4 November 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-15.757

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C201030

Titres et sommaires

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi de forme ou de procédure - Application immédiate - Domaine d'application - Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 - Interprétation nouvelle par la Cour de cassation - Portée

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue à l'article 914 du code de procédure civile de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier ou, le cas échéant, la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies. Cette règle, qui instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties à la procédure d'appel, ayant été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull. 2020) pour la première fois dans un arrêt publié, son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. Il s'ensuit que la cour d'appel qui déclare caduque la déclaration d'appel donne une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties au jour où elles ont relevé appel antérieurement à cette date, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure instaurant une charge procédurale nouvelle, dans l'instance en cours aboutissant à priver les appelants d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

PROCEDURE CIVILE - Conclusions - Conclusions d'appel - Appelant n'ayant conclu ni à l'infirmation ni à l'annulation du jugement - Portée

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Equité - Procès équitable - Violation - Revirement de jurisprudence - Défaut de prévisibilité

APPEL CIVIL - Appelant - Conclusions - Dispositif - Mentions obligatoires - Nouvelle interprétation de la Cour de cassation - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 novembre 2021




Annulation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1030 F-B


Pourvois n°
R 20-15.757
à M 20-15.776
et P 20-15.778
à Y 20-15.787



Jonction










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2021


1. M. [S] [K], domicilié [Adresse 23], a formé le pourvoi n° R 20-15.757 contre l'arrêt n° RG : 19/07541 rendu le 20 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 1),

2. M. [VK] [CI], domicilié [Adresse 17], a formé le pourvoi n° S 20-15.758 contre l'arrêt n° RG : 19/07571 rendu à la même date par la même cour d'appel,

3. M. [XX] [ZS], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° T 20-15.759 contre l'arrêt n° RG : 19/07572 rendu à la même date par la même cour d'appel,

4. M. [BZ] [UI], domicilié [Adresse 18], a formé le pourvoi n° U 20-15.760 contre l'arrêt n° RG : 19/07574 rendu à la même date par la même cour d'appel,

5. M. [AK] [LM], domicilié [Adresse 19], a formé le pourvoi n° V 20-15.761 contre l'arrêt n° RG : 19/07576 rendu à la même date par la même cour d'appel,

6. M. [BG] [TZ], domicilié [Adresse 26], a formé le pourvoi n° W 20-15.762 contre l'arrêt n° RG : 19/07577 rendu à la même date par la même cour d'appel,

7. M. [RD] [JA], domicilié [Adresse 7], a formé le pourvoi n° X 20-15.763 contre l'arrêt n° RG : 19/07579 rendu à la même date par la même cour d'appel,

8. M. [IR] [BG], domicilié [Adresse 20], a formé le pourvoi n° Y 20-15.764 contre l'arrêt n° RG : 19/07580 rendu à la même date par la même cour d'appel,

9. M. [MF] [FL], domicilié [Adresse 24], a formé le pourvoi n° Z 20-15.765 contre l'arrêt n° RG : 19/07582 rendu à la même date par la même cour d'appel,

10. M. [H] [D], domicilié [Adresse 13], a formé le pourvoi n° A 20-15.766 contre l'arrêt n° RG : 19/07542 rendu à la même date par la même cour d'appel,

11. M. [YG] [M], domicilié [Adresse 10], a formé le pourvoi n° B 20-15.767 contre l'arrêt n° RG : 19/07543 rendu à la même date par la même cour d'appel,

12. M. [ET] [W], domicilié [Adresse 12], a formé le pourvoi n° C 20-15.768 contre l'arrêt n° RG : 19/07544 rendu à la même date par la même cour d'appel,

13. M. [I] [F], domicilié [Adresse 14], a formé le pourvoi n° D 20-15.769 contre l'arrêt n° RG : 19/07545 rendu à la même date par la même cour d'appel,

14. M. [A] [C], domicilié [Adresse 11], a formé le pourvoi n° E 20-15.770 contre l'arrêt n° RG : 19/07547 rendu à la même date par la même cour d'appel,

15. Mme [AE] [MO], domiciliée [Adresse 16], a formé le pourvoi n° F 20-15.771 contre l'arrêt n° RG : 19/07563 rendu à la même date par la même cour d'appel,

16. M. [V] [AU], domicilié [Adresse 27], a formé le pourvoi n° H 20-15.772 contre l'arrêt n° RG : 19/07566 rendu à la même date par la même cour d'appel,

