14 January 2011
Cour d'appel de Paris
RG n° 09/19057

Pôle 5 - Chambre 2

Texte de la décision

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 14 JANVIER 2011



(n° 009, 11 pages)













Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19057.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 4ème Section - RG n° 09/07225.













APPELANTE :



Société de droit danois INTER SALES A/S

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 5] (DANEMARK),



représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour,

assistée de Maître André BERTRAND, avocat au barreau de PARIS, toque L 207.









INTIMÉE :



Société CHARTBOX B.V.

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 3] (PAYS BAS),



représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour.

assistée de Maître André BERTRAND, avocat au barreau de PARIS, toque L 207.







INTIMÉE :



S.A.R.L. K.C.C.

prise en la personne de son gérant,

ayant son siège [Adresse 1],



représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour,

assistée de Maître Estelle BENATTAR plaidant pour la SCP GRANRUT Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque P 14.









COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 910 - 1er alinéa du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 novembre 2010, en audience publique, devant Madame NEROT, conseillère chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur GIRARDET, président,

Madame DARBOIS, conseillère,

Madame NEROT, conseillère.





Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.





ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur GIRARDET, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.









Le 13 septembre 2000, l'EURL KCC qui a pour activité le commerce de gros de produits électroniques et de matériel hi-fi a déposé à l'institut national de la propriété industrielle, sous le n° 00 3 052 608, la marque française 'Denver', pour désigner les produits des classes 9 et 11 : 'appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; appareils photographiques ; appareils d'éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation' .



À compter de 1995, la société de droit danois Inter Sales A/S, créée en 1990 et qui a pour objet l'importation et la commercialisation de matériel électronique, informatique et hi-fi d'origine chinoise, a commercialisé ces produits dans divers pays européens dont la France sous la marque non enregistrée 'Denver'.

Le 21 juillet 2003, la société Inter Sales a déposé la marque communautaire 'Denver' à l'OHMI, enregistrée le 09 décembre 2004 sous le n° 003278843, pour désigner, notamment, les produits des classes 9 et 11.



Informée de la vente, en France, sur les sites internet et de produits comportant la marque 'Denver' provenant de la société Inter Sales ainsi que de l'existence d'un nom de domaine www.denverelectronics.com> accessible en France, la société KCC a fait procéder à l'achat en ligne, par huissier, de deux de ces produits - à savoir : un téléviseur et une chaîne murale -, selon constats des 8, 18 et 23 octobre 2007.



Après avoir vainement mis en demeure, par courrier du 31 octobre 2007, la société Inter Sales de cesser toute utilisation en France de la marque 'Denver' pour des produits identiques à ceux visés dans l'enregistrement de sa marque française, et appris par la société Métropole Télévision dite M6 que sa filiale, la société Home Shopping Service, titulaire du nom de domaine , avait acquis les produits litigieux auprès de la société néerlandaise Chartbox BV, elle a assigné les sociétés Inter Sales A/S, Home Shopping Service et Chartbox BV en contrefaçon de sa marque française 'Denver'.



Par jugement rendu le 09 juillet 2009, le tribunal de grande instance de Paris a, avec exécution provisoire :

- déclaré recevable la demande en contrefaçon formée par la société KCC,

- déclaré régulier le dépôt de la marque française 'Denver' n° 00 3 052 608,

- dit que la société KCC n'est pas déchue de ses droits de marque,

- dit que les sociétés Inter Sales A/S, Home Shopping Service et Chartbox BV ont commis des actes de contrefaçon de la marque Denver déposée par la société KCC en important et en commercialisant en France des produits identiques à ceux visés par le dépôt, revêtus de la marque Denver,

- enjoint aux sociétés Inter Sales et Chartbox de communiquer à la société KCC les documents comptables faisant état des quantités importées et commercialisées en France et des prix pratiqués par elles pour la commercialisation en France des produits électroniques et de hi-fi portant la marque Denver, lesdits documents devant être certifiés par leur commissaire aux comptes ou l'équivalent dans les pays concernés, avec mention que l'attestation est destinée à être produite en justice et que toute fausse déclaration expose à des sanctions pénales, ce dans le délai de deux mois suivant la signification du jugement et sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai,

- condamné in solidum les sociétés Inter Sales A/S, Home Shopping Service et Chartbox BV à verser à la société KCC :

