15 December 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-11.934

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01432

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2021




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1432 F-D

Pourvoi n° K 20-11.934




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

La société Orange Caraïbe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-11.934 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à M. [J] [F], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Orange Caraïbe, de la SCP Lesourd, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 4 novembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2019), M. [F], ancien agent fonctionnaire de la société France télécom, a été détaché, pour une durée de trois ans à compter du 1er février 2007, auprès de la société Orange Caraïbe (la société), en qualité de directeur des ventes et relations clients en Guadeloupe, la relation de travail se trouvant régie par la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000.

2. Au cours des renouvellements successifs de ce détachement, le salarié a été chargé de plusieurs missions temporaires, en dernier lieu au sein de la société Orange Cameroun, pour la période du 1er mars au 29 août 2015, durant laquelle il a été victime d'un accident de travail ayant donné lieu à un arrêt de travail à compter du 13 mai 2015.

3. Le 21 mai 2015, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à caractère salarial ou indemnitaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses cinq premières branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme correspondant au solde restant dû au titre de la part variable de la rémunération sur la période de janvier 2011 à fin 2018 et une somme supplémentaire en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « s'agissant de la période courant de janvier 2011 à mai 2015 :

1°/ que le juge doit vérifier le bien-fondé d'une demande en son principe et en son montant ; qu'il est prévu au contrat de travail du salarié la perception, outre sa rémunération fixe, ''[d']une part variable annuelle comprise entre 0 % et 20 % de la rémunération brute annuelle de base ; elle sera liée à vos résultats spécifiques et à vos performances appréciées selon les règles en vigueur (dans la société)'' ; que la société soutenait que le salarié avait été rempli de ses droits à rémunération variable ; que, pour faire néanmoins intégralement droit à la demande de rappel de rémunération variable sur la base du taux maximal de 20 %, la cour d'appel s'est bornée à relever que ''l'employeur n'a pas fixé d'objectifs au salarié. Il ne peut dans ce contexte valablement contester le taux de 20 % réclamé par le salarié en faisant valoir qu'il lui a déjà versé les parts variables auxquelles il avait droit sur la période précitée'' ; qu'en statuant ainsi, cependant que le contrat de travail ne prévoyant pas la fixation d'objectifs par l'employeur, l'absence de tels objectifs n'ouvrait pas un droit de principe pour le salarié au paiement d'une rémunération variable sur la base d'un taux maximal de 20 %, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail et violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents qu'il examine, ensemble l'article 1134 du code civil devenu les articles 1102 et 1103 du code civil ;

2°/ subsidiairement, que lorsque le paiement de la rémunération variable résulte du contrat de travail et qu'aucun accord entre l'employeur et le salarié n'a pu avoir lieu sur le montant de cette rémunération, il appartient au juge de déterminer celle-ci en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause ; qu'en admettant que la fixation de la rémunération variable du salarié ait supposé la fixation d'un objectif annuel par l'employeur, la cour d'appel ne pouvait se borner au constat de l'absence de fixation d'un tel objectif annuel pour faire intégralement droit à la demande du salarié par référence au taux maximal de la rémunération variable ; qu'en conséquence, en faisant droit à la demande du salarié de rappel de rémunération variable sur la base d'un taux de 20 %, sans vérifier le montant de la rémunération variable à laquelle celui-ci pouvait prétendre en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause, la cour d'appel a méconnu son office et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, devenu les articles 1102 et 1103 du code civil ;

3°/ que la société faisait valoir dans ses conclusions d'appel, pour démontrer que le salarié ne pouvait prétendre à une rémunération variable à hauteur de 20 % de sa rémunération brute annuelle de base, qu'aucun des salariés de la société, en ce compris les membres du comité de direction, ne percevait de tels niveaux de rémunération variable ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge doit vérifier le bien-fondé d'une demande en son principe et en son montant ; qu'en se bornant à faire état de l'absence de fixation d'objectifs annuels pour faire droit à la demande du salarié, sans vérifier si celui-ci était effectivement en droit de prétendre au montant de rappel de rémunération variable réclamé, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

5°/ qu'il appartient au salarié qui réclame le paiement d'un rappel de rémunération variable de prouver qu'il a rempli les objectifs qui conditionnaient son versement ; qu'en se bornant à retenir que la société n'avait pas fixé d'objectifs annuels, sans relever en quoi le salarié établissait pouvoir prétendre au paiement d'un rappel de salaire variable, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.