17. M. [TP] [LW], domicilié [Adresse 28], a formé le pourvoi n° G 20-15.773 contre l'arrêt n° RG : 19/07568 rendu à la même date par la même cour d'appel,

18. M. [P] [B], domicilié [Adresse 25], a formé le pourvoi n° J 20-15.774 contre l'arrêt n° RG : 19/07548 rendu à la même date par la même cour d'appel,

19. M. [Y] [YP], domicilié [Adresse 29], a formé le pourvoi n° K 20-15.775 contre l'arrêt n° RG : 19/07093 rendu à la même date par la même cour d'appel,

20. M. [R] [T], domicilié [Adresse 37], a formé le pourvoi n° M 20-15.776 contre l'arrêt n° RG : 19/07549 rendu à la même date par la même cour d'appel,

21. Mme [BD] [J], domiciliée [Adresse 8], a formé le pourvoi n° P 20-15.778 contre l'arrêt n° RG : 19/07550 rendu à la même date par la même cour d'appel,

22. M. [PK] [G], domicilié [Adresse 30], a formé le pourvoi n° Q 20-15.779 contre l'arrêt n° RG : 19/07553 rendu à la même date par la même cour d'appel,

23. M. [DM] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-15.780 contre l'arrêt n° RG : 19/07554 rendu à la même date par la même cour d'appel,

24. M. [X] [N], domicilié [Adresse 6], a formé le pourvoi n° S 20-15.781 contre l'arrêt n° RG : 19/07552 rendu à la même date par la même cour d'appel,

25. M. [XX] [Z], domicilié [Adresse 15], a formé le pourvoi n° T 20-15.782 contre l'arrêt n° RG : 19/07556 rendu à la même date par la même cour d'appel,

26. M. [U] [PU], domicilié [Adresse 22], a formé le pourvoi n° U 20-15.783 contre l'arrêt n° RG : 19/07560 rendu à la même date par la même cour d'appel,

27. M. [BG] [L], domicilié [Adresse 21], a formé le pourvoi n° V 20-15.784 contre l'arrêt n° RG : 19/07557 rendu à la même date par la même cour d'appel,

28. M. [EJ] [IH], domicilié [Adresse 8], a formé le pourvoi n° W 20-15.785 contre l'arrêt n° RG : 19/07131 rendu à la même date par la même cour d'appel,

29. M. [XN] [VB], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 20-15.786 contre l'arrêt n° RG : 19/07125 rendu à la même date par la même cour d'appel,

30. M. [US] [YZ], domicilié [Adresse 9], a formé le pourvoi n° Y 20-15.787 contre l'arrêt n° RG : 19/07561 rendu à la même date par la même cour d'appel,

dans les litiges les opposant à :

1°/ la société Prevent Dev GmbH, dont le siège est [Adresse 36] (Allemagne),

2°/ M. [E] [O], domicilié [Adresse 32] (Allemagne), pris en qualité de mandataire liquidateur de la société International Corporate Investors GmbH,

3°/ la société Christophe Ancel, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Prevent Glass,

4°/ la société Volkswagen Aktiengesellschaft, dont le siège est [Adresse 33] (Allemagne),

5°/ l'AGS CGEA IDF Est UNEDIC, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leurs pourvois, un moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de MM. [K], [CI], [ZS], [UI], [LM], [TZ], [JA], [BG], [FL], [D], [M], [W], [F], [C], Mme [MO], MM. [AU], [LW], [B], [YP], [T], Mme [J], MM. [PK] et [DM] [G], [N], [Z], [PU], [L], [IH], [VB] et [YZ], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Prevent Dev GmbH, de la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat de la SCP Christophe Ancel, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Volkswagen Aktiengesellschaft, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Maunand, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 20-15.757, S 20-15.758, T 20-15.759, U 20-15.760, V 20-15.761, W 20-15.762, X 20-15.763, Y 20-15.764, Z 20-15.765, A 20-15.766, B 20-15.767, C 20-15.768, D 20-15.769, E 20-15.770, F 20-15.771, H 20-15.772, G 20-15.773, J 20-15.774, K 20-15.775, M 20-15.776, P 20-15.778, Q 20-15.779, R 20-15.780, S 20-15.781, T 20-15.782, U 20-15.783, V 20-15.784, W 20-15.785, X 20-15.786, Y 20-15.787 ont été joints par ordonnance du président de la chambre sociale du 9 septembre 2020.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 20 décembre 2019), MM. [K], [CI], [ZS], [UI], [LM], [TZ], [JA], [BG], [FL], [D], [M], [W], [F], [C], Mme [MO], MM. [AU], [LW], [B], [YP], [T], Mme [J], MM. [PK] et [DM] [G], [N], [Z], [PU], [L], [IH], [VB] et [YZ] ont, chacun, en leur qualité d'anciens salariés de la société Prevent Glass, par déclaration commune transmise sur le Réseau privé virtuel avocats (RPVA), interjeté appel de jugements du conseil des prud'hommes de Fontainebleau du 18 juillet 2018 dans une affaire les opposant à M. [O], liquidateur de la société International Corporate Investors GmbH (ICI GmbH), à la SCP Christophe Ancel prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Prevent Glass, à la société Prevent Dev GmbH et à la société Volkswagen Aktiengesellschaft et en présence de l'association AGS CGEA IDF Est UNEDIC (AGS).

