13 October 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-11.805

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00705

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2021




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 705 F-D

Pourvoi n° D 18-11.805




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 OCTOBRE 2021

La société Capri Sun AG, société de droit suisse, dont le siège est [Adresse 1]), a formé le pourvoi n° D 18-11.805 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Arab Beverages Est, dont le siège est [Adresse 2] (Émirats Arabes Unis), société régie par les lois des Émirats Arabes Unis, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Capri Sun AG, de Me Bertrand, avocat de la société Arab Beverages Est, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2017), la société Capri Sun est titulaire de la marque tridimensionnelle internationale désignant la France n° 677 879, déposée le 26 juin 1997 pour désigner des boissons sans alcool, boissons de fruits, jus de fruits et nectars de fruits en classe 32.

2. Sur le fondement de cette marque, qui lui avait été cédée par la société Deutsche Sisi-Werke le 3 novembre 2003, la société Capri Sun a engagé diverses actions en contrefaçon contre des distributeurs commercialisant des jus de fruits et boissons de fruits fabriqués par la société Arab Beverages Est (la société ABE) dans des emballages reprenant, selon elle, les caractéristiques de sa marque tridimensionnelle.

3. C'est dans ces circonstances que, le 21 mars 2014, la société ABE a assigné la société Capri Sun en annulation de la partie française de la marque n° 677 879.

4. La société Capri Sun a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription et a, à titre reconventionnel, demandé la condamnation de la société ABE pour actes de contrefaçon de la marque n° 677 879.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. La société Capri Sun fait grief à l'arrêt de dire recevable l'action en nullité de la partie française de la marque n° 677 879 et préciser que l'action à titre d'exception n'est pas prescrite, prononcer la nullité de la partie française de l'enregistrement de la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 enregistrée le 26 juin 1997 en classe 32 pour désigner des boissons sans alcool, boissons de fruits, jus de fruits et nectars de fruits pour l'intégralité des produits visés au dépôt, ordonner la communication de l'annulation prononcée à l'INPI et à l'OHMI [en réalité, OMPI], par la partie la plus diligente, pour inscription sur leurs registres, dire que son action reconventionnelle en contrefaçon est mal fondée et de l'en débouter, alors « que l'exception de nullité d'une marque, invoquée en défense à une action en contrefaçon, ne peut tendre qu'au seul rejet des demandes au titre de la contrefaçon, sans entraîner le prononcé de la nullité de la marque avec effet erga omnes ; qu'en décidant néanmoins, après avoir retenu que la société ABE était recevable à opposer la nullité de la partie française de la marque n° 677 879 par voie d'exception, sans qu'un quelconque délai de prescription puisse lui être opposé, de prononcer la nullité de cette marque avec effet erga omnes, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil, L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, et par fausse application le principe selon lequel l'exception de nullité est perpétuelle. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors applicable, est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4. La décision d'annulation a un effet absolu.

8. Il en résulte que, saisis d'une demande d'annulation, pour défaut de distinctivité, de la marque invoquée, eût-elle été formée par voie d'exception en défense à une action en contrefaçon, les juges qui tiennent pour avérée cette cause de nullité ne peuvent que rendre une décision d'annulation ayant un effet à l'égard de tous et non pas simplement une décision de rejet de l'action en contrefaçon engagée contre le demandeur à la nullité.

9. Ayant considéré que la marque tridimensionnelle invoquée au soutien de la demande de contrefaçon ne pouvait constituer une marque, dans la mesure où elle n'était pas susceptible d'être comprise, définie et identifiée par le public pertinent comme pouvant identifier l'origine des produits couverts en les rattachant à une entreprise spécifique, c'est à bon droit que la cour d'appel, saisie d'une exception de nullité de ladite marque, en a prononcé l'annulation pour l'intégralité des produits en classe 32 visés au dépôt, emportant, par l'inscription ordonnée sur les registres de l'INPI et de l'OMPI, effet absolu, et qu'elle a, par conséquent, rejeté les demandes formées au titre des actes de contrefaçon de cette marque.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Capri Sun AG aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Capri Sun AG.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir « dit recevable l'action en nullité de la partie française de la marque n° 677 879 et précisé que l'action à titre d'exception n'est pas prescrite », prononcé la nullité de la partie française de l'enregistrement de la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 enregistrée le 26 juin 1997 en classe 32 pour désigner des boissons sans alcool, boissons de fruits, jus de fruits et nectars de fruits pour l'intégralité des produits visés au dépôt, ordonné la communication de l'annulation prononcée à l'INPI et à l'OHMI [en réalité, OMPI], par la partie la plus diligente, pour inscription sur leurs registres sauf à préciser que la décision à adresser est le présent arrêt, dit que l'action reconventionnelle en contrefaçon formée par la société de droit suisse Capri Sun AG est mal fondée et de l'en avoir déboutée ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité de l'action en nullité de la société ABE :

