21 December 2007
Cour d'appel de Caen
RG n° 06/03526

Texte de la décision

AFFAIRE : N RG 06 / 03526
Code Aff. :
ARRET N
C. P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 16 Novembre 2006-RG no F 04 / 00584

COUR D'APPEL DE CAEN
TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 2
ARRET DU 21 DECEMBRE 2007

APPELANT :

Monsieur Ezi X...


...

14950 ST PIERRE AZIF

Comparant en personne, assisté de Me MARTIAL, avocat au barreau de CAEN



INTIMEES :

SAS SPGO

... 14800 SAINT ARNOULT

Représentées par Me Bernard LADEVEZE, avocat au barreau de LISIEUX

DEBATS : A l'audience publique du 16 Novembre 2007, tenue par Monsieur DEROYER, Président, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Madame GUENIER-LEFEVRE, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré



GREFFIER : Mademoiselle GOULARD



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur DEROYER, Président, rédacteur
Monsieur COLLAS, Conseiller,
Madame GUENIER-LEFEVRE, Conseiller,



ARRET prononcé publiquement le 21 Décembre 2007 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier

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Monsieur X... a été embauché à compter du 16 juin 1983 en qualité d'aide comptable par la SAS SPGO.

Son évolution de carrière l'a conduit à occuper les postes de directeur financier à compter de 1990 puis de directeur administratif et financier à compter de 1995.

Il a été licencié par lettre du 11 mai 2004 pour faute grave.

Soutenant qu'il n'avait pas perçu toutes les sommes auxquelles il pouvait prétendre au titre de l'exécution de son contrat de travail, et contestant la légitimité de son licenciement, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de CAEN pour faire valoir ses droits.

Vu le jugement rendu le 16 novembre 2006 par le conseil de prud'hommes de CAEN ayant débouté Monsieur X... de ses demandes au titre de son licenciement mais ayant alloué une indemnité compensatrice de congés payés non pris ;

Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience par Monsieur X... appelant ;

Vu les conclusions déposées le 14 mai 2007 et oralement soutenues à l'audience par la SAS SPGO ;



MOTIFS



La lettre de licenciement dont les motifs fixent les limites du litige, énonce un certain nombre de griefs qui seront successivement examinés.



1) absence de déclaration de taxe professionnelle générant un redressement fiscal

La SAS SPGO reproche à Monsieur X... une absence de déclaration de taxe professionnelle alors que compte tenu du montant de son chiffre d'affaires, la société était assujettie à une taxe minimum, absence ayant généré un redressement de plus de 900 000 € sur trois ans, alors qu'il existait pourtant des moyens légaux pour y échapper en organisant différemment la société.

En application des dispositions de l'article 1 647 E du code général des impôts, la SAS SPGO était assujettie à l'imposition minimale de taxe professionnelle déterminée en fonction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise dès lors que celle-ci avait réalisé un chiffre d'affaires excédant 7 600 000 €.

Le chiffre d'affaires de la société ayant au cours des années 2001 et 2002 dépassé 29 millions d'euros, la SAS SPGO était donc redevable de la cotisation minimum de taxe professionnelle au titre des années 2001 et 2002, et devait à la fois satisfaire aux obligations déclaratives prévues par les textes régissant cette taxe, et procéder au paiement d'un acompte puis du solde de l'imposition minimale, ce qu'elle n'a pas fait.

Ces éléments de fait ne sont pas contestés par Monsieur X... qui reconnaît avoir ignoré les modifications législatives concernant la taxe professionnelle, et qui se borne à invoquer à la fois la suppression des prestations d'expertise comptable décidée selon lui, par le dirigeant de l'entreprise et la faute des commissaires aux comptes qui ont certifié les comptes de la SAS SPGO sans relever l'erreur ainsi commise et sans l'alerter sur les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle.



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Cependant contrairement à ce que fait plaider Monsieur X..., l'attestation de M. Z... et la lettre du 27 décembre 2004 des commissaires aux comptes démontrent qu'il avait lui-même préconisé de faire cesser la mission d'expertise comptable portant sur la supervision et la vérification de la comptabilité, confiée au cabinet SOREC jusqu'en 1999.

