6 April 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-28.116

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00238

Titres et sommaires

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Marques - Perte du droit sur la marque - Action en annulation - Exercice par le titulaire d'un droit antérieur - Limite - Preuve - Nécessité

La forclusion, prévue à l'article L. 714-3, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, sanctionnant la tolérance, par le titulaire d'une marque première, de l'usage de la marque seconde, en connaissance de cause, suppose que soit rapportée la preuve de l'usage de celle-ci après son enregistrement. Est donc approuvé l'arrêt qui écarte la forclusion par tolérance du seul fait d'un enregistrement de la marque seconde, en l'absence de preuve d'un usage de cette marque


PROPRIETE INDUSTRIELLE - Marques - Eléments constitutifs - Exclusion - Signe portant atteinte à des droits antérieurs - Droits antérieurs - Applications diverses - Appellation "France"

L'énumération des droits antérieurs opposables à l'enregistrement d'une marque, visés par l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, n'est pas exhaustive, la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dont il assure la transposition, prévoyant qu'un État membre peut interdire l'enregistrement ou l'usage d'une marque en vertu d'un droit antérieur, « notamment » d'un droit au nom, d'un droit à l'image, d'un droit d'auteur, d'un droit de propriété industrielle


CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Protocole additionnel n° 1 - Article 1 - Protection de la propriété - Violation - Défaut - Cas - Nom de domaine

Si le titulaire d'un nom de domaine peut se prévaloir d'un intérêt patrimonial susceptible de relever de la protection garantie par l'article 1 du Premier Protocole à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, c'est à la condition que les prérogatives, dont il entend se prévaloir à ce titre, soient suffisamment reconnues et protégées par le droit interne applicable, ce qui n'est pas le cas lorsque son usage ou sa cession portent atteinte aux droits des tiers. Est donc approuvé l'arrêt qui, ayant fait ressortir le caractère illicite de la mise en vente du nom de domaine « france.com », dont l'exploitation avait cessé et dont le but était de créer l'apparence d'un service de l'État français ou d'un tiers autorisé par lui, en ordonne le transfert au profit de l'État français, la société France.com ne pouvant se prévaloir d'un bien protégé au sens de l'article 1 du Protocole n° 1, ni d'un droit de propriété au sens des articles 544 et 545 du code civil

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 avril 2022




Rejet et déchéance


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 238 F-B

Pourvoi n° N 17-28.116




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 AVRIL 2022

La société France.com Inc., société de droit américain, dont le siège est [Adresse 1] (États-Unis), a formé le pourvoi n° N 17-28.116 contre un arrêt n° RG 15/24810 rendu le 24 novembre 2016 et un arrêt ° RG 15/24810 rendu le 22 septembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ au groupement d'intérêt économique (GIE) Atout France, agence française de développement touristique, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à l'Etat français, représenté par le ministre des affaires étrangères et du développement international, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société France.com Inc., société de droit américain, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat du GIE Atout France, et de l'Etat français, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 novembre 2016, examinée d'office

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

1. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il serait fait application du texte susvisé.

2. En vertu de ce texte, à peine de déchéance, le demandeur doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. Aucun grief n'étant formulé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 novembre 2016, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2017), la société, de droit américain, France.com Inc. (la société France.com) est titulaire du nom de domaine « france.com » enregistré aux Etats-Unis le 10 février 1994.

5. La société, de droit néerlandais, Traveland Resorts a déposé, le 2 juillet 2009, les cinq marques françaises suivantes, pour désigner divers produits et services des classes 16, 25, 35, 36, 38, 39, 41, 42 et 43 :
- la marque « france.com » n° 3661596,
- les marques semi-figuratives déposées en couleurs « france.com » n° 3661598 et 3661603,
- les marques semi-figuratives « france.com » n° 3661600 et 3661602.

6. Cette société était également titulaire de quatre enregistrements, du 22 juin 2010, de marques communautaires (marques de l'Union européenne) n° 08791857, 08791873, 08791899 et 08791923, revendiquant la priorité des enregistrements français correspondants, pour désigner divers produits et services dans les mêmes classes.

7. Par acte du 19 mai 2014, la société France.com l'a assignée pour obtenir, sur le fondement d'un dépôt frauduleux, le transfert des marques à son profit ainsi que l'indemnisation de son préjudice.

