17 November 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-16.756

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01293

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Convention de forfait - Convention de forfait sur l'année - Convention de forfait en jours sur l'année - Nullité - Principe de sécurité juridique - Violation - Exclusion - Cas - Applications diverses

Les arrêts rendus par la Cour de cassation le 14 mai 2014 (Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 12-35.033, Bull. 2014, V, n° 121 (cassation partielle) et Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 13-10.637) ne constituant pas un revirement par rapport à l'arrêt rendu par la même juridiction le 12 janvier 2011 (Soc., 12 janvier 2011, pourvoi n° 09-69.679), ne porte pas atteinte à une situation juridiquement acquise et ne viole ni l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la cour d'appel qui déclare nulle la clause du contrat de travail relative au forfait en jours, conclue sur le fondement de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, dont elle a retenu que les stipulations n'étaient pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés concernés

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Principe de sécurité juridique - Violation - Exclusion - Cas - Convention individuelle de forfait en jours antérieure - Dispositions invalidés relatives aux conventions de forfait en jours - Jurisprudence invalidant des dispositions de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 - Application


TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Heures supplémentaires - Paiement - Calcul - Assiette - Détermination - Clause de forfait en jours - Nullité - Portée

La rémunération des heures accomplies au-delà de la durée légale du travail à laquelle peut prétendre le salarié dont la clause de forfait en jours a été déclarée nulle se calcule sur le salaire de base réel de celui-ci et non nécessairement sur le salaire minimum conventionnel

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 novembre 2021




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 1293 FS-B sur les 1re et 3e branches

Pourvoi n° F 19-16.756




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 NOVEMBRE 2021

La société BCRH & associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 19-16.756 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [D], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société BCRH & associés, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [D], et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mars 2019), Mme [D] a été engagée le 5 septembre 2012 en qualité d'expert-comptable par la société BCRH & associés. Le contrat de travail contenait une clause soumettant la salariée au régime du forfait en jours. La relation de travail était régie par la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974.

2. Après avoir démissionné le 2 juillet 2014, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins notamment de faire prononcer la nullité de la clause de forfait en jours et d'obtenir un rappel d'heures supplémentaires.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nulle la clause de forfait en jours, de le condamner à payer à la salariée un rappel d'heures supplémentaires, une somme au titre de l'indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos non prise et de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la salariée à lui payer la différence entre le trop-perçu sur sa rémunération de base et la rémunération de ses heures supplémentaires, alors :

« 1°/ que les principes de proportionnalité et de sécurité juridique s'opposent à ce qu'un employeur subisse l'annulation d'une clause de forfait annuel en jours par application d'une règle jurisprudentielle qui n'était pas encore édictée au jour où elle a été souscrite ; qu'à la date de conclusion de la convention de forfait - 24 septembre 2012 -, la Cour de cassation considérait comme valable une telle clause consentie en vertu de l'article 8.1.2.5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et des commissaires aux comptes (Soc., 12 janvier 2011, n° 09-69.679) ; que ce n'est que par deux arrêts rendus le 14 mai 2014 (Soc., n° 12-35.033, Bull. 2011, V, n° 121, et n° 13-10.637) que la chambre sociale de la Cour de cassation a déclaré nulles les clauses de forfait annuel en jours consenties sur la base de l'article 8.1.2.5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et des commissaires aux comptes ; qu'en annulant néanmoins la convention de forfait litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1134 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'il incombe au salarié de démontrer que son employeur n'a pas organisé un entretien annuel individuel portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération, s'il entend se prévaloir de cette circonstance à l'appui de son action en nullité de la convention de forfait annuel en jours ; que pour déclarer nulle la convention de forfait souscrite par la salariée, la cour d'appel a reproché à l'employeur de ne pas démontrer que des entretiens spécifiques avaient été organisés de nature à permettre le contrôle et le suivi de l'application des dispositions conventionnelles ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé ce faisant l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

