4 November 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-21.005

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01215

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 novembre 2021




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1215 F-D

Pourvoi n° Z 19-21.005




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2021

La société Siradel, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-21.005 contre l'arrêt rendu le 12 juin 2019 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. [F] [V], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Siradel, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 15 septembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 juin 2019), M. [V] a été engagé le 2 avril 2013 par la société Siradel (ci-après la société) en qualité de account manager EMEA, moyennant une rémunération fixe à laquelle s'ajoutait une rémunération variable annuelle (prime de résultat) en fonction de l'atteinte des objectifs de vente. Le salarié était soumis à un forfait annuel en jours fixé à 218 jours, outre 12 jours de RTT.

2. Le 29 avril 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de prime de résultat et les congés payés afférents, alors « que lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail, et à défaut d'accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause ; que si l'objectif de résultats, dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable, n'a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer selon les mêmes critères ; que la cour d'appel a constaté, en l'espèce, que les objectifs conditionnant le paiement de la prime annuelle de résultat devaient être, selon le contrat de travail, fixés annuellement en concertation entre le salarié et l'employeur ; qu'elle a fait droit à la demande du salarié qui réclamait, pour les années 2013 à 2016, le paiement intégral de la prime d'objectifs, au motif que les objectifs annuels n'avaient jamais été fixés ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il lui incombait de les fixer elle-même en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause, la cour d'appel a méconnu son office et a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait manqué à son obligation contractuelle d'engager chaque année une concertation avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépendait la partie variable de la rémunération, a, sans méconnaître son office, décidé à bon droit que la rémunération variable contractuellement prévue devait être versée intégralement pour chaque exercice.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2013 à 2016, congés payés compris, et à titre d'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos, alors :

« 1°/ d'une part, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que la cour d'appel a constaté que le salarié se bornait à produire un tableau récapitulatif mentionnant uniquement le total des heures supplémentaires réalisées chaque semaine, ainsi qu'une liste de réunions et de déplacements professionnels ; qu'en déclarant que ces éléments étaient suffisamment précis pour étayer la demande, cependant qu'ils ne reprenaient pas avec précision les horaires de travail effectivement réalisés par le salarié et ne mettaient donc pas l'employeur en mesure de s'expliquer, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ d'autre part, que le salarié ne peut prétendre au paiement que des heures supplémentaires accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur ou s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ; que la société avait rappelé, sans être contredite, que le salarié organisait librement son emploi du temps ; qu'elle avait également contesté avoir donné son accord en vue de l'accomplissement d'heures supplémentaires par le salarié ou que sa charge de travail eût rendu nécessaire la réalisation de telles heures ; en faisant valoir, justificatifs à l'appui que durant ses périodes de présence au sein de l'entreprise celui-ci consacrait une partie importante de son temps à des activités sans lien avec ses fonctions contractuelles, notamment en vue de créer sa propre entreprise ; qu'en faisant droit à la demande du salarié, sans rechercher si les heures supplémentaires avaient été réalisées selon les instructions de l'employeur ou du moins avec l'accord, au moins implicite, de celui-ci, ni si elles étaient nécessaires à la réalisation des tâches confiées au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. D'abord, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié produisait un tableau couvrant la période concernée, soit de la semaine 8 de 2013 à la semaine 16 de 2016, mentionnant le nombre d'heures effectuées chaque semaine et mentionnant les jours fériés, les jours de congés, les jours RTT et les jours de récupération, et qui a relevé que cet élément, auquel s'ajoutaient une liste récapitulative par année des réunions auxquelles il a participé et qui se sont terminées bien au-delà de 18 heures, ainsi que la liste de ses déplacements en métropole et à l'étranger, est suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, a, sans encourir le grief de la première branche, fait une exacte application de l'article L. 3171-4 du code du travail.

