10 November 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-12.235

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C100678

Titres et sommaires

AVOCAT - Responsabilité - Obligation de conseil - Rédaction d'actes - Etendue de l'obligation - Détermination - Portée

L'avocat rédacteur d'acte est tenu à l'égard de toutes les parties, quelles que soient leurs compétences personnelles, d'une obligation de conseil et, le cas échéant, de mise en garde en ce qui concerne, notamment, les effets et les risques des stipulations convenues et l'existence d'une clause claire dans l'acte ne le dispense pas de les informer sur les conséquences qui s'y attachent

AVOCAT - Responsabilité - Obligation de conseil - Définition - Existence d'une clause claire dans l'acte ne le dispensant pas d'informer toutes les parties des conséquences qui s'y attachent

Texte de la décision

CIV. 1

NL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 novembre 2021




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 678 FS-B

Pourvoi n° N 20-12.235


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021

1°/ M. [H] [J],

2°/ Mme [X] [T], épouse [J],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° N 20-12.235 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant à la société [S] [Y] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société [S] [Y] et associés, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, M. Girardet,conseillers, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Avel, Mornet, Chevalier et Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 octobre 2019), par acte sous seing privé du 30 septembre 1997, rédigé par M. [Y], avocat membre de la société [S] [Y] et associés (l'avocat), M. et Mme [J] ont acquis l'ensemble des parts de la société Café du port (la société), qui exploitait un fonds de commerce dans le port de [4], en vertu de deux contrats de concession de droit privé, conclus en 1985 et 1987 et renouvelés en 1994 et 1996 avec des porteurs d'actions d'une société chargée par la commune de l'établissement, de l'entretien et de l'exploitation du port.

2. Le 21 juin 2000, M. [J] a été, en qualité de représentant de la société, informé, par la préfecture des Alpes-Maritimes, qu'il était occupant sans droit ni titre, depuis le 17 mai 2000, du domaine public portuaire concédé à la commune et invité à enlever des installations.

3. Une ordonnance de référé du 11 octobre 2000 a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du contrat d'occupation, ordonné l'expulsion de la société et prononcé une condamnation au titre de redevances impayées.

4. Un jugement du 5 septembre 2008, confirmé par un arrêt du 17 décembre 2010, a rejeté l'action en nullité de l'acte de cession des parts sociales engagée par M. et Mme [J].

5. Reprochant à l'avocat d'avoir manqué à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde, en ne les alertant pas sur le caractère précaire des concessions de cellules situées sur le domaine public, M. et Mme [J] l'ont assigné en responsabilité et indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de rejeter toutes leurs demandes, alors « que les avocats rédacteurs d'actes sont tenus d'un devoir de conseil et d'information ; qu'en se bornant à énoncer que plusieurs dispositions de l'acte de concession attiraient clairement l'attention des cessionnaires, sur tous les mécanismes contractuels y définis, sur les particularités en résultant pour leur titre d'occupation et sur les limites consécutives des droits de la société, sans rechercher si l'avocat, rédacteur de l'acte n'avait pas manqué à son devoir d'information et de conseil, en ne mettant pas en garde M. et Mme [J], profanes en matière juridique, sur les limites de leurs droits et sur les risques encourus par la société dont ils acquéraient la totalité des parts, du fait de l'exploitation, par celle-ci d'un fonds de commerce dans des locaux, situés sur le domaine public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. Il résulte de ce texte que l'avocat rédacteur d'acte est tenu à l'égard de toutes les parties, quelles que soient leurs compétences personnelles, d'une obligation de conseil et, le cas échéant, de mise en garde en ce qui concerne, notamment, les effets et les risques des stipulations convenues et que l'existence d'une clause claire dans l'acte ne le dispense pas de les informer sur les conséquences qui s'y attachent.