8. Le 14 avril 2015, l'Etat français est intervenu volontairement à l'instance pour faire constater, notamment, l'atteinte à ses droits sur le nom de son territoire par les marques et le nom de domaine « france.com » et obtenir leur transfert à son profit ou, subsidiairement pour le nom de domaine, une interdiction de le licencier. Le groupement d'intérêt économique Atout France est également intervenu pour former une demande en concurrence déloyale.

9. Par l'effet d'une transaction, la cession des marques au profit de la société France.com est intervenue à l'automne 2014 et a été enregistrée le 18 mai 2015 à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (l'OHMI), en ce qui concerne les marques communautaires, et le 3 juillet 2015 sur le registre national des marques, en ce qui concerne les marques françaises. Puis, le 19 juin 2015, la société France.com s'est désistée de l'instance et de son action, ce qui a été accepté le jour même par la société Traveland Resorts.

10. Le 3 septembre 2015, l'Etat français a formé des demandes additionnelles afin de voir annuler les cinq enregistrements des marques françaises cédées à la société France.com et qu'il soit ordonné à celle-ci de renoncer volontairement auprès de l'OHMI aux quatre enregistrements des marques communautaires.

11. Le désistement d'instance et d'action de la société France.com contre la société Traveland Resorts a été constaté par une ordonnance du juge de la mise en état du 2 octobre 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et sur les quatrième, cinquième et sixième moyens, ci-après annexés


12. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

13. La société France.com fait grief à l'arrêt d'annuler les marques françaises « France.com » déposées le 2 juillet 2009 pour l'ensemble des produits et services visés aux dépôts, alors :

« 1°/ qu'il appartient à celui qui prétend avoir été dans l'impossibilité d'agir pendant le délai légalement fixé d'alléguer et de prouver les circonstances qui ont constitué un obstacle à l'exercice de son action ; qu'il appartient donc au demandeur à une action en nullité de marque, intentée plus de cinq ans après l'enregistrement de la marque, d'alléguer et de prouver qu'il n'a pas eu connaissance de l'usage de la marque pendant ce délai ; qu'en reprochant pourtant à la société France.com, défendeur à l'action en nullité de marque et qui invoquait la forclusion de l'action, de ne pas démontrer ni même alléguer que l'Etat français, demandeur à l'action en nullité, avait eu connaissance de l'usage des signes litigieux avant juillet 2015, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;

2°/ que le juge du fond doit rechercher la date à laquelle le demandeur à l'action en nullité de marque a acquis la connaissance de l'usage du signe litigieux ; qu'en se bornant à constater que la société France.com ne démontrait pas ni même n'alléguait que l'Etat français aurait eu connaissance de l'usage des signes litigieux avant juillet 2015, après avoir pourtant constaté que l'Etat français avait agi pour obtenir le transfert à son profit de ces signes dès le 14 avril 2015, et sans s'expliquer plus précisément sur la date à laquelle l'Etat français avait eu connaissance de l'usage des signes litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-3, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

14. Celui qui oppose la forclusion par tolérance à une action en nullité de sa marque doit en démontrer l'usage honnête et continu depuis plus de cinq ans, ce qui ne saurait se déduire de son seul enregistrement, ainsi que la connaissance qu'en avait le titulaire du droit antérieur, qui lui est opposé.

15. En l'état des conclusions de la société France.com qui, sans même alléguer un usage public des marques litigieuses, se bornait à opposer à l'Etat français la forclusion par tolérance de son action en nullité des marques françaises au motif qu'à supposer même que l'Etat puisse se prévaloir d'un droit antérieur sur le mot « France », il ne pouvait en invoquer le bénéfice plus de cinq ans après l'enregistrement des marques « France.com », c'est sans inverser la charge de la preuve et sans être tenue de s'en expliquer davantage, que la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que l'Etat français avait connaissance de l'usage, par la société Traveland Resorts, des signes litigieux avant leur cession.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

17. La société France.com fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ que selon la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008, les conflits entre une marque et des droits antérieurs doivent être énumérés de façon exhaustive ; qu'aucune disposition de la loi française ne prévoyant un droit antérieur des Etats sur l'appellation de leur pays, l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété conformément à la directive, ne permet donc pas, en l'absence de prévision textuelle expresse, à l'Etat français de se prévaloir d'un droit antérieur portant sur l'appellation "France" ; qu'en se fondant, pour juger le contraire, sur le fait que l'énumération visée par l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle n'est pas exhaustive, la cour d'appel a violé ce texte ;

