12 May 2015
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 13/07492

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER


2o chambre


ARRET DU 12 MAI 2015


Numéro d'inscription au répertoire général : 13/07492






Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 SEPTEMBRE 2013
TRIBUNAL DE COMMERCE DE RODEZ
No RG 2013000436






APPELANTE :


S.A.R.L. ALDI MARCHE TOULOUSE représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
ZAE les Cadeaux
81370 SAINT SULPICE
représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Amélie DORST, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant






INTIMEE :


S.A.S SOTOURDI prise en la personne de son représentant légal en exercice
Vaxergues le Haut
12400 SAINT AFFRIQUE
représentée par Me Yves GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Régis MERCIE, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant




ORDONNANCE DE CLOTURE DU 19 Mars 2015










COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 09 AVRIL 2015, en audience publique, Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :


Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence
Madame Brigitte OLIVE, Conseiller
Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller
qui en ont délibéré.


Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON




ARRET :


- contradictoire


- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;


- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


*
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Une publicité comparative est parue le 24 octobre 2012 dans un journal hebdomadaire gratuit de la presse locale (Le Saint Affricain), reproduisant un ticket de caisse du supermarché exploité sous l'enseigne ALDI à Saint Affrique (12400), censé représenter le "panier de la ménagère", à l'initiative de la SAS Sotourdi, exploitant un supermarché à l'enseigne SUPER U à Saint Affrique, dans la même zone de chalandise, auteur de cette publicité comparative avec ses produits de la marque "Bien vu !".


La SARL ALDI Marché Toulouse (ALDI), qui exploitait ce magasin, a fait assigner par acte d'huissier délivré le 27 décembre 2012 la société Sotourdi devant le tribunal de commerce de Rodez.


Considérant que les éléments produits dans cette publicité ne permettaient pas de faire une comparaison et se plaignant de l'absence d'information préalable sur la composition et la qualité des produits comparés, la société ALDI demandait la condamnation de la société Sotourdi pour publicité illicite et contrefaçon de marque caractérisant des actes de concurrence déloyale.


Par jugement contradictoire prononcé le 3 septembre 2013, le tribunal de commerce de Rodez a, notamment, au visa des articles L.121-8 du code de la consommation et L.713-3 du code de la propriété intellectuelle :
- dit et jugé que la publicité comparative effectuée par la société Sotourdi envers la société ALDI Marché Toulouse, était conforme aux dispositions de l'article L.121-8 du code de la consommation,
- débouté la société ALDI Marché Toulouse de l'ensemble de ses réclamations à l'encontre de la société Sotourdi,
- condamné la société ALDI Marché Toulouse aux dépens et à payer à la société Sotourdi la somme de 700,00 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.


Par déclaration d'appel parvenue au greffe de la cour le 14 octobre 2013, la SARL ALDI Marché Toulouse a relevé appel de ce jugement.


Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 28 avril 2014, la SARL ALDI Marché Toulouse soutient notamment que :
- l'hebdomadaire local "Le Saint-Affricain", contenant la publicité comparative litigieuse était diffusé à 10.000 exemplaires dans le Sud-Aveyron, où se trouve Saint-Affrique,
- la publicité comparait un ticket de caisse du magasin ALDI, d'un montant total de 76,69 ¿ et un ticket de caisse du magasin SUPER U, d'un montant de 69,61 ¿ pour vanter le discount de ce dernier magasin, ce qui constitue une publicité comparative,
- la liste des produits comparés figurait en deuxième page de la publicité mais n'indiquait pas leur composition, ce qui était de nature à induire le consommateur en erreur,
- un des produits comparés était un pastis de premier prix vendu sous la marque Lysanis, déposée et appartenant à la société allemande ALDI Einkauf Gmbh & Co OHG, dont il n'avait pas été autorisé l'utilisation dans cette publicité,
- la comparaison n'était pas objective ni aisée, en raison de la mauvaise lisibilité des tickets de caisse reproduits, nonobstant la présence d'une liste récapitulative des produits en deuxième page, laquelle ne reprenait que 44 des 57 articles figurant sur le ticket de caisse, alors même qu'il n'y avait que 55 articles sur le ticket SUPER U, censé permettre la comparaison des prix, outre le fait que le café moulu n'était présent que sur un des tickets,
- le consommateur a été trompé aussi car le magasin SUPER U a augmenté certains des prix figurant sur la publicité le 9 novembre 2012, alors qu'il s'était engagé à les laisser inchangés jusqu'au 30 novembre 2012,
- les quantités et contenants des produits dont les prix étaient comparés n'étaient pas identiques pour 8 d'entre eux sur 44 (paquet de 44 couches d'une part, de 70 couches d'autre part, paquet de coquillette de 1 kg d'une part, de 500 grammes d'autres part, limonade en bouteille de 2 litres d'une part, de 1,5 litre d'autre part, notamment),
- le calcul total des tickets n'est donc pas comparable et le consommateur est trompé, ne pouvant lui-même effectuer la vérification de ce calcul, peu important que les différences de conditionnement aient été indiquées en deuxième page,
- la qualité des produits n'est pas comparée objectivement, alors que les cahiers des charges des produits ALDI sont plus exigeants que ceux de SUPER U, pour les matières premières (farine de type 45 au lieu de 55, oeufs de calibre "gros" au lieu de "moyen", etc.),
- le nombre de produits comparés n'est pas suffisant pour constituer un échantillon représentatif permettant une comparaison objective en matières de produits de consommation courante vendus dans les supermarchés, et en outre il n'y figure aucune viande, légumes ou fruits frais, ni aucun produits frais, ce qui biaise la comparaison,
- la marque Lysanis, déposée régulièrement, ne pouvait être utilisée dans cette publicité pour le pastis vendu par la société SUPER U, sans commettre une contrefaçon de marque, créant une confusion dans l'esprit du consommateur,
- la publicité comparative trompeuse engendre un dénigrement du concurrent et cause donc un préjudice indemnisable à celui-ci, qu'elle augmente en appel de 1 ¿ à 40.000,00 ¿, ce qui ne constitue pas une demande nouvelle,
- le préjudice résulte notamment de la nécessité pour elle de mener une campagne commerciale de reconquête de sa clientèle, en distribuant des bons d'achat de 5 ¿ pendant 8 semaines,
- la réparation du préjudice d'atteinte à son image sera aussi assurée par la publication de l'arrêt de condamnation dans divers journaux et revues et par l'affichage à l'entrée du magasin, sollicités à titre de mesures complémentaires.


Elle sollicite donc l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de la SAS Sotourdi, au visa des articles L.121-1 et suivants du code de la consommation et 1382 du code civil à :
- lui payer une somme de 40.000,00 ¿ à titre de dommages et intérêts, pour concurrence déloyale du fait de la publicité comparative illicite et de l'utilisation non autorisée de la marque déposée "Lysanis" en violation de l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, lui ayant causé un préjudice,
- faire publier à ses frais avancés l'arrêt à intervenir dans cinq revues ou journaux au choix d'ALDI, chaque insertion étant limitée à un coût maximal de 5.000,00 ¿ HT,
- faire afficher l'arrêt à intervenir à l'entrée principale du magasin SUPER U de Saint Affrique pendant 15 jours à compter de la décision, sous astreinte de 300,00 ¿ par jour de retard,
- lui payer une somme de 7.500,00 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.




Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 20 mai 2014, la SAS Sotourdi sollicite la confirmation du jugement déféré, que la demande de dommages et intérêts d'un montant de 40.000,00 ¿ soit déclarée irrecevable comme nouvelle en appel, et la condamnation de la SARL ALDI Marché Toulouse à lui payer une somme de 7.500,00 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Elle précise que la pastis Lysanis est aussi vendu par elle de façon autorisée et que seule sa volonté de permettre une comparaison des prix l'a conduite à mentionner la marque sur la publicité, ce qui n'a en rien entraîné une confusion dans l'esprit du consommateur ni ne constitue un acte de contrefaçon. Elle s'oppose subsidiairement aux mesures d'affichages et de publication de l'arrêt sollicitées, qui constitueraient des dommages et intérêts punitifs, inexistants en droit français, et ne réparant pas le préjudice invoqué.


L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mars 2015.




MOTIFS :


SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :


Sur la concurrence déloyale :


Le fondement des demandes de la société ALDI Marché Toulouse est l'article 1382 du code civil pour faute, du fait de l'utilisation d'une publicité comparative illicite entre les deux magasins concurrents.