8. Pour écarter tout manquement de l'avocat à son devoir de conseil, l'arrêt retient qu'il résulte des actes de concession annexés à l'acte de vente des parts sociales, par lui dressé, que les lieux dans lesquels la société exploitait le fonds de commerce étaient situés sur le domaine public et que, même si certaines dispositions se référaient à la notion de bail, la dénomination de ces actes annexés était claire, de sorte que M. et Mme [J] avaient été informés des limites de leurs droits.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'avocat avait spécialement mis en garde M. et Mme [J], qui acquéraient la totalité des parts de la société, sur les risques que comportait l'exploitation par celle-ci d'un fonds de commerce présentant de telles spécificités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composé ;

Condamne la société [S] [Y] et associés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [J]

Les époux [J] font grief à l'arrêt attaqué

D'AVOIR rejeté toutes leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE « (…) ; que, dans le cadre du présent litige, M. et Mme [J] reprochent à la société d'avocats d'avoir manqué à son obligation d'efficacité et à son obligation de conseil et de mise en garde notamment en ne les alertant pas sur le caractère illicite des concessions des cellules abritant le local commercial exploité par la société Café du Port, situées sur le domaine public ;
qu'il sera, en droit, au préalable rappelé :
- qu'en sa qualité de rédacteur d'acte, l'avocat a l'obligation d'assurer la validité et l'efficacité de l'acte qu'il établit et qu'il est également tenu d'une obligation contractuelle de conseil ainsi que d'une obligation d'information sur la portée exacte des conséquences juridiques de l'acte et sur les risques prévisibles consécutifs à cet acte, la charge de la preuve de l'exécution de ces obligations incombant au professionnel,
- que l'acte litigieux est un acte de cession de parts sociales, et non un acte de cession de fonds de commerce ou de cession de droit au bail, ou encore de cession d'un quelconque autre titre d'occupation ; que dans ce cadre, le rédacteur d'acte doit, certes, s'assurer de son efficacité, et s'exécuter de son obligation de conseil à l'égard des parties, mais que ces obligations doivent s'entendre par rapport à l'objet de l'acte, à savoir en l'espèce, une cession de parts ; qu'ainsi s'il doit de façon générale veiller à une absence de contradiction des dispositions de l'acte, il doit plus spécifiquement par exemple vérifier que les parts, objets de la cession, sont cessibles, notamment par rapport aux dispositions statutaires, également qu'elles ne sont pas nanties notamment par une vérification auprès du greffe du tribunal de commerce, et il doit aussi veiller aux intérêts des parties en ce qui concerne la garantie d'actif et de passif ; que dans ces conditions la question de la portée du titre d'occupation des locaux dans lesquels est exploité le fonds de la société dont les parts sont cédées est sans lien direct avec celle touchant à la validité ou aux conditions de la cession des valeurs mobilières en cause ;

que, ces différents principes ainsi posés, il sera considéré que l'acte de cession litigieux expose :

- que la cellule 24 a fait l'objet d'une concession de neuf années renouvelables, consentie par les époux [P], titulaires de 27 actions dans la société Yacht club international, affectées du droit privatif à l'exploitation et occupation du local commercial n° 24 pour une redevance initiale de 43 200 francs par an, la concession étant arrivée à renouvellement le 31 décembre 1996,
- et que les cellules 22 et 23 font l'objet d'une concession de droit privé accordée par Mme [C], titulaire d'actions dans la société Yacht club international affectées d'un droit privatif à l'occupation et exploitation des locaux n° 22 et 23 pour une redevance initiale de 62 541 francs par an, cette concession étant venue à renouvellement le 31 mars 1994 ;

que l'information ainsi donnée, extrêmement détaillée en ce qui concerne le titre d'occupation (sa date d'établissement, sa nature, le fait que le droit d'exploitation soit affecté aux actions, le visa exact du nombre d'actions donnant droit à la jouissance, le prix de la redevance à acquitter, le renouvellement accordé), n'évoque à aucun moment le principe d'une jouissance des locaux assise sur un droit au bail de nature commerciale ;