4°/ que le "droit au nom" ne constitue un droit antérieur que s'il est expressément protégé par la législation nationale ; que si la législation française protège explicitement la "dénomination ou raison sociale" ou le "nom commercial ou enseigne" des sociétés, le "nom patronymique" des personnes physiques, ou le "nom" des collectivités territoriales, aucune disposition spécifique ne prévoit un droit antérieur des Etats sur l'appellation de leur pays ; qu'en jugeant pourtant que l'appellation "France" devait être assimilée, pour l'Etat français, au nom patronymique d'une personne physique et bénéficier de ce fait de la même protection, la cour d'appel a violé l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété conformément à la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ;

5°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant, pour annuler les marques de la société France.com, qu'elles créaient un risque de confusion dans l'esprit du public qui identifierait les produits et services désignés comme émanant de l'Etat français ou d'un de ses services officiels, sans répondre au moyen de l'exposante qui expliquait, pièces à l'appui, que l'extension ".com" était à l'époque réservée aux entités commerciales, seules les extensions ".gouv.fr" étant susceptibles d'être associées à un service de l'Etat français, ce qui excluait tout risque de confusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

18. Après avoir exactement retenu que l'énumération des droits antérieurs visés par l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, n'est pas exhaustive et que l'appellation « France » constitue pour l'Etat français un élément d'identité, en ce que ce terme désigne le territoire national dans son identité économique, géographique, historique, politique et culturelle, pour laquelle il est en droit de revendiquer un droit antérieur au sens de cet article, l'arrêt retient que le suffixe « .com », correspondant à une extension internet de nom de domaine, n'est pas de nature à modifier la perception du signe, de sorte que le public identifiera les produits et services désignés à l'enregistrement des marques comme émanant de l'État français ou à tout le moins d'un service officiel bénéficiant de sa caution. Il en déduit qu'il existe un risque de confusion, lequel, dans les marques complexes, est renforcé par la représentation stylisée des frontières géographiques de la France. En cet état, la cour d'appel, qui a implicitement répondu, en l'écartant, au moyen invoqué par la cinquième branche, a retenu à juste titre l'atteinte portée au droit antérieur de l'Etat français.

19. La question préjudicielle invoquée par la société France.com relative à l'‘interprétation de la directive 2008/95 /CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques sur le caractère exhaustif ou non des droits antérieurs porte sur une disposition du droit de l'Union dépourvue de toute ambiguïté, dès lors que ce texte prévoit qu'un Etat membre peut interdire l'enregistrement ou l'usage d'une marque en vertu d'un droit antérieur et « notamment: i) d'un droit au nom, ii) d'un droit à l'image, iii) d'un droit d'auteur, iv) d'un droit de propriété industrielle ». Il s'agit, par conséquent, d'un acte clair ne nécessitant pas d'interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne. En outre, la question de savoir si un Etat peut opposer, au titre d'une antériorité, l'appellation du pays en l'absence de toute disposition nationale expresse, quand le droit au nom ou le droit de la personnalité sont visés à l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, relève de l'interprétation du seul droit interne.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

21. La société France.com fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement lui ayant ordonné de transférer à l'Etat français, sous astreinte, le nom de domaine « france.com », alors « que le juge est tenu de préciser le fondement de la décision qu'il adopte ; qu'en se bornant, pour ordonner le transfert du nom de domaine "france.com" à l'Etat français, à énoncer par motifs propres que ce nom de domaine portait atteinte à l'appellation "France" constituant pour l'Etat français un élément de son identité, et par motifs adoptés que ce nom de domaine heurtait les droits de l'Etat sur son nom, son identité et sa souveraineté, sans préciser plus avant sur quel texte ou principe elle se fondait pour consacrer un tel droit et ordonner le transfert à l'Etat du bien d'autrui, la cour d'appel, qui n'a pas précisé le fondement de la décision adoptée, a violé l'article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

22. Ayant retenu, par motif propres et adoptés, que le nom de domaine « france.com » utilisé par la société France.com heurtait les droits de l'Etat sur son nom, sur son identité et sur sa souveraineté et portait atteinte à l'appellation « France », qui constitue un élément de son identité, la cour d'appel a statué sur le fondement de l'article 9 du code civil, tel qu'invoqué par l'Etat français.

23. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en ses cinquième, sixième, septième et huitième branches

Enoncé du moyen

24. La société France.com fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 5°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que dans les conditions prévues par la loi ; qu'aucun texte ou principe ne permet à un juge, sur le fondement du droit de l'Etat sur l'appellation du pays, d'ordonner le transfert forcé à l'Etat d'un nom de domaine régulièrement enregistré par un tiers ; qu'en ordonnant pourtant un tel transfert, dans des conditions non prévues par la loi, la cour d'appel a violé l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme ;

6°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que pour cause d'utilité publique ; qu'en jugeant pourtant qu'il était indifférent que l'Etat français n'ait pas besoin du nom de domaine "france.com", et donc en ordonnant le transfert forcé d'un bien à l'Etat sans utilité publique démontrée, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

7°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; qu'en ordonnant pourtant le transfert du nom de domaine "france.com" à l'Etat français, ce qui privait la société France.com de son outil de travail, sans mettre à la charge de l'Etat la moindre indemnité compensatrice, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

8°/ que le juge ne peut pas statuer par des motifs inopérants ; que la cour d'appel a incriminé, par motifs adoptés, la possibilité de créer des adresses courriel associées au nom de domaine, ce qui était vanté par le mandataire chargé de la vente du site "www.france.com" ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants à justifier le transfert du nom de domaine de la société France.com à l'Etat français, faute de donner une base légale suffisante à un tel transfert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Sur la question préjudicielle

25. La question préjudicielle formulée par la société France.com, en ce qu'elle porte uniquement sur l'interprétation de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne au regard de la décision de la cour d'appel d'ordonner le transfert d'un nom de domaine au profit d'un tiers ne porte pas sur un droit de propriété intellectuelle ni sur aucun autre droit identifié par la société France.com qui relèverait du champ d'application du droit de l'Union, mais sur une réglementation nationale. Elle ne relève donc pas de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et, dès lors, la Cour de justice de l'Union européenne serait manifestement incompétente pour y répondre.

Sur le moyen

26. En premier lieu, les garanties de l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme (la Convention) ne trouvent à s'appliquer qu'en cas d'ingérence de l'Etat dans le droit d'un individu au respect de ses biens, ce qui implique de caractériser l'existence d'un « bien » au sens autonome de la Convention.

27. Si le titulaire d'un nom de domaine peut se prévaloir d'un « intérêt patrimonial » susceptible de relever de la protection conventionnelle (Paeffgen GmbH c. Allemagne (déc.), n° 25379/04, 21688/05, 21722/05 et 21770/05, 18 septembre 2007), c'est à la condition que les prérogatives, dont il entend se prévaloir à ce titre, soient suffisamment reconnues et protégées par le droit interne applicable (Anheuser-Busch Inc. c. Portugal [GC], n° 73049/01, §§ 66-78 , 11 janvier 2007), l'interprétation et l'application à donner à ce droit ne devant pas être l'objet d'un différend ([S] c. Slovaquie [GC], § 50, n° 44912/98, 28 septembre 2004).

28. Si l'usage d'un nom de domaine peut être cédé ou faire l'objet d'une protection en droit interne, c'est à la condition qu'il ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

29. Or, il ressort des productions et de la procédure que la société France.com a cessé d'exploiter son site internet dédié au tourisme en France, qui était accessible à l'adresse « www.france.com », avant de mettre en vente le seul nom de domaine « france.com ». Par motifs adoptés, l'arrêt relève que la possibilité de créer des adresses mails associées à ce nom de domaine conférait à son titulaire un accès privilégié et monopolistique au détriment des autres opérateurs, était utilisé comme argument commercial par le mandataire chargé de la vente du site litigieux, qui vantait l'apparente confiance et crédibilité de cette adresse comme pouvant être attribuée à un service de l'Etat français ou à un tiers autorisé, puis retient que le nom de domaine heurte le droit de l'Etat français sur son nom.

30. Au regard de ces circonstances, qui font ressortir le caractère illicite de la mise en vente du nom de domaine « france.com », dont l'exploitation avait cessé, la société France.com ne peut se prévaloir d'un bien protégé au sens de l'article 1 du Protocole n° 1.

