9 December 2014
Cour d'appel de Limoges
RG n° 13/01194

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 09 DECEMBRE 2014



ARRET N.

RG N : 13/ 01194

AFFAIRE :

SA ARCA PATRIMOINE

C/

M. Philippe X..., M. Patrick Y...




LS-iB



réparation de dommages



Grosse délivrée à
Maître ROSAS, avoca



Le NEUF DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

SA ARCA PATRIMOINE
23 Bis rue Danjou-92100 BOULOGNE BILLANCOURT



représentée par Me Céline BRANCO, avocat au barreau de BRIVE-LA-GAILLARDE et Me Céline LEMOUX, avocat au barreau de PARIS



APPELANTE d'un jugement rendu le 07 JUIN 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE

ET :

Monsieur Philippe X...

de nationalité Française
né le 03 Avril 1953 à MONTMORILLON (86500), demeurant...-19100 BRIVE LA GAILLARDE
Non comparant, régulièrement assigné.

Monsieur Patrick Y...

de nationalité Française
né le 29 Décembre 1955 à FIGEAC (46100), demeurant ...-43100 FIGEAC

représenté par Me Jean Pierre BENOIT, avocat au barreau de LIMOGES et Me Sylvie ROSAS, avocat au barreau de LIMOGES



INTIMES



Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 04 Novembre 2014 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 02 Décembre 2014. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2014.



A l'audience de plaidoirie du 04 Novembre 2014, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Luc SARRAZIN, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur Luc SARRAZIN, Conseiller a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 09 Décembre 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.



LA COUR

La société Arca Patrimoine est une société de courtage en assurance qui nécessite l'existence d'un réseau de mandataires. Elle recrutait ainsi Philippe X... qui concluait avec elle un contrat de mandat afin de distribuer en son nom et pour son compte divers contrats d'assurance vie.

Dans ce cadre, Philippe X... rencontrait Patrick Y..., qui signait par son intermédiaire plusieurs contrats d'assurance vie. L'argent qui devait y être placé était versé en espèces contre reçus établis par Philippe X.... Patrick Y... versait ainsi entre 2001 et 2009 plusieurs dizaines de milliers d'euros à ce dernier.

Il apparaissait cependant que Philippe X... avait établi de très nombreux faux contrats qu'il faisait signer à ses clients. Selon la méthode de la cavalerie, il récupérait les sommes données par des clients aux fins de les placer pour payer les intérêts promis aux autres clients ainsi que pour ses besoins personnels, et ce sans jamais placer l'argent.

Philippe X... était ainsi condamné le 3 mars 2011 pour faux et usage de faux et abus de confiance commis au préjudice de nombreuses victimes dont Patrick Y..., celui-ci se voyant allouer la somme de 1 000 ¿ au titre du préjudice matériel couvrant les sommes versées postérieurement au 24 juin 2006 outre 1000 ¿ au titre du préjudice moral et ce par jugement du Tribunal Correctionnel de Brive la Gaillarde statuant sur intérêts civils le 9 juillet 2012.

Par acte en date du 16 juin 2011, Patrick Y... a assigné Philippe X... et la société Arca Patrimoine devant le Tribunal de Grande Instance de Brive la Gaillarde.

Par jugement en date du 7 juin 2013, le Tribunal de Grande Instance de Brive la Gaillarde a :
- Débouté la société Arca Patrimoine de sa fin de non recevoir,
- Déclaré Philippe X... responsable du préjudice subi par Patrick Y...,
- Déclaré la société Arca Patrimoine civilement responsable des actes de Philippe X...,
- Condamné en conséquence Philippe X... et la société Arca Patrimoine à payer in solidum à Patrick Y... la somme de 52 753, 87 ¿ en réparation de son préjudice.

La société Arca Patrimoine a interjeté appel de ce jugement le 9 septembre 2013.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 mai 2014, elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
- de dire et juger non prouvés les détournements allégués,
- de débouter Patrick Y... de ses demandes,
- à titre subsidiaire, de dire et juger que la négligence et l'imprudence fautives de Patrick Y... ont concouru à la réalisation de son préjudice,
- de dire et juger que le montant des détournements non encore indemnisés est au plus égal à 43 947, 93 ¿,
- de limiter la condamnation prononcée à l'encontre de l'appelante à une partie résiduelle des 43 947, 93 ¿ qui auraient été détournés,
- en tout état de cause de condamner patrick Y... au paiement de la somme de 2 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

A l'appui de ses conclusions, la société Arca Patrimoine fait valoir que les copies de reçus ont été communiquées très tardivement par Patrick Y..., que ce dernier n'apparaît pas dans le tableau listant les noms des victimes des détournements et saisi au domicile de Philippe X..., que Patrick Y... ne prouve pas la réalité des espèces dont il disposait, que celui-ci ne pouvait ignorer le caractère anormal des opérations proposées, la durée des contrats étant inférieure à 8 ans, et qu'enfin la somme retenue par le premier juge est erronée.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 janvier 2014, Patrick Y... demande à la cour de condamner solidairement Philippe X... et la société Arca Patrimoine à lui payer la somme de 82 303, 59 ¿ au titre du préjudice matériel outre 4 000 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

A l'appui de ses conclusions, il fait valoir que le fait fautif du préposé est largement constitué par les chefs d'abus de confiance, faux et usage de faux, pour lesquels Philippe X... a été condamné, qu'en l'espèce ce dernier n'avait pas agi hors de ses fonctions et que les pièces produites font apparaître un montant total versé à Philippe X... de 123 303, 59 ¿.

