5 October 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-85.985

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CR01139

Titres et sommaires

ATTEINTE A L'ACTION DE JUSTICE - Atteinte à l'autorité de la justice - Discrédit sur un acte ou une décision juridictionnelle - Publication de messages sur des blogs - Détermination des personnes responsables - Exclusion des dispositions sur les infractions par voie de presse écrite ou audiovisuelle - Cas - Condamnation en qualité d'auteurs du directeur de publication et de l'auteur de la mise en ligne

La communication au public en ligne ne relève pas de la communication audiovisuelle, dès lors qu'elle en est expressément exclue par l'article 2, alinéa 3, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004. En conséquence, en présence d'une infraction d'atteinte à l'autorité judiciaire par discrédit porté sur une décision de justice, prévue à l'article 434-25 du code pénal, commise par publication de messages sur des blogs, les dispositions particulières des lois qui régissent les infractions commises par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle en ce qui concerne la détermination des personnes responsables ne sont pas applicables. Justifie dès lors sa décision la cour d'appel qui condamne, en qualité de second auteur de l'infraction, la personne ayant mis en ligne les messages, après condamnation définitive d'un coauteur en qualité de directeur de publication des blogs

Texte de la décision

N° A 20-85.985 F-B

N° 01139


SM12
5 OCTOBRE 2021


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 OCTOBRE 2021



M. [Y] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 29 septembre 2020, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 19 juin 2018, n° 15-85.073, 17-85.742), pour atteinte à l'autorité judiciaire par discrédit porté sur une décision de justice, l'a notamment condamné à 3 000 euros d'amende dont 1 000 euros avec sursis.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. [Y] [H], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. À l'issue d'une information judiciaire, le juge d'instruction a, par ordonnance en date du 23 mars 2016, renvoyé MM. [Y] [H] et [L] [M] devant le tribunal correctionnel pour répondre du délit ci-dessus à raison de quatre messages postés sur trois blogs entre le 4 juillet 2010 et le 12 novembre 2010.

3. Par jugement en date du 12 juillet 2016, le tribunal correctionnel de Blois a, notamment, rejeté une question prioritaire de constitutionnalité et, sur l'action publique, déclaré les prévenus coupables et condamné chacun d'eux à une amende de 4 000 euros.

4. Sur appel des prévenus et du ministère public, la cour d'appel d'Orléans a, notamment, par arrêt du 11 septembre 2017, annulé le jugement et, évoquant, rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action publique, déclaré les prévenus coupables, les a condamnés chacun à une amende de 3 000 euros, assortie du sursis pour M. [H], et a fait droit à la demande de ce dernier de non-inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

5. Sur pourvoi de M. [H], la Cour de cassation a, par arrêt du 19 juin 2018, cassé et annulé l'arrêt en toutes ses dispositions, au motif que les faits du 4 juillet 2010 étaient atteints par la prescription de l'action publique, et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel d'Angers.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen


6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du jugement entrepris et limité son constat de prescription de l'action publique aux seules publications litigieuses antérieures au 14 juillet 2010, a déclaré M. [H] coupable du délit d'atteinte à l'autorité judiciaire par discrédit jeté sur une décision de justice commis du 27 septembre 2010 au 12 novembre 2010, l'a condamné à une peine de 3 000 euros, à l'exécution de laquelle il a dit qu'il ne serait sursis qu'à hauteur de mille euros, et a rejeté sa demande de dispense d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, alors :

« 1°/ que la juridiction saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution doit se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité à la Cour de cassation ; qu'en particulier, elle ne peut, sous peine de nullité d'ordre public, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité par des motifs intégrés au jugement par lequel elle statue au fond – et ce quand bien même d'autres questions prioritaires de constitutionnalité comparables seraient, ultérieurement, rejetées par d'autres juridictions postérieurement saisies – ; qu'au cas présent, pour rejeter la demande d'annulation du jugement entrepris présentée par l'exposant et tirée de la violation des règles de procédure applicables aux questions prioritaires de constitutionnalité, l'arrêt attaqué a affirmé que : « même s'il l'a fait dans une forme irrégulière, en rejetant cette demande par des motifs intégrés au jugement qu'il a rendu au fond, alors qu'il lui appartenait de rendre, sur ce point, une décision distincte, le tribunal correctionnel n'en a pas moins répondu à la demande dont il était saisi et a motivé son refus de transmission par l'existence d'une décision antérieure rendue par la Cour de cassation ; que l'erreur de procédure commise par les premiers juges a d'autant moins préjudicié à [l'exposant] qu'ayant interjeté appel de sa condamnation, il s'est trouvé en mesure de soumettre à la cour d'appel d'Orléans (qui en a refusé la transmission par un arrêt distinct du fond, en date du 3 octobre 2016, frappé d'un pourvoi ayant abouti à une ordonnance de déchéance du 7 février 2017), puis à la cour de céans (qui en a refusé la transmission par son arrêt susvisé du 25 février 2020), une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité rédigée en des termes identiques à celle dont les premiers juges ont refusé la transmission à la Cour de cassation » (arrêt attaqué, p. 6) ; qu'en statuant ainsi, en écartant une nullité d'ordre public au prétexte que le jugement au fond entrepris aurait « répondu à la demande dont il était saisi » – ce qui était sans emport sur le vice de forme de ce jugement, sauf à constituer ledit vice – et en excipant de questions prioritaires de constitutionnalité rédigées, présentées et rejetées ultérieurement par d'autres juridictions saisies plusieurs années plus tard – ce qui était sans emport sur l'existence d'une nullité d'ordre public au jour du jugement entrepris –, la cour d'appel d'Angers, qui, en refusant de procéder à l'annulation à laquelle elle était légalement tenue, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations aux termes desquelles le motif de nullité allégué affectait le jugement entrepris, a violé, par refus d'application, l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel tel qu'il résulte de la Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, ensemble les articles 802, R. 49-25 et R. 49-27 du code de procédure pénale ;