6. D'abord, la cour d'appel, procédant à l'interprétation de l'article 2 du contrat de travail, rendue nécessaire par l'ambiguïté de ses termes, a estimé que la rémunération contractuelle variable, d'un montant maximal de 20 % de la rémunération brute annelle de base, dépendait de l'atteinte d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur.

7. Ensuite, la cour d'appel, qui a constaté que ces objectifs n'avaient pas été fixés, en a exactement déduit, sans avoir à répondre à un moyen inopérant et sans inverser la charge de la preuve, que faute par l'employeur d'avoir fixé les objectifs annuels, la rémunération variable devait être payée intégralement.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre du rappel de primes au logement et d'éloignement et une somme supplémentaire en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

1°/ « qu'en accordant au salarié une somme au titre du droit contractuel au versement d'indemnités d'éloignement et de logement durant son détachement au sein de la société, cependant que dès son envoi en mission au Cameroun en mars 2015, tel que le soutenait l'exposante, son ''ordre de mission'' prévoyait le versement d'une prime spécifique de mobilité internationale venant compenser les frais engendrés par l'éloignement dans ce pays, de sorte qu'il ne pouvait cumuler cette prime de mobilité internationale au titre de son éloignement au Cameroun avec le versement de l'indemnité d'éloignement et de logement dans les Caraïbes, indemnité dont il ne remplissait plus les conditions de versement à compter de cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1102 et 1103 du code civil ;

2°/ à titre subsidiaire, qu'en faisant droit à la demande d'indemnité d'éloignement et de logement au titre d'une période d'arrêt de travail, sans vérifier si durant cette période le salarié résidait toujours dans les Caraïbes et remplissait donc toujours la condition d'éloignement et de logement dans cette zone géographique, ce que contestait la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1102 et 1103 du code civil ;

3°/ qu'en accordant au salarié une indemnité d'éloignement et de logement au titre d'une période d'arrêt de travail, sans répondre au moyen par lequel la société faisait valoir que le salarié ne pouvait prétendre à cette indemnité comme disposant de sa résidence en [Localité 3], et non aux Caraïbes, à compter de son départ en arrêt de maladie en mai 2015, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le paiement d'une gratification ou d'une indemnité n'est pas dû en cas de suspension du contrat de travail si ses conditions d'attribution exigent la présence effective du salarié dans l'entreprise ; qu'en accordant une indemnité d'éloignement et de logement au salarié au titre de sa période d'arrêt de maladie pour accident du travail postérieure à mai 2015, sans vérifier si le paiement de cette indemnité n'était pas conditionné à la présence effective du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, devenu les articles 1102 et 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Ayant retenu que le bénéfice de la prime d'éloignement et l'indemnité de logement prévues par le contrat de détachement était subordonné à la seule condition tenant à la poursuite de celui-ci, ce dont il résultait que ces éléments de rémunération forfaitaire ne pouvaient pas être modifiés ou supprimés sans l'accord express du salarié, et constaté que la mission de six mois confiée au salarié au sein de la société Orange Cameroun n'avait pas mis fin à son détachement au sein de la société Orange Caraïbe, la cour d'appel, qui n'était tenue, ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, ni de répondre à un moyen inopérant, en a exactement déduit que ces éléments de rémunération continuaient d'être dus postérieurement au 1er mars 2015.

11. Le moyen, nouveau et mélangé de droit et de fait, partant irrecevable en sa quatrième branche, n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa septième branche

12. L'employeur fait le même grief à l'arrêt alors, « s'agissant de la période postérieure à mai 2015, que le juge ne peut soulever d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant d'office que ''le salarié avait donc droit en application de la convention collective au versement de la part variable de sa rémunération au taux de 20 %'', sans inviter préalablement les parties à fournir leurs explications sur ce point, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

13. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

14. Pour condamner l'employeur au paiement de la rémunération variable sur objectifs pour la période postérieure au 13 mai 2015, date de survenance de l'accident du travail, l'arrêt retient que l'examen des bulletins de salaire relatifs à cette période fait ressortir que le salarié a bénéficié du maintien de son salaire et qu'il avait donc droit, en application de la convention collective, au versement de la part variable de sa rémunération au taux de 20 %.

15. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office de l'application des dispositions de la convention collective nationale des télécommunications relatives au maintien du salaire en cas d'absence justifiée par l'incapacité résultant de la maladie ou d'un accident, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

16. La cassation prononcée sur le premier moyen, pris en sa septième branche, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiées par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Orange Caraïbe à payer à M. [F] les sommes de 98 760,49 euros correspondant au solde restant dû au titre de la part variable de la rémunération, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Orange Caraïbe

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société ORANGE CARAÏBE à payer à Monsieur [F] la somme de 98.760.49 € correspondant au solde restant dû au titre de la part variable de la rémunération sur la période de janvier 2011 à fin 2018 et la somme supplémentaire de 3.000 € en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE (S'agissant de la période courant de janvier 2011 à mai 2015) « Sur l'application du taux maximum et rappel de la part variable de rémunération : Le salarié, se prévalant de l'article 2 du contrat de travail, réclame la somme de 98.760.49 € au titre du solde de la part variable sur la période allant de janvier 2011 jusqu'au prononcé de l'arrêt. Cet article prévoit que la rémunération brute de base de Monsieur [F] d'un montant de 5416.87 € sera complétée par une part variable annuelle comprise entre 0 et 20 % de la rémunération brute annuelle de base laquelle sera liée à ses résultats spécifiques et à ses performances selon les règles en vigueur à Orange Caraïbe. C'est à juste titre que Monsieur [F] fait valoir que la part variable de la rémunération dont le montant maximum est fixé, doit être payée intégralement au salarié si l'employeur qui devait fixer unilatéralement les objectifs ne l'a pas fait. En l'espèce, l'employeur n'a pas fixé d'objectifs au salarié. Il ne peut dans ce contexte valablement contester le taux de 20 % réclamé par le salarié en faisant valoir qu'il lui a déjà versé les parts variables auxquelles il avait droit sur la période précitée alors que l'examen du tableau figurant page 33 de ses écritures révèle qu'il a appliqué un taux inférieur à 20 %. Sur le fondement du décompte produit par le salarié, non sérieusement discuté par l'employeur, qui tient compte de la part variable déjà versée par ce dernier, il y a lieu d'accueillir la demande du salarié à hauteur du montant réclamé sur la période de janvier 2011 au 13 mai 2015 correspondant au solde restant dû au titre de la part variable au taux de 20 % après déduction des primes versées par l'employeur » ;

1. ALORS QUE le juge doit vérifier le bien-fondé d'une demande en son principe et en son montant ; qu'il est prévu au contrat de travail de Monsieur [F] la perception, outre sa rémunération fixe, « [d']une part variable annuelle comprise entre 0 % et 20 % de la rémunération brute annuelle de base ; elle sera liée à vos résultats spécifiques et à vos performances appréciées selon les règles en vigueur à ORANGE CARAÏBE » ; que la société ORANGE CARAÏBE soutenait que Monsieur [F] avait été rempli de ses droits à rémunération variable ; que, pour faire néanmoins intégralement droit à la demande du salarié de rappel de rémunération variable sur la base du taux maximal de 20 %, la cour d'appel s'est bornée à relever que « l'employeur n'a pas fixé d'objectifs au salarié. Il ne peut dans ce contexte valablement contester le taux de 20 % réclamé par le salarié en faisant valoir qu'il lui a déjà versé les parts variables auxquelles il avait droit sur la période précitée » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le contrat de travail de Monsieur [F] ne prévoyant pas la fixation d'objectifs par l'employeur, l'absence de tels objectifs n'ouvrait pas un droit de principe pour le salarié au paiement d'une rémunération variable sur la base d'un taux maximal de 20 %, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail de Monsieur [F] et violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents qu'il examine, ensemble l'article 1134 du code civil devenu les articles 1102 et 1103 du code civil ;