qu'elle fait, en revanche, référence à des contrats expressément qualifiés de "concession", qui de surcroît y sont annexés en leur intégralité, alors que s'agissant d'un acte de cession de valeurs mobilières, aucune obligation de joindre lesdits actes n'existait ni n'est au demeurant usuelle ;

que s'il existe une utilisation de termes se référant à la notion de bail, les éléments par ailleurs donnés sur la nature du titre d'occupation sont suffisamment clairs, précis et explicites pour dissiper toute doute à ce sujet ;

qu'en toute hypothèse, s'agissant du manquement à l'obligation d'efficacité, d'une part, aucune décision n'a jugé nul l'acte de cession de parts sociales, celles rendues à propos des époux [J] les ayant au contraire déboutés de leurs prétentions et celles rendues dans d'autres affaires l'ayant été relativement à des titres qualifiés "bail commercial" ; que d'autre part, aucun élément ne vient démontrer, contrairement à ce que les époux [J] affirment, que les actes de concession sur lesquels l'exploitation du fonds de commerce est assise seraient nuls ou invalides, aucune décision n'étant, en effet, intervenue pour consacrer la situation ainsi prétendue et aucune information n'étant donnée sur la suite des assignations délivrées le 9 février 2000 par les époux [J] tendant à la nullité de la convention de cession de droits d'occupation et d'exploitation du 28 décembre 1987 concernant les époux [P] et de celle du 22 mars 1985 concernant Mme [C], les prétentions y exposées étant fondées sur les articles R. 57-7 du code du domaine de l'État et 1134 du code civil.

qu'enfin, il n'y a pas eu d'éviction des parts sociales cédées, le transfert de cellesci ayant bien été réalisé et qu'aucun grief ne peut être fait à l'avocat en ce qui concerne la demande préfectorale de démolition des constructions visées par l'avertissement du 21 juin 2000, dès lors en effet qu'il n'était pas censé connaître l'existence de ces constructions, qu'il n'a pas visité les lieux, et que rien dans l'acte n'était susceptible d'éveiller son attention sur cette question.

que s'agissant du manquement à l'obligation de conseil et de mise en garde, il ne peut être utilement prétendu qu'il n'y a pas de mention de la nature particulière du titre d'occupation dont découle sa précarité ainsi que des limites des droits de la société Café du Port, dans la mesure où il est mentionné, dès le préambule, du contrat de concession privée consenti par les époux [P], que les installations sont situées sur le domaine publie maritime, que la concession expire en 2025, sauf retrait anticipé à l'initiative de l'État, et que s'il y est fait à plusieurs reprises effectivement référence à la législation sur les baux commerciaux, à aucun moment, ledit contrat n'est en revanche, qualifié de bail commercial ;

qu'en outre, en ce qui concerne l'indemnité d'éviction, elle y est prévue en son principe, mais d'une part, limitée à un non-renouvellement survenant pendant la durée de validité du sous-traité passé entre la commune et la société Yacht club international et d'autre part, aussitôt tempérée par le fait qu'à l'expiration du sous-traité ou en cas de retrait pour quelque cause que ce soit, les engagements des parties seront résolus de plein droit à la date effective de cessation du soustraité sans indemnité à la charge du concédant.

qu'ainsi, plusieurs dispositions de l'acte de concession passé par les époux [P] attiraient clairement l'attention des cessionnaires, vu les éléments détaillés y énoncés, sur tous les mécanismes contractuels y définis, sur les particularités en résultant pour leur titre d'occupation et sur les limites consécutives des droits de la société Café du Port.

