15 December 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.079

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C300885

Texte de la décision

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2021




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 885 F-D

Pourvoi n° C 20-17.079




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

1°/ la société de gestion immobilière, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic la société de Gestion Immobilière, dont le siège est [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° C 20-17.079 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [A] [H], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Mme [O] [I], domiciliée [Adresse 2],

3°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 1],

4°/ à M. [L] [P], domicilié [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de la société de gestion immobilière, du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [H], de Mme [I], de M. [R], après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 29 janvier 2020), MM. [H], [R] et [P] et Mme [I], propriétaires de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, ont assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble (le syndicat) et la société de gestion immobilière, son syndic, en annulation de l'assemblée générale du 21 juin 2016.

Examen du moyen

Sur le second moyen, ci-après annexé


2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le syndicat et la société de gestion immobilière font grief à l'arrêt de déclarer irrégulière la désignation cette dernière comme syndic de la copropriété lors de l'assemblée générale du 21 mai 2015, de déclarer nulle la convocation à l'assemblée générale du 19 mai 2016 et d'annuler l'assemblée générale du 21 juin 2016, alors « que les décisions prises par une assemblée générale s'imposent aux copropriétaires tant qu'elles n'ont pas fait l'objet d'une action en annulation introduite dans les conditions de l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 et d'une décision judiciaire d'annulation ; qu'en déclarant dès lors nulle la convocation à l'assemblée générale du 21 juin 2016 et l'assemblée générale elle-même comme conséquence de la prétendue désignation irrégulière de la société de Gestion Immobilière comme syndic de la copropriété par l'assemblée générale du 21 mai 2015 quand l'annulation judiciaire de l'assemblée de 2015 n'avait été ni prononcée judiciairement ni même demandée, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble celles de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. MM. [H] et [R] et Mme [I] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, le moyen, qui est né de l'arrêt, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 :

6. Selon ce texte, les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale.

7. Pour annuler l'assemblée générale du 21 juin 2016, l'arrêt, après avoir retenu que le syndic ne produisait ni les copies des convocations adressées aux copropriétaires requérants pour l'assemblée générale du 21 mai 2015, et spécialement à M. [H] et M. [R] qui n'étaient ni présents ni représentés, ni les copies des notifications du procès-verbal, et que ces irrégularités avaient pour conséquence d'entraîner la nullité de cette assemblée, en son entier, et de toutes les décisions qu'elle avait pu prendre, dont la désignation du nouveau syndic, se borne à déclarer irrégulière cette désignation et, en conséquence, nulle la convocation à l'assemblée générale du 21 juin 2016.

8. En statuant ainsi, sans annuler, dans le dispositif de sa décision, ni l'assemblée générale du 21 mai 2015 ni la désignation en qualité de syndic de la société de gestion immobilière, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrégulière la désignation de la société de gestion immobilière comme syndic de la copropriété lors de l'assemblée générale du 21 mai 2015, déclaré nulle la convocation à l'assemblée générale du 19 mai 2016 et annulé l'assemblée générale du 21 juin 2016, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne MM. [H] et [R], Mme [I] et M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [H] et [R] et Mme [I] et les condamne in solidum à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et à la société de gestion immobilière la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société de gestion immobilière et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrégulière la désignation lors de l'assemblée générale du 21 mai 2015 de la société de Gestion Immobilière comme syndic de la copropriété du [Adresse 2], déclaré en conséquence nulle la convocation à l'assemblée générale en date du 19 mai 2016 et annulé dans son intégralité l'assemblée générale du 21 juin 2016 ;

