6 October 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-11.963

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C100584

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 octobre 2021





Cassation partielle sans renvoi


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 584 F-D

Pourvoi n° S 20-11.963






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2021

1°/ M. [Y] [P],

2°/ Mme [E] [B], épouse [P],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° S 20-11.963 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige les opposant au Fonds commun de titrisation Hugo créances III, représenté par sa société de gestion la société GTI Asset management, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [P], après débats en l'audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Girardet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 novembre 2019), la société Banque populaire de la Côte d'Azur, devenue la société Banque populaire Méditerranée (la banque), aux droits de laquelle se trouve désormais le Fonds commun de titrisation Hugo créances III, représenté par la société GTI Asset management, a consenti à M. et Mme [P] (les emprunteurs), le 14 octobre 2009, une autorisation de découvert en compte, et, le 28 juillet 2011, un prêt amortissable.

2. A la suite d'une opération frauduleuse effectuée sur le compte courant des emprunteurs le 11 avril 2012, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt et les a mis en demeure de rembourser les sommes empruntées. Invoquant l'absence de consentement de M. [P], ainsi qu'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, les emprunteurs ont assigné celle-ci en annulation des contrats, et, subsidiairement, en responsabilité et indemnisation. La banque a opposé la prescription de l'action des emprunteurs.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le second moyen, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer prescrite leur action en nullité et de rejeter l'intégralité de leurs prétentions, alors « que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en confirmant le jugement qui a déclaré la demande des emprunteurs irrecevable comme prescrite, puis l'a rejetée au fond, la cour d'appel excédé ses pouvoirs, violant ainsi l'article 122 du code de procédure civile »

Réponse de la Cour

Vu l'article 122 du code de procédure civile :

5. Le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond.

6. L'arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement qui, après avoir déclaré prescrite l'action en nullité formée par les emprunteurs, a rejeté l'intégralité de leurs prétentions.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il rejette l'intégralité des prétentions de M. et Mme [P], l'arrêt rendu le 28 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne le Fonds commun de titrisation Hugo créances III, représenté par la société GTI Asset management, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt confirmatif attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a déclaré prescrite l'action en nullité de M. et Mme [P] à l'encontre du contrat de prêt du 28 juillet 2011, de la stipulation d'intérêts incluse dans ledit prêt ainsi que de toutes les autres stipulations contractuelles et celle de la convention d'autorisation de découvert conclue le 14 octobre 2009, débouté M. et Mme [P] de l'intégralité de leurs prétentions ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la nullité alléguée du contrat de prêt, l'article 1129 du code civil prévoit en substance qu'il faut être sain d'esprit pour consentir valablement au contrat ; que par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge se référant implicitement aux dispositions de l'article 414-2 du code civil, a considéré à bon droit que dans tous les cas où l'action en nullité d'une convention n'est pas limitée dans le temps, cette action est enfermée dans un délai de cinq ans étant entendu que ce délai de prescription commence à courir à partir du jour de l'acte contesté, sauf à ce que l'auteur de l'acte démontre son impossibilité d'agir ; que le premier juge a estimé à juste titre que M. [P] ne rapporte pas la preuve de son impossibilité d'agir ; que le premier juge a relevé par suite, à bon droit, que les actes attaqués datent des 14 octobre 2009 et 28 juillet 2011 et que l'action en nullité a été introduite le 22 mars 2017, soit plus de cinq ans après le jour de l'acte contesté ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement querellée en ce qu'il a déclaré prescrite l'action engagée par les époux [P], ainsi qu'en toutes ses autres dispositions, étant précisé que sur ces points, les motifs en sont également adoptés comme opérant une exacte application du droit aux faits » (arrêt, p. 5) ;

AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « sur la nullité du contrat de prêt du 28 juillet 2011, de la stipulation d'intérêts incluse dans ledit prêt ainsi que de toutes les autres stipulations contractuelles et de la convention d'autorisation de découvert conclue le 14 octobre 2009, conformément aux dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil (ancien article 1134 du code civil), les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles doivent être exécutées de bonne foi ; que l'article 1129 du code civil rappelle qu'il faut être sain d'esprit pour consentir valablement à un contrat ; que l'article 414-1 du code civil précise que c'est à ceux qui agissent en nullité pour insanité d'esprit de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ; que l'article suivant rappelle que de son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé ; que tous les cas où l'action en nullité d'une convention n'est pas limitée dans le temps, cette action dure cinq ans ; que le délai de prescription commence à courir à partir du jour de l'acte contesté, sauf à ce que l'auteur de l'acte démontre que la prescription a été suspendue en raison d'une impossibilité d'agir ; qu'en l'espèce, M. [P] n'apporte pas la preuve de son impossibilité d'agir ; que les actes attaqués datent des 14 octobre 2009 et 28 juillet 2011, dès lors l'action en nullité ayant été introduite le 22 mars 2017, soit plus de cinq ans après le jour des actes contestés ; qu'il y a lieu dès lors de déclarer l'action en nullité engagée par les époux [P] prescrite ;