* la somme de 20.000 euros à valoir sur son préjudice économique,

* la somme de 10.000 euros en réparation de l'atteinte portée à la marque,

* la somme de 15.000 euros comprenant les frais de constat et de traduction, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Inter Sales à garantir la société Home Shopping Service des condamnations prononcées à son encontre,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de garantie de la société Home Shopping Service contre la société Chartbox,


- fait interdiction aux sociétés Inter Sales A/S, Home Shopping Service et Chartbox BV :

* de commercialiser directement et indirectement en France, notamment par le biais de leurs sites internet, des produits identiques ou similaires aux appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images aux supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques, appareils photographiques, appareils d'éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, ce dans un délai de huit jours suivant la signification du jugement et sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,

* d'utiliser en France la marque communautaire Denver n° 003278843 pour des produits identiques ou similaires aux appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images aux supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques, appareils photographiques, appareils d'éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, ce dans un délai de huit jours suivant la signification du jugement et sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,

* de faire référence, sur les produits susvisés, leurs emballages et leurs manuels d'utilisation et sur tout autre support des produits à destination de la France de la marque Denver, ce dans un délai de huit jours suivant la signification du jugement et sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,

- enjoint à la société Inter Sales de prendre les mesures nécessaires pour qu'aucune commande ou livraison des produits susvisés revêtus de la marque Denver ne puisse être réalisée sur le territoire français, à partir de son site internet www.denver-electronics.com, ce dans un délai de huit jours suivant la signification du jugement, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,

- enjoint aux sociétés Inter Sales A/S, Home Shopping Service et Chartbox BV de procéder au retrait des circuits commerciaux français des produits identiques ou similaires susvisés dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement et sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé ce délai,

- dit se réserver la liquidation des astreintes,

- rejeté les demandes reconventionnelles de la société Inter Sales,

- condamné in solidum les sociétés Inter Sales, Home Shopping Service et Chartbox aux dépens.




Par dernières conclusions signifiées le 13 octobre 2010, la société de droit danois Inter Sales A/S appelante, demande à la cour :

- en tout état de cause à titre liminaire :

d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée pour contrefaçon de la marque française Denver en considérant - sous divers constats tenant au fondement de l'action et au fait qu'elle n'a exporté vers la France aucun des 134 produits argués de contrefaçon commercialisés en 2007 et 2008, se bornant à les vendre à la société néerlandaise Chartbox - qu'aucun acte matériel de contrefaçon de la marque française ne peut lui être reproché,

- à titre principal :

* au visa de l'article 4.4 b de la directive CE n° 89/104 à la lumière de laquelle l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle doit être interprété et au constat des actes de commercialisation réalisés depuis 1995,

¿ d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que' le seul fait d'avoir vendu en France, dès 1997, 599 produits revêtus du signe Denver ne peut suffire à lui conférer un droit antérieur alors que cette utilisation a été trop restreinte et ponctuelle pour que le public puisse associer les produits Denver à la société Inter Sales',

¿ d'annuler, compte tenu de son droit antérieur non enregistré, le dépôt de la marque française Denver dans les classes 9 et 11 'pour désigner également les appareils pour l'enregistrement, la transmission et la reproduction du son ...',

¿ et d'ordonner sa radiation des registres de l'INPI en déboutant de plus fort la société KCC de son action et de ses prétentions au titre de la contrefaçon,

* au visa de l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle, et en considérant que le dépôt de la marque française est frauduleux, d'infirmer le jugement , de débouter de plus fort la société KCC de ses entières demandes et de la condamner à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la fraude commise,

* au visa de l'article L 716-5 du code de la propriété intellectuelle, de prononcer la forclusion de l'action de la société KCC par tolérance à compter du 27 septembre 2005, au constat de la découverte de son site internet, par cette société, au plus tard en septembre 2003 et de l'enregistrement de son nom de domaine le 26 septembre 2000 alors que l'assignation a été délivrée le 17 mars 2007, et de débouter de plus fort la société KCC de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire :

* au visa des articles 95 et 106 du règlement 40/94 du 20 décembre 1993 sur les marques communautaires , sous divers constats tenant au fait que sa marque communautaire régulièrement enregistrée reste valable sur toute l'union européenne (en ce compris la France) tant qu'elle n'a pas été annulée par l'OHMI, de constater que le tribunal a omis de statuer sur ce point, de dire qu'à supposer que soit prononcée l'annulation de la marque communautaire par la cour, les faits d'exploitation en France de la marque Denver qui lui sont reprochés ne peuvent être considérés comme illicites avant la date de l'assignation et d'infirmer de plus fort le jugement entrepris en déboutant la société KCC de ses entières prétentions dès lors que l'action est fondée sur des faits d'exploitation antérieurs à la date de délivrance de l'assignation,

* au visa de l'article 568 du code de procédure civile et dans l'hypothèse où la cour retiendrait des actes de contrefaçon, de dire que l'astreinte fixée par le tribunal ne pouvait, en tout état de cause, commencer à courir dès lors qu'une attestation comptable établit qu'elle n'a jamais vendu des produits marqués Denver dans les années 2007 à 2009 et qu'en tout état de cause l'attestation de Monsieur [T] [X] satisfait pleinement à l'injonction de communication de pièces faite par le tribunal,

- à titre reconventionnel, de condamner la société KCC à lui payer :

* la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice commercial outre celle de 10.000 euros si la cour retient le dépôt frauduleux de la marque française,

* la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

et à supporter tous les dépens.



Par dernières conclusions signifiées le 16 novembre 2010, la société à responsabilité limitée KCC demande à la cour, au visa des articles L 713-2, L 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle et des articles 106 et suivants du règlement CE n° 40/94 :

- de déclarer la société Inter Sales mal fondée en son appel et de la débouter de ses entières prétentions, de prendre acte du fait que le jugement déféré est devenu définitif à l'égard de la société Home Shopping Service,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu des actes de contrefaçon de sa marque française imputables aux sociétés Inter Sales et Chartbox, constaté l'absence de droit antérieur, rejeté les demandes en annulation et en déchéance de sa marque française ainsi que les autres demandes de la société Inter Sales, enjoint aux sociétés Inter Sales et Chartbox de communiquer sous astreinte des documents comptables et leur a interdit, sous astreinte, de faire référence à la marque Denver,

- de le réformer pour le surplus et :

* de condamner in solidum les sociétés Inter Sales et Chartbox à lui verser la somme de 200.000 euros (ou, subsidiairement de 100.000 euros) en réparation de son préjudice économique, outre celle de 50.000 euros en réparation de l'atteinte portée à sa marque,

* de réformer le jugement en ses mesures d'interdiction (de commercialiser et d'utiliser la marque en France, comme exposé ci-avant) et en ses injonctions (de prendre les mesures nécessaires et de procéder au retrait, comme exposé ci-avant) en portant le montant de l'astreinte, pour chacune de ces mesures, à 5.000 euros par infraction constatée,

- d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois journaux spécialisés de son choix aux frais des sociétés Inter Sales et Chartbox,

- de condamner 'solidairement' les sociétés Inter Sales et Chartbox à lui verser la somme de 35.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens incluant les frais de constat d'huissier et de traduction.





Par dernières conclusions signifiées le 28 octobre 2010, la société de droit néerlandais CHARTBOX BV demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en considérant que les produits litigieux sont des produits authentiques sur lesquels est apposée la marque communautaire Denver, commercialisables librement sur tout le territoire de l'Union européenne et en constatant que, société néerlandaise, elle les a acquis au Danemark,

- au visa de l'article 1er du document intitulé 'terms and conditions 2007" stipulant un transfert de propriété sur le territoire néerlandais, et en considérant que la société Home Shopping Service est seule responsable de l'importation, d'infirmer de plus fort ce jugement en ce qu'il l'a condamnée, in solidum avec la société Inter Sales, pour contrefaçon de la marque française,

- au visa de l'article 12 de ce même document, de l'infirmer en ses dispositions relatives aux actes de contrefaçon en constatant que la société Home Shopping Service était seule responsable du nom sous lequel les produits étaient vendus dans les émissions télévisées réalisées en France,

- au visa de ce même article 12, de l'article 42.2 de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats internationaux de marchandises et de l'article 1626 du code civil, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée in solidum, au titre de la contrefaçon de la marque française en considérant que la société Home Shopping Service ne peut revendiquer une quelconque garantie contractuelle ou de droit commun,

- au visa des articles 1202 et 1382 du code civil et du principe de proportionnalité édicté par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée in solidum, au titre de la contrefaçon de la marque française, en considérant qu'elle ne peut se voir reprocher ou assumer les éventuels manquements des tiers,

- de condamner la société KCC à lui payer la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.





