23 March 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.186

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00374

Titres et sommaires

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité social et économique - Fonctionnement - Recours à un expert - Expert - Mission - Consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi - Domaine d'application - Rémunération, recrutement et modalités de départ de l'entreprise

Il résulte des articles L. 2312-26, L. 2312-36 et R. 2312-9 du code du travail que l'analyse de l'évolution de la rémunération dans toutes ses composantes et l'analyse de la politique de recrutement et des modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude, entrent dans la mission de l'expert désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi


REPRESENTATION DES SALARIES - Comité social et économique - Fonctionnement - Recours à un expert - Expert - Mission - Détermination par l'expert des documents utiles à sa mission - Application - Déclarations sociales nominatives (DSN) - Etendue - Portée

Aux termes de l'article L. 2315-83 du code du travail, l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, de ce code, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit. Doit par conséquent être approuvé le président du tribunal judiciaire qui a retenu qu'il appartenait à l'expert de déterminer les documents utiles à sa mission et que la communication à l'expert des déclarations annuelles de données sociales (DADS), devenues déclarations sociales nominatives (DSN), en ce que celles-ci se rapportaient à l'évolution de l'emploi, aux qualifications et à la rémunération des salariés au sein de l'entreprise, était nécessaire à l'exercice de sa mission d'expertise dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité social et économique - Fonctionnement - Recours à un expert - Expert - Mission - Pouvoir d'investigation - Pièces - Communication - Obligation de l'employeur - Détermination - Portée

Texte de la décision

SOC.

ZB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mars 2022




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 374 FS-B sur le 1er et le 2e moyen du pourvoi principal

Pourvoi n° U 20-17.186




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022

1°/ l'association hospitalière [3] (l'AHSM), dont le siège est [Adresse 1],

2°/ M. [K] [E] [N], domicilié [Adresse 1], pris en sa qualité de président du comité social et économique central de l'association hospitalière [3],

ont formé le pourvoi n° U 20-17.186 contre l'ordonnance en la forme des référés rendue le 16 juin 2020 par le président du tribunal judiciaire de Paris, dans le litige les opposant à la société Secafi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Secafi a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annéxés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annéxé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association hospitalière [3] et de M. [E] [N], ès qualités, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Secafi, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal judiciaire de Paris, 16 juin 2020), statuant en la forme des référés, par délibération du 27 novembre 2018, le comité central d'entreprise de l'association hospitalière [3] (l'AHSM) a décidé du recours à une expertise comptable, dans le cadre des consultations annuelles sur les orientations stratégiques, sur la situation économique et financière ainsi que sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

2. Par lettre du 9 mai 2019, la société Secafi (la société), désignée à cette fin par ce comité, a informé l'AHSM de la durée de sa mission, comprise entre 46 et 47 jours, et de son taux journalier de 1 240 euros hors taxes, correspondant à un montant total d'honoraires compris entre 55 800 euros et 58 280 euros hors taxes. Elle a également sollicité la communication par l'AHSM de documents complémentaires, dont, au titre des données sociales, les déclarations annuelles de données sociales (DADS) et les déclarations sociales nominatives (DSN) de l'année en cours et des quatre années précédentes.

3. Par délibération du 20 juin 2019, le comité social et économique central de l'AHSM, venant aux droits du comité central d'entreprise de cette association, a précisé le contenu de la mission d'expertise.

4. L' AHSM et M. [E] [N], en sa qualité de président du comité social et économique central, ont saisi le président du tribunal judiciaire pour contester l'étendue de l'expertise et solliciter la réduction de son coût et de sa durée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, et sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal ainsi que sur les troisième et quatrième moyens de ce pourvoi qui sont irrecevables, ni sur le moyen du pourvoi incident qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première à quatrième branches

Enoncé du moyen

6. L'AHSM fait grief à l'ordonnance de la débouter de sa demande tendant à dire que la mission confiée à la société par le comité social et économique central de l'AHSM ne rentre pas dans le cadre du recours à expertise prévu par l'article L. 2315-91 du code du travail en ce qui concerne l'analyse de l'évolution de la rémunération depuis 5 ans dans toutes ses composantes (salaire de base, primes, promotions, reprise d'ancienneté…), l'étude de la politique de recrutement et les modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude, de la condamner à communiquer à la société les DADS des années 2016, 2017 et 2018 et la DSN de l'année 2019, sous astreinte, de dire que l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte relèverait de cette même juridiction et de la débouter de sa demande de réduction de la durée et du coût de l'expertise, alors :

