20 October 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-25.399

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C100629

Titres et sommaires

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES

Texte de la décision

CIV. 1

NL42



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 629 FS-B

Pourvoi n° A 19-25.399




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2021

M. [U] [F], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 19-25.399 contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2019 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Savoie, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations écrites et les plaidoiries de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [F], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould ,conseiller doyen, MM. Girardet, Avel, Mornet, Mmes Kerner-Menay, Darret-Courgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 octobre 2019), à l'issue de la pose d'une prothèse du genou, le 7 septembre 2010, M. [F] a présenté un descellement tibial avec des phénomènes inflammatoires importants ayant justifié une ablation de la prothèse le 4 mars 2011 et la mise en place d'une nouvelle prothèse le 11 mai suivant.

2. Se plaignant de douleurs persistantes et d'une réduction de son périmètre de marche, M. [F] a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux. Par un avis du 11 avril 2012, rendu après une expertise médicale, celle-ci a estimé que le dommage subi par M. [F] ouvrait droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. Le 12 septembre 2012, M. [F] a accepté une offre d'indemnisation provisionnelle de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) au titre de son déficit fonctionnel temporaire.

3. Après avoir refusé l'offre d'indemnisation définitive présentée par l'ONIAM le 17 février 2016, M. [F] l'a assigné en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que l'acceptation de l'offre d'indemnisation provisionnelle adressée par l'ONIAM à la victime en application de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil ; que cette transaction lie l'ONIAM et lui est opposable, peu important que l'offre d'indemnisation définitive présentée postérieurement par l'office ait été acceptée ou refusée ; qu'en l'espèce, une offre d'indemnisation provisionnelle en date du 17 août 2012 présentée par l'ONIAM a été acceptée par M. [F], ce contrat valant ainsi transaction ; qu'en retenant cependant que le refus par M. [F] de l'offre d'indemnisation définitive présentée par l'ONIAM le 16 février 2016 rendait l'offre provisionnelle du 17 août 2012 caduque et inopposable à l'ONIAM, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-17 du code de la santé publique ainsi que les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

4°/ que l'offre d'indemnisation provisionnelle présentée par l'ONIAM et acceptée par la victime, qui vaut transaction en application de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, a autorité de la chose jugée entre les parties quant au droit à indemnisation de la victime, lequel ne peut plus être remis en cause dans le cadre d'un contentieux relatif à l'indemnisation du préjudice définitif ; qu'en l'espèce, l'offre d'indemnisation provisionnelle en date du 17 août 2012 présentée par l'ONIAM a été acceptée par M. [F], ce contrat valant ainsi transaction ; qu'en retenant cependant que le droit à indemnisation de M. [F] pouvait être contesté en son principe, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, les articles 2044, 2049 et 2052 du code civil, dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ainsi que l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1142-1, II, et L. 1142-17 du code de la santé publique et les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 :

5. Selon le deuxième de ces textes, lorsque la commission de conciliation et d'indemnisation estime que le dommage est indemnisable sur le fondement du premier, l'ONIAM adresse à la victime, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. L'offre a un caractère provisionnel si l'office n'a pas été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit être faite dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'office est informé de cette consolidation. L'acceptation de l'offre vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil.

6. Selon le troisième de ces textes, la transaction termine une contestation née et, en application du quatrième, elle a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

7. Il s'en déduit que l'acceptation par la victime de l'offre provisionnelle de l'ONIAM valant transaction met fin à toute contestation relative à son droit à réparation sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique.

8. Pour rejeter les demandes de M. [F], l'arrêt retient que, même si une offre provisionnelle a été précédemment acceptée, le refus, par le patient, de l'offre définitive adressée par l'ONIAM rend celle-ci caduque et l'en délie, et qu'il appartient à la juridiction saisie par le patient de statuer tant sur l'existence que sur l'étendue de ses droits.

