12 January 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.017

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100042

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies mentales - Modalités d'hospitalisation - Hospitalisation d'office - Droits des personnes hospitalisées - Demande de sortie immédiate - Appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention - Procédure devant le premier président de la cour d'appel - Délai pour statuer - Non-respect - Sanction

L'expiration du délai de douze jours pour statuer sur l'appel d'une ordonnance d'un juge des libertés et de la détention en matière de soins psychiatriques sans consentement est sanctionnée par le dessaisissement du premier président de la cour d'appel

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 janvier 2022




Irrecevabilité partielle et cassation partielle sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 42 F-B

Pourvoi n° G 20-21.017

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [J].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 29 septembre 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022

Mme [U] [J], domiciliée [Adresse 5], a formé le pourvoi n° G 20-21.017 contre l'ordonnance rendue le 6 août 2020 par le premier président de la cour d'appel de Besançon, dans le litige l'opposant :

1°/ à l'agence régionale de santé (ARS) [Localité 6], dont le siège est [Adresse 2], et dont un établissement est [Adresse 3],

2°/ au centre hospitalier spécialisé (CHS) de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 4],

3°/ au procureur général près la Cour d'appel de Besançon, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [J], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Besançon, 6 août 2020), le 15 mars 2018, Mme [J] a été admise en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du directeur de l'établissement, au vu d'un péril imminent, sur le fondement de l'article L. 3212-1, II, 2° du code de la santé publique. Le juge des libertés et de la détention a autorisé la poursuite de la mesure. En 2020, l'hospitalisation complète a été transformée en programme de soins.

2. Le 7 juillet 2020, Mme [J] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de ce programme sur le fondement de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique.

Sur l'irrecevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'agence régionale de santé [Localité 6] et le procureur général près la cour d'appel de Besançon, relevée d'office après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile

Vu l'article 609 du code de procédure civile et R. 3211-13 du code de la santé publique :

3. Le pourvoi formé contre l'agence régionale de santé [Localité 6] et le procureur général près la cour d'appel de Besançon, qui n'étaient pas parties à l'instance, n'est pas recevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [J] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande de mainlevée de la mesure, alors « que l'ordonnance du juge de la liberté et de la détention doit être rendue dans un délai de douze jours à compter de la requête, à peine de mainlevée de la mesure ; que le premier président de la cour d'appel doit statuer dans le même délai à compter de la déclaration d'appel ; qu'en statuant le 6 août 2020, soit vingt et un jours après la déclaration d'appel de Mme [J], le premier président de la cour d'appel de Besançon a violé les articles R. 3211-22 et R. 3211-30 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 3211-22, alinéa 1, du code de la santé publique :

5. Aux termes de ce texte, à moins qu'il n'ait été donné un effet suspensif à l'appel, le premier président ou son délégué statue dans les douze jours de sa saisine. Ce délai est porté à vingt-cinq jours si une expertise est ordonnée.

6. Le premier président, saisi d'un appel formé le 16 juillet 2020, a rendu sa décision le 6 août 2020.

7. En statuant au-delà du délai de douze jours à compter de sa saisine, alors que l'expiration de ce délai avait entraîné son dessaisissement, le premier président a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit statué sur le fond dès lors que, les délais pour statuer étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'agence régionale de santé [Localité 6] et contre le procureur général près la cour d'appel de Besançon ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare Mme [J] recevable en son appel, l'ordonnance rendue le 6 août 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Besançon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme [J]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'ordonnance, critiquée par Mme [J], encourt la censure en ce qu'elle a confirmé la demande de mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement

ALORS QUE l'ordonnance du juge de la liberté et de la détention doit être rendue dans un délai de douze jours à compter de la requête, à peine de mainlevée de la mesure ; que le premier président de la cour d'appel doit statuer dans le même délai à compter de la déclaration d'appel ; qu'en statuant le 6 août 2020, soit 21 jours après la déclaration d'appel de Mme [J], le premier président de la cour d'appel de Besançon a violé les articles R 3211-22 et R 3211-30 du code de la santé publique.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'ordonnance, critiquée par Mme [J], encourt la censure en ce qu'elle a confirmé la demande de mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement

ALORS QUE, premièrement, les soins psychiatriques ordonnés au titre de l'article L 3212-1 du code de la santé publique ne peuvent être maintenus que si, d'une part, les troubles mentaux de la personne rendent son consentement impossible et, d'autre part, son état mental impose des soins immédiats ; qu'en se contentant de relever, pour refuser la mainlevée de la mesure, que Mme [J] pourrait à l'avenir refuser des soins, le premier président de la cour d'appel de Besançon a violé l'article L 3212-1 du code de la santé publique ;

ALORS QUE, subsidiairement, faute de mieux s'expliquer sur la stabilité de l'état mental de Mme [J] et, par suite, son aptitude à consentir aux soins, le premier président de la cour d'appel de Besançon a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 3212-1 du code de la santé publique ;

ALORS QUE, troisièmement, en faisant peser la charge de la preuve de l'existence d'un discernement pour consentir aux soins chez Mme [J] sur cette dernière, le premier président de la cour d'appel de Besançon a violé l'article 1353 du code civil.

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