3°/ que le juge qui procède à l'annulation d'une clause de forfait annuel en jours doit évaluer le montant de la créance relative aux heures supplémentaires accomplies par le salarié, sans pouvoir s'en tenir à la rémunération initialement fixée qui, par hypothèse, constituait la contrepartie du forfait annulé ; qu'en condamnant la société BCRH & associés à payer à la salariée une somme de 21 137,68 euros au titre des heures supplémentaires 2012-2014 sans s'expliquer ni sur le taux horaire qu'elle a retenu pour fixer la créance de la salariée au titre des heures supplémentaires, ni en quoi le montant réclamé par la salariée représentait la valeur exacte de la créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail en leur rédaction applicable au cas présent. »

Réponse de la Cour

4. D'abord, par son arrêt du 12 janvier 2011 (Soc., 12 janvier 2011, pourvoi n° 09-69.679), la Cour de cassation a statué non pas sur les garanties présentées par cette convention collective pour les salariés ayant conclu une convention individuelle de forfait en jours mais sur la possibilité de soumettre la salariée partie au litige au régime du forfait en jours, au regard de l'autonomie dont elle disposait.

5. Par les arrêts du 14 mai 2014 (Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 12-35.033, Bull. 2014, V, n° 121 et Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 13-10.637), la Cour de cassation s'est prononcée pour la première fois sur les dispositions relatives au forfait en jours de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974. Elle a censuré un arrêt ayant fait application d'une convention individuelle de forfait en jours pour débouter un salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, en affirmant que les stipulations conventionnelles n'étaient pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés concernés et que la cour d'appel aurait dû en déduire que la convention de forfait était nulle.

6. Les arrêts précités du 14 mai 2014 ne constituent donc pas un revirement de jurisprudence. Ils s'inscrivent dans le cadre d'une jurisprudence établie affirmant que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 09-71.107, Bull. 2011, V, n° 181).

7. Ensuite, l'article L. 3121-43 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, tel qu'interprété par la Cour de cassation à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, met en oeuvre, d'une part, les dispositions de cette directive qui ne permettent de déroger aux règles relatives à la durée du travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, d'autre part, l'exigence constitutionnelle du droit à la santé et au repos qui découle du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

8. En retenant que les dispositions relatives au forfait en jours de la convention collective applicable n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié concerné restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, la cour d'appel a fait ressortir que la clause de forfait en jours avait été conclue sur le fondement d'un accord collectif ne satisfaisant pas aux exigences légales.

9. Il en résulte qu'en disant nulle la clause du contrat de travail relative au forfait en jours, la cour d'appel n'a pas porté atteinte à une situation juridiquement acquise et n'a violé ni l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

10. Enfin, la cour d'appel a retenu à bon droit que, la clause de forfait en jours étant nulle, la salariée pouvait prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles, avec une majoration portant sur le salaire de base réel de la salariée, et que l'employeur n'était pas fondé à demander que la rémunération soit fixée sur la base du salaire minimum conventionnel.

11. Elle, a, après analyse des pièces produites par chacune des parties, évalué souverainement l'importance des heures supplémentaires et fixé les créances salariales s'y rapportant.

12. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche comme critiquant un motif surabondant, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société BCRH & associés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BCRH & associés et la condamne à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société BCRH & associés.

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré nulle la clause de forfait en jours, d'avoir en conséquence condamné la société BCRH et associés à payer à Mme [D] les sommes de 21 137,68 euros au titre des heures supplémentaires 2012-2014 et de 2 113,76 euros au titre des congés payés afférents, ainsi qu'une somme de 5 071,17 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la contrepartie en repos non pris et de 507,11 euros au titre des congés payés afférents, et d'avoir rejeté la demande de la société BCRH et associés tendant à la condamnation de Mme [D] à lui payer la différence entre le trop-perçu sur sa rémunération de base et la rémunération de ses heures supplémentaires, soit une somme de 29 181,73 euros ;

