23 March 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.726

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00363

Texte de la décision

SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mars 2022




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 363 F-D

Pourvoi n° D 20-21.726




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022

L'union Générale des syndicats FERC-CGT des personnels des maisons des jeunes et de la culture, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-21.726 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [W] [I], domicilié [Adresse 3], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'association Fédération française des maisons des jeunes et de la culture (FFMJC), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'union Générale des syndicats FERC-CGT des personnels des maisons des jeunes et de la culture, de la SCP Spinosi, avocat de M. [I], ès qualités, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2020), le 12 février 1972, la Fédération française des maisons des jeunes et de la culture (la FFMJC) et les fédérations régionales adhérentes d'une part et deux organisations syndicales représentatives d'autre part ont conclu la « convention collective FFMJC/ FRMJC Salariés » régissant les rapports entre les personnels des associations appelées dans la convention « Collectivité employeurs » et leurs salariés.

2.Un plan de redressement a été arrêté pour une durée de dix ans à l'égard de la FFMJC le 19 décembre 2013.

3. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 décembre 2017 adressée aux représentants des associations patronales adhérentes ainsi qu'aux syndicats signataires, la FFMJC a dénoncé la convention collective FFMJC/ FRMJC Salariés du 12 février 1972.

4. Le 19 avril 2018, l'union générale FERC-CGT des personnels des maisons des jeunes et de la culture (l'union générale FERC-CGT) a assigné la FFMJC aux fins de dire nulle et de nul effet cette dénonciation.

5. M. [I] est intervenu en qualité de liquidateur judiciaire de la FFMJC suite à la liquidation judiciaire prononcée le 7 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. L'union générale FERC-CGT fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à faire constater que la dénonciation de la convention collective du 12 février 1972 opérée par l'association FFMJC était nulle et de nul effet, alors « que tant que la négociation obligatoire en entreprise mentionnée à l'article L. 2242-1 du code du travail est en cours, l'employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l'urgence le justifie ; qu'il ne peut ainsi notamment dénoncer la convention ou l'accord d'entreprise applicable pendant cette période ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'aux termes d'un courriel du 29 juillet 2016, les organisations syndicales représentatives avaient été invitées par l'employeur à engager une négociation, qu'un protocole d'accord relatif à la négociation annuelle des salaires, dont l'unique objet portait sur la pérennisation de la participation de l'employeur aux déplacements-travail, et qu'à cette occasion, avait été fixé un calendrier de négociation pour que les parties puissent ultérieurement se déterminer sur les thèmes obligatoires de négociation, dont celui du salaire effectif ; qu'elle a, par suite, retenu, par motifs propres et adoptés, que la gestion du personnel était envisagée par référence à des éléments de la fonction publique, qu'il n'était pas tenu compte de l'évolution des métiers et de la transformation des emplois du personnel, que l'échelle des sanctions était inadaptée, que le nombre des salariés avait diminué dans des proportions importantes, que des fédérations régionales signataires avaient disparues, que la situation économique était attestée par le jugement de redressement judiciaire du 19 décembre 2013, qu'une délégation unique du personnel avait été mise en place et que les dispositions de la convention collective étaient, en 2017, majoritairement obsolètes au regard du droit positif ; qu'elle a ajouté, par motifs propres et adoptés, que la convention collective du 12 février 1972, reconductible d'année en année, devait en tout état de cause, dès lors que sa non-reconduction était envisagée, être dénoncée un mois avant la date de son expiration, soit le 11 janvier 2018 au plus tard ; qu'elle en a conclu que l'urgence tenant à l'ancienneté de la convention, comme à son inadéquation au droit positif ainsi qu'à la date à laquelle, en l'absence de dénonciation, elle se serait de nouveau poursuivie pour une année, justifiait, malgré la mise en oeuvre de la négociation annuelle obligatoire retardée à plusieurs reprises, la dénonciation de la convention collective ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, tirés des conditions conventionnelles de mise en oeuvre de la dénonciation, du simple retard pris dans l'ouverture des négociations obligatoires, de la situation économique de l'association et de la seule utilité que la dénonciation pourrait avoir, et partant impropres à caractériser l'urgence permettant d'écarter l'interdiction légale de dénoncer la convention collective applicable lorsqu'une des négociations obligatoires dans l'entreprise est en cours, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 2242-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

7. En application de l'article L. 2242-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, tant que la négociation mentionnée à l'article L. 2242-1 est en cours, l'employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l'urgence le justifie.