Ces éléments de preuve sont au surplus confirmés par les termes de la lettre qu'il a adressée à son employeur le 20 janvier 2000, dans laquelle il reconnaissait au moins implicitement avoir accepté la charge de l'établissement du bilan et des liasses fiscales qu'il assumait par le passé, et protestait contre un changement de position de l'employeur qui entendait maintenir tout ou partie de l'intervention du cabinet d'expertise comptable. (" Après passage de M. A... qui devait défendre son bout de gras une fois avoir perdu le commissariat aux comptes vous m'annoncez froidement qu'il reviendra faire quelque chose j'ignore quoi ? Que vaut la parole donnée ? Depuis cinq ans la SOREC vient faire de la figuration pour encaisser ses 40 000 F. C'est nous qui faisons tout et ce sont eux qui touchent l'argent. Vous trouvez cela normal ? Ma naïveté est venue à la conscience claire. »)

Si par lettre du 27 décembre 2004, les commissaires aux comptes reconnaissaient n'avoir pas alerté la SAS SPGO des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle au regard de son activité de services, il convient de relever que ce domaine ne relevait pas des missions délimitées du commissariat aux comptes impliquant une obligation de résultat.

Par ailleurs, le commissaire aux comptes a, outre ces missions spécifiques, mission permanente de vérifier les valeurs et les documents comptables de la société de contrôler la conformité de ses comptes aux règles en vigueur, pour s'assurer que ceux-ci sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle de la situation financière et du résultat de l'entreprise. Son intervention a posteriori dans la certification de la régularité et de la sincérité des comptes annuels à partir des éléments fournis par les services comptables de la société n'est soumise qu'à une obligation de moyens et en tout état de cause, les éventuelles fautes commises par lui, ne sont pas de nature à ôter ni même à diminuer la responsabilité du directeur administratif et financier de l'entreprise, l'un des cinq collaborateurs directs du PDG les plus haut placés dans la hiérarchie, eu égard à son niveau de responsabilité et à l'importance de ses attributions dans une entreprise employant dans toute la France sur plusieurs sites plus de 1000 salariés.

Par ailleurs il n'est pas sérieusement contesté qu'un changement de configuration sociale de l'entreprise aurait permis d'éviter tout ou partie le paiement de cette taxe, ce que Monsieur X... a omis de proposer, alors qu'il n'explique en rien pourquoi une modification de structure d'une entreprise pour répondre à une loi fiscale serait fortement déconseillée.

2) redressement au titre des allégements de cotisations sociales résultant des lois dites AUBRY

À la suite d'un contrôle de l'URSSAF sur la période de 2001 à 2002, un redressement de cotisations de l'ordre de 750 000 € a été notifié au seul titre des allégements de cotisations sociales résultant des lois dites AUBRY la SAS SPGO ayant irrégulièrement appliqué la formule de calcul relative à l'allégement prévu par les articles D 241-13 et suivants du code de la sécurité sociale pour les personnes embauchées ou ayant rompu leur contrat de travail en cours de mois et pour les salariés à temps partiel, l'allégement n'ayant pas été proratisé en fonction du nombre d'heures de travail réellement effectuées au cours du mois considéré.

Monsieur X... ne conteste pas la réalité des erreurs ayant généré le redressement de cotisations sociales ni même celles relevées dans la lettre de licenciement et portant sur des anomalies de même nature concernant l'année 2003, l'omission de la baisse dégressive des aides en 2003, restées au même montant qu'en 2002, alors que les aides sur l'année 2004 ont été correctement calculées, ainsi que la non-application des minorations d'aide du fait du cumul de ces aides avec celles de la loi Aubry 1.

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Monsieur X... soutient que les erreurs ayant généré le redressement de cotisations, résultent d'un défaut de conception du logiciel commandé à la société de prestations informatiques SEDIR, qu'elles seraient en tout état de cause imputables au service du directeur des ressources humaines et au final n'auraient pas été relevées par les commissaires aux comptes.