9. En statuant ainsi, alors que seuls demeuraient en débat les préjudices subis par M. [F] et consécutifs à l'accident médical, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate le désistement partiel de M. [F], met hors de cause la caisse primaire d'assurance maladie des Landes et donne acte au régime social des indépendants de sa non intervention, l'arrêt rendu le 10 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. [F]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que M. [F] n'a pas été victime d'un accident médical non fautif et qu'il a subi un échec thérapeutique ne relevant pas de la prise en charge par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes et d'avoir mis hors de cause l'ONIAM

AUX MOTIFS QU' « il n'est pas contesté que l'Oniam, avant la consolidation de Monsieur [F], a fait une offre d'indemnisation provisionnelle du déficit fonctionnel temporaire de ce dernier pour un montant de 3 735 euros ; que ce document a été signé tant par Monsieur [F] que par l'Oniam ; qu'il vaut transaction au titre de l'article 2044 du code civil, étant précisé que l'offre était émise à titre provisionnel ; […] qu'après consolidation de l'état de santé de Monsieur [F], l'Oniam a formulé le 16 février 2016, une offre définitive d'indemnisation à Monsieur [F] pour un montant de 39 313,10 euros ; que ce document précise que cette offre annule et remplace la précédente ; […]
que, Monsieur [F] a refusé l'offre du 16 février 2016 et a opté pour une action contentieuse qui a donné lieu au jugement déféré ; […] qu'il est constant que le refus par Monsieur [F] de l'offre de l'Oniam et sa saisine du tribunal de grande instance de Bonneville, rendent l'offre caduque, de sorte que l'Oniam s'en trouve délié et qu'il appartient au juge de statuer tant sur l'existence que sur l'étendue des droits du demandeur ; […] qu'il ne peut être reproché à l'Oniam d'avoir approuvé, dans le cadre de la première offre, une indemnisation provisionnelle qu'elle n'acceptait que dans le cadre de la procédure de règlement amiable, et qui ne peut la lier dans le cadre de la procédure contentieuse initiée par Monsieur [F], qui a refusé l'offre définitive amiable ; […] que, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a relevé que l'Oniam était bien fondé à remettre en cause, tant le principe du droit à indemnisation que son étendue. »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il est constant que l'ONlAM a, avant la consolidation de l'état de Monsieur [F] intervenue le 4 juin 2013, fait, le 17 août 2012, une offre d'indemnisation provisionnelle du déficit fonctionnel temporaire de Monsieur [F] pour un montant de 3.735 euros. Ce document valant transaction au sens de l'article 2044 du code civil a été signé par l'ONIAM et par Monsieur [F]. Suite à la consolidation de l'état de santé de Monsieur [F], l'ONIAM a fait, le 17 février 2016, une offre définitive d'indemnisation à Monsieur [F] pour un montant de 39.313,10 euros ; cette offre a été refusée par Monsieur [F] qui ne l'a pas signée et a saisi la juridiction judiciaire de céans aux fins d'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices. Monsieur [F] fait valoir que l'acceptation de l'offre de l'ONIAM en date du 17 août 2012 vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil et ne peut être remise en cause par l'ONIAM quant à sa portée et à sa reconnaissance du droit à indemnisation fondé sur les articles L. 142-17 du code de la santé publique. Aux termes d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Cass.Civ1 6 janvier 2011, pourvoi n° 09-71201. Cass.Civ14 février 2015, pourvoi n° 13-28513), le refus de l'offre de l'ONIAM par la victime la rend caduque de sorte que celui-ci s'en trouve délié et il appartient à la juridiction saisie par la victime comme le lui permet l'article L. 142-20 du code de la santé publique de statuer sur l'existence et l'étendue des droits de la victime. L'ONIAM qui est un établissement public en charge d'une mission de service public n'est pas tenu par les avis des CRCI tant sur le principe du droit à indemnisation que sur l'étendue de l'indemnisation. Dès lors que la victime refuse l'offre définitive de l'ONIAM et exerce son choix de saisir le juge judiciaire, l'offre d'une indemnisation provisionnelle valable dans le seul cadre de la procédure de règlement amiable ne lie pas l'ONIAM dans le cadre de la procédure contentieuse initiée par la victime qui a refusé l'offre amiable, la proposition d'une offre d'indemnisation provisionnelle d'un montant de 3.735 euros en date du 17 août 2012 étant dès lors caduque. La mention portée sur l'offre transactionnelle du 16 février 2016 confirme que celle-ci annule et remplace l'offre en date du 17 août 2012. Il résulte de ces éléments que l'offre d'indemnisation en date du 17 août 2012 est inopposable à l'ONIAM qui est bien fondé à remettre en cause tant le principe du droit à indemnisation que son étendue. »

