4 November 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.550

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01204

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 novembre 2021




Rejet


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1204 F-D

Pourvoi n° C 20-16.550







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2021

La société Laguiole tradition, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-16.550 contre l'arrêt rendu le 19 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [V] [T], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle Emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Laguiole tradition, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2020), Mme [T] a été engagée en qualité de vendeuse à compter du 1er juillet 2014 par la société Laguiole tradition.

2. Les parties ont convenu d'une rupture conventionnelle du contrat de travail le 19 novembre 2015 à effet du 31 décembre suivant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire nulle la rupture conventionnelle et de le condamner à payer à la salariée diverses indemnités, alors « que si la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties, l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention ; qu'en se bornant à retenir l'existence d'une situation de faiblesse de la salariée du fait de la dénonciation des actes de harcèlement sexuel de son collègue et de l'inertie du gérant, averti quelques jours auparavant des faits reproché à ce dernier, sans caractériser aucune violence ni même pression de la part de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1237-11 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Ayant relevé qu'à la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, l'employeur, informé par la salariée de faits précis et réitérés de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, n'avait mis en oeuvre aucune mesure de nature à prévenir de nouveaux actes et à protéger la salariée des révélations qu'elle avait faîtes en sorte que celle-ci, qui se trouvait dans une situation devenue insupportable et dont les effets pouvaient encore s'aggraver si elle se poursuivait, n'avait eu d'autre choix que d'accepter la rupture et n'avait pu donner un consentement libre et éclairé, la cour d'appel, qui a fait ressortir l'existence d'une violence morale, a légalement justifié sa décision.

6. Le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Laguiole tradition aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Laguiole tradition ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Laguiole tradition


Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit nulle la rupture conventionnelle signée entre les parties le 19 novembre 2015, D'AVOIR condamné la société Laguiole Tradition, employeur, à payer à madame [T], salariée, les sommes de 4 597,34 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 459,73 euros au titre des congés payés afférents, 766,21 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 23 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, D'AVOIR dit que les sommes allouées de nature salariale porteraient intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2016 et les sommes allouées à titre indemnitaire à compter de la décision, ordonné la capitalisation des intérêts, à condition qu'ils soient dus pour une année entière, et D'AVOIR ordonné à la société Laguiole Tradition de remettre à madame [T] un bulletin de salaire récapitulatif, et s'il y avait lieu, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la décision ;

AUX MOTIFS QUE l'employeur considérait que la seule existence de faits de harcèlement ne rendait pas nulle la rupture conventionnelle car n'affectant pas en elle-même la validité de la convention en l'absence de vice du consentement ; qu'il indiquait que madame [T] avait conclu une rupture conventionnelle dans le but de rejoindre son conjoint à [Localité 4] et que ce départ résultait d'un projet personnel, indépendant de tout harcèlement ; qu'il ajoutait qu'elle-même ne faisait pas de lien entre son départ et les faits de harcèlement, dans son courriel du 15 novembre 2015, qu'elle n'avait pas dénoncé les faits le 19 novembre 2015, ni exercé de droit de rétractation ni dénoncé les faits à l'inspection du travail ; que la chronologie des faits permettait de mettre en évidence : - l'absence de soutien à l'égard de la salariée de la part de son employeur tant après les faits du 30 octobre 2015 relatés par téléphone par elle et son conjoint, qu'après la réception du mail de madame [T] le 16 novembre 2015 décrivant les faits précis mais faisant part également de son « désespoir » et lui demandant de faire cesser les comportements de son responsable, - l'absence de toute réaction apparente de l'employeur malgré la description d'un environnement de travail dégradant et humiliant, puisqu'il n'avait pas répondu à ce courrier, - le fait que dans son audition à la police, la salariée avait déclaré que si [R] s'était calmé, les actes avaient ensuite repris, rendant la situation insoutenable ; que dès lors, la cour estimait que madame [T] n'avait pu donner un consentement libre et éclairé lors de la signature de la rupture conventionnelle intervenue moins de quatre jours après l'envoi du mail, soit le 19 novembre 2015 la salariée - en dépit de ses acquis sur la gestion des troubles anxiogènes - étant placée inévitablement dans une situation de faiblesse pouvant lui laisser penser, compte tenu de l'inertie du gérant, que le choix d'accepter la rupture de son contrat de travail lui permettait de mettre fin à une situation devenue insupportable et dont les effets pourraient encore s'aggraver si elle se poursuivait, la circonstance que madame [T] souhaitait initialement rejoindre son conjoint à [Localité 4] n'étant pas de premier plan à cette date ; qu'en conséquence, il convenait d'annuler l'acte de rupture conventionnelle, ceci ayant les effets d'un licenciement nul ; que sur les indemnités liées à la rupture, il convenait de faire droit aux demandes de la salariée s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement, leur quantum n'étant pas autrement discuté par l'employeur ; que le salarié dont le licenciement était nul, et qui ne demandait pas sa réintégration, avait droit, en toute hypothèse, en plus des indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise ; que madame [T] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne sur les trois derniers mois de 2 298,67 euros, avait 44 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 1 an et 8 mois au sein de l'entreprise ; qu'elle justifiait n'avoir pu retrouver d'emploi et bénéficié d'allocations de chômage pendant deux ans ; qu'eu égard au préjudice économique subi et aux circonstances de la rupture, il convenait d'évaluer à la somme de 23 000 euros le montant de l'indemnité allouée ; que sur les intérêts, les sommes allouées à titre de salaires porteraient intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 14 décembre 2016 ; que les sommes allouées à titre indemnitaire produiraient intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision ; que la capitalisation des intérêts serait ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ; que sur la remise de documents, il convenait de faire droit à la demande mais une astreinte n'était pas nécessaire (arrêt, pp. 7 et 8) ;

1°) ALORS QU'en l'absence de vice du consentement, l'existence de faits de harcèlement n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail ;
qu'en se fondant néanmoins sur l'existence d'un harcèlement sexuel pour apprécier la validité de la convention de rupture, la cour d'appel a violé le texte susmentionné ;

2°) ALORS QUE si la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties, l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention ; qu'en se bornant à retenir l'existence d'une situation de faiblesse de la salariée du fait de la dénonciation des actes de harcèlement sexuel de son collègue et de l'inertie du gérant, averti quelques jours auparavant des faits reproché à ce dernier, sans caractériser aucune violence ni même pression de la part de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1237-11 du code du travail ;

3°) ALORS QU'il est fait interdiction au juge de statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant pourtant que la circonstance que la salariée souhaitait initialement rejoindre son conjoint à Marseille n'était pas de premier plan au 19 novembre 2015, sans préciser de quel élément de preuve elle déduisait une telle énonciation, quand il avait au demeurant été constaté l'existence de plusieurs attestations de collègues de la salariée qui témoignaient de la volonté de cette dernière de rejoindre son conjoint à Marseille dès le mois de janvier 2015, d'un acte de vente de son domicile datant du mois de décembre 2015, ainsi que d'un courrier électronique de la salariée daté du 15 novembre 2015 faisant part de son intention de ne pas donner suite aux agissements du responsable de la boutique en l'état de son départ, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

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