Il convient d'ajouter que dans le cadre d'une procédure distincte (enregistrée au répertoire général sous le n° 09/18856), la société Home Shopping Service, qui avait interjeté appel du même jugement à l'encontre des sociétés KCC, Inter Sales A/S et Chartbox, s'est désistée de son appel et que, par ordonnance rendue le 12 janvier 2010, le conseiller de la mise en état saisi a constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour.






SUR CE,



Sur le dépôt frauduleux de la marque opposée :



Considérant que pour se prévaloir du caractère frauduleux du dépôt de la marque française qui fonde l'action de la société KCC, la société Inter Sales soutient qu'à la date à laquelle la société KCC a déposé cette marque, elle devait avoir connaissance de l'exploitation antérieure, sur le territoire français, de la marque non enregistrée qu'elle utilisait dans la vie des affaires ;



Qu'elle ajoute qu'elle peut prétendre au bénéfice d'un droit antérieur reconnu par l'article 4.4 b de la directive CE n° 89/104 et que ne méconnaît pas l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle puisqu'il donne, par l'emploi de l'adverbe 'notamment', une liste non exhaustive d'antériorités ;



Qu'elle affirme enfin que le dépôt de la marque française a eu pour unique finalité de l'empêcher de continuer à utiliser le signe Denver en France ;



Considérant qu'aux termes de l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle visé par l'appelante 'si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice' ;



Considérant que pour revendiquer l'acquisition de droits sur la marque non enregistrée antérieurement au dépôt de la marque française, la société Inter Sales reprend l'argumentation développée devant les premiers juges étayée par les pièces produites en première instance, s'agissant de deux factures émises en octobre 1997 attestant de la vente à la société française Lansay de 599 petits appareils de hi-fi et d'une attestation de l'un de ses directeurs aux termes de laquelle 'en 1999, (elle) avait un stand à l'IFA qui est la plus grande foire européenne en matière d'équipement électronique et qui se tient à [Localité 2] où (elle) a présenté ses produits Denver', attestation à laquelle est joint un extrait (non traduit) de catalogue en langue allemande 'Internationale Funkhausstellung 1999 - [Localité 2], 28 août-05 septembre' où figurent son nom et, en regard, la mention de produits désignés sous le signe 'Denver' (pièces 1 et 6) ;



Qu'outre le fait qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une exploitation suffisante en France de la marque communautaire 'Denver' permettant à la société Inter Sales de se prévaloir d'un droit antérieur, c'est par motifs pertinents que la cour fait siens que le tribunal a considéré que les éléments de preuve produits ne lui permettaient pas de prétendre que la société KCC, créée peu avant la tenue de cette foire, avait connaissance de l'exploitation, en France, du signe Denver et qu'elle a procédé au dépôt de la marque Denver à l'INPI, en septembre 2000, dans le but de nuire aux intérêts de la société Inter Sales ;



Considérant qu'en cause d'appel, la société Inter Sales y ajoute une attestation portant la date raturée d''octobre 2009" puis 'avril 2010" (pièce 25) selon laquelle Monsieur [P] [N] 'de la société KB&Co group [Localité 4]' 'confirme solennellement par la présente (que) nous avons livré des produits électroniques marqués Denver à KCC et à Intersales avant 1999. C'est pourquoi, il ne nous semble pas possible que (la) société KCC ne soit pas au courant qu'avant 1999 la société Inter Sales vendait des produits sous la marque Denver en Europe' ;



Que c'est, cependant, à juste titre que la société KCC, qui s'interroge sur cette rature, souligne le caractère inopérant de cette attestation en mettant en avant sa formulation hypothétique ('il nous semble' - 'we do not find it possible that KCC ...' dans le document original -), l'absence de documents objectifs venant étayer ce point de vue et le fait qu'elle ne permet pas de démontrer que la société Inter Sales, procédant à des ventes en Europe mais sans filiale en France, ait commercialisé ses produits sous ce signe en France ;



Qu'il convient, par ailleurs, de relever que la livraison de produits à la société KCC 'avant 1999" dont il est fait état est incompatible avec la date de formation et d'immatriculation de cette société au registre du commerce et des sociétés de Senlis, à savoir : le 29 juillet 1999 (pièce 5 de l'appelante) ;