« 1°/ que le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, le cabinet Secafi ne se prévalait ni de l'absence de production par l'AHSM de la délibération du 27 mai 2018 aux termes de laquelle le comité central d'entreprise avait décidé de se faire assister par un expert dans le cadre des trois consultations annuelles récurrentes prévues par le code du travail, ni de l'absence de contestation par l'employeur de la mission confiée à l'expert par le comité social et économique central le 20 juin 2019 (et non 2020 comme visé à tort par l'ordonnance), pas plus qu'il ne discutait le défaut de mise en cause par l'employeur de cet organe ; qu'en se fondant sur de telles circonstances pour débouter l'employeur de sa demande relative à l'étendue de la mission de l'expert, le président du tribunal judiciaire a excédé les limites du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que, en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur ces différents points qu'il a relevés d'office, le président du tribunal judiciaire a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que la contestation par l'employeur du coût prévisionnel de l'expertise, de son étendue ou de sa durée concerne les rapports de l'employeur avec ledit expert ; qu'elle n'impose donc pas la mise en cause du comité social et économique, ni une discussion sur les contours de sa mission tels que définis par ce dernier dès lors que la contestation porte sur l'étendue de la mission de l'expert au regard de la loi ; qu'en se fondant, pour débouter l'employeur de sa demande relative à l'étendue de la mission de l'expert, sur l'absence de contestation par l'employeur de la mission déterminée par le CSE central le 20 juin 2019 (et non 2020 comme visé à tort par l'ordonnance) et sur le défaut de mise en cause de cet organe, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2312-17 du code du travail ;

4°/ que la mission de l'expert auquel le comité social et économique décide de recourir dans le cadre de l'une de ses consultations régulières ne doit pas excéder l'objet de celle-ci tel que défini par la loi ; que s'agissant de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, l'article L. 2312-26, I du code du travail prévoit qu'elle porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit ; que ne relèvent pas de cette consultation, et partant de la mission de l'expert, l'analyse de l'évolution individuelle de la rémunération dans toutes ses composantes, l'étude de la politique de recrutement et des modalités de départs, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude ; qu'en jugeant le contraire, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2312-26, I du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, du code du travail, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.

8. Selon l'article L. 2312-26, II, du même code, afin de permettre au comité social et économique de se prononcer, l'employeur met à la disposition de celui-ci, dans les conditions prévues par l'accord mentionné à l'article L. 2312-21 ou à défaut d'accord au sous-paragraphe 4 intitulé « base de données économiques et sociales », du paragraphe 3 « dispositions supplétives » de la sous-section 3 « consultations et informations récurrentes », les informations sur l'évolution de l'emploi, des qualifications, de la formation et des salaires, sur les actions en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, sur le nombre et les conditions d'accueil des stagiaires, sur l'apprentissage et sur le recours aux contrats de travail à durée déterminée, aux contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial, les informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l'entreprise, mentionnés au 2° de l'article L. 2312-36, ainsi que l'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes issu de la négociation mentionnée au 2° de l'article L. 2242-1 ou, à défaut, le plan d'action mentionné à l'article L. 2242-3, ainsi que les informations relatives aux contrats de mise à disposition conclus avec les entreprises de travail temporaires, aux contrats d'accompagnement dans l'emploi, aux contrats initiative emploi et les éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial.

9. Selon l'article L. 2312-36 du code du travail, inséré dans le sous-paragraphe 4 précité, en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, une base de données économiques, sociales et environnementales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité social et économique. Les informations contenues dans la base de données portent sur le thème de l'investissement social (emploi, évolution et répartition des contrats précaires, des stages et des emplois à temps partiel, formation professionnelle, évolution professionnelle et conditions de travail), sur le thème de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise : diagnostic et analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l'entreprise en matière d'embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l'âge, de la qualification et de l'ancienneté, évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l'entreprise, part des femmes et des hommes dans le conseil d'administration, ainsi que sur l'ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants.