2°/ que, consécutivement, la nullité d'un jugement lui retire rétroactivement tout effet interruptif du cours de la prescription de l'action publique, de même qu'elle retire tout effet suspensif au délibéré qui a conduit à un tel jugement ; qu'en particulier, en matière d'atteinte à l'autorité judiciaire par discrédit jeté sur une décision de justice, un jugement de condamnation annulé ne saurait être assimilé à un acte interruptif de la prescription, de sorte que la prescription est acquise si, lors de la déclaration d'appel, le délai abrégé de trois mois, résultant du quatrième alinéa de l'article 434-25 du code pénal ainsi que des articles 7 et 8 du code de procédure pénale dans leur version antérieure à la Loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, s'est écoulé depuis le dernier acte interruptif du cours de la prescription ; qu'au cas présent, pour rejeter le moyen, présenté par l'exposant, tiré de la prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué a affirmé que la prescription de l'action publique « a été régulièrement interrompue par des actes que n'a jamais séparé un laps de temps supérieur à trois mois et, d'autre part, a été suspendue pendant le délibéré des juridictions ayant précédemment statué », pour en conclure que l'action publique n'était pas prescrite ; qu'en statuant ainsi, sans relever qu'entre la citation à comparaître, délivrée le 11 avril 2016, et la déclaration d'appel, en date du 13 juillet 2016, plus de trois mois s'étaient écoulés sans qu'aucun acte ait interrompu le cours de la prescription, étant entendu que, dans la mesure où le jugement entrepris est nul (comme le démontre la première branche du moyen), celui-ci était impropre interrompre le cours de la prescription de même que le délibéré ayant conduit à ce jugement nul était privé d'effet suspensif du cours de la prescription, la cour d'appel d'Angers, qui, constatant que le motif de nullité allégué par l'exposant affectait le jugement entrepris, aurait dû annuler ledit jugement et consécutivement constater l'extinction de l'action publique pour cause de prescription, a violé les articles 7 et 8 du code de procédure pénale et 434-25, alinéa 4, du code pénal, dans leur version antérieure à la Loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale ;

3°/ qu'à supposer même que le délibéré d'un jugement nul suspendrait la prescription de l'action publique, il demeurerait impératif que la juridiction rejetant le moyen tiré de la prescription de l'action publique précisât les dates entre lesquelles la prescription a été suspendue afin de permettre à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ; qu'au cas présent, pour rejeter le moyen présenté par l'exposant, tiré de la prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué s'est borné à affirmer que la prescription de l'action publique « a été régulièrement interrompue par des actes que n'a jamais séparé un laps de temps supérieur à trois mois et qui, d'autre part, a été suspendue pendant le délibéré des juridictions ayant précédemment statué » (arrêt attaqué, p. 7), pour en conclure que l'action publique n'était pas prescrite ; qu'en se déterminant ainsi, sans jamais préciser les dates de délibéré du jugement nul, et donc de suspension de la prescription de l'action publique, la cour d'appel d'Angers, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité du rejet de l'exception de prescription, a privé sa décision de base légale au regard des articles 7 et 8 du code de procédure pénale et de l'article 434-25, alinéa 4, du code pénal dans leur version antérieure à la Loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale ;

