9 March 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-11.845

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00173

Titres et sommaires

INTERETS - Intérêt légal - Taux - Cas - Créancier personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels - Définition

N'agit pas pour des besoins professionnels, au sens de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, le créancier personne physique qui poursuit le recouvrement d'une créance qui n'est pas née dans l'exercice de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et ne se trouve pas en rapport direct avec cette activité. Tel est le cas du créancier personne physique qui, ayant cédé des parts lui appartenant dans le capital d'une société commerciale dont il est le gérant, agit en paiement du prix de cession

INTERETS - Intérêt légal - Taux - Cas - Créancier personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels - Applications diverses - Personne physique ayant cédé des parts d'une société commerciale dont il est le gérant - Action en paiement du prix de cession

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 mars 2022




Rejet


M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 173 F-B

Pourvoi n° P 20-11.845











R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 MARS 2022

La société Bourbon cars investissements, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-11.845 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [O] [W] [F], domiciliée [Adresse 1], prise en qualité d'ayant droit de [M] [W] [F], décédé, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Bourbon cars investissements, de Me Occhipinti, avocat de Mme [W] [F], ès qualités, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis-de-La Réunion, 8 octobre 2019), par un arrêt du 26 mai 2017, une cour d'appel, confirmant un jugement du 27 mars 2015, a condamné la société Bourbon cars investissements (la société BCI) à payer à [M] [W] [F] une certaine somme au titre d'une cession de parts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement. Par acte du 17 juillet 2018, Mme [W] [F], venant aux droits de [M] [W] [F], décédé, a délivré un commandement de payer valant saisie-vente à la société BCI pour une somme correspondant à des intérêts de retard calculés suivant le taux d'intérêt légal applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels, au sens de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société BCI fait grief à l'arrêt de dire qu'il y a lieu d'appliquer le taux des particuliers à la créance de [M] [W] [F] constatée par arrêt du 26 mai 2017, alors « que selon l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, le taux de l'intérêt légal, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie, comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas ; que la personne physique, associée et gérante d'une société commerciale, qui cède les parts qu'elle détient dans le capital de celle-ci, agit pour des besoins professionnels au sens de ce texte ; qu'en retenant néanmoins qu'en cédant à la société BCI les parts qu'il détenait dans le capital de la société commerciale Transports [W], [M] [W] [F], qui en était l'associé gérant, n'avait pas agi pour des besoins professionnels, la cour d'appel a violé l'article L. 313-2 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

3. N'agit pas pour des besoins professionnels, au sens de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, le créancier personne physique qui poursuit le recouvrement d'une créance qui n'est pas née dans l'exercice de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et ne se trouve pas en rapport direct avec cette activité. Tel est le cas du créancier personne physique qui, ayant cédé des parts lui appartenant dans le capital d'une société commerciale dont il est le gérant, agit en paiement du prix de cession.

4. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La société BCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger qu'elle reste redevable de la somme de 9 157,60 euros au titre des intérêts au taux normal impayés et de dire qu'il y a lieu d'appliquer le taux majoré prévu à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, alors « que la cassation d'un chef de dispositif s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le premier moyen, du chef de l'arrêt ayant décidé qu'il y a lieu d'appliquer le taux des particuliers à la créance de [M] [W] [F] sur la société BCI constatée par arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis du 26 mai 2017, entraînera, par voie de conséquence, l'annulation des chefs de l'arrêt ayant rejeté la demande de la société Bourbon cars investissements tendant à voir juger qu'elle reste redevable de la somme de 9 157,60 euros au titre des intérêts au taux normal impayés et ayant décidé qu'il y a lieu d'appliquer le taux majoré prévu à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Le rejet du premier moyen rend le second sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bourbon cars investissements aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bourbon cars investissements et la condamne à payer à Mme [W] [F] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société Bourbon cars investissements.

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'il y a lieu d'appliquer le taux des particuliers à la créance de [M] [W] [F] sur la société Bourbon cars investissements constatée par arrêt de la cour d'appel de Saint Denis du 26 mai 2017 et d'avoir condamné la société Bourbon cars investissements à payer à Mme [W] [F] en qualité de représentante de la succession de [M] [W] [F], la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE

Sur le taux d'intérêt applicable

L'article L.313-2 du code monétaire et financier prévoit que "Le taux de l'intérêt légal est, en toute matière, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. / Il comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. [...]"

En l'espèce, les cessions conclues par [M] [W] [F], a l'origine de la créance recouvrée résulte de la vente de parts sociales ;

Il n'est pas démontré que cette cession soit intervenue pour des besoins professionnels de [M] [W] [F], ce dernier justifiant en outre de la perception d'une retraite a partir d'avril 2009 alors que les parts ont été cédées dans les mois qui précédaient ;

Le fait que [M] [W] [F] ait créé une autre société dans les années suivant les cessions ne permet nullement d'induire que la vente des parts a été réalisée dans le but d'abonder une autre société et qu'elle s'est inscrite dans le cadre des besoins professionnels de [M] [W] [F] ;

De plus, le fait que les cessions de part puissent en l'espèce revêtir un caractère commercial n'implique pas que [M] [W] [F] ait agi pour des besoins professionnels au sens de l'article L.313-2 précité ;