10. Selon l'article R. 2312-9 du code du travail, en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, la base de données économiques et sociales prévue à l'article L. 2312-18 comporte, s'agissant de l'investissement social, le nombre d'embauches par contrats de travail à durée indéterminée, le nombre d'embauches par contrats de travail à durée déterminée (dont le nombre de contrats de travailleurs saisonniers), le nombre d'embauches de salariés de moins de vingt-cinq ans, le total des départs, le nombre de démissions, le nombre de licenciements pour motif économique, dont les départs en retraite et préretraite, le nombre de licenciements pour d'autres causes, le nombre de fins de contrats de travail à durée déterminée, le nombre de départs au cours de la période d'essai, le nombre de mutations d'un établissement à un autre, le nombre de départs volontaires en retraite et préretraite, le nombre de décès, le nombre de salariés promus dans l'année dans une catégorie supérieure et le nombre de salariés déclarés définitivement inaptes à leur emploi par le médecin du travail, et, s'agissant de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise, par sexe, le nombre et le taux de promotions par catégorie professionnelle, la durée moyenne entre deux promotions, l'ancienneté moyenne par catégorie professionnelle et dans la catégorie professionnelle, par niveau ou coefficient hiérarchique et dans le niveau ou le coefficient hiérarchique, par sexe, la rémunération moyenne ou médiane mensuelle par catégorie professionnelle et par niveau ou coefficient hiérarchique, ainsi que, s'agissant de la rémunération des salariés et des dirigeants, dans l'ensemble de leurs éléments, le pourcentage des salariés dont le salaire dépend, en tout ou partie, du rendement.

11. Le président du tribunal judiciaire a retenu à bon droit que l'analyse de l'évolution de la rémunération dans toutes ses composantes et l'analyse de la politique de recrutement et des modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude, entrent dans la mission de l'expert désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

12. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est donc pas fondé.


Sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. L'AHSM fait grief à l'ordonnance de la condamner à communiquer à la société les DADS des années 2016, 2017 et 2018 et la DSN de l'année 2019, sous astreinte, et de dire que l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte relèverait de cette même juridiction, alors :

« 1°/ que l'employeur n'est tenu de fournir à l'expert que les informations nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'en affirmant, pour faire droit à la demande du cabinet Secafi tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, que celle-ci apparaissait nécessaire, dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale, à l'analyse de l'évolution de l'emploi, des qualifications et de la rémunération des salariés au sein de l'association, sans caractériser autrement que par voie de pure affirmation une telle nécessité, nonobstant la multitude des informations auxquelles l'expert pouvait avoir accès via la base de données économiques et sociales (BDES), le bilan social et les documents prévus à l'article L. 2312-27 du code du travail, le président du tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2315-83 du code du travail ;

2°/ que si l'expert-comptable est seul à apprécier les documents utiles à sa mission, c'est sous réserve de l'abus, celui-ci étant constitué lorsque la demande de communication porte sur des éléments excédant l'objet de la mission confiée ou qui sont manifestement sans nécessité sur celle-ci ; qu'en relevant, pour faire droit à la demande du cabinet Secafi tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, que l'expert était seul juge de leur utilité, sans tenir compte de cette réserve, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-83 du code du travail. »

Réponse de la Cour

14. Aux termes de l'article L. 2315-83 du code du travail, l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission.

15. Aux termes de l'article L. 2312-26, I, de ce code, la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit.

16. Le président du tribunal judiciaire, qui a retenu qu'il appartenait à l'expert de déterminer les documents utiles à sa mission et que la communication à l'expert des DADS, devenues DSN, en ce que celles-ci se rapportaient à l'évolution de l'emploi, aux qualifications et à la rémunération des salariés au sein de l'entreprise, était nécessaire à l'exercice de sa mission d'expertise dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'Association hospitalière [3] et M. [N], ès qualités, demandeurs au pourvoi principal


PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'association Hospitalière Sainte Marie fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir constater que la mission confiée au cabinet d'expertise Secafi par le CSE central de l'AHSM ne rentrait pas dans le cadre du recours à expertise prévu par l'article L.2315-91 du code du travail en ce qui concerne l'analyse de l'évolution de la rémunération depuis 5 ans dans toutes ses composantes (salaire de base, primes, promotions, reprise d'ancienneté…), l'étude de la politique de recrutement et les modalités de départ, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitudes, de l'AVOIR condamnée à communiquer à la société Secafi les déclarations annuelles de données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document manquant passé un délai de 7 jours suivant la notification de l'ordonnance et ce, pendant une durée d'un mois, d'AVOIR dit que l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte relèverait de cette même juridiction, et de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir constater le caractère excessif du coût prévisionnel du fait du dépassement par l'expert du cadre de sa mission et à voir réduit à de plus justes proportions la durée et le coût de l'expertise ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, le cabinet Secafi ne se prévalait ni de l'absence de production par l'AHSM de la délibération du 27 mai 2018 aux termes de laquelle le comité central d'entreprise avait décidé de se faire assister par un expert dans le cadre des trois consultations annuelles récurrentes prévues par le code du travail, ni de l'absence de contestation par l'employeur de la mission confiée à l'expert par le comité social et économique central le 20 juin 2019 (et non 2020 comme visé à tort par l'ordonnance), pas plus qu'il ne discutait le défaut de mise de cause par l'employeur de cet organe ; qu'en se fondant sur de telles circonstances pour débouter l'employeur de sa demande relative à l'étendue de la mission de l'expert, le président du tribunal judiciaire a excédé les limites du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS à tout le moins QU'en s'abstenant d'inviter les parties à présenter leurs observations sur ces différents points qu'il a relevés d'office, le président du tribunal judiciaire a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE la contestation par l'employeur du coût prévisionnel de l'expertise, de son étendue ou de sa la durée concerne les rapports de l'employeur avec ledit expert ; qu'elle n'impose donc pas la mise en cause du comité social et économique, ni une discussion sur les contours de sa mission tels que définis par ce dernier dès lors que la contestation porte sur l'étendue de la mission de l'expert au regard de la loi ; qu'en se fondant, pour débouter l'employeur de sa demande relative à l'étendue de la mission de l'expert, sur l'absence de contestation par l'employeur de la mission déterminée par le CSE central le 20 juin 2019 (et non 2020 comme visé à tort par l'ordonnance) et sur le défaut de mise en cause de cet organe, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L.2312-17 du code du travail ;

4°) ALORS QUE la mission de l'expert auquel le comité social et économique décide de recourir dans le cadre de l'une de ses consultations régulières ne doit pas excéder l'objet de celle-ci tel que défini par la loi ; que s'agissant de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, l'article L. 2312-26, I du code du travail prévoit qu'elle porte sur l'évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l'apprentissage, les conditions d'accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit ; que ne relèvent pas de cette consultation, et partant de la mission de l'expert, l'analyse de l'évolution individuelle de la rémunération dans toutes ses composantes, l'étude de la politique de recrutement et des modalités de départs, en particulier des ruptures conventionnelles et des licenciements pour inaptitude ; qu'en jugeant le contraire, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2312-26, I du code du travail ;

5°) ALORS à tout le moins QU'aux termes de l'article R. 2312-10 du code du travail, en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, les informations figurant dans la base de données économique et sociale portent sur l'année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu'elles peuvent être envisagées, sur les trois années suivantes ; qu'il en résulte que les informations relatives à la rémunération que l'employeur doit communiquer au comité social et économique et par suite à l'expert désigné par ce dernier, ne peuvent porter que sur ces seules années ; qu'en déboutant l'AHSM de sa demande tendant à voir constater qu'excédait la mission confiée au cabinet d'expertise Secafi par le CSE central l'analyse de l'évolution de la rémunération « depuis 5 ans », le président du tribunal judiciaire a violé le texte précité.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

L'association Hospitalière Sainte Marie fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à communiquer à la société Secafi les déclarations annuelles de données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document manquant passé un délai de 7 jours suivant la notification de l'ordonnance et ce, pendant une durée d'un mois, et d'AVOIR dit que l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte relèverait de cette même juridiction ;

1°) ALORS QUE l'employeur n'est tenu de fournir à l'expert que les informations nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'en affirmant, pour faire droit à la demande du cabinet Secafi tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, que celle-ci apparaissait nécessaire, dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale, à l'analyse de l'évolution de l'emploi, des qualifications et de la rémunération des salariés au sein de l'association, sans caractériser autrement que par voie de pure affirmation une telle nécessité, nonobstant la multitude des informations auxquelles l'expert pouvait avoir accès via la base de données économiques et sociales (BDES), le bilan social et les documents prévues à l'article L. 2312-27 du code du travail, le président du tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2315-83 du code du travail ;

2°) ALORS subsidiairement QUE si l'expert-comptable est seul à apprécier les documents utiles à sa mission, c'est sous réserve de l'abus, celui-ci étant constitué lorsque la demande de communication porte sur des éléments excédant l'objet de la mission confiée ou qui sont manifestement sans nécessité sur celle-ci ; qu'en relevant, pour faire droit à la demande du cabinet Secafi tendant à la communication des déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, que l'expert était seul juge de leur utilité, sans tenir compte de cette réserve, le président du tribunal judiciaire a violé l'article L. 2315-83 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