4°/ que la nullité d'un jugement entrepris interdit au juge d'appel de se référer aux constatations de fait réalisées par les premiers juges ; qu'au cas présent, l'arrêt attaqué n'a, in limine, procédé à aucun rappel des faits et n'a, dans sa motivation, rappelé que de façon extrêmement parcellaire et péremptoire les faits à l'aune desquels il a cru pouvoir conclure à la constitution de l'infraction et à son imputation à l'exposant, sauf à procéder par renvoi au jugement entrepris ; qu'en se déterminant ainsi, quand, ledit jugement entrepris étant nul (ainsi que le démontre la première branche du moyen), ni son rappel des faits ni sa motivation en fait ne pouvaient être adoptés, la cour d'appel d'Angers, qui a déclaré l'exposant coupable de l'infraction incriminée à l'article 434-25 du code pénal sans motiver en propre cette déclaration de culpabilité au regard des faits dont elle était saisie, a privé sa décision de motifs. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

8. Pour rejeter la demande d'annulation du jugement prise de ce que le tribunal correctionnel n'a pas statué sur la question prioritaire de constitutionnalité avant de prononcer au fond, l'arrêt attaqué énonce que le tribunal, bien que l'ayant fait sous une forme irrégulière, en la rejetant par des motifs intégrés au jugement au fond alors qu'il lui appartenait de rendre, sur ce point, une décision distincte, n'en a pas moins répondu à la question et motivé son refus de transmission.

9. Les juges ajoutent que cette erreur de procédure a d'autant moins préjudicié au demandeur qu'ayant interjeté appel de sa condamnation, il a soumis à la cour d'appel, qui en a refusé la transmission par un arrêt frappé de pourvoi ayant abouti à une ordonnance de déchéance, puis à la cour d'appel de renvoi, qui en a également refusé la transmission, une question prioritaire de constitutionnalité identique.

10. C'est à tort que la cour d'appel a énoncé que le tribunal correctionnel avait statué sous une forme irrégulière par un seul et même jugement.

11. En effet, ni les articles 23-1 à 23-7 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, ni les articles R. 49-21 à R. 49-29 du code de procédure pénale ne font obligation à une juridiction saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité de se prononcer sur sa transmission à la Cour de cassation par une décision nécessairement distincte de celle rendue au fond.

12. La procédure applicable devant le tribunal correctionnel, en vertu de laquelle cette juridiction a statué sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité conformément à l'article R. 49-25 du code de procédure pénale, ne prévoit pas davantage une telle nécessité.

13. Néanmoins, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il n'a tiré aucune conséquence de l'erreur qu'il avait relevée à tort.

14. Ainsi, les griefs ne sont pas fondés.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

15. Pour rejeter le moyen de prescription des faits commis à compter du 14 juillet 2010, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci a été régulièrement interrompue par des actes qui n'ont jamais été séparés par un laps de temps supérieur à trois mois, et a été suspendue pendant le délibéré des juridictions ayant précédemment statué.

16. La Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la prescription de l'action publique de trois mois a été suspendue pendant le délibéré du tribunal correctionnel, entre le 7 juin 2016 et le 12 juillet 2016 et que c'est à juste titre que la cour d'appel a dit l'action publique non prescrite.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du jugement entrepris et limité son constat de prescription de l'action publique aux seules publications litigieuses antérieures au 14 juillet 2010, a déclaré M. [H] coupable du délit d'atteinte à l'autorité judiciaire par discrédit jeté sur une décision de justice commis du 27 septembre 2010 au 12 novembre 2010, l'a condamné à une peine de 3 000 euros, à l'exécution de laquelle il a dit qu'il ne serait sursis qu'à hauteur de mille euros, et a rejeté sa demande de dispense d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, alors :

« 1°/ que l'article 434-25 du code pénal incrimine le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance ; que, lorsque le délit est commis au moyen d'un écrit publié sur internet, l'existence d'une telle publication doit être établie avec certitude par le juge pénal et ne peut l'être sans que soit connue et visée son adresse URL, qui permet d'identifier toute publication internet indépendamment de son auteur ; qu'au cas présent, l'arrêt attaqué a déclaré l'exposant coupable de l'infraction réprimée à l'article 434-25 du code pénal au moyen d'un écrit publié sur internet sans que ne soient jamais identifiées (ni dans l'ordonnance de renvoi, ni dans la citation à comparaître, ni dans l'arrêt attaqué) les URL des publications objets de la prévention ; qu'en se déterminant ainsi, et alors même qu'il ressortait du dossier d'instruction (pièce cotée D331) que l'hébergeur des blogs sur lesquels les articles litigieux étaient censés avoir été publiés avait précisé au juge d'instruction que les adresses IP de l'auteur des publications ne pourraient pas être identifiées sans que soient identifiées en amont les URL de ces publications, ce qui atteste leur caractère déterminant autant que leur absence dans le dossier de l'instruction, la cour d'appel d'Angers, qui a imputé à l'exposant des publications délictueuses non identifiées et dont, partant, l'existence n'a pas même été établie avec certitude, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 434-25 du code pénal ;