3. Par ordonnance du 2 juillet 2019 rendue dans chacun des dossiers d'appel, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer et a rejeté la demande de caducité de la déclaration d'appel présentée par les sociétés intimées.

4. Ces ordonnances ont été déférées à la cour d'appel.

Enoncé du moyen

5. MM. [K], [CI], [ZS], [UI], [LM], [TZ], [JA], [BG], [FL], [D], [M], [W], [F], [C], Mme [MO], MM. [AU], [LW], [B], [YP], [T], Mme [J], MM. [PK] et [DM] [G], [N], [Z], [PU], [L], [IH], [VB] et [YZ] font grief aux arrêts d'infirmer l'ordonnance déférée du conseiller de la mise en état rejetant l'incident tendant au constat de la caducité de la déclaration d'appel et, statuant à nouveau, de prononcer cette caducité et constater l'extinction de l'appel et le dessaisissement de la cour, alors « que les conclusions d'appelant exigées par l'article 908 du code de procédure civile sont celles remises au greffe et notifiées dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, qui déterminent l'objet du litige porté devant la cour d'appel ; que l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du même code, le respect de la diligence impartie par l'article 908 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l'article 954 ; que les conclusions qui présentent, au sein de leur dispositif, les prétentions de première instance qui ont été rejetée par les chefs du jugement critiqués au sein de la déclaration d'appel, déterminent l'objet du litige, peu important que ce dispositif ne comporte pas la mention spécifique d'une demande d'infirmation ou de réformation, que la discussion sur les prétentions et moyens ne développe aucune critique spécifiquement dirigée contre le jugement et que n'ait pas été respectée l'obligation d'énoncer, en amont de la discussion sur les prétentions et moyens, les chefs du jugement critiqués ;
qu'en retenant que les conclusions déposés par l'appelant ne déterminaient pas l'objet du litige aux motifs inopérants qu'elles ne critiquaient pas la décision du premier juge, qu'elles ne faisaient référence à cette dernière et qu'elles comportaient un dispositif qui ne concluait pas à l'annulation ou à l'infirmation du jugement, la cour d'appel a violé les articles 901, 908 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Il résulte des deux premiers de ces textes que l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement.

7. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue, à l'article 914 du code de procédure civile, de relever d'office lacaducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d‘appel si les conditions en sont réunies.

8. Cette règle, qui instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties à la procédure d'appel ayant été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié) pour la première fois dans un arrêt publié, son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

9. Pour infirmer les ordonnances du conseiller de la mise en état et déclarer caduques les déclarations d'appel, les arrêts retiennent d'une part que la régularité de la déclaration d'appel ne dispense pas l'appelant d'adresser dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile des conclusions répondant aux exigences fondamentales en ce qu'elles doivent nécessairement tendre, par la critique du jugement, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel et déterminer l'objet du litige, d'autre part, que les conclusions déposées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile ne critiquent pas la décision des premiers juges constatant la prescription de l'action et comportent un dispositif qui ne conclut pas à l'annulation ou à l'infirmation totale ou partielle du jugement.