9. Ensuite, appréciant la valeur et la portée des éléments produits devant elle, la cour d'appel, a fait ressortir que les heures litigieuses avaient été rendues nécessaires par les tâches confiées à l'intéressé.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Siradel aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Siradel et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Siradel.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SIRADEL à payer à Monsieur [V] les sommes de 23.000 € à titre de rappel de prime de résultat et 2.300 € au titre des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande de rappel de salaires au titre de la rémunération variable. Le contrat de travail de M. [V] comportait la clause suivante : « ARTICLE 4 - Rémunération La rémunération de Monsieur [F] [V] sera de cinquante mille (50 000) euros répartis sur douze (12) mois, auxquels s'ajoute une rémunération variable annuelle de quinze mille (15 000) euros indexée en fonction de ses objectifs de vente à atteindre. Cette rémunération est forfaitaire et fonction du nombre annuel de jours de travail fixée au présent contrat, déduction faite de la journée de solidarité. Les objectifs de chiffre d'affaires à atteindre sont fixés chaque année, après concertation avec la Direction et en phase avec la stratégie de développement de l'entreprise. Compte tenu du démarrage d'activité de Monsieur [F] [V] en avril 2013, les objectifs de vente pour 2013 seront établis au début du second semestre et donneront droit à une rémunération variable de dix mille (10 000) euros. (…) ». La société avait l'obligation contractuelle d'engager chaque année une « concertation » avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépendait la partie variable de sa rémunération. Or, le courriel de Mme [E], N + 1, adressé au directeur général M. [L], le 13 novembre 2013, évoquant leurs échanges personnels en septembre sur les objectifs de vente concernant M. [V], qui auraient abouti à un objectif de 150 000 € alors qu'elle proposait un minimum de 200 000 €, ne suffit pas à caractériser l'existence d'une concertation entre l'employeur et le salarié sur un objectif, qui ne résulte d'aucun document et dont M. [V] conteste même avoir eu connaissance. Le courriel adressé le 23 avril 2014 par M. [Z], N + 2, est tout aussi inopérant dès lors que s'il indique que M. [V] « souhaite faire le point sur les objectifs commerciaux de l'année », la phrase est trop imprécise pour en déduire que des objectifs avaient été fixés à M. [V], a fortiori après concertation, puisqu'elle peut également s'interpréter comme une demande du salarié en vue de voir fixer des objectifs. Aucun des courriels remontant à 2013 évoqués par M. [L] dans son message adressé le 31 mars 2016 à M. [V], qui, selon lui, confirmeraient les objectifs à atteindre chaque année, n'est produit aux débats ; le courriel adressé par M. [L] à ses collaborateurs, dont M. [V] le 31 juillet 2015, ne fait, lui, que les informer de la croissance du chiffre d'affaires, attirer leur attention sur les axes de développement pour améliorer la rentabilité, et les informer qu'il comptait « revoir » le prévisionnel 2015, qui ne résulte lui-même d'aucun document produit aux débats, et que rien ne permet en toute hypothèse de dire qu'il aurait été communiqué au salarié. Les seuls écrits émanant de M. [L] lui-même évoquant des objectifs pour 2013, 2014 et 2015 ne remontent qu'au mois de mars 2016 ; en réponse à la demande de M. [V] exprimée par courriel du 7 mars 2016 rappelant qu'il n'avait perçu aucune rémunération variable depuis son embauche, le Directeur général a, au fil des échanges électroniques et épistolaires, fait valoir que le salarié n'avait pas atteint les objectifs qui lui avaient été fixés et communiqués par ses supérieurs hiérarchiques, tandis que M. [V] rappelait qu'aucun objectif n'avait été fixé et encore moins communiqué depuis son engagement. Aucun document émanant de l'employeur attestant de ce que des objectifs auraient été, chaque année, discutés, arrêtés et communiqués au salarié, n'est produit aux débats par la société, qui n'a cessé tout au long des échanges avec M. [V] à compter de mars 2016, de se retrancher derrière les affirmations, non étayées, de Mme [E], indiquant à l'époque que celui-ci avait des objectifs à atteindre et qu'il en était parfaitement informé. L'attestation de celle-ci produite aux débats, qui évoque des objectifs fixés par M. [L], ne permet pas de tenir pour établie l'existence d'objectifs à atteindre par le salarié pour les années concernées, ni même d'une quelconque concertation sur cette question, toutes deux contestées par l'intéressé, et l'attestation de M. [Z] n'évoque même pas la question des objectifs et des conditions dans lesquelles ils auraient été fixés et communiqués au salarié. Le fait que M. [V] n'ait pas réclamé avant mars 2016 le paiement de cette rémunération variable ne saurait constituer une renonciation à son droit de réclamer le paiement des salaires contractuellement convenus. Ayant ainsi manqué à son obligation contractuelle, la société est débitrice, au titre des années 2013 à 2015 incluse, de la rémunération variable dont la cour fixe le montant à 40 000 € (10 000 € pour 2013,15 000 € pour 2014 et 15 000 € pour 2015) ; après déduction de la somme de 32 000 € versée par la société, M. [V] est fondé à prétendre au paiement du solde restant dû, soit 8 000 €. En ce qui concerne l'année 2016, ce n'est que par courriel du 17 juin de cette année-là que le Directeur général a fait connaître à M. [V] l'objectif à atteindre, fixé à 300 K €. Par courrier du 22 juin 2016, M. [V] a indiqué ne pas pouvoir valider ces objectifs communiqués tardivement, de surcroît calculés sur la base d'une répartition par pays qu'il estime trop restrictive. Au regard de cette communication effectivement tardive d'objectifs fixés de surcroît sans concertation préalable, M. [V] est fondé à prétendre au paiement d'une rémunération variable de 15 000 € au titre de l'année 2016. Le jugement entrepris sera dans ces conditions confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer à M. [V] un rappel de salaires de 23 000 €, outre 2 300 € pour les congés payés afférents » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « sur le rappel de salaires. Attendu que les objectifs doivent être portés à la connaissance du salarié en début d'exercice selon un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 02/03/2011 portant n° 08-44.977. En l'espèce dans la société SIRADEL, les objectifs sont affinés en cours d'année. Attendu que la clause relative à la rémunération article 4 du contrat de travail est ambigüe et peu claire. En l'espèce cette clause fait référence à « une indexation », alors qu'il y a une absence d'élément comptable ce qui laisse présager un nombre important de suppositions et dérives à la bonne compréhension. En conséquence le conseil accorde ce chef de demande à M. [V] en condamnant la société à payer la somme de 8000 € pour les années 2013, 2014 et 2015 et 15000 € pour l'année 2016 ainsi que les congés payés afférents » ;