La société Capri Sun avait soulevé en première instance l'irrecevabilité de l'action en nullité de la société ABE au vu des clauses d'un contrat de licence qui avait été conclu avec la société de droit suisse Rudolf Wild Gmbh et renonce en cause d'appel à ce fondement d'irrecevabilité.

En revanche, elle soutient que l'action doit être déclarée irrecevable en vertu de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code de procédure civile estimant que le point de départ du délai de prescription a commencé à courir au 17 février 2009 soit au jour de la rupture des relations commerciales des parties.

La cour constate que si la procédure dont elle est saisie a été engagée par la société ABE qui sollicitait à titre initial et principal la nullité de la marque, elle contient également une demande reconventionnelle de la société Capri Sun, présentée également à titre principal, à l'encontre de la société ABE en contrefaçon de sa marque.

Dès lors, la nullité de la marque peut être opposée par voie d'exception, sans qu'un quelconque délai de prescription de l'action en nullité puisse être opposé.

L'action en nullité soutenue devant la cour par la société AGE doit être déclarée recevable car formée également à titre d'exception.

Sur la nullité de la partie française de la marque n° 677 879 :

[…]

Dès lors, le jugement du tribunal sera confirmé en ce qu'il a jugé que le signe déposé ne pouvait constituer une marque car il était insusceptible d'être compris, défini et identifié par le public pertinent, comme pouvant identifier l'origine des produits couverts en les rattachant à une entreprise spécifique, et annulé ainsi la française de la marque internationale n° 677 879.

Le jugement sera également confirmé dans ses dispositions relatives à la transmission de la décision à l'INPI et l'OMPI sauf à préciser que ces mesures concerneront la présente décision et non plus le jugement de première instance.

La cour qui a considéré non distinctive la marque opposée par la société Capri Sun, la déboute de sa demande reconventionnelle fondée sur des actes de contrefaçon de la marque. » ;

1°) ALORS QUE si la nullité peut être soulevée, par voie d'exception, c'est-à-dire comme simple moyen de défense ayant pour objet de faire écarter une demande formée par la partie adverse, de manière perpétuelle, l'action en nullité est, en revanche, soumise à prescription ; qu'en retenant, pour dire que l'action en nullité soutenue devant elle par la société Arab Beverages Est ne serait pas prescrite, que cette action « doit être déclarée recevable car formée également à titre d'exception » et, dans son dispositif, que « l'action à titre d'exception n'est pas prescrite », la cour d'appel, qui a ainsi confondu le régime de l'action en nullité, constituée par des demandes en nullité à titre principal ou reconventionnel, avec celui de l'exception de nullité, simple moyen de défense, a violé les articles 2224 du code civil et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, par fausse application le principe selon lequel l'exception de nullité est perpétuelle ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'exception de nullité d'une marque, invoquée en défense à une action en contrefaçon, ne peut tendre qu'au seul rejet des demandes au titre de la contrefaçon, sans entraîner le prononcé de la nullité de la marque avec effet erga omnes ; qu'en décidant néanmoins, après avoir retenu que la société ABE était recevable à opposer la nullité de la partie française de la marque n° 677 879 par voie d'exception, sans qu'un quelconque délai de prescription puisse lui être opposé, de prononcer la nullité de cette marque avec effet erga omnes, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil, L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, et par fausse application le principe selon lequel l'exception de nullité est perpétuelle.

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