1423 du même code ne peuvent s'appliquer qu'aux légataires et non aux héritiers, dont les parts, devant être déterminées au moment même du décès de l'ascendant, ne sauraient être subordonnées au résultat futur et incertain du partage de la communauté.
Dès lors que chacun de ces testaments emporte disposition de biens de communauté, ils ne peuvent qu'être annulés. » ;

ALORS QUE seul un testament-partage imposant aux héritiers et légataires le partage et portant sur la totalité de la succession exclut la possibilité pour le testateur de léguer un bien dépendant de la communauté et les dispositions de l'article 1423 du code civil ; qu'en l'espèce il résulte des termes clairs des testaments litigieux qu'aucun partage n'était imposé aux héritiers, puisqu'il n'était stipulé qu'une simple faculté de se faire attribuer certains biens ; qu'en outre la Cour d'appel relève que lesdits testaments répartissaient « la quasi-totalité » du patrimoine et non la totalité ; qu'en décidant néanmoins qu'il s'agissait de testaments-partages, excluant l'application des dispositions de l'article 1423 du code civil, l'arrêt attaqué a violé les articles 1075 et 1079 du code civil.

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