Bien que régulièrement assigné en étude, Philippe X... n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2014.

SUR QUOI :

Attendu qu'en application de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;

Attendu qu'en l'espèce Philippe X... avait avoué devant les enquêteurs le 15 juillet 2009 avoir pratiqué effectivement la " cavalerie " depuis 2001 avec une cinquantaine de clients, qu'il avait ainsi admis fabriquer de faux contrats à en-tête de la société Arca Patrimoine afin de récupérer l'argent ainsi perçu pour le reverser à d'autres clients en leur faisant croire qu'il s'agissait des intérêts, et qu'il n'avait pas nié avoir perçu des sommes très importantes de la part de Patrick Y..., sommes qu'il n'avait pas placées ;

Attendu que ces agissements démontrent un comportement anormal constitutif d'une faute au sens de l'article 1382 du code civil ;

Attendu que Patrick Y... fait valoir qu'il a versé à Philippe X... un montant total de 123. 303, 59 ¿ ;

Attendu que la société Arca Patrimoine indique que la réalité de ces détournements n'est pas établie ;

Attendu cependant que Patrick Y... a produit les reçus signés de Philippe X... ;

Attendu que la signature de ces reçus signifie que le versement des fonds qui y sont mentionnés a bien eu lieu ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'il appartient au défendeur à l'action de rapporter la preuve que Philippe X... n'a rien perçu ou n'a perçu qu'une somme inférieure à celle mentionnée sur le reçu ;

Attendu qu'en l'espèce cette preuve n'est pas rapportée par la société Arca Patrimoine ;

Attendu que dès lors que deux contrats sont accompagnés d'un reçu, cet élément démontre que les seuls contrats ne suffisent pas à démontrer que les sommes indiquées ont été versées ;

Attendu qu'il convient donc de ne prendre en compte que les reçus datés produits par Patrick Y... et constituant les pièces 5 à 15, 17 à 32, 34 à 36 ;

Attendu que le montant des versements en francs s'élève à 238. 200 F soit 36. 313, 35 ¿, le montant des versements en euros s'élèvent quant à lui à 51. 206, 78 ¿ ;

Attendu que le montant total est donc de 87. 520, 13 ¿ ;

Attendu que parmi tous les contrats signés par Patrick Y... par l'intermédiaire de Philippe X..., un seul a été enregistré, celui portant le no13704 et conclu le 16 février 2001 pour un montant de 11. 776, 25 ¿ ;

Attendu que cette somme doit être déduite dès lors que le contrat a été enregistré ;

Attendu, par ailleurs, qu'il n'est pas contesté que Patrick Y... a perçu 23. 000 ¿ de Philippe X... et ce au titre des intérêts prétendus des sommes placées ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice matériel de Patrick Y... doit être fixé comme suit :

- montant total des versements 87. 520, 13 ¿
à déduire :
- montant du contrat no12704-11. 776, 25 ¿
- versements reçus de Philippe X...-23. 000 ¿
----------------------
Solde 52. 743, 88 ¿

Attendu que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qui concerne l'évaluation du préjudice matériel ;

Attendu que c'est par des motifs précis et pertinents que la Cour adopte que le premier juge a considéré que Philippe X... a bien agi dans le cadre et avec les moyens que lui fournissait sa fonction de mandataire de la société Arca Patrimoine sans qu'aucun élément ne permette de détacher ses agissements de cette fonction puisque c'est en l'utilisant qu'il les a accomplis ;

Attendu que la société Arca Patrimoine fait valoir que Patrick Y... a contribué à son préjudice par son imprudence et sa négligence ;

Attendu cependant qu'il n'est pas établi que Patrick Y... ait une connaissance particulière des contrats d'assurance ;

Attendu au surplus qu'en tant que gérant de société, il n'était pas professionnel de la banque ou de l'assurance, qu'il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir réagi au vu des taux d'intérêt offerts et de la durée des contrats ;

Attendu qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la faute de la victime n'est pas fondé ;

Attendu en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Arca Patrimoine au paiement des sommes mises à la charge de Philippe X... ;

Attendu que Monsieur X... et la société Arca Patrimoine qui succombent seront tenus aux entiers dépens ;

Attendu que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Monsieur Y... ;

PAR CES MOTIFS



LA COUR



Statuant par décision rendue par défaut et par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension du litige ;

Déclare la société Arca Patrimoine civilement responsable des agissements de Monsieur B... ;

Condamne solidairement Monsieur X... et la Société Arca Patrimoine à payer à Monsieur Y... la somme de 52. 743, 88 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du jugement déféré ;

Condamne solidairement Monsieur X... et la société Arca Patrimoine aux entiers dépens ;

Condamne solidairement Monsieur X... et la société Arca Patrimoine à payer à Monsieur Y... la somme de 2. 500 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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