aux motifs propres que « 1) sur la validité de la convention individuelle en forfait jours : en application de l'article L. 3121-4, un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine ; qu'il prévoit : 1° La période de référence, qui ne peut excéder un an ou, si un accord de branche l'autorise, trois ans ; 2° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail ; 3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours de période de référence ; que les stipulations de la convention doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; que cette convention collective ou cet accord collectif doit donc prévoir les catégories de cadre intéressés, les modalités de décompte des journées ou des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos, les conditions de contrôle de son application, les modalités de suivi de l'organisation de travail des salariés concernés, et de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte ; qu'il est donc nécessaire que l'accord collectif prévoit précisément les modalités de contrôle et de suivi de ces dispositions ; que les dispositions de l'article 8.2.1.5. de la convention nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 applicables au présent litige, se bornent à prévoir, en premier lieu, que la charge de travail confiée ne peut obliger le cadre à excéder une limite de durée quotidienne de travail effectif fixée à dix heures et une limite de durée hebdomadaire , et, en troisième lieu, elles indiquent que le cadre disposant d'une grande liberté dans la conduite ou l'organisation des missions correspondant à sa fonction et dans la détermination du moment de son travail, le cadre et l'employeur examinent ensemble, afin d'y remédier, les situations dans lesquelles ces disposition n'ont pu être respectées ; que ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ; que la Sarl BCRH et Associés expose que la salariée vient seulement a posteriori contester la validité de cette convention de forfait, soit après la conclusion du contrat de travail et après l'exécution de son contrat de travail, dès lors qu'elle a démissionné le 02.07.2014, et alors que, initialement, les stipulations du contrat de travail n'étaient pas critiquées ; qu'elle déclare que l'invalidation d'une norme de droit ne peut pas remettre en cause les situations acquises ; qu'en outre la salariée a bénéficié d'entretiens d'évolution annuels ; que cependant, Mme [Y] [D] était en droit de se prévaloir de l'irrégularité des clauses de son contrat de travail dans la limite de la prescription applicable ; que, par ailleurs, c'est à bon droit qu'elle l'a fait après avoir contesté son solde de tout compte par lettre du 12.11.2014, peu important qu'elle n'ait pas dénoncé cette irrégularité antérieurement par écrit au cours de l'exécution du contrat de travail ; qu'enfin, il n'est nullement démontré par l'employeur que des entretiens spécifiques aient été organisés de nature à permettre le contrôle et le suivi de l'application des dispositions conventionnelles ; qu'il s'ensuit que la convention de forfait en jours mentionnés dans son contrat de travail qui est soumis à la convention collective des cabinets d'experts comptables est nulle ; qu'en conséquence, la convention individuelle de forfait jours doit être annulée et le jugement confirmé ; 2) sur les heures supplémentaires, Mme [Y] [D] était soumise à la réglementation des heures supplémentaires issue du code du travail, en l'absence de convention de forfait jours ; que selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au jour les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ; que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties le salarié doit donc étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au soutien de sa demande, Mme [Y] [D] indique qu'l convient d'appliquer les dispositions de l'article L. 3121-10 du code du travail fixant à 35 heures la durée hebdomadaire de travail ; qu'or, elle produit ses relevés d'activités sur la période allant d'octobre 2012 à octobre 2014, qui ont été régulièrement transmis à l'employeur en vue de l'établissement de la facturation et qui n'ont jamais été contestés ; qu'elle complète cette communication par des courriels faisant état des heures de travail qui viennent corroborer ses affirmations, ainsi qu'un tableau de suivi de ses heures de travail établi par semaine et tenant compte des JRTT pris, déduction faite de certaines heurs non justifiées ; que la SARL BCRH et Associés de son côté se borne à critiquer les éléments transmis par Mme [Y] [D] sans donner d'éléments précis alors qu'il appartenait à l'employeur de vérifier les heures de présence de sa salariée ; que ces heures comprennent toutes celles au cours desquelles la salariée est restée à la disposition de son employeur même celles effectuées au-delà de l'horaire collectif de 39 heures par semaine ; que la société ne peut après rupture des relations contractuelles solliciter l'application du minimum conventionnel au salaire perçu par Mme [Y] [D] ; que par suite, il convient de faire droit à la demande de paiement formée par Mme [Y] [D] et d'infirmer le jugement rendu » ;