Que le jugement sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tiré du dépôt frauduleux de la marque ;





Sur la déchéance de la marque française pour défaut d'usage sérieux :



Considérant que l'intimée demande à la cour de confirmer la décision des premiers juges qui ont considéré que la déchéance était invoquée pour la première fois par conclusions signifiées le 21 janvier 2009 et qu'il était rapporté la preuve d'un usage sérieux de la marque française Denver durant les cinq années précédant cette date pour rejeter le moyen ;



Que l'appelante renonçant à ce moyen en cause d'appel (même si elle l'évoque incidemment en pages 16 et 18/27 de ses écritures pour dire qu'à défaut de prononcer la déchéance, la cour devra retenir la forclusion) et les factures fournies par la société KCC (pièces 31 à 38) attestant d'un usage sérieux de la marque au sens de l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle, le jugement sera confirmé sur ce point ;



Sur la forclusion de l'action en contrefaçon par tolérance du titulaire de la marque :



Considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article L 716-5 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle selon lequel 'est irrecevable toute action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi. (...)' , l'appelante soutient qu'à la date de l'assignation, le 17 mars 2008, ce délai de cinq ans était expiré ;



Que, pour ce faire, elle ne tire plus argument, en cause d'appel, de l'existence d'une commande de produits 'Denver'effectuée en septembre 2003 par la société KCC auprès d'elle-même ou d'une offre de cession de la marque française que lui a faite oralement la société KCC en septembre 2004, mais de la date d'enregistrement du nom de domaine www.denver-electronics.com>, le 26 septembre 2000, qui constitue, selon elle, le point de départ de ce délai de forclusion et dont la société KCC avait connaissance lors de sa commande puisque sa facture porte mention de ce site ;



Mais considérant que seule la preuve de la connaissance effective de l'usage de la 'marque postérieure enregistrée' contestée constitue le point de départ de la forclusion ; que si la facture de la commande produite, non datée, porte bien l'indication d'une livraison de 1.000 produits 'Denver' le 10 septembre 2003 outre le nom de domaine sus-évoqué, elle ne permet pas de rapporter la preuve requise, l'assignation ayant été délivrée moins de cinq ans après la date d'enregistrement de la marque 'Denver', soit le 09 décembre 2004 ;



Que le jugement qui a rejeté ce moyen d'irrecevabilité doit donc être confirmé ;



Sur la validité de la marque communautaire :



Considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article 95 du règlement CE 40/94 (repris à l'article 99 du règlement CE 207/2009 du 26 février 2009) selon lesquelles 'les tribunaux des marques communautaires considèrent la marque communautaire comme valide, à moins que le défendeur n'en conteste la validité par une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité', et 106 de ce même règlement visant l'hypothèse de l'invocation d'un droit national antérieur - que l'appelante assimile à une opposition engagée en mars 2008 -, la société Inter Sales soutient que sa marque communautaire, déposée le 21 juillet 2003 et régulièrement publiée le 09 décembre 2004, était valide jusqu'à la date de l'assignation et qu'elle ne peut être condamnée pour des faits de contrefaçon commis avant cette date ;



Mais considérant que le titulaire d'une marque est fondé, à moins qu'il n'ait donné son consentement sur ce point, à s'opposer à l'importation de produits licitement commercialisés dans un autre Etat membre de l'union européenne, si ces produits sont revêtus, par une entreprise dont il est juridiquement et économiquement indépendant, d'une marque susceptible de créer un risque de confusion avec celle dont il est titulaire ;



Qu'ainsi, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que le fait qu'une marque communautaire n'ait pas fait l'objet d'une opposition et ait été enregistrée, ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en contrefaçon dès la constatation des faits si celle-ci viole des droits antérieurs dans l'un des Etats membres ;



Que ce moyen soulevé à titre subsidiaire étant, par conséquent, inopérant le jugement sera confirmé sur ce point ;



Sur la contrefaçon :



Considérant que l'appelante, poursuivant l'infirmation du jugement qui lui a imputé à faute des actes de contrefaçon, souligne que l'action de la société KCC est motivée par la vente sur le territoire français, en 2007 et 2008, par la société Home Shopping Service, d'un total de 138 produits portant la marque 'Denver' pour une valeur totale de 19.300,29 euros et soutient qu'elle n'en a commercialisé aucun directement en France puisqu'il s'agit de produits, que, société danoise, elle a vendus à la société néerlandaise Chartbox BV qui les a revendus à la société française Home Shopping Service ;