ALORS QUE lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail, et à défaut d'accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause ; que si l'objectif de résultats, dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable, n'a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer selon les mêmes critères ; que la cour d'appel a constaté, en l'espèce, que les objectifs conditionnant le paiement de la prime annuelle de résultat devaient être, selon le contrat de travail, fixés annuellement en concertation entre Monsieur [V] et la société SIRADEL ; qu'elle a fait droit à la demande du salarié qui réclamait, pour les années 2013 à 2016, le paiement intégral de la prime d'objectifs, au motif que les objectifs annuels n'avaient jamais été fixés ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il lui incombait de les fixer elle-même en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause, la cour d'appel a méconnu son office et a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 [devenu 1103] du Code civil.


DEUXÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SIRADEL à payer à Monsieur [V] les sommes de 42.954,76 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2013 à 2016, congés payés compris et 2.592,89 € à titre d'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande au titre des heures supplémentaires. M. [V] est soumis à une convention de forfait jours sur l'année pour 218 jours. La convention de forfait conclue en l'espèce par les parties en vertu de la convention collective Syntec est nulle dès lors que celle-ci ne comportait pas de stipulations de nature à garantir que l'amplitude de la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié, et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. Il s'ensuit que M. [V], soumis à la durée légale de travail, peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires. En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. La charge de la preuve n'incombant spécialement à aucune des parties, le salarié, pour étayer sa demande, n'a pas à apporter des éléments de preuve mais des éléments factuels pouvant être établis unilatéralement par ses soins mais revêtant un minimum de précision afin que l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail accomplies, puisse y répondre utilement. M. [V] étaye sa demande en produisant aux débats : - un tableau couvrant la période concernée (semaine 8 de 2013 à semaine 16 de 2016), mentionnant le nombre d'heures réalisées chaque semaine, les jours fériés, les jours de congés, les journées RTT et les jours de récupération, - une liste récapitulative par année des réunions auxquelles il a participé et qui se sont terminées bien au-delà de 18 heures, - la liste de ses déplacements annuels en métropole et à l'étranger. Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Or, force est de constater que la société ne produit pas d'éléments de cette nature. L'attestation de M. [C], collègue de travail de M. [V], indiquant travailler dans le même « open space », est à cet égard inopérante dès lors que, sauf à relever lui-même les horaires quotidiens de celui-ci, ce qu'il ne soutient pas, la cour ne dispose pas des éléments d'information ayant permis à ce collègue, de surcroît plusieurs années après la période en litige (l'attestation est établie en 2018), de conclure que M. [V] terminait chaque jour sa matinée à midi et sa journée à 18 h. La cour retient dans ces conditions l'existence d'heures supplémentaires comme suit : - 224,39 heures en 2013, - 415,65 heures en 2014, - 367,24 heures en 2015, - 84 heures en 2016. Compte tenu des majorations applicables, de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % au-delà de la 43, c'est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à la demande en paiement du salarié et ont condamné la société à verser à celui-ci un rappel de salaires de 39 049,78 € outre 3 904,98 € pour les congés payés, soit un total de 42 954,76 € brut » ;