2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque le paiement de la rémunération variable résulte du contrat de travail et qu'aucun accord entre l'employeur et le salarié n'a pu avoir lieu sur le montant de cette rémunération, il appartient au juge de déterminer celle-ci en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause ; qu'en admettant que la fixation de la rémunération variable du salarié ait supposé la fixation d'un objectif annuel par l'employeur, la cour d'appel ne pouvait se borner au constat de l'absence de fixation d'un tel objectif annuel pour faire intégralement droit à la demande du salarié par référence au taux maximal de la rémunération variable ; qu'en conséquence, en faisant droit à la demande de Monsieur [F] de rappel de rémunération variable sur la base d'un taux de 20 %, sans vérifier le montant de la rémunération variable à laquelle celui-ci pouvait prétendre en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause, la cour d'appel a méconnu son office et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, devenu les articles 1102 et 1103 du code civil ;

3. ALORS QUE la société ORANGE CARAÏBE faisait valoir dans ses conclusions d'appel, pour démontrer que le salarié ne pouvait prétendre à une rémunération variable à hauteur de 20 % de sa rémunération brute annuelle de base, qu'aucun des salariés de la société, en ce compris les membres du comité de direction, ne percevait de tels niveaux de rémunération variable (conclusions p. 14) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4. ALORS QUE le juge doit vérifier le bien-fondé d'une demande en son principe et en son montant ; qu'en se bornant à faire état de l'absence de fixation d'objectifs annuels pour faire droit à la demande du salarié, sans vérifier si celui-ci était effectivement en droit de prétendre au montant de rappel de rémunération variable réclamé, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

5. ALORS QU'il appartient au salarié qui réclame le paiement d'un rappel de rémunération variable de prouver qu'il a rempli les objectifs qui conditionnaient son versement ; qu'en se bornant à retenir que la société n'avait pas fixé d'objectifs annuels, sans relever en quoi le salarié établissait pouvoir prétendre au paiement d'un rappel de salaire variable, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du code civil ;

ET AUX MOTIFS QUE (S'agissant de la période postérieure à mai 2015) « sur la période postérieure à son accident du travail survenu le 13 mai 2015, il ressort de l'examen de ses bulletins de salaire que Monsieur [F] a bénéficié du maintien de son salaire par l'employeur. Il avait donc droit en application de la convention collective au versement de la part variable de sa rémunération au taux de 20 %. Comme relevé précédemment le tableau produit par l'employeur révèle que ce dernier a appliqué un taux inférieur à 20 % sur la période postérieure à l'accident du travail. Il ne communique pas à titre subsidiaire un décompte sur la base du taux de 20 % de nature à faire douter de la justesse du calcul effectué par Monsieur [F]. Il convient en conséquence sur la base du décompte produit par le salarié d'accueillir la demande à hauteur du montant réclamé sur la période du 13 mai 2015 jusqu'au 31 décembre 2018 correspondant au solde restant dû au titre de la part variable de sa rémunération au taux de 20 % après déduction des primes versées par l'employeur » ;

6. ALORS QUE pour faire droit à la demande de rappel de rémunération variable au titre la période postérieure à mai 2015 durant laquelle le salarié se trouvait en arrêt de maladie, la cour d'appel a retenu qu' « il avait donc droit en application de la convention collective au versement de la part variable de sa rémunération au taux de 20 % » ; qu'en faisant droit aux demandes de Monsieur [F] sur le fondement de la convention collective en vigueur, cependant que le salarié ne s'était pas prévalu des dispositions de la convention collective dans ses écritures d'appel, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

7. ALORS QUE le juge ne peut soulever d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant d'office que « [le salarié] avait donc droit en application de la convention collective au versement de la part variable de sa rémunération au taux de 20 % », sans inviter préalablement les parties à fournir leurs explications sur ce point, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

8. ALORS QU'en retenant que « [le salarié] avait donc droit en application de la convention collective au versement de la part variable de sa rémunération au taux de 20 % », sans aucunement expliquer ni justifier sa décision sur ce point, la cour d'appel a privé da décision de motif et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