et aux motifs éventuellement adoptés que « vu les bulletins de salaire et documents de fin ce contrat, l'article L. 3121-39 du code du travail prévoit la possibilité de conclure une convention de forfait en jours sur l'année dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 : 1° les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ; 2° Les salariés dont la dure du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ; que ledit article L. 3121-39 dispose que la conclusion de cette convention doit être préalablement prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établie, et qui fixe les caractéristiques principales de ces conventions ; qu'il est de droit établi que les stipulations de l'accord collectif assurent la garantie effective du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; que de même, aux termes de l'article L. 3121-46 du code du travail, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année ; qu'il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ; qu'en l'occurrence, l'article 7 « Durée du travail » du contrat de travail stipule que Mme [Y] [D] « appartiendr(a) à la catégorie des cadres autonomes régie par l'avenant n° 24 du 12 septembre 2000 relatif au forfait jours ; que par conséquent, [sa ] durée du travail effectif qui [lui] est proposée est de 217 jours par an » ; qu'il est constant et non contesté que le cabinet BCRH est Associés n'a pas organisé d'entretien annuel individuel avec Mme [Y] [D], dont la nécessité et l'objectif sont définis par l'article L. 3121-46 du code du travail ci-dessus retranscrit ; que par cette abstention, l'employeur n'a pas mis en oeuvre un dispositif essentiel tendant à garantir que l'amplitude et la charge de travail de sa salariée demeurent raisonnables et ce travail bien réparti dans le temps ; qu'ainsi, la protection de la sécurité et de la santé de Mme [D], ainsi que celle du respect de sa vie personnelle et familiale n'ont pas été assurées, alors que ces droits figurent au nombre des exigences constitutionnelles ; que ce défaut de réalité d'une contrepartie impérative à la forfaitisation annuelle en jours du travail prive cette dernière d'effet ; qu'il n'y a lieu dès lors d'examiner la discussion engagée par le défendeur en l'absence de remise en cause d'une situation acquise par l'invalidation d'une norme de droit, en l'espèce celle de l'article 8-1-2-5 de la Convention collective des Commissaires aux comptes et des Experts générée par l'arrêt N° 12-35033 rendu le 14 mai 2012 par la chambre sociale de la Cour de cassation, et qui a entraîné la signature ultérieure par les partenaires sociaux de l'avenant n° 24 bis du 18 février 2015 relatif au forfait annuel en jours concernant les cadres autonomes » ;

alors 1°/ que les principes de proportionnalité et de sécurité juridique s'opposent à ce qu'un employeur subisse l'annulation d'une clause de forfait annuel en jours par application d'une règle jurisprudentielle qui n'était pas encore édictée au jour où elle a été souscrite ; qu'à la date de conclusion de la convention de forfait – 24 septembre 2012 –, la Cour de cassation considérait comme valable une telle clause consentie en vertu de l'article 8.1.2.5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et des commissaires aux comptes (soc. 12 janvier 2011, 09-69.679) ; que ce n'est que par deux arrêts rendus le 14 mai 2014 (12-35.033, bull. 121, et 13-10.637) que la chambre sociale de la Cour de cassation a déclaré nulles les clauses de forfait annuel en jours consenties sur la base de l'article 8.1.2.5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et des commissaires aux comptes ; qu'en annulant néanmoins la convention de forfait litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1134 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 2°/ qu'il incombe au salarié de démontrer que son employeur n'a pas organisé un entretien annuel individuel portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération, s'il entend se prévaloir de cette circonstance à l'appui de son action en nullité de la convention de forfait annuel en jours ; que pour déclarer nulle la convention de forfait souscrite par Mme [D], la cour d'appel a reproché à l'employeur de ne pas démontrer que des entretiens spécifiques avaient été organisés de nature à permettre le contrôle et le suivi de l'application des dispositions conventionnelles ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé ce faisant l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

alors 3°/ que le juge qui procède à l'annulation d'une clause de forfait annuel en jours doit évaluer le montant de la créance relative aux heures supplémentaires accomplies par le salarié, sans pouvoir s'en tenir à la rémunération initialement fixée qui, par hypothèse, constituait la contrepartie du forfait annulé ; qu'en condamnant la société BCRH et associés à payer à Mme [D] une somme de 21 137,68 euros au titre des heures supplémentaires 2012-2014 sans s'expliquer ni sur le taux horaire qu'elle a retenu pour fixer la créance de la salariée au titre des heures supplémentaires, ni en quoi le montant réclamé par Mme [D] représentait la valeur exacte de la créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail en leur rédaction applicable au cas présent.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.