ET AUX MOTIFS, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « les heures supplémentaires. Selon les stipulations contenues à l'article L 3171-4 du code du travail qui indique ce qui suit : En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Attendu que dans sa pièce n° 35, M. [V] produit un tableau exhaustif, précis, semaine par semaine, sur l'ensemble de la période considérée mettant en exergue le nombre d'heures travaillées, les jours de RTT, outre les congés pris, les éventuelles journées d'absence outre le calcul de ce rappel d'heures supplémentaires, majorations comprises. Attendu que la partie défenderesse n'apporte aucune preuve sérieuse pour contredire les moyens apportés par la partie demanderesse. En conséquence le conseil accorde à M. [V] le rappel de salaire lié aux heures supplémentaires effectuées sur la période de la semaine 8 de l'année 2013 à la semaine 16 de l'année 2015 ainsi que les congés afférents, ainsi que la demande de dommages et intérêts pour violation de la contrepartie obligatoire en repos sur la période de la semaine 8 de l'année 2013 à la semaine 16 de l'année 2015 » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que la cour d'appel a constaté que Monsieur [V] se bornait à produire un tableau récapitulatif mentionnant uniquement le total des heures supplémentaires réalisées chaque semaine, ainsi qu'une liste de réunions et de déplacements professionnels ; qu'en déclarant que ces éléments étaient suffisamment précis pour étayer la demande, cependant qu'ils ne reprenaient pas avec précision les horaires de travail effectivement réalisés par le salarié et ne mettaient donc pas l'employeur en mesure de s'expliquer, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le salarié ne peut prétendre au paiement que des heures supplémentaires accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur ou s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ; que la société SIRADEL avait rappelé, sans être contredite, que Monsieur [V] organisait librement son emploi du temps ; qu'elle avait également contesté avoir donné son accord en vue de l'accomplissement d'heures supplémentaires par le salarié ou que sa charge de travail eût rendu nécessaire la réalisation de telles heures (ses conclusions, pages 26 à 28) ; en faisant valoir, justificatifs à l'appui que durant ses périodes de présence au sein de l'entreprise celui-ci consacrait une partie importante de son temps à des activités sans lien avec ses fonctions contractuelles, notamment en vue de créer sa propre entreprise ; qu'en faisant droit à la demande du salarié, sans rechercher si les heures supplémentaires avaient été réalisées selon les instructions de l'employeur ou du moins avec l'accord, au moins implicite, de celui-ci, ni si elles étaient nécessaires à la réalisation des tâches confiées au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du Code du travail.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société SIRADEL à la date du 12 juin 2019, d'AVOIR dit que celle-ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR, en conséquence, condamné cette dernière à payer à Monsieur [V] les sommes de 12.687 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1.268,70 € au titre des congés payés y afférents, 4.229 € à titre d'indemnité de licenciement et 42.290 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « sur la rupture des relations contractuelles. M. [V] soutient que son contrat de travail a été de fait rompu unilatéralement par l'employeur le 15 avril 2016 sans respecter la procédure de licenciement, puisque ce jour-là vers 9 h 30, alors qu'il était sur son poste de travail, son collègue, M. [A], responsable informatique, lui a demandé, sur consigne de M. [L], de laisser sur place ses outils professionnels mis à sa disposition par la société, notamment son ordinateur et son téléphone portable, et de le suivre jusqu'à la sortie ; c'est ainsi qu'il a quitté l'établissement devant tous ses collègues ; l'employeur a concomitamment verrouillé son accès à sa messagerie professionnelle. La société, qui conteste avoir rompu unilatéralement le contrat de travail, explique que le départ de M. [V] avait été en réalité convenu avec celui-ci dans le cadre des discussions sur une rupture conventionnelle, selon les modalités suivantes : - passation avec les collègues le 14 avril 2016 au soir, ce qui a été fait, - remise des outils professionnels le 15 avril 2016, ce qui a été fait, - demande de solde de congés le 15 avril 2016 à effet au 18 avril, jusqu'à la décision d'homologation de la Direccte, ce que M. [V] n'a pas fait, faisant le choix de