1°) ALORS QUE l'acceptation de l'offre d'indemnisation provisionnelle adressée par l'ONIAM à la victime en application de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil ; que cette transaction lie l'ONIAM et lui est opposable, peu important que l'offre d'indemnisation définitive présentée postérieurement par l'office ait été acceptée ou refusée ; qu'en l'espèce, une offre d'indemnisation provisionnelle en date du 17 août 2012 présentée par l'ONIAM a été acceptée par M. [F], ce contrat valant ainsi transaction ; qu'en retenant cependant que le refus par M. [F] de l'offre d'indemnisation définitive présentée par l'ONIAM le 16 février 2016 rendait l'offre provisionnelle du 17 août 2012 caduque et inopposable à l'ONIAM, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-17 du code de la santé publique ainsi que les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

2°) ALORS QU'une transaction ne peut être remise en cause par la décision unilatérale de l'une des parties ; que, pour décider que l'offre d'indemnisation provisionnelle du 17 août 2012, qui valait transaction pour avoir été signée tant par l'ONIAM que par M. [F], n'était pas opposable à l'ONIAM, la cour d'appel a relevé qu'il était mentionné, dans l'offre d'indemnisation définitive du 16 février 2016, que celle-ci annulait et remplaçait la précédente ; qu'en conférant ainsi un effet à une déclaration unilatérale de l'ONIAM, qui n'avait pas été acceptée par M. [F], la cour d'appel a violé les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ainsi que l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, l'offre d'indemnisation définitive formulée par l'ONIAM le 16 février 2016 protait la mention « annule et remplace l'offre d'indemnisation transactionnelle partielle transmise le 27/02/2015 » ; qu'en retenant que cette offre définitive mentionnait qu'elle annulait et remplaçait l'offre d'indemnisation provisionnelle du 17 août 2012, la cour d'appel l'a dénaturée, violant ainsi le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4°) ALORS QUE l'offre d'indemnisation provisionnelle présentée par l'ONIAM et acceptée par la victime, qui vaut transaction en application de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, a autorité de la chose jugée entre les parties quant au droit à indemnisation de la victime, lequel ne peut plus être remis en cause dans le cadre d'un contentieux relatif à l'indemnisation du préjudice définitif ; qu'en l'espèce, l'offre d'indemnisation provisionnelle en date du 17 août 2012 présentée par l'ONIAM a été acceptée par M. [F], ce contrat valant ainsi transaction ; qu'en retenant cependant que le droit à indemnisation de M. [F] pouvait être contesté en son principe, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, les articles 2044, 2049 et 2052 du code civil, dans leur version antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ainsi que l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que M. [F] n'a pas été victime d'un accident médical non fautif et qu'il a subi un échec thérapeutique ne relevant pas de la prise en charge par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes et d'avoir mis hors de cause l'ONIAM