Il ressort des dispositions d'ordre public de l'article L.121-8 du code de la consommation que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, explicitement ou implicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :
1o/ Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur,
2o/ Elle porte sur des biens ou services répondant aux même besoins ou ayant le même objectif,
3o/Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.


En l'espèce la SAS Sotourdi, qui exploitait alors un supermarché à l'enseigne SUPER U à Saint Affrique (12400), route d'Albi, a fait paraître dans le journal local gratuit du Sud Aveyron "Le Saint-Affricain" du 24 octobre 2012 (no38) une publicité comparative portant essentiellement sur les prix de vente d'une liste de produits disponibles dans son magasin et de produits identiques ou comparables vendus par son concurrent, la SAS ALDI Marché Toulouse, exploitant un autre supermarché à l'enseigne ALDI, dans la même zone d'achalandage.




La première page de cette publicité comportait la photocopie de deux tickets de caisse, l'un à l'enseigne ALDI, l'autre à l'enseigne SUPER U, reproduisant une liste de produits avec leurs prix et un total, mais illisibles (et non seulement peu lisibles comme argué dans les conclusions) car en caractères bien trop petits pour être lus sur ce format de page A4 (Pièce no2). Toutefois, la page comportait un montage constitué par le dessin de deux loupes agrandissant fictivement le bas de chacune des additions, permettant de lire le total du ticket ALDI, soit la somme de 76,69 ¿ et celui du ticket SUPER U, soit 69,91 ¿, ainsi que le nombre d'articles (55 pour SUPER U, nombre inconnu pour ALDI). Ce dont il résultait apparemment pour les produits comparés, s'ils étaient identiques, ce que ne permettait pas de vérifier la simple lecture de la première page, que le supermarché SUPER U était moins cher que le supermarché ALDI, de 6,88 ¿, soit environ 11 % de moins.


En deuxième page de la publicité, il était reproduit une liste de 41 produits en deux colonnes, comparant les prix ALDI et les prix SUPER U pour chacun d'eux, en regard.


Il s'ensuit que cette publicité comparative contrevient aux dispositions légales de l'article L.121-8 du code de la consommation, en ce qu'elle est de nature à induire le consommateur en erreur. En effet elle lui interdit de pouvoir vérifier la différence de prix globale figurant sur la première page, puisque :
- seuls 41 produits (et non 44 comme indiqué dans les conclusions) sur 55 comparés en première page, sont détaillés et lisibles,
- le total des 41 produits comparés entre eux n'est pas calculé ni reproduit sur la deuxième page.
D'autre part, un des 41 articles détaillé est comparé pour son prix alors que sa contenance n'est pas la même, ce qui fausse la comparaison :
- la compote de pomme en pot de 720 g (0,62 ¿ chez ALDI) est comparée avec le pot de 750 g chez SUPER U (0,56 ¿).


Ensuite, certains articles sont comparés en quantité égale alors qu'ils ne sont pas vendus chez Super U dans un conditionnement identique à celui du concurrent. Certes une mention écrite en dessous, en plus petits caractères, précise sous le prix de comparaison le conditionnement disponible et le prix, mais les prix variant aussi en fonction des quantités, la comparaison est ainsi faussée :
- les coquillettes vendues en paquet de 500 g chez ALDI (0,39 ¿) sont ainsi comparées aux coquillettes vendues en paquet de 1 kg chez Super U (0,98 ¿), en affichant un prix de comparaison pour 500 g (0,49 ¿) fictif puisque ce conditionnement n'était pas disponible,
- la limonade vendue en bouteille d'1,5 litre chez ALDI (0,49 ¿) est comparée avec la limonade vendue en bouteille de 2 litres chez SUPER U (0,53 ¿) avec un prix de comparaison pour 1,5 litre (0,46 ¿) fictif, puisque ce conditionnement n'était pas disponible.


Il en résulte que la publicité comparative litigieuse est illicite et dès lors qu'elle a été présentée par la société Sotourdi de façon incomplète et tronquée, nécessairement en connaissance de cause.


Par ailleurs, ainsi que le relève la société ALDI Marché Toulouse, la publicité litigieuse indiquait que les prix indiqués pour les produits vendus par SUPER U étaient valables jusqu'au 30 novembre 2012, alors qu'elle produit un ticket de caisse de ce magasin du 9 novembre 2012 (pièce no4) dont il ressort que le prix du bocal de haricots verts extra-fin 4/4 était passé de 0,81 ¿ à 0,83 ¿ et celui du lait demi-écrémé en brik de 1 litre, de 0,59 ¿ à 0,60 ¿, trompant également le consommateur sur la permanence des prix affichés dans cette publicité.


