22 February 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-83.226

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CR00236

Titres et sommaires

VENTE - Vente en soldes - Vente au cours des périodes autorisées - Réassortiment auprès d'une entité juridique distincte - Produits proposés à la vente depuis moins d'un mois

Justifie sa décision de déclarer une société coupable d'infraction à la législation sur les soldes la cour d'appel qui, d'une part, par une interprétation souveraine du contrat de commission-affiliation qui lie cette société à un commettant, établit qu'elle ne s'est pas bornée à écouler le stock qu'elle détenait, mais a effectué, au cours de la période de soldes, un réassortiment auprès de ce fournisseur qui constituait une entité juridique distincte et écoulait ainsi son propre stock, d'autre part, constate que les produits soldés n'avaient pas été proposés à la vente depuis au moins un mois

Texte de la décision

N° X 21-83.226 F-B

N° 00236


RB5
22 FÉVRIER 2022


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 FÉVRIER 2022



La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 1er avril 2021, qui, pour infraction à la législation sur les soldes, l'a condamnée à 10 000 euros d'amende dont 5 000 euros avec sursis.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [2], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 10 janvier 2018, premier jour des soldes d'hiver, les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont procédé à un contrôle du magasin exploité par la société [2] sous l'enseigne « [1] ».

3. Ils ont constaté que ce magasin était approvisionné par la société [1], avec laquelle la société [2] était liée par un contrat de commission-affiliation, que cent-vingt-neuf des cent-quatre-vingt-seize références vendues au premier jour des soldes avaient fait l'objet d'un réapprovisionnement dans les trente jours précédents, et que certaines marchandises étaient soldées le jour même de leur livraison dans le magasin.

4. La société [2] a été poursuivie devant le tribunal correctionnel pour avoir, courant janvier 2018, vendu en solde des marchandises détenues depuis moins d'un mois.

5. Les premiers juges l'ont déclarée coupable.

6. La prévenue et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Périgueux le 11 septembre 2019 condamnant la société [2] au paiement d'une amende de 10 000 euros, dont 5 000 euros assortis du sursis, alors :

« 1°/ qu'est pénalement répréhensible le fait de réaliser des soldes portant sur des marchandises détenues depuis moins d'un mois à la date de début de la période de soldes considérée ; qu'il y a soldes lorsqu'il y a écoulement accéléré d'un stock prédéterminé et non renouvelable ; qu'un magasin ne peut ainsi en principe se réapprovisionner en période de soldes ; qu'il n'y a toutefois pas réapprovisionnement si la société venderesse et son fournisseur sont étroitement liés, et que son indépendance juridique et économique n'est que purement fictive ; qu'en l'espèce, la société prévenue ne se réapprovisionnait pas auprès d'un fournisseur extérieur, mais se contentait seulement de recevoir et d'écouler les stocks que sa commettante avait constitués pour son propre compte par des achats antérieurs ; qu'en confirmant la déclaration de culpabilité retenue par les premiers juges, au motif que les deux entreprises étaient « deux entités juridiques indépendantes », quand le caractère fictif de cette indépendance et l'absence d'autonomie de la société demanderesse s'évinçait pourtant de ses propres énonciations, la cour d'appel a méconnu l'article L. 310-5, 3°, du code de commerce, tel qu'interprété par la Cour de cassation, et l'article 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'est pénalement répréhensible le fait de réaliser des soldes portant sur des marchandises détenues depuis moins d'un mois à la date de début de la période de soldes considérée ; qu'il y a soldes lorsqu'il y a écoulement accéléré d'un stock prédéterminé et non renouvelable ; qu'un magasin ne peut ainsi en principe se réapprovisionner en période de soldes ; qu'il n'y a toutefois pas réapprovisionnement si la société venderesse et son fournisseur sont étroitement liés et que son indépendance juridique et économique n'est que purement fictive ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas pris en compte les spécificités du contrat de commission-affiliation liant la société demanderesse à son fournisseur, convention qui se distingue du contrat de franchise, notamment en ce que le commissionnaire ne bénéficie pas d'une autonomie réelle par rapport à son commettant, qui assure seul la gestion et le renouvellement des stocks ; que la cour d'appel a énoncé à tort que la société [2] était « une entité juridique distincte de la société [1] en ce qu'elle disposait d'un stock propre, même si la deuxième approvisionnait la première », dès lors qu'elle relevait elle-même, en citant des extraits des clauses du contrat, que le stock de la société [2] était fourni et géré exclusivement par la société [1] ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'article L. 310-5, 3°, du code de commerce, tel qu'interprété par la Cour de cassation, et l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Pour confirmer le jugement ayant déclaré la prévenue coupable, l'arrêt attaqué énonce que les deux entreprises contractantes sont deux entités juridiques indépendantes qui sont convenues d'une relation contractuelle de commission-affiliation dans laquelle le commettant fournit à l'affilié un stock de marchandises que celui-ci vend pour son compte en échange d'un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé, de sorte que les produits du commettant sont placés en dépôt-vente chez le commissionnaire, lequel est rémunéré par une commission calculée par rapport au prix de vente.

9. Les juges précisent que le commettant n'est chargé ni de la gestion du fonds de commerce, ni du bail commercial et que l'affilié n'est ni propriétaire des stocks qui lui sont fournis, ni chargé de leur gestion.

10. Ils relèvent qu'il résulte des articles L. 310-5, qui mentionne seulement la détention de marchandises, et L. 310-3 du code de commerce, qui prévoit que les produits soldés doivent avoir été proposés à la vente depuis au moins un mois, que les produits annoncés comme soldés doivent avoir été détenus et proposés à la vente depuis plus d'un mois par la même société.

11. Ils retiennent que la société [2], qui propose les marchandises à la vente, constitue une entité juridique distincte de la société [1], chacune disposant d'un stock propre même si la seconde approvisionne la première.

12. La cour d'appel en déduit que la détention des marchandises doit s'apprécier au regard de cette société commissionnaire venderesse qui ne saurait s'exonérer des obligations et interdictions découlant de l'application de la législation du code du commerce, en sa qualité de commerçant procédant elle-même à des soldes, en tant que gestionnaire de son magasin et maître des prix affichés.

13. Elle en conclut que faire remonter la date de détention des marchandises dans l'établissement commercial dans lequel les ventes de produits soldés sont organisées à la détention des marchandises dans le dépôt d'un fournisseur juridiquement indépendant, aboutirait à vider la loi de son sens et générerait une inégalité économique au sein des différents commerces, les uns écoulant effectivement leurs stocks dépareillés, les autres vendant tous leurs articles régulièrement réapprovisionnés.

14. En l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'interprétation du contrat, la cour d'appel a justifié sa décision.

15. En effet, elle a établi que la prévenue ne s'est pas bornée à écouler le stock qu'elle détenait, mais a effectué, au cours de la période de soldes, un réassortiment auprès d'un fournisseur qui constituait une entité juridique distincte et écoulait ainsi son propre stock.

16. Au surplus, il résulte des énonciations de l'arrêt que les produits soldés par la prévenue n'avaient pas été proposés à la vente depuis au moins un mois.

17. Dès lors, le moyen doit être écarté.

18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux février deux mille vingt-deux.

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