AUX MOTIFS QU' « il est constant, ainsi que l'a rappelé le premier juge, que l'Oniam n'est pas lié par l'avis émis par la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation, commission administrative, dont la mission est de faciliter, par des mesures préparatoires, un éventuel règlement amiable des litiges relatifs à des accidents médicaux, des affections iatrogènes ou des infections nosocomiales ; […] qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1142-1 ll du Code de la santé publique, une personne peut prétendre à l'indemnisation d'un accident médical au titre de la solidarité nationale, s'il a été victime d'un accident médical non fautif, si cet accident médical est directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, si l'accident médical a eu, pour la personne, des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et si cet accident médical a occasionné des séquelles d'une certaine gravité ; […] que, l'échec thérapeutique n'entre pas dans le périmètre d'intervention de l'Oniam ; que pour être réparé au titre de la solidarité nationale, un dommage doit avoir été provoqué par un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, ce qui implique, soit qu'il présente un caractère distinct de l'atteinte initiale, soit qu'il résulte de son aggravation ;
que le fait que l'évolution favorable de l'état de santé d'un patient se trouve retardée par un échec thérapeutique, ne caractérise pas un tel dommage ;
[…] qu'au cas d'espèce, il résulte du rapport déposé le 15 février 2012 par les experts [Q] et [H], que Monsieur [F] a consulté le docteur [O] le 02 juillet 2009 ; que son genou gauche était modérément douloureux mais empêchait toute pratique sportive et que Monsieur [F] présentait une grande gêne au relèvement de siège et en position accroupie ; qu'il a été hospitalisé pour une arthroplastie du genou gauche pour arthrose femoro-tibiale externe ; qu'il a ainsi été implanté le 07 septembre 2010, sous rachianesthésie et sans garrot, avec une prothèse totale du genou gauche ; que les experts soulignent que le genou de Monsieur [F] présentait un état antérieur et qu'il ne s'agit pas d'un genou vierge puisqu'il avait une arthrose évoluée post traumatique (croisés opérés 30 ans auparavant) ; que les experts soulignent, qu'il y a eu un descellement mécanique de la prothèse posée le 07 septembre 2010, soit une non ostéointégration de la prothèse qui est un événement peu fréquent (<1%, proche de 0,2%), ce que les experts qualifient d'accident médical non fautif ;
que le 11 mai 2011, le docteur [G] va réimplanter une prothèse ; que les suites opératoires seront sans complications, l'appui total étant autorisé sous couvert de cannes anglaises ; qu'en mars 2012, le docteur [G] note que Monsieur [F] marche et monte et descend les escaliers ; […] que, dans son expertise déposée le 01 décembre 2014, le docteur [W] rappelle que le dommage, suite à l'intervention du 07 septembre 2010, consiste en un descellement de la prothèse du genou gauche, descellement non sceptique et non fautif ; que l'expert relevait, lui aussi, l'existence d'un état antérieur du genou gauche de Monsieur [F] qui se plaignait, au jour de l'examen, de la persistance de douleurs mécaniques et d'une gêne dans tous les mouvements de flexion du genou, ce qui l'empêchait de pratiquer des activités sportives ; […] que, l'Oniam verse aux débats une note médicale établie par le docteur [V] qui a été soumise à la contradiction des parties ; qu'aux termes de cette note, il est relevé que le descellement ne relève pas de l'évolution post opératoire de l'arthroplastie qui a été pratiquée mais seulement d'un mauvais résultat précoce et alors, que Monsieur [F], a, peut-être, trop rapidement sollicité son genou après l'opération ; que Monsieur [F] met en doute la compétence du docteur [V] qui, pourtant, est spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatologique et membre de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique ; […] que, la prothèse posée en 2010 "n'a pas pris" et ne s'est pas fixée dans le tissu osseux ; que l'opération a été correctement faite et qu'il s'agit d'un accident mécanique particulièrement rare d'après tous les avis médicaux versés aux débats ; qu'il s'agit d'un échec dans le résultat attendu de l'acte de soin et non pas d'un accident médical non fautif ; […] qu'une seconde intervention a eu lieu en 2011, dans le cadre de laquelle l'ostéointégration de la prothèse s'est effectuée ; […] que, Monsieur [F] avait une mobilité réduite du genou en 2009, avant son intervention ; qu'il ne justifie pas de l'aggravation de son état par un acte médical résultant de l'intervention de 2010, puisqu'il n'est pas contesté que la pose d'une nouvelle prothèse en 2011 n'a pas entraîné de complications ; que l'évolution favorable a seulement été retardée par l'échec thérapeutique lié à la pose de la première prothèse ; […] en conséquence que, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que l'intervention du 07 septembre 2010 n'est pas à l'origine des douleurs et de la limitation de la mobilité du genou gauche de Monsieur [F] ; […] que, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il est de jurisprudence constante que l'avis des CRCI ne lie pas l'ONIAM (Cass. Civ1, 6 mai 2010, pourvoi n° 09- 66.947). L'article L. 142-1 II du code de la santé publique dispose que : « Lorsque la responsabilité d'un professionnel d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret ». Il résulte de ce texte que le patient ne peut prétendre à l'indemnisation que d'un accident médical non fautif dès lors que ce dernier est directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, a eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et lui a occasionné des séquelles d'une certaine gravité. C'est dire que pour être réparable au titre de la solidarité nationale, un dommage doit présenter un caractère distinct de l'atteinte initiale ou résulter de son aggravation ce qui n'est pas le cas d'un échec thérapeutique. La Cour de Cassation a jugé que le retard dans l'évolution favorable de l'état de santé du patient consécutif au fait que l'intervention chirurgicale réalisée conformément aux règles de l'art n'avait pas permis de remédier aux douleurs qu'il présentait et ne les avait pas non plus aggravées ne caractérise pas un dommage directement imputable à un acte de soins mais s'analyse en un échec thérapeutique non indemnisable au titre de la solidarité nationale. (Cass. Civ1 24 mai 2017 ;