aux motifs que : « Sur la validité de la désignation du syndic de copropriété : Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a retenu que d'une part les demandeurs n'avaient pas contesté l'assemblée générale du 21 mai 2015 et que d'autre part Mme [I] et M. [L] [P] qui étaient absents, mais représentés, avaient voté sur la résolution de sorte qu'ils en avaient la connaissance. Il est cependant constant que toute irrégularité dans la convocation est de nature à entraîner la nullité de l'assemblée, même en l'absence de grief, notamment lorsque le copropriétaire n'a pas été convoqué, la preuve de la régularité de la convocation incombant au syndic, et ne pouvant résulter que de la date de l'accusé de réception ou de la date de l'émargement, la présence à l'assemblée d'un copropriétaire non convoqué ne couvrant pas l'irrégularité. Egalement, il appartient au syndic d'établir la preuve de la régularité de la notification du procès-verbal d'une assemblée générale. En l'espèce, hormis la copie du procès-verbal de l'assemblée générale du 21 mai 2015, le syndic, auquel incombe la charge de la preuve de la régularité de la convocation, ne produit ni les copies des convocations qui auraient été adressées aux copropriétaires requérants, et spécialement à ceux qui n'étaient ni présents ni représentés, s'agissant de M. [H], M. [R], ni non plus les copies des notifications dudit procès-verbal à l'un quelconque des copropriétaires. Par voie de conséquence, ces irrégularités ont pour conséquence d'entraîner la nullité de l'assemblée elle-même, en son entier, et, par voie de conséquence, de toutes les décisions qu'elle a pu prendre, spécialement la désignation du nouveau syndic, la SARL Gestion immobilière. Le jugement sera donc infirmé sur ce point. Sur l'annulation de l'assemblée générale du 21 juin 2016 : Dès lors qu'il résulte des pièces produites et comme cela n'est pas discuté, que l'action, qui a pour objet de contester l'assemblée générale du 21 juin 2016 dans son intégralité ainsi que les décisions prises par elle, a été engagée régulièrement dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit procès-verbal, par les copropriétaires opposants, elle doit être déclarée parfaitement recevable. Sur le fond, la désignation du nouveau syndic décidée lors de l'assemblée générale du 21 mai 2015 ayant été annulée, la demande des copropriétaires visant à l'annulation de leur convocation par ledit syndic pour l'assemblée générale du 21 juin 2016 et, de façon subséquente, celle de la dite assemblée générale est parfaitement fondée et sera prononcée, le jugement étant infirmé sur ce point. En conséquence également, l'examen de l'ensemble des autres moyens de nullité exposés relatifs aux délibérations adoptées n'apparaît plus utile ni nécessaire » (arrêt attaqué p. 15, § 1er au dernier et p. 16 § 1er)

alors que les décisions prises par une assemblée générale s'imposent aux copropriétaires tant qu'elles n'ont pas fait l'objet d'une action en annulation introduite dans les conditions de l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 et d'une décision judiciaire d'annulation ; qu'en déclarant dès lors nulle la convocation à l'assemblée générale du 21 juin 2016 et l'assemblée générale elle-même comme conséquence de la prétendue désignation irrégulière de la société de Gestion Immobilière comme syndic de la copropriété par l'assemblée générale du 21 mai 2015 quand l'annulation judiciaire de l'assemblée de 2015 n'avait été ni prononcée judiciairement ni même demandée, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble celles de l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société de Gestion immobilière à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] la somme de 13.853,90 €, aux motifs propres que : « en retenant que les travaux ordonnés chez M. [F], copropriétaire pour un montant de 13.853,90 €, sans l'autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, alors que l'arrêté municipal de péril en date du 7 septembre 2009 prévoyant l'interdiction d'habitation et l'évacuation des habitants concernait un autre lot de copropriété, en l'occurrence celui de M. [W], et qu'en l'absence d'autres pièces, il n'était pas établi par le syndic que les dits travaux chez M. [F] revêtaient un caractère d'urgence, tel qu'exigé par l'article 37 du décret du 27 mars 1967, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que le syndic avait excédé ses pouvoirs, empêchant l'exigence de paiement des copropriétaires. Le jugement qui, en conséquence, l'a condamné à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 13 853,90 euros sera confirmé. »(arrêt attaqué p.16, § 4 et 5) ;

et aux motifs adoptés des premiers juges que : « Il a été précédemment établi que le syndic a ordonné des travaux chez le copropriétaire [F] pour un montant de 13.853,90€ selon devis du 7 décembre 2015 sans autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires. Il est constaté que l'arrêté municipal de péril du 7 septembre 2009 emportant interdiction d'habitation et évacuation des habitants concerne le lot de copropriété [W], que l'arrêté du 2 septembre 2013 n'est pas versé à la procédure et qu'il ne ressort d'aucunes pièces versées au dossier que les travaux dans le lot de copropriété [F] étaient de nature indispensable et urgente conformément à l'article 37 du décret du 17 mars 1967. En l'absence d'autorisation préalable de l'assemblée générale, le syndic reste redevable des travaux engagés et il ne peut exiger paiement auprès des copropriétaires. En conséquence, le syndic SAS Société de gestion immobilière sera condamné à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] la somme de 13.853,90 €, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision » (jugement p. 11, § 3 à 6) ;

alors que le syndic est chargé de pourvoir à la conservation de l'immeuble et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ; que par arrêté du 2 septembre 2013, au vu la gravité de la situation et du risque pour la sécurité des occupants, le Maire d'[Localité 5] a dit que les lots du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 2] , dont notamment le : « lot 7 : [F] [M] « (…) sont mis en demeure d'effectuer les travaux de réparation susvisé dans un délai de 12 mois, à compter de la notification du présent arrêté » ; qu'en considérant dès lors qu'il n'était pas établi que les travaux ordonnés par le syndic chez M. [F], sans l'autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, revêtaient un caractère d'urgence, quand ils avaient été décidés conformément à l'arrêté de péril du 2 septembre 2013 dûment produit aux débats, établissant l'atteinte à la sécurité de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

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