Si les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer l'origine exacte de l'insuffisance dans la mise en oeuvre de la formule de calcul à introduire au niveau du dispositif intitulé " rubrique complexe " dans le programme de paye, il appartenait à tout le moins au directeur administratif et financier de la SAS SPGO de donner des instructions précises pour que seules puissent être prises en compte les heures de travail réellement effectuées et en toute hypothèse de vérifier la bonne application de cette formule de calcul aux cas litigieux (nécessairement fréquents compte tenu de la taille de l'entreprise) et d'en assurer le contrôle avant de la mettre en application.

Les explications de Monsieur X... ne sont pas convaincantes en ce qu'il invoque les méthodes d'édition des bulletins de paie des salariés, en soutenant que les horaires de travail réellement effectués y étaient erronés alors que le rapport de contrôle de l'URSSAF démontre que le redressement est né du constat d'une différence entre les allégements calculés par l'entreprise et figurant sur le livre de paie et les allégements inscrits sur les tableaux récapitulatifs des cotisations.

La lettre du 9 avril 2004 du conseil de la SAS SPGO à l'URSSAF mettant en cause la formule de calcul des allégements élaborée par la société SEDIR n'évince pas la responsabilité propre de Monsieur X... dans le contrôle de sa mise en application, notamment s'agissant des salariés à temps partiel ou embauchés ou rompant leur contrat de travail au cours d'un mois civil.

De plus aucun élément ne laisse apparaître que le logiciel incriminé aurait été contrôlé directement par le PDG concurremment avec le directeur financier qu'était Monsieur X..., comme celui-ci le soutient.

C'est encore vainement qu'il est prétendu que le paiement des salaires et des cotisations relevait du service du directeur des ressources humaines. En effet, les fiches de fonction et l'organigramme établis à partir de février 2000 démontrent que le service de la paie relevait du service administratif et financier dont Monsieur X... était le directeur (fiche de fonction du directeur administratif et financier du 4 novembre 1998) et non du service des ressources humaines.

Là encore, alors que les commissaires aux comptes n'ont qu'une mission de certification a posteriori de la régularité et de la sincérité des comptes annuels à partir des éléments fournis par les services comptables de la société, leurs éventuelles fautes sur les erreurs d'allégement de cotisations, à les supposer même établies, ne sont pas de nature à ôter ni même à diminuer la responsabilité du directeur administratif et financier de l'entreprise.

Le grief sera donc retenu, étant précisé que le salarié ne remet pas autrement en cause, celui-ci tenant à l'omission d'appliquer la baisse dégressive des aides en 2003 alors que les aides sur l'année 2004 ont été en revanche exactement calculées, ce qui établit la conscience de l'erreur affectant l'année 2003 et qui n'a pas été révélé à l'employeur, grief justement retenu dans les motifs des premiers juges.

3) Sur les liens avec la société fournisseur de matériel informatique

Il fait grief à Monsieur X... d'avoir constitué avec sa compagne une société de vente de matériel informatique qui est devenue le fournisseur attitré de la SAS SPGO réalisant ainsi avec cette dernière près de 90 % de son chiffre d'affaires, sans que soit révélé au PDG sa qualité associé dans cette entreprise.

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L'absence d'évocation de ce grief lors de l'entretien préalable ne constitue qu'une irrégularité de forme qui n'en empêche pas l'examen, dès lors qu'il a été énoncé dans la lettre de licenciement.

Si Monsieur X... se borne à affirmer que la société EL CONSULTING a vendu en toute transparence du matériel à la SAS SPGO, à un prix loyal sans que son employeur ait considéré que cette situation pouvait être source de difficultés, il ne soutient néanmoins pas avoir préalablement averti son employeur des intérêts qu'il avait dans l'entreprise qui devenait fournisseur de la SAS SPGO. Ce fait caractérise une absence de loyauté fautive dans l'exécution du contrat de travail.

4) Sur l'absence de fourniture de tableaux de bord mensuels par agence

L'absence d'évocation de ce grief lors de l'entretien préalable ne constitue qu'une irrégularité de forme qui n'en empêche pas l'examen, dès lors qu'il a été énoncé dans la lettre de licenciement.

Monsieur X... tout en faisant observer que son employeur n'avait pas exigé de lui remettre matériellement de tels documents, ne conteste cependant pas que l'établissement de tableaux de bord mensuels et des situations notamment pour contrôler la gestion de chaque agence, entrait dans ses fonctions, et ainsi qu'il n'avait pas révélé que des ratios de gestion n'étaient pas respectés dans certaines agences, alors que sa fiche de poste lui confère avec le bénéfice d'un service de contrôle de gestion et de réalisation de statistiques, la mission d'alerter la direction de tous les éléments ayant des conséquences sur les comptes de l'entreprise.