31. En second lieu, hors toute question prioritaire de constitutionnalité, et l'enregistrement d'un nom de domaine ne conférant pas à son titulaire un droit de propriété, au sens des articles 544 et 545 du code civil, la société France.com ne peut pas se prévaloir d'une atteinte à un tel droit.

32. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance rendue le 24 novembre 2016, entre les parties, par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société France.com Inc. aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France.com Inc. et la condamne à payer au groupement d'intérêt économique Atout France la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société France.com Inc. société de droit américain.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré recevable l'intervention volontaire de l'Etat français et d'AVOIR fait droit aux demandes de l'Etat français dirigées contre la société France.com,

AUX CONSTATATIONS PROPRES QUE l'Etat français est représenté par le ministre des affaires étrangères et du développement international,

ET QUE le 14 avril 2015, l'Etat Français et le GIE Atout France sont intervenus volontairement à la procédure pour faire constater notamment l'atteinte aux droits de l'Etat français sur le nom de son territoire par la société Traveland Resorts et obtenir le transfert à son profit des marques litigieuses, ainsi que l'atteinte à ses droits par la société France.com Inc. et obtenir le transfert du nom de domaine, ou subsidiairement une interdiction de licencier, outre la constatation des actes de concurrence déloyale commis au préjudice du GIE Atout France,

ET AUX CONSTATATIONS ADOPTEES QUE l'Etat français est pris en la personne du ministre des affaires étrangères et du développement international, intervenant volontaire,

ET QUE l'Etat Français et le GIE Atout France sont intervenus volontairement à la procédure suivant conclusions signifiées par voie électronique le 14 avril 2015, pour faire constater notamment l'atteinte aux droits de l'Etat français sur le nom de son territoire par la société hollandaise et obtenir le transfert à son profit des marques litigieuses, ainsi que l'atteinte à ses droits par la société américaine et obtenir le transfert du nom de domaine ou subsidiairement une interdiction de licencier, outre la constatation des actes de concurrence déloyale commis au préjudice du GIE Atout France,

ALORS QUE devant les juridictions judiciaires, l'Etat n'est pas représenté par le ministre mais par l'agent judiciaire de l'Etat ou, en matière domaniale, par l'administration chargée des domaines ; que le défaut de pouvoir du représentant de l'Etat constitue une irrégularité de fond qui, ayant un caractère d'ordre public, doit être relevée d'office par le juge ; qu'en s'abstenant pourtant de déclarer nulle l'intervention de l'Etat français, représenté par le ministre des affaires étrangères et du développement international, dans le litige l'opposant à la société France.com, la cour d'appel a violé les articles 117 et 120 du code de procédure civile, ensemble l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955 et les articles R.2331-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé les marques françaises France.com déposées le 2 juillet 2009 pour l'ensemble des produits et services visés aux dépôts,

AUX MOTIFS QUE l'État français sollicite, au visa des articles L711-2, L711-3 et L711-4 code de la propriété intellectuelle, l'annulation des cinq marques précitées, en date du 2 juillet 2009, et qu'il soit ordonné sous astreinte à la société France.com Inc., de renoncer volontairement auprès de l'Ohmi (devenu EUIPO) aux quatre enregistrements de marques communautaires pris sous priorité des marques françaises annulées ; que l'appelante fait valoir essentiellement que les dispositions précitées sont inapplicables en l'espèce et que l'État français ne dispose d'aucun droit sur la dénomination « France » qui ne désigne qu'une zone géographique ; que l'énumération des droits antérieurs visés par l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle n'étant pas exhaustive, la dénomination « France » revendiquée par l'État français est susceptible de constituer une antériorité aux dépôts des marques françaises en cause dès lors qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; qu'il n'est pas démontré ni même allégué par la société France.com que l'État français avait connaissance de l'usage des signes litigieux par la société déposante avant la publication de leur cession intervenue en juillet 2015 de sorte qu'une forclusion par tolérance ne peut être opposée à l'intimée ; que contrairement à ce que soutient l'appelante, l'appellation « France » constitue pour l'État français un élément d'identité assimilable au nom patronymique d'une personne physique ; que ce terme désigne le territoire national dans son identité économique, géographique, historique, politique et culturelle, laquelle a notamment vocation à promouvoir l'ensemble des produits et services visés aux dépôts des marques considérées ; que le suffixe .com correspondant à une extension internet de nom de domaine n'est pas de nature à modifier la perception du signe ; qu'ainsi, le grand public identifiera ces produits et services comme émanant de l'État français ou à tout le moins d'un service officiel bénéficiant de la caution de l'État français ; que le risque de confusion est en outre renforcé par la représentation stylisée des frontières géographiques de la France dans les marques complexes en cause ; qu'il convient en conséquence d'annuler les marques françaises France.com n° 3661596, n° 3661598, n° 3661602, n° 3661600 et n° 3661603 déposées le 2 juillet 2009 pour l'ensemble des produits et services visés aux dépôts,

