16 March 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.265

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00309

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mars 2022




Cassation


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 309 F-D

Pourvoi n° Q 20-22.265




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022

M. [F] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-22.265 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la Fédération dijonnaise des oeuvres de soutien à domicile (FEDOSAD), association, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La Fédération dijonnaise des oeuvres de soutien à domicile a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [E], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Fédération dijonnaise des oeuvres de soutien à domicile, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Pecqueur, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 15 octobre 2020), M. [E] a été engagé le 1er août 2002 par la Fédération dijonnaise des oeuvres de soutien à domicile, en qualité d'employé administratif, et occupait en dernier lieu le poste de directeur de service.

2. Le 5 août 2016, les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger valide la rupture conventionnelle de son contrat de travail et de le débouter de ses demandes tendant à voir juger que la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer diverses indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail, alors « que la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s'ensuit qu'à défaut d'une telle remise, la convention de rupture est nulle ; qu'en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d'en rapporter la preuve ; qu'il suit de là qu'en déboutant le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, cependant qu'elle relevait que l'employeur ne démontrait pas avoir remis au salarié un exemplaire "cerfa" de la convention de rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail :

4. Il résulte de ces textes, d'une part que la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, à défaut d'une telle remise, la convention de rupture est nulle, d'autre part qu'en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d'en rapporter la preuve.

5. Pour débouter le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, l'arrêt retient que l'employeur ne démontre pas avoir remis au salarié un exemplaire ‘'cerfa'' de la convention de rupture, qu'il ne produit pas le récépissé idoine, ni aucune autre pièce probante mais que cependant l'employeur verse aux débats des pièces révélant que le salarié connaissait le déroulement précis de la procédure, les délais à respecter, les documents à établir et à remettre et que dans ces conditions, le salarié ne pouvait soutenir, nonobstant le défaut de remise de l'exemplaire ‘'cerfa'‘, qu'il ignorait bénéficier d'un délai de quinze jours pour se rétracter et que, partant, son consentement n'aurait pas été libre et éclairé.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

7. En application du texte susvisé, la cassation du chef du dispositif visé par le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche, entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif visé par le moyen du pourvoi incident de l'employeur qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du moyen du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la Fédération dijonnaise des oeuvres de soutien à domicile aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Fédération dijonnaise des oeuvres de soutien à domicile et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [E], demandeur au pourvoi principal


M. [E] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé valide la rupture conventionnelle de son contrat de travail et partant de l'avoir débouté de ses demandes tendant à voir juger que ladite rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer diverses indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail, alors :

1°) que la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s'ensuit qu'à défaut d'une telle remise, la convention de rupture est nulle ; qu'en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d'en rapporter la preuve ; qu'il suit de là qu'en déboutant le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, cependant qu'elle relevait que l'employeur ne démontrait pas avoir remis au salarié un exemplaire "cerfa" de la convention de rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail ;

2°) que seule la remise au salarié d'un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l'homologation de la convention et d'exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause ; qu'il suit de là qu'en déboutant le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, en relevant en substance que nonobstant l'absence de remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié, ce dernier, du fait des fonctions qu'il occupait au sein de l'association, connaissait parfaitement le déroulement de la procédure de rupture conventionnelle et des délais à respecter, en particulier le délai de quinze jours dont il bénéficiait pour se rétracter, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, alors même qu'elle constatait que l'employeur ne démontrait pas avoir remis un exemplaire de la convention de rupture au salarié, a violé derechef les articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Fédération dijonnaise des oeuvres de soutien à domicile, demanderesse au pourvoi incident


L 'association FEDOSAD fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

1. ALORS QUE toute faute dans l'exercice des voies de droit est de nature à engager la responsabilité de son auteur ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. [E] avait sollicité le bénéfice d'une rupture conventionnelle et fixé lui-même le montant de l'indemnité afférente, à hauteur de 55.000 € ; que les premiers juges, qui avaient condamné M. [E] à des dommages et intérêts pour procédure abusive, avaient constaté qu il résultait de l'attestation de Mme [H], déléguée syndicale, que M. [E] lui avait déclaré, le 17 juillet 2016, soit plusieurs semaines avant la signature de la rupture conventionnelle, qu'il « ne réfléchirait pas longtemps avant de demander » une telle rupture et qu'il « mettrait quoi qu'il en soit la FEDOSAD aux prud'hommes » ; que M. [E] avait effectivement saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant exclusivement à l'annulation de la rupture conventionnelle, invoquant un vice du consentement dont la cour d'appel a constaté qu'il était inexistant, ainsi que le défaut de remise d'un exemplaire de la convention et l'impossibilité subséquente d'exercer son droit de rétractation, alors même qu'ainsi que l'a également constaté la cour d'appel, il était lui-même chargé de signer les ruptures conventionnelles et de mener toute la procédure qui les précédaient, en sorte qu'il avait une parfaite connaissance des délais et de la procédure applicable auxdites ruptures ; qu'il s'inférait de ces éléments que M. [E] avait, avant l'intervention de la rupture conventionnelle, prévu de demander sa signature pour en contester ensuite la validité et, dans ce cadre, invoqué l'ignorance d'un délai qu'il ne pouvait, en raison de ses fonctions, que connaître, en sorte qu'il avait agi avec malice, ou à tout le moins avec mauvaise foi ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, qu'il n'aurait pas été démontré que le salarié avait agi de mauvaise foi, par malveillance ou à la suite d'une erreur équipollente au dol, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil.

2. ET ALORS QUE les juges ne peuvent se contredire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté l'exposante de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, tant dans ses motifs que dans son dispositif, et confirmé le jugement en toutes ses dispositions ; qu'en statuant ainsi, quand le jugement entrepris avait condamné M. [E] à verser à l'association FEDOSAD la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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