qu'il en est de même de l'acte passé entre Mme [C] et la société Café du Port, qui certes n'est pas identique au précédent, mais qui mentionne, dés les premières lignes de son exposé, que les cellules ont été édifiées sur le domaine maritime en vertu d'une concession consentie par l'État à la commune, ladite concession faisant l'objet d'un sous-traité passé avec la société Yacht club international, qui précise bien qu'en vertu de ces actes, la concession s'achève le 31 décembre 2025, et que les installations reviendront alors à l'État ou à la commune qui en sera le nouveau propriétaire ;

que même si plusieurs des dispositions liant Mme [C] à la société Café du Port se réfèrent également à la notion de bail, le contrat s'intitule "concession de droit privé", reprend cette dénomination à plusieurs reprises dans son déroulé et qu'un autre tempérament est apporté au paragraphe sur l'indemnité d'éviction, ce contrat prévoyant, en effet, que Mme [C] s'engage à rétrocéder à la société Café du Port les indemnités qu'elle pourrait percevoir en sa qualité d'actionnaire.

qu'ainsi, ces dispositions sont également très claires en ce que le titre d'occupation mentionne, dès le début de l'acte, le fait que l'occupation qu'il octroie concerne le domaine public maritime, de sorte qu'à raison de la situation ainsi indiquée et également de ses autres stipulations venant amodier les références aux dispositions du bail commercial, il n'est nullement assimilable à un bail commercial ;

que, dans ces conditions, la clause aux termes de laquelle les cédants reconnaissent qu'ils ne font pas actuellement et qu'ils ne sont pas susceptibles ultérieurement d'être l'objet de poursuites pouvant entrainer la confiscation totale ou partielle de leurs biens, ou concernant l'exploitation du fonds, susceptibles d'entraver l'exploitation par le cessionnaire ou de troubler la jouissance paisible à laquelle il peut prétendre et celle stipulant que rien dans leur situation juridique ne s'oppose à la libre disposition des parts sociales et à la jouissance de ces dernières par le cessionnaire, ne peuvent également s'entendre que par rapport à l'objet de l'acte (cession de parts) et aux conditions de la jouissance des locaux dont les cessionnaires savent, non seulement qu'elle s'exercera dans les limites de temps de la concession initiale (2025) avec de surcroît, une possibilité de retrait anticipé mais aussi les conséquences en ce qui concerne la stabilité de leur droit de jouissance, laquelle est directement liée à la durée de la concession et à cette faculté de retrait ;

qu'enfin, même si la propriété commerciale est effectivement incompatible avec le domaine public maritime, aucun des actes en cause ne peut, vu les observations précédentes, être considéré comme donnant la propriété commerciale ou comme étant à ce propos entaché d'ambiguïté, étant à ce propos à nouveau rappelé que vu l'acte en cause qui ne visait donc qu'à un transfert de parts sociales, l'avocat, tenu d'un devoir de conseil s'appréciant dans les limites de l'objet de l'acte qu'il est chargé de dresser, ne peut se voir reprocher de ne pas avoir vérifié les titres d'occupation des locaux dans lesquels est exploité le fonds de la société dont les parts étaient cédées ;

qu'aucune faute ne sera, par suite, retenue contre la société [S] [Y] et le jugement sera, en conséquence, infirmé, sauf en ce qui concerne ses dispositions non critiquées relatives au rejet des fins de non-recevoir, M. et Mme [J] se trouvant déboutés de toutes leurs demandes » ;