Ces faits qui interdisent au consommateur toute comparaison objective et fiable des prix, que la publicité l'invite pourtant clairement à effectuer, sont donc illicites et caractérisent en l'espèce une faute délictuelle de concurrence déloyale envers la SARL ALDI Marché Toulouse, sa concurrente désignée dans la publicité.


Par contre, la SARL ALDI Marché Toulouse n'est pas fondée à soutenir que le fait pour la société Sotourdi d'avoir inclus dans la liste des articles vendus figurant sur cette publicité du pastis de marque Lysanis contreviendrait au droit des marques, ce qui rendrait aussi illicite la publicité comparative à ce titre.


En effet, d'une part, il est constant que la société Sotourdi vendait régulièrement le pastis de la marque Lysanis dans son magasin SUPER U de Saint-Affrique, avec l'accord du producteur de ce pastis, dont il n'est pas soutenu qu'il n'avait pas vendu ces bouteilles à cette enseigne commerciale. Elle pouvait donc faire librement aussi la promotion commerciale de ce produit régulièrement offert à ses clients, en l'absence d'interdiction à cet égard qui soit justifiée par le détenteur de la marque déposée, la société ALDI Einkauf Gmbh & Co OHG, société de droit allemand, du même groupe ALDI que la SARL ALDI Marché Toulouse.


D'autre part la SARL ALDI Marché Toulouse, personne morale distincte de la société allemande dépositaire de la marque commerciale Lysanis, qui vendait aussi ce pastis, ne justifie nullement qu'elle disposait d'une autorisation exclusive d'usage de cette marque commerciale sur le territoire français ni même dans la ville de Saint-Affrique.


Sur le préjudice causé par la concurrence déloyale :


La publicité comparative des prix entre deux magasins concurrents localement, sur des produits identiques, cause nécessairement un préjudice commercial à celui qui en est victime, auprès de sa clientèle acquise ou potentielle, qui doit être intégralement indemnisé.


Toutefois ce préjudice doit être évalué en fonction de l'impact de la publicité comparative illicite, particulièrement limité en l'occurrence par les conditions de l'espèce :
- le journal où figure la publicité litigieuse, est un journal à diffusion gratuite, donc financé par des publicités et non acquis volontairement par ses lecteurs, ainsi moins attentifs à son contenu,
- il comporte 35 pages, dont les 2 pages incriminées : pages 18 et 19, avec des petites annonces de particuliers ou de collectivités locales, quelques articles d'intérêt local ou pratique, et de nombreuses autres publicités dont certaines émanant d'autres concurrents de la SARL ALDI Marché Toulouse sur la région du Sud Aveyron (Ets Leclerc et Géant Casino à Millau),
- sa diffusion alléguée par l'organe de presse était limitée (11.383 exemplaires), sachant qu'à défaut d'être acquis, de nombreux exemplaires de ces journaux gratuits ne sont pas lus ou ne sont lus que très partiellement avant d'être jetés à la poubelle ou de servir d'emballages,
- la publicité n'est parue qu'une seule fois, le 24 octobre 2012, dans un journal hebdomadaire,
- la publicité litigieuse ne portait que sur une partie minoritaire des produits vendus par chacun des supermarchés (41 produits sur plusieurs centaines de références) et faisait valoir une différence de prix sur un panier d'épicerie, non représentatif au demeurant car excluant notamment tous les produits frais et viandes, de peu d'importance (6,88 ¿) et ainsi peu susceptible d'entraîner un détournement significatif des clients de la SARL ALDI Marché Toulouse à Saint-Affrique au profit du magasin SUPER U,
- l'allégation d'un meilleur prix sur une liste de produits que son concurrent ne caractérise pas non plus un dénigrement de ce dernier et une atteinte à son image commerciale tels que cela dissuade ses clients de s'y rendre, les consommateurs étant en outre désormais méfiants envers de telles publicités, dont ils ne peuvent eux-mêmes vérifier l'exactitude.