1- ALORS QU'il appartient à celui qui prétend avoir été dans l'impossibilité d'agir pendant le délai légalement fixé d'alléguer et de prouver les circonstances qui ont constitué un obstacle à l'exercice de son action ; qu'il appartient donc au demandeur à une action en nullité de marque, intentée plus de cinq ans après l'enregistrement de la marque, d'alléguer et de prouver qu'il n'a pas eu connaissance de l'usage de la marque pendant ce délai ; qu'en reprochant pourtant à la société France.com, défendeur à l'action en nullité de marque et qui invoquait la forclusion de l'action, de ne pas démontrer ni même alléguer que l'Etat français, demandeur à l'action en nullité, avait eu connaissance de l'usage des signes litigieux avant juillet 2015, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil.

2- ALORS, à tout le moins, QUE le juge du fond doit rechercher la date à laquelle le demandeur à l'action en nullité de marque a acquis la connaissance de l'usage du signe litigieux ; qu'en se bornant à constater que la société France.com ne démontrait pas ni même n'alléguait que l'Etat français aurait eu connaissance de l'usage des signes litigieux avant juillet 2015, après avoir pourtant constaté que l'Etat français avait agi pour obtenir le transfert à son profit de ces signes dès le 14 avril 2015, et sans s'expliquer plus précisément sur la date à laquelle l'Etat français avait eu connaissance de l'usage des signes litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.714-3, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle.

3- ALORS QUE selon la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008, les conflits entre une marque et des droits antérieurs doivent être énumérés de façon exhaustive ; qu'aucune disposition de la loi française ne prévoyant un droit antérieur des Etats sur l'appellation de leur pays, l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété conformément à la directive, ne permet donc pas, en l'absence de prévision textuelle expresse, à l'Etat français de se prévaloir d'un droit antérieur portant sur l'appellation « France » ; qu'en se fondant, pour juger le contraire, sur le fait que l'énumération visée par l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle n'est pas exhaustive, la cour d'appel a violé ce texte.

4- ALORS QUE le « droit au nom » ne constitue un droit antérieur que s'il est expressément protégé par la législation nationale ; que si la législation française protège explicitement la « dénomination ou raison sociale » ou le « nom commercial ou enseigne » des sociétés, le « nom patronymique » des personnes physiques, ou le « nom » des collectivités territoriales, aucune disposition spécifique ne prévoit un droit antérieur des Etats sur l'appellation de leur pays ; qu'en jugeant pourtant que l'appellation « France » devait être assimilée, pour l'Etat français, au nom patronymique d'une personne physique et bénéficier de ce fait de la même protection, la cour d'appel a violé l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété conformément à la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008.

5- ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant, pour annuler les marques de la société France.com, qu'elles créaient un risque de confusion dans l'esprit du public qui identifierait les produits et services désignés comme émanant de l'Etat français ou d'un de ses services officiels, sans répondre au moyen de l'exposante qui expliquait, pièces à l'appui, que l'extension « .com » était à l'époque réservée aux entités commerciales, seules les extensions « .gouv.fr » étant susceptibles d'être associées à un service de l'Etat français, ce qui excluait tout risque de confusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant ordonné à la société France.com de transférer à l'Etat français, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois après la signification du jugement, le nom de domaine <france.com>, sans la moindre contrepartie,