ALORS QUE, premièrement, le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en confirmant le jugement qui a déclaré la demande de M. et Mme [P] irrecevable comme prescrite, puis l'a rejetée au fond, la cour d'appel excédé ses pouvoirs, violant ainsi l'article 122 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis, sans examiner les éléments de preuve qui leurs sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à affirmer que M. [P] ne rapportait pas la preuve de l'impossibilité d'agir ayant suspendu le délai de prescription de son action, sans analyser, même sommairement, son dossier médical et les deux rapports d'expertise produits, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt confirmatif attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a débouté M. et Mme [P] de l'intégralité de leurs prétentions ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la nullité alléguée du contrat de prêt, l'article 1129 du code civil prévoit en substance qu'il faut être sain d'esprit pour consentir valablement au contrat ; que par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge se référant implicitement aux dispositions de l'article 414-2 du code civil, a considéré à bon droit que dans tous les cas où l'action en nullité d'une convention n'est pas limitée dans le temps, cette action est enfermée dans un délai de cinq ans étant entendu que ce délai de prescription commence à courir à partir du jour de l'acte contesté, sauf à ce que l'auteur de l'acte démontre son impossibilité d'agir ; que le premier juge a estimé à juste titre que M. [P] ne rapporte pas la preuve de son impossibilité d'agir ; que le premier juge a relevé par suite, à bon droit, que les actes attaqués datent des 14 octobre 2009 et 28 juillet 2011 et que l'action en nullité a été introduite le 22 mars 2017, soit plus de cinq ans après le jour de l'acte contesté ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement querellée en ce qu'il a déclaré prescrite l'action engagée par les époux [P], ainsi qu'en toutes ses autres dispositions, étant précisé que sur ces points, les motifs en sont également adoptés comme opérant une exacte application du droit aux faits » (arrêt, p. 5) ;

AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « sur la nullité du contrat de prêt du 28 juillet 2011, de la stipulation d'intérêts incluse dans ledit prêt ainsi que de toutes les autres stipulations contractuelles et de la convention d'autorisation de découvert conclue le 14 octobre 2009, conformément aux dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil (ancien article 1134 du code civil), les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles doivent être exécutées de bonne foi ; que l'article 1129 du code civil rappelle qu'il faut être sain d'esprit pour consentir valablement à un contrat ; que l'article 414-1 du code civil précise que c'est à ceux qui agissent en nullité pour insanité d'esprit de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ; que l'article suivant rappelle que de son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé ; que tous les cas où l'action en nullité d'une convention n'est pas limitée dans le temps, cette action dure cinq ans ; que le délai de prescription commence à courir à partir du jour de l'acte contesté, sauf à ce que l'auteur de l'acte démontre que la prescription a été suspendue en raison d'une impossibilité d'agir ; qu'en l'espèce, M. [P] n'apporte pas la preuve de son impossibilité d'agir ; que les actes attaqués datent des 14 octobre 2009 et 28 juillet 2011, dès lors l'action en nullité ayant été introduite le 22 mars 2017, soit plus de cinq ans après le jour des actes contestés ; qu'il y a lieu dès lors de déclarer l'action en nullité engagée par les époux [P] prescrite ;

ALORS QUE, premièrement, le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en confirmant le jugement qui a déclaré la demande de M. et Mme [P] irrecevable comme prescrite, puis l'a rejetée au fond, la cour d'appel excédé ses pouvoirs, violant ainsi l'article 122 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, le point de départ de l'action en réparation du dommage résultant du manquement à une obligation de mettre en garde un emprunteur non-averti sur les risques de l'endettement est la date d'exigibilité des sommes auxquelles l'emprunteur n'a pas été en mesure de faire face ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription à la conclusion de la convention de découvert du 14 octobre 2011 et de l'emprunt du 28 juillet 2011, les juges du fond ont violé l'article 2224 du code civil.

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