7 April 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.360

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200397

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ALLOCATIONS DIVERSES - Allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi - Prestations indues - Action en remboursement - Prescription - Prescription triennale - Exclusion - Cas - Fraude ou fausse déclaration

Aux termes de l'article L. 5422-5 du code du travail, l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par trois ans. En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans. Les délais courent à compter du jour de versement de ces sommes. La relaxe prononcée à l'égard du bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, par jugement définitif, du chef du délit de déclarations mensongères à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu étant revêtue, au civil, de l'autorité absolue de chose jugée quant à l'absence de fraude ou de fausse déclaration de cet allocataire, l'action en remboursement des allocations d'assurance chômage indûment versées se prescrit dès lors par trois ans à compter du jour du versement de ces sommes

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription triennale - Sécurité sociale - Allocations spéciales - Allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi - Prestations indûments versées - Action en répétition - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 avril 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 397 F-B

Pourvoi n° T 20-22.360




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022

Le Pôle emploi [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-22.360 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [B] [C], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat du Pôle emploi [Localité 4], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [C], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 17 septembre 2020) et les productions, M. [C] (l'allocataire) a perçu entre 2008 et 2011, des allocations d'aide au retour à l'emploi et d'aide au retour à l'emploi formation. A la suite d'un contrôle de gendarmerie, il a fait l'objet de poursuites pénales du chef de déclarations mensongères à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu. Par un jugement définitif du 3 juillet 2014, il a été relaxé des fins de la poursuite. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a, par décision administrative du 2 septembre 2013, supprimé, avec effet rétroactif au 1er février 2008, son droit à l'allocation chômage.

2. Le Pôle emploi [Localité 5], aux droits duquel vient le Pôle emploi [Localité 4] (le Pôle emploi), a fait assigner l'allocataire le 27 novembre 2014 devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir la restitution des allocations chômage indûment versées.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le Pôle emploi fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande de remboursement de l'indu, alors :

« 1°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande est fondée sur une cause différente de celle qui a fait l'objet d'un précédent jugement ; qu'il s'ensuit que l'autorité de chose jugée attachée au jugement relaxant un allocataire du chef de fraude pour l'allocation de prestations indues n'interdit pas au Pôle emploi de se prévaloir d'une fraude ou d'une fausse déclaration de sa part pour exercer pendant dix ans devant les juridictions civiles une action en répétition des allocations indûment versées, sur le fondement d'une décision administrative excluant l'allocataire du bénéfice du revenu de remplacement ; qu'en affirmant qu'en l'état de la décision du tribunal correctionnel devenue définitive, le Pôle emploi ne pouvait revendiquer un délai de prescription de dix ans au motif de déclarations mensongères, fausses ou frauduleuses, la cour d'appel a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble l'article L. 5422-5 du code du travail ;

2°/ que l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par dix ans, en cas de fraude ou de fausse déclaration ; qu'il s'ensuit que même en l'absence d'une fraude en vue d'obtenir une allocation d'assurance-chômage, le fait, pour un bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, de ne pas déclarer à l'institution gestionnaire du régime d'assurance-chômage, l'exercice d'une activité professionnelle caractérise une fausse déclaration permettant à cette institution d'agir en remboursement des allocations indues pendant dix ans à compter de leur versement ; qu'en décidant que l'institution gestionnaire du régime d'assurance-chômage n'était pas fondé à soutenir que la fraude de l'allocataire l'autorisait à agir en répétition des allocations indûment versées depuis dix ans dès lors qu'il avait été relaxé du chef de fraude pour l'obtention d'allocations indues, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'une fausse déclaration autorisant Pôle emploi à agir pendant dix ans ; qu'ainsi, elle a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble l'article L. 5422-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 5422-5 du code du travail, l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par trois ans. En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans. Les délais courent à compter du jour de versement de ces sommes.

5. Il résulte de l'article 441-6, alinéa 2, du code pénal, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, applicable au litige, que le fait, pour un bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, de ne pas déclarer à Pôle emploi l'exercice d'une activité professionnelle caractérise la fraude en vue d'obtenir lesdites allocations.

6. Il résulte des articles 1351, devenu 1355, du code civil, et 480 du code de procédure civile, que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que la relaxe prononcée du chef du délit prévu par l'article 441-6, alinéa 2, du code pénal à l'égard de l'allocataire par un jugement définitif est revêtue, au civil, de l'autorité absolue quant à l'absence de fraude ou de fausse déclaration de cet allocataire, au sens de l'article L. 5422-5 du code du travail.

8. Ayant constaté que l'allocataire avait été relaxé des poursuites dont il faisait l'objet du chef de déclarations mensongères à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu, par un jugement définitif, la cour d'appel en a exactement déduit que le Pôle emploi ne pouvait prétendre que le délai de prescription applicable à son action en remboursement était de dix ans, et que celui-ci ayant exercé son action en remboursement plus de trois ans à compter du versement des sommes réclamées, il n'était pas recevable à agir en raison de la prescription.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le Pôle emploi [Localité 4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Pôle emploi [Localité 4] et le condamne à payer à M. [C] la somme de 345 euros, et à la SAS [3] la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour le Pôle emploi [Localité 4]

POLE EMPLOI [Localité 4] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action qu'il avait formée contre M. [C], en vue d'obtenir le remboursement des allocations indûment versées depuis plus de trois ans ;

1. ALORS QUE l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande est fondée sur une cause différente de celle qui a fait l'objet d'un précédent jugement ; qu'il s'ensuit que l'autorité de chose jugée attachée au jugement relaxant un allocataire du chef de fraude pour l'allocation de prestations indues n'interdit pas au POLE EMPLOI de se prévaloir d'une fraude ou d'une fausse déclaration de sa part pour exercer pendant dix ans devant les juridictions civiles une action en répétition des allocations indument versées, sur le fondement d'une décision administrative excluant l'allocataire du bénéfice du revenu de remplacement ; qu'en affirmant qu'en l'état de la décision du tribunal correctionnel devenue définitive, POLE EMPLOI [Localité 4] ne pouvait revendiquer un délai de prescription de dix ans au motif de déclarations mensongères, fausses ou frauduleuses, la cour d'appel a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble l'article L. 5422-5 du code du travail ;

2. ALORS QUE l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par dix ans, en cas de fraude ou de fausse déclaration ; qu'il s'ensuit que même en l'absence d'une fraude en vue d'obtenir une allocation d'assurance-chômage, le fait, pour un bénéficiaire des allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi, de ne pas déclarer à l'institution gestionnaire du régime d'assurance-chômage, l'exercice d'une activité professionnelle caractérise une fausse déclaration permettant à cette institution d'agir en remboursement des allocations indues pendant dix ans à compter de leur versement ; qu'en décidant que l'institution gestionnaire du régime d'assurance-chômage n'était pas fondé à soutenir que la fraude de M. [C] l'autorisait à agir en répétition des allocations indûment versées depuis dix ans dès lors qu'il avait été relaxé du chef de fraude pour l'obtention d'allocations indues, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'une fausse déclaration autorisant POLE EMPLOI à agir pendant dix ans ; qu'ainsi, elle a violé l'ancien article 1351 devenu l'article 1355 du code civil, ensemble l'article L. 5422-5 du code du travail.

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