Bull. Civ1 n° 35, pourvoi n° 16-16.890). En l'espèce, il résulte du rapport des Docteurs [Q] et [H], experts désignés avant la consolidation, que, lors d'une consultation le 2 juillet 2009 auprès du Docteur [O], le genou de Monsieur [F] était modérément douloureux mais empêchait toute pratique sportive et occasionnait à ce dernier une grande gêne au relèvement d'un siège et en position accroupie. La décision de mise en place d'une prothèse totale du genou par le Docteur [O] qui a réalisé l'intervention chirurgicale conformément aux règles de l'art devait donc être de nature à réduire les douleurs et la gêne fonctionnelle occasionnées à Monsieur [F].
Les Docteurs [Q] et [H] ont déposé leur rapport le 15 février 2012, relevant que suite à l'opération en date du 7 septembre 2010, Monsieur [F] avait présenté un descellement de la prothèse du genou qui n'était pas causé par une infection nosocomiale mais le résultat d'une non ostéointégration de la prothèse correspondant à un « accident médical non fautif » peu fréquent puisque proche de 0,2 %. Le Docteur [W], a déposé son rapport le 1er décembre 2014, indiquant qu'à la lecture des antécédents, il existait un état antérieur significatif du genou gauche de Monsieur [F] et que ce dernier se plaignait de la persistance de douleurs mécaniques et d'une gêne dans les escaliers à la montée et à la descente et dans tous les mouvements de flexion, ce qui l'empêchait de pratiquer ses activités sportives. Le Docteur [W] concluait à l'absence d'aggravation et d'amélioration de l'état de santé de Monsieur [F] qui avait présenté un descellement aseptique et non fautif de la prothèse totale du genou. C'est dire que l'intervention chirurgicale litigieuse qui avait été réalisée le 7 septembre 2010 dans les règles de l'art par le Docteur [O] afin d'améliorer ou de supprimer les douleurs et la gêne dans les mouvements dont se plaignait Monsieur [F] dès 2009 n'avait pas permis d'améliorer son état de santé et ne l'avait pas non plus aggravé puisqu'aucune complication n'avait été relevée suite à l'intervention. Le Docteur [V], chirurgien orthopédique, confirme cette analyse dans une note versée aux débats en ces termes : « Il s'est produit un descellement aseptique de la pièce tibiale de type mécanique ; l'origine septique ayant été formellement écartée par les experts chirurgien et infectiologue ; Malgré le taux faible de ce type d'évolution, on ne peut pas parler dans ce cas d'accident médical même non fautif, d'autant qu'il est connu que les résultats des prothèses totales de genou ont souvent de moins bons résultats quand il s'agit de genoux traumatiques même anciens, si on compare aux résultats sur gonarthrose essentielle ou sur déformation axiale. L'évolution postopératoire de cette arthroplastie totale du genou ne peut pas être qualifiée d'accident médical ; il s'agit simplement d'un mauvais résultat précoce ». Dès lors que l'intervention chirurgicale du 7 septembre 2010 n'est pas à l'origine des douleurs et de la limitation de la mobilité du genou de Monsieur [F], la persistance de la gêne et des douleurs relèvent d'un échec thérapeutique au sens de l'article L. 142-1 II du code de la santé publique et de la jurisprudence sus visée et non pas d'un accident médical non fautif en l'absence de complications, ce qui implique que l'ONIAM ne peut être tenu à réparer les conséquences de cet échec thérapeutique au titre de la solidarité nationale. Il convient, en conséquence, de débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes »

ALORS QUE, si le simple retard dans l'évolution favorable de l'état de santé d'un patient en raison d'un échec thérapeutique ne constitue pas un dommage indemnisable au titre de la solidarité nationale, il en va différemment lorsque l'état du patient s'est trouvé aggravé par rapport à son état initial ; qu'en l'espèce M. [F] faisait valoir qu'entre l'intervention chirurgicale litigieuse en date du 7 septembre 2010 et la consolidation intervenue en mars 2012, son état s'était aggravé puisqu'il avait souffert d'un déficit fonctionnel supérieur à celui qui avait pu être antérieurement constaté, s'était trouvé en arrêt de travail et n'avait pu reprendre l'activité professionnelle qu'il était en mesure d'avoir avant l'opération (conclusions de M. [F], p. 14 à 17) ; que, pour retenir l'existence d'un simple échec thérapeutique, la cour d'appel a comparé l'état de M. [F] antérieurement à l'intervention du 7 septembre 2010 et à compter de mars 2012 ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si l'état de M. [F] ne s'était pas aggravé entre l'intervention du 7 septembre 2010 et la consolidation intervenue en mars 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique.

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