L'association Hospitalière Sainte Marie fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir constater que l'ensemble des documents visés à la BDES concernant la rémunération avait été communiqué au Cabinet d'expertise Secafi ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaitre les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions, l'AHSM sollicitait du président du tribunal judiciaire qu'il constate que l'ensemble des documents visés à la base de données économiques et sociales (BDES) concernant la rémunération avait été communiqué au cabinet Secafi ; que si, dans ses écritures, ce dernier sollicitait, à titre reconventionnel, la production complémentaire des déclarations annuelles de données sociales (DADS), devenue la déclaration sociale nominative (DSN), aux fins de réalisation de l'expertise, il ne contestait pas avoir été destinataire de l'ensemble des documents visés à la BDES ; qu'en jugeant que si l'expert admettait avoir été destinataire de certains éléments contenus dans cette base de données, il contestait en avoir reçu l'intégralité, le président du tribunal judiciaire a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS subsidiairement QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en jugeant que les pièces produites par l'employeur consistant en un courrier adressé au cabinet Secafi détaillant les éléments contenus dans la BDES qu'il acceptait de communiquer et un mail interne relatant les éléments transmis à l'expert, ne permettaient pas de justifier d'une communication de ces données au cabinet Secafi, faute de communication par l'employeur des mails cités dans sa réponse officielle du 19 mai 2020, le président du tribunal judiciaire, qui a exigé la production de pièces déterminées, a violé le principe susvisé.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

L'association Hospitalière Sainte Marie fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir constater le caractère excessif du coût prévisionnel du fait du dépassement par l'expert du cadre de sa mission et à voir celui-ci réduit à de plus justes proportions ;

ALORS QU'en constatant que l'expert ne pouvait obtenir communication des déclarations annuelles de données sociales (DADS), devenus la déclaration sociale nominative (DSN), que de 2016 à 2019, à l'exclusion de l'année 2015 comme il le réclamait, sans réduire en conséquence le coût prévisionnel de l'expertise qui intégrait une telle période, le président du tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l'article L. 2315-86 du code du travail.

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Secafi, demanderesse au pourvoi incident

La société Secafi fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR limité la condamnation de l'association hospitalière [3] à lui communiquer les déclarations annuelles de données sociales (DADS) des années 2016, 2017 et 2018 et la déclaration sociale nominative (DSN) 2019, et de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à lui voir communiquer les DSN ou DADS de l'année 2015.

1° ALORS QUE l'ordonnance attaquée retient que l'employeur doit être débouté de sa demande visant à constater que la mission confiée au cabinet Secafi par le CSE central de l'AHSM ne rentre pas dans le cadre du recours à expertise prévu par l'article L. 2315-91 du Code du Travail en ce qui concerne l'analyse de l'évolution de la rémunération depuis 5 ans dans toutes ses composantes (salaire de base, primes, promotions, reprise d'ancienneté...) ; qu'en limitant pourtant aux déclarations annuelles de données sociales des années 2016, 2017 et 2018 et à la déclaration sociale nominative 2019 les documents devant être communiqués à l'expert dans ce cadre, à l'exclusion de la déclaration annuelle des données sociales de l'année 2015 pourtant relative à une période incluse dans le périmètre de cette analyse, le président du tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient nécessairement, a violé l'article L. 2315-83 du code du travail.

2° ALORS QU'aux termes de l'article L. 2315-83 du code du travail, l'employeur fournit à l'expert mandaté par le CSE en application des articles L. 2315-87 et suivants du même code les informations nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'il ne résulte de ce texte aucune autre limite matérielle ou temporelle à l'obligation de l'employeur d'avoir à communiquer des informations à l'expert que celle résultant des nécessités de sa mission ; qu'en retenant, au visa de l'article R. 2312-8 du code du travail pourtant uniquement relatif aux documents mis à la disposition du CSE dans la base de données économiques et sociales (BDES), que seule la communication des DADS des deux années précédant la délibération (soit 2016 et 2017) et les DADS de 2018 (année en cours) ainsi que les DSN de l'année 2019 (année de la délibération du CSE) apparaissent justifiées, le président du tribunal judicaire a violé l'article R. 2312-8 du code du travail par fausse application et l'article L. 2315-83 du même code

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