9. ALORS QU'en retenant que « [le salarié] avait donc droit en application de la convention collective au versement de la part variable de sa rémunération au taux de 20 % », cependant que la convention collective nationale des télécommunications applicable au sein de la société ORANGE CARAÏBE n'institue pas un tel droit, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 4.3.1 de la Convention collective nationale des télécommunications ;

10. ALORS QUE le paiement d'une gratification ou d'une rémunération variable n'est pas dû en cas de suspension du contrat de travail si ses conditions d'attribution exigent la présence effective du salarié dans l'entreprise ; qu'en accordant un rappel de rémunération variable à Monsieur [F] au titre de sa période d'arrêt de maladie pour accident du travail postérieure à mai 2015, sans vérifier si le paiement de cette rémunération variable n'était pas conditionné à la présence effective du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, devenu les articles 1102 et 1103 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société ORANGE CARAÏBE à payer à Monsieur [F] la somme de 168.418.93 € au titre du rappel de prime au logement et d'éloignement et la somme supplémentaire de 3.000 € en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'indemnité d'éloignement et de logement. La suppression d'une prime d'origine contractuelle ne peut être imposée au salarié. En application de ce principe c'est à juste titre que le salarié fait valoir que l'employeur ne pouvait unilatéralement suspendre le paiement de la prime d'éloignement et de l'aide au logement prévues par son contrat de travail sans son accord au seul motif visé par la lettre du 18 mars 2015 qu'il n'avait plus d'activité à Orange Caraïbe. L'employeur ne peut pas valablement, pour s'opposer à la demande, faire valoir que le salarié a perçu à compter de mars 2015 une prime de mobilité internationale, le versement de cette prime ne le dispensant pas de l'obligation qui était la sienne de recueillir l'accord du salarié quant à la suppression de la prime de logement et de la prime d'éloignement. Sur le fondement du décompte produit par le salarié, non discuté par l'employeur il y a lieu d'accueillir sa demande à hauteur du montant réclamé » ;

1/ ALORS QU'en accordant au salarié une somme au titre du droit contractuel au versement d'indemnités d'éloignement et de logement durant son détachement au sein de la société ORANGE CARAÏBE, cependant que dès son envoi en mission au Cameroun en mars 2015, tel que le soutenait l'exposante, son « ordre de mission » prévoyait le versement d'une prime spécifique de mobilité internationale venant compenser les frais engendrés par l'éloignement dans ce pays, de sorte qu'il ne pouvait cumuler cette prime de mobilité internationale au titre de son éloignement au Cameroun avec le versement de l'indemnité d'éloignement et de logement dans les Caraïbes, indemnité dont il ne remplissait plus les conditions de versement à compter de cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1102 et 1103 du code civil ;

2/ ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'en faisant droit à la demande d'indemnité d'éloignement et de logement au titre d'une période d'arrêt de travail, sans vérifier si durant cette période Monsieur [F] résidait toujours dans les Caraïbes et remplissait donc toujours la condition d'éloignement et de logement dans cette zone géographique, ce que contestait la société ORANGE CARAÏBE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1102 et 1103 du code civil ;

3/ ALORS QU'en accordant au salarié une indemnité d'éloignement et de logement au titre d'une période d'arrêt de travail, sans répondre au moyen par lequel la société ORANGE CARAÏBE faisait valoir que Monsieur [F] ne pouvait prétendre à cette indemnité comme disposant de sa résidence en [Localité 3], et non aux Caraïbes, à compter de son départ en arrêt de maladie en mai 2015, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4. ALORS QUE le paiement d'une gratification ou d'une indemnité n'est pas du en cas de suspension du contrat de travail si ses conditions d'attribution exigent la présence effective du salarié dans l'entreprise ; qu'en accordant une indemnité d'éloignement et de logement à Monsieur [F] au titre de sa période d'arrêt de maladie pour accident du travail postérieure à mai 2015, sans vérifier si le paiement de cette indemnité n'était pas conditionné à la présence effective du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, devenu les articles 1102 et 1103 du code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.