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'argument de l'appelante selon lequel l'État français, qui dispose d'autres adresses internet, « n'a pas besoin » du nom de domaine france.com est inopérant ; que pour des motifs identiques à ceux déjà exposés, ce nom de domaine permettant d'accéder à un site internet dédié au tourisme en France, porte atteinte à l'appellation « France » qui constitue pour l'État français un élément de son identité ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de transfert au profit de l'intimé, la bonne foi invoquée par la société France.com, à la supposer établie, étant ici inopérante,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'Etat français estime que l'appropriation à des fins purement spéculatives du nom de domaine <France.com> par la société américaine, porte atteinte à son nom, son identité et à sa souveraineté ; que certes, le contenu du site exploité à cette adresse par la société américaine, ne porte pas atteinte à l'image du pays, mais tout comme les marques précédemment évoquées, le nom de domaine utilisé par la société France.com heurte les droits de l'Etat sur son nom, sur son identité et sur sa souveraineté ; qu'en outre, la possibilité de créer des adresses mail associées confère au titulaire du nom de domaine, un accès privilégié et monopolistique au détriment des autres opérateurs, ce qui est d'ailleurs utilisé comme argument commercial par le mandataire chargé de la vente du site litigieux, qui vante l'apparente confiance et crédibilité de cette adresse, comme pouvant être attribuées à un service de l'Etat français ou un tiers autorisé ; qu'ainsi, le nom de domaine <france.com> qui appartient à la société américaine, se heurte aux droits de l'Etat français sur son nom ; que celui-ci est donc fondé à en solliciter le transfert, tandis que la société France.com n'est pas légitime à prétendre au versement préalable d'une juste indemnité,

1- ALORS QUE le juge est tenu de préciser le fondement de la décision qu'il adopte ; qu'en se bornant, pour ordonner le transfert du nom de domaine <france.com> à l'Etat français, à énoncer par motifs propres que ce nom de domaine portait atteinte à l'appellation « France » constituant pour l'Etat français un élément de son identité, et par motifs adoptés que ce nom de domaine heurtait les droits de l'Etat sur son nom, son identité et sa souveraineté, sans préciser plus avant sur quel texte ou principe elle se fondait pour consacrer un tel droit et ordonner le transfert à l'Etat du bien d'autrui, la cour d'appel, qui n'a pas précisé le fondement de la décision adoptée, a violé l'article 12 du code de procédure civile.

2- ALORS, à tout le moins, QUE les noms de domaine ne sont pas régis par les règles applicables aux marques ; qu'en se bornant à renvoyer à ses développements relatifs à l'action en nullité des marques France.com pour justifier le transfert du nom de domaine <france.com> à l'Etat français, la cour d'appel a violé l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle par fausse application.

3- ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de pure affirmation d'ordre général ; qu'en se bornant à énoncer, par motifs propres, que le nom de domaine <france.com> portait atteinte à l'appellation France constituant pour l'Etat français un élément de son identité, et par motifs adoptés que ce nom de domaine heurtait les droits de l'Etat sur son nom, son identité et sa souveraineté, sans expliquer plus avant en quoi consistait cette atteinte prétendument subie par l'Etat français, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

4- ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant, pour ordonner le transfert du nom de domaine <france.com> à l'Etat français, par motifs propres qu'il portait atteinte à l'appellation France constituant pour l'Etat français un élément de son identité, et par motifs adoptés que ce nom de domaine heurtait les droits de l'Etat sur son nom, son identité et sa souveraineté, sans répondre au moyen de l'exposante qui expliquait, pièces à l'appui, que l'extension « .com » était à l'époque réservée aux entités commerciales, seules les extensions « .gouv.fr » étant susceptibles d'être associées à l'Etat français, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

5- ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que dans les conditions prévues par la loi ; qu'aucun texte ou principe ne permet à un juge, sur le fondement du droit de l'Etat sur l'appellation du pays, d'ordonner le transfert forcé à l'Etat d'un nom de domaine régulièrement enregistré par un tiers ; qu'en ordonnant pourtant un tel transfert, dans des conditions non prévues par la loi, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6- ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que pour cause d'utilité publique ; qu'en jugeant pourtant qu'il était indifférent que l'Etat français n'ait pas besoin du nom de domaine <france.com>, et donc en ordonnant le transfert forcé d'un bien à l'Etat sans utilité publique démontrée, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

7- ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; qu'en ordonnant pourtant le transfert du nom de domaine <france.com> à l'Etat français, ce qui privait la société France.com de son outil de travail, sans mettre à la charge de l'Etat la moindre indemnité compensatrice, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil, l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