1°) ALORS QUE les avocats rédacteurs d'actes sont tenus d'un devoir de conseil et d'information ; qu'en se bornant à énoncer que plusieurs dispositions de l'acte de concession attiraient clairement l'attention des cessionnaires, sur tous les mécanismes contractuels y définis, sur les particularités en résultant pour leur titre d'occupation et sur les limites consécutives des droits de la société Café du Port, sans rechercher si l'avocat, rédacteur de l'acte n'avait pas manqué à son devoir d'information et de conseil, en ne mettant pas en garde les époux [J], profanes en matière juridique, sur les limites de leurs droits et sur les risques encourus par la société Café du port dont ils acquéraient la totalité des parts, du fait de l'exploitation, par celle-ci d'un fonds de commerce dans des locaux, situés sur le domaine public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (Concl., p.17), si les époux [J] tiraient du titre les autorisant à occuper les cellules, situées sur le domaine public, le droit d'en concéder à leur tour l'occupation, et si leurs titres n'étaient pas, au contraire, personnels, précaires et révocables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE l'avocat, rédacteur d'acte, est tenu de veiller à l'utilité et à l'efficacité de l'acte ; que dans ce cadre, l'avocat rédacteur d'un acte de cession de parts sociales, a l'obligation de veiller à l'utilité et l'efficacité de cet acte au regard de l'objet final de l'opération envisagée par les parties ; qu'en effet, le devoir de conseil auquel est tenu le rédacteur d'actes s'apprécie au regard du but poursuivi par les parties ; qu'ainsi, le rédacteur d'un acte de cession de parts sociales, conclu dans le but d'exploiter un fonds de commerce doit s'assurer de la portée du titre d'occupation des locaux dans lesquels est exploité le fonds de la société dont les parts sont cédées ; qu'en jugeant le contraire et en considérant que l'obligation de veiller à l'utilité et à l'efficacité de l'acte de cession ne devait s'apprécier qu'au regard de l'objet strict de l'acte à savoir, la cession des parts sociales, pour lesquelles il n'y avait pas eu d'éviction, et dont le transfert avait bien été réalisé, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°) ALORS QUE l'avocat, rédacteur d'acte, tenu de veiller, d'une part, à l'utilité et à l'efficacité de l'acte au regard de la volonté des parties, d'autre part, à l'équilibre de l'ensemble des intérêts en présence et, à cet effet, de conseiller les parties sur la portée des engagements par elles souscrits ; que, pour écarter la faute de l'avocat rédacteur d'acte, la cour d'appel s'est fondée sur les mentions de l'acte de cession, révélant la précarité des droits de jouissance concédés, exclusive de la propriété commerciale, ainsi que sur celles des contrats de concession, précisant que les installations (cellules) sont situées sur le domaine public maritime et que la concession expire en 2025, sauf retrait anticipé ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer, comme elle y était pourtant invitée (Concl., p.10), sur le caractère illégal des titres d'occupation litigieux du domaine public, illégalité que l'avocat rédacteur d'acte n'a pas portée à la connaissance des cessionnaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°) ALORS QUE, la responsabilité de l'avocat ne présente pas un caractère subsidiaire, de sorte que la mise en jeu de sa responsabilité n'est pas subordonnée à l'exercice préalable, par son mandant, d'une action consécutive à la situation dommageable née de sa faute et susceptible d'y remédier ; que la cour d'appel a énoncé qu'aucune décision n'a jugé nul l'acte de cession de parts sociales ; qu'en opposant ainsi aux époux [J], pour écarter la responsabilité de l'avocat rédacteur d'acte, l'absence d'action en nullité de l'acte de cession, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