De plus l'attestation de M. Z... rapporte que Monsieur X... communiquait très rarement avec les autres services sur le résultat mensuel et notamment ne rendait pas compte du tableau de bord mensuel de chaque agence demandé par l'ensemble des cadres et le PDG de l'entreprise.

L'ensemble des fautes professionnelles commises, ainsi que leur accumulation, eu égard au niveau très important de responsabilités confiées à l'un des cinq cadres les plus hauts placés dans la hiérarchie, collaborateur direct du PDG d'une entreprise de plus de 1000 salariés, était d'une gravité telle au regard des conséquences réelles en termes de perturbations de trésorerie ou potentielles qu'elles entraînaient, qu'elle empêchait la poursuite du contrat de travail même pour une durée limitée.

Le jugement qui a retenu que le licenciement pour faute grave était justifié sera confirmé sur ce point.

5) Sur la prime de bilan

Monsieur X... ne démontre pas le caractère contractuel de cette prime ni même que celle-ci résultait d'un usage et avait un caractère de généralité de constance et de fixité. En effet les premiers juges ont relevé à bon droit que le montant de cette prime était très variable au moins dans son montant entre 2002 2001et 2000, et il n'est nullement rapporté que le montant de cette prime résultait de paramètres fixes et définis à l'avance par l'employeur.

Le jugement qui a débouté le salarié de ce chef de demande, sera confirmé.

6) Sur le rappel de congés payés

Monsieur X... invoque un usage de report des congés payés acquis sur une période de référence écoulée et non pris sur la période légale prévue à cet effet, ayant conduit à ce qu'il lui soit reconnu sur le bulletin de paie de mai 2004, 25 jours de congé au titre des congés acquis sur la période de référence en cours et 25 jours sur la période de référence antérieure.

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Pour justifier cet usage, il verse au débat des bulletins de paie d'un autre cadre de l'entreprise qui portent également mention de congés restants et de congés acquis sur trois années différentes.

Si l'employeur conteste verbalement cet usage il n'apporte alors qu'il en dispose, aucun élément traduisant pour les cadres de l'entreprise l'absence de report des congés non pris d'une année sur l'autre.

De même, l'employeur ne fournit aucun élément précis sur l'ensemble des congés pris par Monsieur X... tant au cours de la période de référence en cours que sur celles écoulées.

Alors que l'ensemble des congés acquis n'étaient que de 25 jours et non 29 au vu du dernier bulletin de paie et que 29 jours ont été réglés, il restera du au salarié au vu de la valeur d'un jour de congé figurant sur le bulletin de mai 2004 la somme de 5 200, 44 € faute de preuve d'un droit supérieur.

Sur la remise tardive de l'attestation ASSEDIC, il apparaît que l'attestation que le salarié est venu chercher le 9 juin 2004 était erronée sur l'indication du préavis et des derniers jours payés et travaillés. Cependant alors que la mention d'un licenciement pour faute grave ne laissait que peu d'ambiguïté sur le premier grief et qu'une attestation conforme a été remise dès le 7 juillet 2004, Monsieur X... ne démontre pas la réalité d'un préjudice qu'il aurait subi dans ses démarches pour faire valoir ses droits de chômage. Le jugement qui l'a débouté de ce chef demande, sera confirmé sur ce point.

Monsieur X..., partie perdante sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il apparaît en revanche équitable d'allouer à la SAS SPGO une indemnité sera fixée au dispositif du présent arrêt au titre de la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS



LA COUR



Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle statuant sur l'indemnisation des congés payés non pris qui sera réformée.

Condamne la SAS SPGO à verser à Monsieur X... 5 200, 24 € au titre des congés payés non pris avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation.

Déboute Monsieur X... de ses autres demandes et le condamne à verser à la SAS SPGO une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Laisse les dépens de première instance à la charge de la SAS SPGO et ceux d'appel à la charge de Monsieur X....

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD B. DEROYER

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