mettre un terme à leur accord tacite. Selon la société, la collaboration avec M. [V] n'a pas pour autant cessé et le salarié a repris le travail à l'issue de son arrêt maladie prolongé d'un congé jusqu'au 31 mai 2016. M. [G], délégué syndical, indique qu'au cours d'une réunion le 20 juin réunissant, outre lui-même, M. [L], M. [V] et M. [A], il avait été reconnu que ce dernier, le 15 avril, avait récupéré, à la demande de M. [L], les équipements professionnels de M. [V] puis l'avait raccompagné à la sortie, et que l'accès à la messagerie professionnelle du salarié avait été coupé. M. [Z] indique quant à lui, que « pour anticiper un passage de relais », M. [V] lui avait transmis une première version de plan de succession le 17 mars 2016; que le 14 avril, M. [L] lui avait annoncé que le dernier jour de M. [V] au sein de l'entreprise serait le lendemain 15 avril ; que M. [V] lui avait confirmé qu'il avait accepté la proposition de la Direction et que son dernier jour serait le 15 avril ; qu'étant lui-même en RTT ce jour-là, ils s'étaient donc salués le 14 avril avant de quitter le bureau. Dans un mail du 15 avril 2016 adressé à 10 h 20, M. [V] s'étonne auprès de M. [L] des conditions précipitées dans lesquelles son départ a eu lieu. M. [L] y répond le jour-même en indiquant qu'il lui semblait que ces modalités avaient été convenues et qu'il s'agissait manifestement d'une incompréhension, pour laquelle il s'excusait ; dans un mail du 18 avril, M. [L] précise que lesdites modalités avaient été convenues en fin de journée avec M. [B] le 14 avril en fin de journée. Prenant acte de la position de M. [V], il lui rappelle qu'il lui appartient d'exécuter loyalement ses missions au sein de la société et de l'informer à l'avenir de toute difficulté dans les plus brefs délais. M. [V] répond qu'il n'avait jamais été convenu de telles modalités avec M. [B]. Les éléments contradictoires précités ne permettent pas de retenir l'existence d'un licenciement verbal, irrégulier en tant que tel. En revanche, force est de constater que les manquements de la société à ses obligations contractuelles tant en terme d'objectifs à atteindre induisant le versement de primes dont M. [V] s'est vu priver, que de paiement d'heures supplémentaires, revêtent une gravité suffisamment importante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Il convient par conséquent d'infirmer le jugement entrepris et de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur. En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date. Compte tenu de ce que la période de protection d'une durée de 30 mois dont bénéficiait M. [V], élu suppléant au comité d'entreprise en décembre 2015, est à ce jour expirée, la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement, non pas nul, mais sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS, TOUT D'ABORD, QUE la cassation à intervenir sur le premier ou le deuxième moyen de cassation devra s'étendre au chef du dispositif critiqué par le troisième moyen, compte tenu du lien de dépendance nécessaire qui existe entre les chefs du dispositif concernés, en application des dispositions de l'article 624 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENSUITE, QUE si elle a fait droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires à la faveur des règles de preuve dérogatoires applicables en la matière, la cour d'appel a constaté que la société SIRADEL n'avait pas intentionnellement dissimulé d'heures de travail positivement établies ; qu'elle a fait droit à la demande de rappel de prime de résultat, au seul motif de l'absence de fixation concertée des objectifs entre la société SIRADEL et Monsieur [V] ; qu'il était constant aux débats, par ailleurs et surtout, que les manquements précités concernaient exclusivement la période comprise entre les années 2013 et 2016, aucune réclamation et aucun grief n'étant formulés par le salarié pour la période postérieure, cependant que le contrat de travail s'était poursuivi normalement jusqu'au 12 juin 2019, date de prononcé de l'arrêt ; qu'en affirmant néanmoins que les condamnations mises à la charge de la société SIRADEL rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et justifiaient par conséquent la demande de résiliation judiciaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé l'article L. 1231-1 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QU'en ne tenant pas compte du fait que les griefs invoqués par Monsieur [V] étaient anciens et, dans les faits, n'avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du Code du travail.

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