8- ALORS QUE le juge ne peut pas statuer par des motifs inopérants ; que la cour d'appel a incriminé, par motifs adoptés, la possibilité de créer des adresses courriel associées au nom de domaine, ce qui était vanté par le mandataire chargé de la vente du site www.france.com ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants à justifier le transfert du nom de domaine de la société France.com à l'Etat français, faute de donner une base légale suffisante à un tel transfert, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes de condamnation pécuniaire formées par la société France.com contre l'Etat français et d'AVOIR rejeté ces demandes,

AUX MOTIFS QUE l'issue du litige conduit à conduit à rejeter les diverses demandes d'indemnités de la société France.com, étant observé en tout état de cause qu'il n'est nullement justifié, contrairement à ce que soutient cette dernière, de la mise en cause de l'agent judiciaire de l'Etat dans le cadre du présent litige ; que succombant en partie, l'appelante n'est pas plus fondée à solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive,

ALORS QUE le juge qui déclare une demande irrecevable ne peut, sans excéder ses pouvoirs, examiner le fond du litige ; qu'en jugeant toutefois non seulement que les demandes formées contre l'Etat français étaient irrecevables, faute de mise en cause de l'agent judiciaire de l'Etat, mais encore qu'elles devaient être rejetées, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes de condamnation pécuniaire formées par la société France.com contre l'Etat français,

AUX MOTIFS QUE l'issue du litige conduit à conduit à rejeter les diverses demandes d'indemnités de la société France.com, étant observé en tout état de cause qu'il n'est nullement justifié, contrairement à ce que soutient cette dernière, de la mise en cause de l'agent judiciaire de l'Etat dans le cadre du présent litige

ALORS QUE les demandes reconventionnelles sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense, de sorte qu'elles ne nécessitent pas la mise en cause d'un autre représentant que celui choisi par le demandeur ; qu'en l'espèce, l'Etat français, demandeur, ayant choisi de se faire représenter à l'instance par le ministre des affaires étrangères, la société France.com n'avait pas à mettre en cause, dans le cadre de ses demandes reconventionnelles, un autre représentant de l'Etat ; qu'en jugeant pourtant que cette société aurait dû mettre en cause, à peine d'irrecevabilité, l'agent judiciaire de l'Etat, la cour d'appel a violé les articles 63 et 68 du code de procédure civile.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de condamnation pécuniaire formées par la société France.com contre l'Etat français et contre le GIE Atout France,

AUX MOTIFS QUE l'issue du litige conduit à conduit à rejeter les diverses demandes d'indemnités de la société France.com, étant observé en tout état de cause qu'il n'est nullement justifié, contrairement à ce que soutient cette dernière, de la mise en cause de l'agent judiciaire de l'Etat dans le cadre du présent litige ; que succombant en partie, l'appelante n'est pas plus fondée à solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive,

1- ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que pour rejeter les demandes reconventionnelles de la société France.com, la cour d'appel s'est fondée sur l'issue donnée au litige sur la nullité des marques et le transfert du nom de domaine et a énoncé que dès lors qu'elle succombait en partie, la société France.com ne pouvait solliciter des dommages-intérêts pour procédure abusive ; que par conséquent, la cassation à intervenir sur le fondement des trois premiers moyens, qui permet de montrer que l'issue du litige aurait dû être différente, justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile.

2- ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si, même à estimer leurs demandes bien fondées, l'Etat Français et le GIE Atout France n'avaient pas commis une faute en faisant croire à la société France.com, pendant des années, qu'ils étaient ses partenaires et en n'engageant aucune action judiciaire, ce qui lui avait causé un préjudice en la faisant massivement investir dans le développement de son site internet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

3- ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si, même à estimer leurs demandes bien fondées, l'Etat Français et le GIE Atout France n'avaient pas commis une faute en méconnaissant le principe d'égalité, dès lors qu'ils ne s'étaient jamais opposés à l'enregistrement de marques ou de noms de domaines comportant le mot « France », ce qui se traduisait par l'existence de milliers de signes comportant le mot « France.com », cette méconnaissance du principe d'égalité ayant causé un préjudice moral et patrimonial spécifique à l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

4- ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si, même à estimer leurs demandes bien fondées, l'Etat Français et le GIE Atout France n'avaient pas commis une faute ayant causé un dommage spécifique à l'exposante en faisant bloquer à son insu le nom de domaine <france.com> après le prononcé du jugement entrepris, pourtant non assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

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