8. La condition de l'urgence, au sens de ce texte, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

9. Appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a retenu que les dispositions de l'accord collectif étaient devenues majoritairement obsolètes en 2017 et inadaptées tant à l'évolution législative qu'à la transformation de la FFMJC depuis 1972, marquée notamment par la disparition de fédérations régionales signataires et la mise en place d'une délégation unique du personnel ainsi que par une situation économique difficile attestée par le jugement de redressement judiciaire du 19 décembre 2013, qu'il n'était pas tenu compte de l'évolution des métiers dont certains n'existent plus ou d'autres, notamment ceux de l'animation, ne sont pas répertoriés, que le nombre de salariés a diminué dans des proportions importantes, passant de 650 à 200 et de plus de 500 directeurs en 1972 à 80 directeurs en 2017. Elle en a déduit que l'urgence justifiait, malgré la mise en oeuvre de la négociation annuelle obligatoire retardée à plusieurs reprises, la dénonciation de la convention collective par l'employeur.

10. Le moyen, qui remet en cause devant la Cour l'appréciation souveraine des juges du fond, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'union générale FERC-CGT des personnels des maisons des jeunes et de la culture aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour l'union Générale des syndicats FERC-CGT des personnels des maisons des jeunes et de la culture

Le syndicat FERC-CGT fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à faire constater que la dénonciation de la convention collective du 12 février 1972 opérée par l'association FFMJC était nulle et de nul effet et de l'AVOIR condamné à payer à l'association FFMJC une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

ALORS QUE tant que la négociation obligatoire en entreprise mentionnée à l'article L. 2242-1 du code du travail est en cours, l'employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l'urgence le justifie ; qu'il ne peut ainsi notamment dénoncer la convention ou l'accord d'entreprise applicable pendant cette période ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'aux termes d'un courriel du 29 juillet 2016, les organisations syndicales représentatives avaient été invitées par l'employeur à engager une négociation, qu'un protocole d'accord relatif à la négociation annuelle des salaires, dont l'unique objet portait sur la pérennisation de la participation de l'employeur aux déplacements-travail, et qu'à cette occasion, avait été fixé un calendrier de négociation pour que les parties puissent ultérieurement se déterminer sur les thèmes obligatoires de négociation, dont celui du salaire effectif ; qu'elle a, par suite, retenu, par motifs propres et adoptés, que la gestion du personnel était envisagée par référence à des éléments de la fonction publique, qu'il n'était pas tenu compte de l'évolution des métiers et de la transformation des emplois du personnel, que l'échelle des sanctions était inadaptée, que le nombre des salariés avait diminué dans des proportions importantes, que des fédérations régionales signataires avaient disparues, que la situation économique était attestée par le jugement de redressement judiciaire du 19 décembre 2013, qu'une délégation unique du personnel avait été mise en place et que les dispositions de la convention collective étaient, en 2017, majoritairement obsolètes au regard du droit positif ; qu'elle a ajouté, par motifs propres et adoptés, que la convention collective du 12 février 1972, reconductible d'année en année, devait en tout état de cause, dès lors que sa non-reconduction était envisagée, être dénoncée un mois avant la date de son expiration, soit le 11 janvier 2018 au plus tard ; qu'elle en a conclu que l'urgence tenant à l'ancienneté de la convention, comme à son inadéquation au droit positif ainsi qu'à la date à laquelle, en l'absence de dénonciation, elle se serait de nouveau poursuivie pour une année, justifiait, malgré la mise en oeuvre de la négociation annuelle obligatoire retardée à plusieurs reprises, la dénonciation de la convention collective ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, tirés des conditions conventionnelles de mise en oeuvre de la dénonciation, du simple retard pris dans l'ouverture des négociations obligatoires, de la situation économique de l'association et de la seule utilité que la dénonciation pourrait avoir, et partant impropres à caractériser l'urgence permettant d'écarter l'interdiction légale de dénoncer la convention collective applicable lorsqu'une des négociations obligatoires dans l'entreprise est en cours, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 2242-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.

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