Qu'elle oppose à la société KCC son absence de démonstration d'un quelconque acte matériel de contrefaçon sur le territoire français qui lui serait imputable et étaye, en cause d'appel, ses affirmations par la production d'une attestation de son comptable, datée du 16 août 2010, que le tribunal lui a enjoint de communiquer sous astreinte pour évaluer la masse contrefaisante ;



Que, de son côté, la société Chartbox BV soutient qu'aucun acte de contrefaçon de la marque française Denver ne peut lui être reproché puisqu'elle a acquis ces produits de la société danoise Inter Sales, légitime propriétaire de la marque communautaire Denver déposée pour les produits électroniques librement commercialisables dans l'ensemble de l'union européenne tant que la marque communautaire n'a pas été annulée et qu'elle les a vendus à la société française Home Shopping Service aux termes d'un contrat dénommé ' terms and conditions 2007" prévoyant le transfert de propriété au lieu d'acceptation de la commande, soit sur le territoire néerlandais ;



Considérant que selon l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle ' sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, a) la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : 'formule, façon, système, imitation, genre, méthode' ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement' ;



Que la réunion des éléments constitutifs de la contrefaçon par reproduction du signe et l'identité des produits désignés dans l'enregistrement ne sont pas contestés par les parties ;



Que l'article L 716-9 du code de la propriété intellectuelle prohibe, notamment, l'importation ou l'exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaite ; que le titulaire de la marque qui dispose de droits antérieurs sur le territoire national peut interdire ces actes d'usage illicite dès lors que ces produits sont introduits sur ce territoire ;



Que la société danoise Inter Sales ne peut, toutefois, se voir reprocher d'avoir contrefait la marque française 'Denver' dans la mesure où, simple fournisseur de la société néerlandaise Chartbox BV, elle n'a fait qu'exporter ses produits depuis le Danemark à destination des Pays-Bas et n'a vendu aucun des produits litigieux en France ;



Que la société KCC ne peut davantage faire grief à la société Charbox BV, implantée aux Pays-Bas, qui a régulièrement acquis de cette société danoise les produits litigieux revêtus de la marque communautaire 'Denver' et les a fournis à la société française Home Shopping Service importatrice, selon un contrat qui fixait au lieu d'acceptation de la commande le transfert de propriété de ces produits, d'avoir fait un usage illicite de la marque française sur le territoire français ;



Que le moyen que la société KCC invoque tiré d'une clause prévoyant que la société Chartbox BV doit sa garantie à la société Home Shopping Service, insérée dans le contrat qui les lie, est, à cet égard, inopérant ;



Qu'il s'ensuit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a considéré que les actes de commercialisation litigieux constituaient des actes de contrefaçon imputables aux sociétés Inter Sales et Chartbox BV et les a condamnées à réparer le préjudice subi en prononçant diverses injonctions et interdictions à leur encontre, étant relevé que le jugement est devenu définitif à l'égard de la société Home Shopping Service ;



Sur les demandes complémentaires :



Considérant que la demande indemnitaire reconventionnellement formée par l'appelante afin de se voir indemnisée le préjudice commercial qu'elle déclare avoir subi et voir sanctionner un 'mauvais procès' ne saurait prospérer dès lors qu'il n'est pas démontré que la société KCC ait commis une faute dans l'exercice de son droit d'ester en justice ;



Que l'équité ne conduit pas à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Que la société KCC supportera les dépens d'appel ;





PAR CES MOTIFS,



Statuant dans les limites de l'appel,



Confirme le jugement déféré à l'exception de ses dispositions portant sur l'imputation, à la société Inter Sales A/S et à la société Chartbox BV d'actes de contrefaçon de la marque française 'Denver', sur l'ensemble des injonctions, interdictions et condamnations prononcées de ce fait à leur encontre, en ce compris la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens et, statuant à nouveau en y ajoutant ;



Rejette l'ensemble des demandes de la société KCC au titre de la contrefaçon de sa marque française 'Denver' n° 003 052 608 en tant que dirigées à l'encontre des sociétés Inter Sales A/S et Chartbox BV ;



Déboute la société Inter Sales A/S de sa demande indemnitaire formée à titre reconventionnel ;



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la société KCC aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Le greffier,Le Président,

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