6°) ALORS QUE dans leurs écritures d'appel, pour conclure à la nullité des actes de concession litigieux, les époux [J] ont invoqué, notamment (concl., p. 14) un arrêt du Conseil d'Etat du 9 novembre 2005 (CE 8e et 3e sous-sections réunies, n° 260690), dans lequel il a jugé que « le tribunal administratif de Nice pouvait déclarer, à bon droit en l'espèce, que M. et Mme [D] ne tiraient pas du titre qui les autorisait à occuper les cellules 31, 32 et 33 du port de plaisance de [4], situées sur le domaine public maritime, le droit d'en concéder à leur tour l'occupation », solution transposable aux titres d'occupation litigieux, également illégaux, en ce que les amodiations consenties aux époux [P] et Mme [C], leur étaient strictement personnelles et ne pouvaient donner lieu à une sous-concession au profit de la société cédée, prohibée aussi bien par le cahier des charges régissant les relations entre la commune de Saint-Laurentdu-Var et le Yacht Club international que par les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public ; qu'ils ont également invoqué un arrêt du 17 décembre 2008, rendu par la Cour de cassation (Civ. 1re 17 décembre 2008, n° 07-17.910) ayant approuvé la cour d'appel d'Aix-en-Provence d'avoir annulé le bail portant sur le domaine public, compris dans le périmètre concédé à la société Yacht Club international et intitulé « convention d'occupation précaire du domaine public » ; qu'en énonçant cependant, pour écarter la responsabilité de l'avocat rédacteur d'acte, qu'aucun élément ne vient démontrer, contrairement à ce que les époux [J] affirment, que les actes de concession sur lesquels l'exploitation du fonds de commerce est assise seraient nuls ou invalides, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions et les décisions invoquées à leur appui établissant le contraire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE l'avocat, rédacteur d'acte, chargé d'assurer l'efficacité et la sécurité des actes qu'il rédige, est tenu de vérifier, par toutes investigations utiles, les déclarations faites par le vendeur ; qu'en énonçant, pour écarter la responsabilité de l'avocat rédacteur d'acte, qu'il n'était pas censé connaître l'existence des constructions faites sur le domaine public, qu'il n'a pas visité les lieux, que rien dans l'acte n'était susceptible d'éveiller son attention sur cette question et qu'il ne peut se voir reprocher de ne pas avoir vérifié les titres d'occupation des locaux dans lesquels est exploité le fonds de la société dont les parts étaient cédées, la cour d'appel, qui a déchargé l'avocat, rédacteur d'acte, de son obligation de vérification a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

8°) ALORS QUE l'avocat, rédacteur d'acte, est tenu de veiller à l'utilité et à l'efficacité de l'acte au regard de la volonté des parties, et de conseiller les parties sur la portée des engagements par elles souscrits ; que, pour écarter la responsabilité de l'avocat rédacteur d'acte, la cour d'appel a énoncé que la clause aux termes de laquelle les cédants reconnaissent qu'ils ne font pas actuellement et qu'ils ne sont pas susceptibles ultérieurement d'être l'objet de poursuites concernant l'exploitation du fonds, susceptibles d'entraver l'exploitation par le cessionnaire ou de troubler la jouissance paisible à laquelle il peut prétendre, ne pouvait s'entendre que par rapport aux conditions de la jouissance des locaux dont les cessionnaires savent, non seulement qu'elle s'exercera dans les limites de temps de la concession initiale (2025) avec de surcroît, une possibilité de retrait anticipé mais aussi les conséquences en ce qui concerne la stabilité de leur droit de jouissance, laquelle est directement liée à la durée de la concession et à cette faculté de retrait ; qu'en statuant ainsi, pour écarter la responsabilité de l'avocat rédacteur d'acte, tout en constatant que l'occupation du domaine public maritime procédant des contrats de concession avait donné lieu à un avis de police de grande voirie du 21 juin 2000, et donc antérieure à 2025 et indépendant de tout retrait anticipé, enjoignant la société cédée de procéder à l'enlèvement des installations situées sur le domaine public, ce qui excluait toute « jouissance paisible », au sens de la clause précitée et établissait que l'avocat n'avait pas exécuté son obligation de conseil, faute d'avoir informé les cessionnaires des conséquences juridiques d'une occupation du domaine public, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

9°) ALORS QU'en relevant d'office le moyen tiré de ce que l'avocat rédacteur d'un acte de cession de parts sociales d'une société exploitant un fonds de commerce, est tenu de vérifier les titres d'occupation des locaux dans lesquels est exploité le fonds de la société dont les parts sont cédées, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

10°) ALORS QUE l'avocat rédacteur d'un acte de cession de parts sociales d'une société exploitant un fonds de commerce, est tenu de vérifier les titres d'occupation des locaux dans lesquels est exploité le fonds de la société dont les parts sont cédées ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

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