Contrairement à ce que soutient la société Sotourdi, la SARL ALDI Marché Toulouse est recevable à porter son évaluation du préjudice subi de la somme de 1 ¿, réclamée en première instance, à celle de 40.000,00 ¿ en appel. Il ne s'agit pas en effet d'une demande nouvelle mais d'une modification du montant de la prétention initiale.


Mais la demande de la SARL ALDI Marché Toulouse, d'une somme indemnitaire de son préjudice fixée à 40.000,00 ¿, apparaît à la fois injustifiée et manifestement hors de proportion avec le dommage qu'elle a pu avoir subi réellement.


A l'appui de cette prétention, elle invoque le coût d'une campagne publicitaire de 8 semaines, consistant à distribuer des bons d'achat de 5 ¿, qu'elle dit avoir dû mener pour relancer sa compétitivité locale, les faits incriminés étant survenus une semaine seulement après l'ouverture de son magasin de Saint Affrique.


Mais, d'une part, il n'est pas établi que cette opération de promotion commerciale ait été provoquée par la publicité comparative litigieuse, puisqu'elle a eu lieu, selon la lettre du gérant de la SARL ALDI Marché Toulouse en date du 25 avril 2014 (pièce no17) l'année suivant les faits, en 2013, sans autres précisions.


D'autre part, le coût de cette opération promotionnelle est indiqué comme s'élevant à la somme de 10.891,30 ¿, sans aucune autre justification que l'attestation faite à elle-même dans ce document par la SARL ALDI Marché Toulouse, ce qui n'est pas assez probant.


Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice causé à la SARL ALDI Marché Toulouse par la publicité comparative illicite de la société Sotourdi à la somme de 1.000,00 ¿, que cette dernière devra lui payer à titre de dommages et intérêts.


La publicité litigieuse n'ayant pas été affichée sur le magasin SUPER U, il n'y a pas lieu d'ordonner, à titre de réparation du préjudice, l'affichage du présent arrêt sur la vitrine de ce magasin, la SARL ALDI Marché Toulouse demeurant libre de l'afficher sur sa propre vitrine si elle le souhaite.


La SARL ALDI Marché Toulouse est aussi mal fondée à solliciter, à titre de réparation de son préjudice, la publication du présent arrêt dans cinq journaux de son choix, aux frais de la SAS Sotourdi, sans même indiquer si la seule parution incriminée, le Saint-Affricain, figure dans son choix, ce qui excède manifestement la seule réparation intégrale du dommage subi.




SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :


Il y a lieu d'allouer à la SARL ALDI Marché Toulouse la somme de 1.000,00 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que devra lui payer la SAS Sotourdi , condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel ;


Il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de la SAS Sotourdi les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens ;




* * * * * * * * * *


PAR CES MOTIFS :


LA COUR,


Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,


Vu les articles 6, 9 et 564 du code de procédure civile,
Vu l'article L.121-8 du code de la consommation,
Vu l'article 1382 du code civil,
Vu l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle,


Infirme le jugement du tribunal de commerce de Rodez prononcé le 3 septembre 2013, en toutes ses dispositions,


Et statuant à nouveau :


Dit et juge que la SAS Sotourdi, exploitant un magasin supermarché à l'enseigne SUPER U à Saint Affrique (12400) a commis un acte de concurrence déloyale en faisant paraître dans le journal gratuit "Le Saint-Affricain" du 24 octobre 2012 (no38) une publicité comparative de prix illicite, vis à vis de la SARL ALDI Marché Toulouse, exploitant un magasin supermarché à l'enseigne ALDI à Saint-Affrique,


Déclare recevable en appel la prétention de la SARL ALDI Marché Toulouse, portant sa demande de dommages et intérêts de 1 ¿, évaluée en première instance, à 40.000,00 ¿ devant la cour d'appel,


Condamne la SAS Sotourdi à payer à la SARL ALDI Marché Toulouse, en réparation de l'ensemble de son préjudice, la somme de 1.000,00 ¿ à titre de dommages et intérêts,


Condamne la SAS Sotourdi aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SARL ALDI Marché Toulouse la somme de 1.000,00 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,


Rejette toutes autres demandes des parties,


Autorise la SCP Gilles Argelliès- E. Apollis, avocat à Montpellier, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;


Ainsi prononcé et jugé à Montpellier le 12 mai 2015.


LE GREFFIER LE PRÉSIDENT




BB

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