4 November 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-11.400

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01198

Texte de la décision

SOC.

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 novembre 2021




Cassation partielle


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 1198 F-D

Pourvoi n° E 20-11.400




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2021

La société Mugo Les Jardins d'Olivier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° E 20-11.400 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Z] [P], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Mugo Les Jardins d'Olivier, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles , 27 novembre 2019), M. [P] a été engagé le 1er juillet 1975 par la Mutuelle générale de l'éducation nationale en qualité de jardinier, son contrat de travail étant transféré le 3 juin 2013 à la société Mugo Les Jardins d'Olivier (la société).

2.M. [P] a été placé en arrêt de travail à partir du 18 juillet 2013 jusqu'au 1er mai 2015.

3.Après avoir mis le salarié en demeure, le15 juin 2015, de justifier de son absence à partir de la fin de cette période d'arrêt, la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave, le 30 juin 2015.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5.L'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'est sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à M. [P] et de le condamner en conséquence à lui verser des sommes à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents, à titre d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'une somme au titre des frais irrépétibles alors «qu'en l'absence d'information par le salarié de son classement en invalidité deuxième catégorie et de manifestation de volonté de sa part de reprendre le travail, il ne peut être reproché à son employeur de ne pas avoir organisé de visite de reprise; qu'en retenant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, que la société Mugo Les Jardins d'Olivier aurait été tenue d'organiser une visite de reprise quand elle avait constaté que M. [P] ne l'avait pas informée de son classement en invalidité deuxième catégorie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1232 1 et L. 1234 1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1232-1, R. 4624-22, R. 4624-23 du code du travail, ces derniers dans leur rédaction issue du décret 2012-135 du 30 janvier 2012 :

6.Selon le premier de ces textes, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre et est justifié par une cause réelle et sérieuse.

7.Selon le troisième, dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.

8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts et d‘indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt constate que le salarié a été en arrêt maladie jusqu'au 1er mai 2015 et retient que, sachant que l'arrêt de travail du salarié était arrivé à son terme, il appartenait à l'employeur, qui certes n'avait pas été informé de ce que le salarié avait été placé en invalidité de deuxième catégorie, de saisir le médecin du travail afin d'organiser la visite médicale de reprise et, d'apprécier le cas échéant l'aptitude du salarié à son poste de travail, qu'une telle démarche aurait nécessairement permis à l'employeur de prendre connaissance de la situation du salarié et ajoute que le non respect de cette obligation rend le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié, qui n'avait pas transmis à l'employeur d'arrêt de travail postérieurement au 1er mai 2015, n'avait pas répondu à la lettre de la société du 5 juin 2015 le mettant en demeure de justifier de son absence, de sorte que l'employeur, laissé dans l'ignorance de la situation du salarié, n'était pas tenu d'organiser l'examen médical de reprise, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10.La cassation prononcée ne peut s'étendre au chef de dispositif relatif à la condamnation de l'employeur au titre de l'indemnité de licenciement visé par le moyen, que la critique formulée par celui-ci n'est pas susceptible d'atteindre.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Mugo Les Jardins d'Olivier à payer à M. [P] les sommes de 5 434,76 euros au titre de l'indemnité de préavis, 543,48 euros au titre des congés payés sur préavis, 54 000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et les dépens d'appel, l'arrêt rendu le 27 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Mugo Les Jardins d'Olivier

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'était sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à M. [P] et d'avoir condamné en conséquence la société Mugo Les Jardins d'Olivier à lui verser les sommes de 5 434,76 € à titre d'indemnité de préavis, de 543,48 € au titre des congés payés afférents, de 32 608,56 € à titre d'indemnité de licenciement, de 54 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.


AUX MOTIFS QUE " la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige a été rédigée en ces termes :
"Nous faisons suite à un autre courrier recommandé ( …) du 5 juin 2015 pour lequel nous vous mettons en demeure de produire un arrêt de travail afin de justifier votre absence du 2 mai 2015 au 31 mai 2015 et un autre courrier recommandé (…) du 15 juin 2015 pour lequel nous vous convoquons le jeudi 25 juin 2015 pour un entretien préalable au licenciement avec M. [E] au [Adresse 1].
Malgré nos courriers, nous restons sans nouvelle de votre part depuis le 2 mai 2015 et le rendez-vous du jeudi 25 juin 2015 avec M. [E] n'est pas honoré.
Nous considérons votre abstention de toute communication avec l'entreprise comme un abandon de poste et sommes contraints de ce fait de vous licencier pour faute grave.
Votre licenciement intervient donc le 30 juin 2015, sans préavis ni indemnités de licenciement.
Nous vous demandons par conséquent de libérer votre logement de fonction avant le 31 juillet 2015 et restituer les clés à M. [J] (…)" ;
Que l'article R.4624-23 du code du travail, dans sa version applicable au litige, énoncé que "l'examen de reprise a pour objet :
1° De délivrer l'avis d'inaptitude médicale du salarié à reprendre son poste ;
2° De préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du salarié ;
3° D'examiner les propositions d'aménagement, d'adaptation du poste ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de préreprise" ;
Que dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié ;
Qu'il est constant que M. [P] a été en arrêt maladie jusqu'au 1er mai 2015 ;
Que sachant que l'arrêt de travail était arrivé à son terme, il appartenait à l'employeur, qui certes n'avait pas été informé de ce que M. [P] avait été placé en invalidité de 2ème catégorie, de saisir le médecin du travail afin d'organiser la visite médicale de reprise et d'apprécier le cas échéant l'aptitude du salarié à son poste de travail ;
Qu'une telle démarche aurait nécessairement permis à l'employeur de prendre connaissance de la situation du salarié ;
Qu'il se déduit du non respect de cette obligation par l'employeur que le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner le surplus de l'argumentation des parties sur ce point ;
Que le jugement est infirmé sur ce point " ;

