9 November 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-85.027

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CR01476

Texte de la décision

N° E 21-85.027 F-D

N° 01476


RB5
9 NOVEMBRE 2021


CASSATION SANS RENVOI


M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 NOVEMBRE 2021



M. [Z] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 27 juillet 2021, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée et infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes, association de malfaiteurs et recel, en récidive, a prolongé sa détention provisoire après annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [Z] [N], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 28 janvier 2020, M. [N] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.

3. Après une première prolongation de sa détention, le juge des libertés et de la détention a, par ordonnance du 8 juillet 2021, ordonné une nouvelle prolongation de celle-ci.

4. M. [N] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du procès-verbal de débat contradictoire et, après avoir évoqué, prolongé la détention provisoire, alors :

« 1°/ que la chambre de l'instruction qui constate qu'aucune réponse n'a été donnée par le juge des libertés et de la détention dans sa décision, prise après débat contradictoire tenu sans la présence de l'avocat, à une demande de renvoi formulée par la personne mise en examen doit prononcer la nullité du débat contradictoire, c'est-à-dire de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire et du procès-verbal de débat contradictoire faisant corps avec cette ordonnance ; qu'ainsi, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 114, 137, 137-3, 144, 145, 145-2, 591 et 593 du code de procédure pénale et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, la chambre de l'instruction qui, constatant la nullité de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire qui ne comportait aucune mention de la demande de report expressément formulée par le mis en examen, non assisté par son avocat lors du débat contradictoire, a toutefois rejeté la demande d'annulation du procès verbal de débat contradictoire et a prolongé la détention provisoire s'estimant toujours dans le délai pour le faire ;

2°/ qu'a excédé ses pouvoirs et a violé les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 114, 137, 137-3, 144, 145, 145-2, 201, 202, 204, 206, 207, 207-1, 221-1, 221-2, 591 et 593 du code de procédure pénale la chambre de l'instruction qui, constatant la nullité de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire ne comportant aucune mention et, a fortiori, aucune motivation relative à la demande de report du débat contradictoire expressément formulée par le mis en examen, en l'absence de son conseil, a évoqué et rejeté la demande d'annulation du procès verbal de débat contradictoire en prolongeant la détention, aucune disposition légale n'autorisant cette évocation. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa seconde branche

Vu l'article 201, alinéa 2, du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ce texte que lorsqu'elle constate que la personne mise en examen est détenue en vertu d'un titre nul, la chambre de l'instruction doit prononcer d'office sa mise en liberté.

7. Pour évoquer sur la prolongation de la détention provisoire de la personne mise en examen après avoir annulé l'ordonnance la prononçant, l'arrêt attaqué énonce que la chambre de l'instruction se trouve encore dans les conditions de délai, le titre de détention étant toujours valable au jour où elle statue.

8. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.

9. En effet, aucune disposition légale ne l'autorisait à évoquer en substituant sa propre décision à celle qu'elle venait d'annuler.

10. La cassation est dès lors encourue.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

12. M. [N] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.

13. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.

14. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [N] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.

15. Une mesure de contrôle judiciaire est indispensable pour assurer les objectifs suivants, énumérés à l'article 144 du code de procédure pénale :

- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que M. [N] est susceptible d'appartenir à une organisation criminelle très structurée, qu'il ne s'est pas expliqué devant le juge d'instruction au cours de ses derniers interrogatoires et que certaines des autres personnes mises en examen ne sont pas détenues ;

- garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, M. [N] se déclarant sans domicile fixe et n'ayant communiqué aucune adresse de résidence ;

- mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, en ce que le casier judiciaire de M. [N] fait état de multiples condamnations et que l'intéressé venait de sortir de détention lorsqu'il a été interpellé.

16. Afin d'assurer ces objectifs, M. [N] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.

17. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.

18. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 27 juillet 2021 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que M. [N] est détenu sans titre depuis le 28 juillet 2021 ;

ORDONNE la mise en liberté de M. [N] s'il n'est détenu pour autre cause ;

ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [N] ;

DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes :

- ne pas sortir des limites territoriales suivantes : le département de la Gironde, sauf rencontres avec son avocat, dûment justifiées ;

- se présenter le 10 novembre 2021 et ensuite chaque jour de la semaine, au commissariat de police de [Localité 1] ;

- s'abstenir de recevoir, de rencontrer, ou d'entrer en relation, de quelque façon que ce soit, avec les personnes suivantes : [F] [G], [H] [C], [Y] [W], [R] [U], [M] [P], [I] [O] ;

- ne pas détenir ou porter une arme ;

DÉSIGNE, pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, le commissaire de police de [Localité 1] ;

DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;

DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt et un.

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