Enfin, il ne saurait être déduit du courrier du 23 avril 2018, envoyé pour le compte de [M] [W] [F] par son conseil, que celui-ci aurait renoncé a l'application des intérêts de retard au taux prévu pour les particuliers, des lors qu'il y est mentionné que sa position étant toujours qu'il faut toujours appliquer le taux des créances des particuliers (pièce 9 [W].) ;

Il s'ensuit que le taux d'intérêt légal applicable à la créance de [M] [W] [F] est le taux applicable aux particuliers, que c'est a tort que premier juge a dit que le taux d'intérêt des professionnels devait s'appliquer a la dette de la SARL BCI et que le jugement entrepris doit ainsi être infirmé sur ce point » ;

ALORS QUE selon l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, le taux de l'intérêt légal, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie, comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas ; que la personne physique, associée et gérante d'une société commerciale, qui cède les parts qu'elle détient dans le capital de celle-ci, agit pour des besoins professionnels au sens de ce texte; qu'en retenant néanmoins qu'en cédant à la société Bourbon cars investissements les parts qu'il détenait dans le capital de la société commerciale Transports [W], [M] [W] [F], qui en était l'associé gérant, n'avait pas agi pour des besoins professionnels, la cour d'appel a violé l'article L. 313-2 du code monétaire et financier.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Bourbon cars investissements tendant à voir juger qu'elle reste redevable de la somme de 9 157, 60 euros au titre des intérêts au taux normal impayés, d'avoir dit qu'il y a lieu d'appliquer le taux majoré prévu à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, et d'avoir condamné la société Bourbon cars investissements à payer à Mme [W] [F] en qualité de représentante de la succession de [M] [W] [F], la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE

« Sur le point de départ des intérêts légaux, sur la majoration du taux de cinq points et sur l'imputation du remboursement sur les sommes dues

Confirmant le jugement du 27 mars 2015 ayant condamné la SARL BCI a verser a [M] [W] [F] la somme de 438.156,62 euros, la cour a précisé que les intérêts au taux légal seraient dus a compter du jugement ;

Ce faisant, la cour n'a fait que rappeler l'existence d'intérêts au taux légal dus de plein droit par application des dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code de procédure civile ;
En revanche, cette décision n'est devenue définitive qu'à compter de l'arrêt du 26 mai 2017 et, exécutoire a compter de la signification de cet arrêt, ainsi que le prévoit l'article 503 du code de procédure civile, soit, en l'espèce, le 22 janvier 2018 ;

En application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier, le taux légal majoré de cinq points sur les sommes restant dues a donc commencé a courir le 23 mars 2018 ;

Le fait que le conseil de [M] [W] [F] ait, par courrier du 23 avril 2018, sollicité les "intérêts légaux" sur le principal "sur la période du 16 mars 2018 au 30 avril 2018" n'implique pas que celui-ci ait entendu renoncer a l'application du taux majoré ;

Il ne saurait pas davantage être déduit de cette formule que [M] [W] [F] a renoncé a l'application de la règle de l'imputation prioritaire des versements partiels de la dette sur les intérêts ;

L'article 1343-1 du code civil dispose en effet que "Lorsque l'obligation de somme d'argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. Le paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts" ;

En l'espèce, la créancière admet l'existence d'un versement de 440.803,56 euros au 16 mars 2018 ; La production de la copie de deux chèques émis les 6 et 9 février 2018 par l'intimée sur un compte CARPA est insuffisante a établir l'existence de versements antérieurs ;

Comme précédemment démontré, au 16 mars 2018, la créance en principal de 438.156,62 euros avait porté intérêts au taux légal depuis le 27 mars 2015 ; Dès lors, ainsi qu'il résulte du décompte d'huissier arrêté au 16 mars 2018 (pièce 11 appelante), la créance de [M] [W] [F] s'élevait a cette date a la somme de 438.156,62 euros en principal et de 54.175,06 euros en intérêts ; Il s'ensuit que le versement de la somme de 440.803,56 euros s'est d'abord imputé sur les intérêts ; Par suite, celui-ci n'a pu éteindre la dette de la SARL BCI en principal et la somme de 51.528,12 euros reste due ;

Aussi, la SARL BCI n'est pas fondée a soutenir qu'en l'absence de dette subsistante au 23 mars 2018, il n'y a pas lieu a application d'un taux d'intérêt majoré ;

Le jugement entrepris doit ainsi être infirmé en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu a application d'un taux d'intérêt majoré ;

En conséquence de l'ensemble de ce qui précède, le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions » ;

ALORS QUE la cassation d'un chef de dispositif s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le premier moyen, du chef de l'arrêt ayant décidé qu'il y a lieu d'appliquer le taux des particuliers à la créance de [M] [W] [F] sur la société Bourbon cars investissements constatée par arrêt de la cour d'appel de Saint Denis du 26 mai 2017, entraînera, par voie de conséquence, l'annulation des chefs de l'arrêt ayant rejeté la demande de la société Bourbon cars investissements tendant à voir juger qu'elle reste redevable de la somme de 9 157, 60 euros au titre des intérêts au taux normal impayés et ayant décidé qu'il y a lieu d'appliquer le taux majoré prévu à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.