1/ ALORS QUE le contrat de travail peut être rompu au cours d'une période de suspension pour maladie non professionnelle dès lors que le salarié a commis une faute ; que constitue une telle faute la violation par l'intéressé de son obligation d'information de l'employeur quant à la prolongation d'un arrêt maladie malgré les sollicitations de ce dernier, le laissant ainsi dans l'ignorance totale de sa situation personnelle ; que M. [P], dont le dernier arrêt maladie s'était achevé le 1er mai 2015, n'avait transmis après cette date à la société Mugo Les Jardins d'Olivier aucun autre arrêt maladie, ne l'avait pas informée de sa mise en invalidité 2ème catégorie, n'avait répondu ni à ses appels téléphoniques, ni aux visites effectuées dans son logement de fonction, ni au courrier du 5 juin 2015 le mettant en demeure de justifier son absence, ni à celui du 15 juin le convoquant à un entretien auquel il ne s'était pas rendu ; qu'en affirmant que l'absence de saisine par l'employeur du médecin du travail en vue de l'organisation d'une visite médicale de reprise aurait privé le licenciement de cause réelle et sérieuse, sans rechercher si le silence du salarié, qui interdisait à l'employeur, de prendre toute initiative, ne constituait pas une faute grave justifiant la rupture, la cour d'appel a d'ores et déjà privé sa décision de base légale au regard des articles L.1232-1 et L.1234-1 du code du travail ;

2/ ALORS QU'en l'absence d'information par le salarié de son classement en invalidité 2ème catégorie et de manifestation de volonté de sa part de reprendre le travail, il ne peut être reproché à son employeur de ne pas avoir organisé de visite de reprise ; qu'en retenant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, que la société Mugo Les Jardins d'Olivier aurait été tenue d'organiser une visite de reprise quand elle avait constaté que M. [P] ne l'avait pas informée de son classement en invalidité 2ème catégorie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L.1232-1 et L.1234-1 du code du travail ;



3/ ALORS QU'est fautif le salarié qui, en n'informant pas son employeur de son classement en invalidité 2ème catégorie et en ne manifestant pas sa volonté de reprendre le travail, le maintient dans l'ignorance de sa situation ; que la cour d'appel qui, bien que constatant que M. [P] n'avait pas informé son employeur de son classement en invalidité 2ème catégorie, a conclu à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement sans rechercher s'il avait ou non manifesté une volonté de reprendre son travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1232-1 et L.1234-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Mugo Les Jardins d'Olivier à verser à M. [P] les sommes de 3 750 € à titre d'indemnité de congés payés et de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.

AUX MOTIFS QUE " la demande de paiement de l'indemnité de congés payés est fondée dès lors que, comme exactement rappelé par les premiers juges, M. [P] justifie avoir acquis un solde de 25 jours de congés payés + 1,94 jour pour la période antérieure à son arrêt de longue maladie, soit un total arrondi à 27 jours ce qui représente un mois, une semaine et 2 jours, soit, par information sur le quantum, un montant de 2 717,38 x 1,33 mois = 3 749,98 € arrondi à 3 750 € ".

ALORS QU'en vertu de l'article 954, alinéa 5, du code de procédure civile, la partie qui demande, même à titre subsidiaire, la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs et les juges d'appel sont dès lors tenus de s'expliquer sur les motifs déterminants du jugement entrepris ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes avait, pour limiter la condamnation de la société Mugo Les Jardins d'Olivier au titre des congés payés non pris à la somme de 2 717,38 €, constaté que M. [P] justifiait avoir acquis un total arrondi de 27 jours de congés équivalent à un mois de salaire ; qu'en se contentant d'affirmer que les 27 jours acquis représentaient un mois, une semaine et deux jours, soit la somme arrondie de 3 750 €, sans s'expliquer sur ce qui lui permettait de réfuter les motifs déterminants des premiers juges qui avaient constaté que les jours acquis n'équivalait qu'à un mois de salaire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 954 du code de procédure civile.

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