10. En statuant ainsi, la cour d' appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel , soit le 4 septembre 2018, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure, énoncée au & 6, instaurant une charge procédurale nouvelle, dans l'instance en cours et aboutissant à priver MM. [K], [CI], [ZS], [UI], [LM], [TZ], [JA], [BG], [FL], [D], [M], [W], [F], [C], Mme [MO], MM. [AU], [LW], [B], [YP], [T], Mme [J], MM. [PK] et [DM] [G], [N], [Z], [PU], [L], [IH], [VB] et [YZ] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts n° RG 19/07541, 19/07571, 19/07572, 19/07574, 19/07576, 19/07577, 19/07579, 19/07580, 19/07582, 19/07542, 19/07543, 19/07544, 19/07545, 19/07547, 19/07563, 19/07566, 19/07568, 19/07548, 19/07593, 19/07549, 19/07550, 19/07553, 19/07554, 19/07552, 19/07556, 19/07560, 19/07557, 19/07131, 19/07125, 19/07561, rendus le 20 décembre 2019, entre les parties, par le pôle 6 chambre 1 de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [O] en qualité de liquidateur de la société International Corporate Investors GmbH, la SCP Christophe Ancel prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Prevent Glass, la société Prevent Dev GmbH, la société Volkswagen Aktiengesellschaft et l'association AGS CGEA IDF Est UNEDIC aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts annulés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen commun aux pourvois n° R 20-15.757, S 20-15.758, T 20-15.759, U 20-15.760, V 20-15.761, W 20-15.762, X 20-15.763, Y 20-15.764, Z 20-15.765, A 20-15.766, B 20-15.767, C 20-15.768, D 20-15.769, E 20-15.770, F 20-15.771, H 20-15.772, G 20-15.773, J 20-15.774, K 20-15.775, M 20-15.776, P 20-15.778, Q 20-15.779, R 20-15.780, S 20-15.781, T 20-15.782, U 20-15.783, V 20-15.784, W 20-15.785, X 20-15.786 et Y 20-15.787 produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour MM. [K], [CI], [ZS], [UI], [LM], [TZ], [JA], [BG], [FL], [D], [M], [W], [F], [C], Mme [MO], MM. [AU], [LW], [B], [YP], [T], Mme [J], MM. [PK] et [DM] [G], [N], [Z], [PU], [L], [IH], [VB] et [YZ]

IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'avoir infirmé l'ordonnance déférée du conseiller de la mise en état rejetant l'incident tendant au constat de la caducité de la déclaration d'appel et, statuant à nouveau, d'avoir prononcé cette caducité et constaté l'extinction de l'appel et le dessaisissement de la cour ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 908 du code de procédure civile, « A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe » ; que pour que des écritures puissent être considérées comme des conclusions valablement adressées à la cour d'appel au sens de l'article 908 du code de procédure civile, encore faut-il qu'elles contiennent certains éléments essentiels qui déterminent l'objet du litige porté devant la cour d'appel et permettent à la partie adverse de répondre utilement dans le délai qui lui est imparti ; que le fait que la déclaration d'appel soit conforme aux prescriptions formelles imposées à peine d'utilité par l'article 901 du code procédure civile ne dispense pas l'appelant de remettre des conclusions qui déterminent l'objet du litige ; que conformément à l'alinéa 1er de l'article 4 du code de procédure civile, « l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties » ; or, au stade de l'appel, ces prétentions ne sont pas fixées par la déclaration d'appel, mais précisément par les conclusions de l'appelant conformes à l'article 908 du code de procédure civile ; que tel n'est pas le cas lorsque celles-ci ne mentionnent pas le jugement concerné par l'appel, ni ne critiquent ou discutent la motivation sur laquelle le premier juge fonde sa décision, ni ne demandent l'infirmation, la réformation ou la confirmation totale ou partielle dudit jugement ; qu‘il est exact qu'en application de l'article 913 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état peut enjoindre aux avocats de mettre leurs conclusions en conformité avec dispositions des articles 954 et 961 du code de procédure civile, il s'agit dans ce cas de faire respecter la présentation formelle des conclusions telle qu'elle est prescrite par ces articles ; qu'il ne s'agit pas pour le conseiller de la mise en état de se substituer aux avocats des parties en ce qui concerne la détermination des éléments essentiels de fond, et, en particulier de l'objet du litige ; qu'à cet égard, l'article 542 du code de procédure civile précise que l'appel tend, par la critique du jugement rendu, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ; que par ailleurs, l'article 910-1 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que « Les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige » ; qu'enfin, aux termes de l'article 910-4 alinéa 1er du code de la procédure civile : « A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, des conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond » ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que des écritures ont bien été remises par RPVA le 4 décembre 2018 au greffe de la cour et notifiées aux conseils des parties intimées par Maître [HY], conseil de [la] partie appelante dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel ; que cependant, ces écritures intitulées « conclusions » ne font aucune référence au jugement frappé d'appel, que ce soit dans le « chapeau », dans la partie « exposé des faits et de la procédure », dans la partie « discussion » ou dans le « dispositif » ; que de plus, le document ne contient aucune critique de la décision prise par le jugement attaqué et ne fait aucune allusion au fondement de cette décision ; qu'en effet, le conseil de prud'hommes a développé dans les motifs de sa décision « l'exception de prescription soulevée par les défenderesses avant toute défense au fond » et il a décidé, aux termes de son dispositif, que l'action était prescrite ; que les premiers juges n'ont abordé le fond du litige, ni dans les motifs du jugement, ni dans le dispositif ; qu'ils se sont limités à débouter les salariés en conséquence d'une prescription de l'action ; qu'or les conclusions d'appelant ne contiennent pas de contestation du fondement sur lequel les premiers juges ont statué ; que de plus, il est observé que le « dispositif » de ces conclusions ne comporte aucune demande d'annulation, de réformation, d'infirmation ou de confirmation partielle du jugement rendu en première instance ; qu'en l'espèce, aux termes de l'ordonnance d'incident, le conseiller de la mise en état constate que la déclaration d'appel mentionne que « le jugement du conseil des prud'hommes de Fontainebleau entrepris est expressément critiqué par les appelants en ce qu'il : Constate l'acquisition de l'action jugée est prescrite / Déboute les demandeurs de l'intégralité de leur demande / Condamne les demandeurs aux entiers dépens ; que cependant, la régularité de la déclaration d'appel ne dispense pas l'appelant d'adresser dans le délai de l'article 908 du de procédure civile des conclusions répondant à des exigences fondamentales en ce qu'elles doivent nécessairement tendre, par la critique du jugement rendu, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel et déterminer l'objet du litige ; qu'or, ce n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en effet, les conclusions déposées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile ne critiquent par la décision des premiers juges constatant la prescription de l'action et comportent un dispositif qui ne conclut pas à l'annulation ou l'infirmation, totale ou partielle, du jugement ; qu'en l'absence de conclusions d'appelant adressées à la cour dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile répondant aux exigences susvisées en déterminant l'objet du litige il convient d'infirmer l'ordonnance et de prononcer la caducité de la déclaration d'appel ; que l'argumentation selon laquelle les intimés ont adressé des conclusions et auraient répondu à l'objet de l'appel est ici inopérant, ceux-ci étant tenus d'adresser des écritures dans le délai prescrit par l'article 909 du code de procédure civile, sous peine d'irrecevabilité de celles-ci, et de l'impossibilité d'apporter ultérieurement des éléments de défense ; que la caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que des conclusions déterminant l'objet du litige n'ont pas été remises au greffe dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ; que la partie appelante représentée par un avocat connaît par avance la sanction, laquelle n'est dès lors pas imprévisible, ni contraire à l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme relatif au procès équitable ; qu'il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance du 2 juillet 2019 rendue par le magistrat chargé de la mise en état et de constater la caducité de la déclaration d'appel ;

ALORS QUE les conclusions d'appelant exigées par l'article 908 du code de procédure civile sont celles remises au greffe et notifiées dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, qui déterminent l'objet du litige porté devant la cour d'appel ; que l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du même code, le respect de la diligence impartie par l'article 908 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l'article 954 ; que les conclusions qui présentent, au sein de leur dispositif, les prétentions de première instance qui ont été rejetée par les chefs du jugement critiqués au sein de la déclaration d'appel, déterminent l'objet du litige, peu important que ce dispositif ne comporte pas la mention spécifique d'une demande d'infirmation ou de réformation, que la discussion sur les prétentions et moyens ne développe aucune critique spécifiquement dirigée contre le jugement et que n'ait pas été respectée l'obligation d'énoncer, en amont de la discussion sur les prétentions et moyens, les chefs du jugement critiqués ; qu'en retenant que les conclusions déposées par l'appelant ne déterminaient pas l'objet du litige aux motifs inopérants qu'elles ne critiquaient pas la décision du premier juge, qu'elles ne faisaient référence à cette dernière et qu'elles comportaient un dispositif qui ne concluait pas à l'annulation ou à l'infirmation du jugement, la cour d'appel a violé les articles 901, 908 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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