2°/ que l'article 434-25 du code pénal incrimine le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance ; que, lorsque le délit est commis au moyen d'un écrit publié sur internet, l'imputation d'une telle publication nécessite qu'elle soit datée avec certitude, notamment pour pouvoir connaître le point de départ de la prescription de l'action publique, et que cette date soit visée dans la prévention, faute de quoi le juge pénal n'en est pas saisi et ne peut pas statuer à son égard ; qu'au cas présent, l'arrêt attaqué a déclaré l'exposant coupable de l'infraction réprimée à l'article 434-25 du code pénal au moyen d'un écrit publié sur internet, pour une publication en date du 12 octobre 2010 ; qu'en statuant ainsi, quand la prévention, dans l'ordonnance de renvoi comme dans les citations, ne visait aucune publication litigieuse en date du 12 octobre 2010, la cour d'appel, qui, en condamnant l'exposant au regard de faits dont elle n'était manifestement pas saisie, dont l'exposant n'a pu se défendre et qui, en tout état de cause, étaient prescrits, a excédé ses pouvoirs, a violé l'article 434-25 du code pénal, ensemble les articles 6 et 388 du code de procédure pénale, l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme, le principe du contradictoire, le principe de la saisine in rem du juge pénal et les droits de la défense ;

3°/ que le motif dubitatif ou hypothétique équivaut au défaut de motif ; qu'au cas présent, pour déclarer l'exposant coupable du délit incriminé à l'article 434-25 du code pénal, l'arrêt attaqué s'est borné à avancer que : « outre le fait que M. [M] a, lors de son audition, fait preuve d'une totale ignorance du droit, qui fait sérieusement douter de son aptitude à rédiger seul un texte relatif à la matière difficile des voies d'exécution, rien n'exclut par principe, contrairement à ce que soutient M. [H], que la même infraction d'atteinte à l'autorité judiciaire par discrédit jeté sur une décision de justice puisse avoir plusieurs co-auteurs ayant participé, comme rédacteur et/ou diffuseur des écrits incriminés, à l'atteinte publiquement portée à l'autorité de la justice », et que : « si l'adresse IP à partir de laquelle a été émis le texte du 7 novembre 2010 n'a pas été identifiée, encore faut-il noter que ce troisième document évoque la même affaire que celle évoquée dans celui du 27 septembre 2010 (vente judiciaire prétendument réalisée sans titre, au tribunal de Blois, dans l'intérêt de la Société générale) et que les deux écrits comportent des termes caractéristiques identiques ("Scandale au tribunal de grande instance de Blois : trafic, passe-droit, passe gauche et le reste"), ce qui permet de retenir leur commune origine » (arrêt attaqué p. 8) ; qu'en statuant ainsi, d'une part, en ne se fondant que sur des conjectures analogiques pour rejeter les déclarations et les explications répétées de M. [M] (reconnu coupable des infractions par une décision passée en force de chose jugée) selon lesquelles il était le seul auteur de l'infraction, et le seul diffuseur des articles litigieux, et, d'autre part, en imputant à l'exposant une publication non identifiée par une adresse URL et pour laquelle n'était pas non plus identifiée l'adresse IP ayant permis l'émission d'un texte que n'importe qui (et donc M. [M] lui-même) naviguant sur internet et ayant copié-collé les premiers articles publiés par M. [M] aurait pu publier, la cour d'appel d'Angers, qui s'est prononcée par motifs insuffisants, hypothétiques et contradictoires, a privé sa décision de motifs ;

4°/ que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'au cas présent, pour déclarer l'exposant coupable de l'infraction réprimée à l'article 434-25 du code pénal, l'arrêt attaqué a affirmé « [qu']une expertise informatique a permis d'établir l'intervention du matériel informatique de M. [H], qu'il a déclaré être seul à utiliser, dans la transmission, vers les blogs susvisés, des textes litigieux, ainsi que d'écarter les moyens de défense à caractère technique invoqués par le prévenu, pris de l'incidence d'un dégroupage, de l'éventuelle interposition d'une Wifi ou même d'un piratage informatique » ; qu'en se déterminant ainsi, alors que, d'une part, le fait que l'exposant ait été le seul utilisateur de son matériel informatique est sans incidence sur l'établissement de sa responsabilité dans la publication d'articles sur internet, dès lors que l'expert n'a pu établir par un examen du journal des visites si l'ordinateur de l'exposant avait servi à publier les articles litigieux et si la connexion de l'ordinateur par le boîtier internet correspondait précisément, par l'heure et le lieu, aux adresses IP des publications litigieuses, et alors que, d'autre part, quand bien même l'expert aurait pu rattacher avec certitude les adresses IP 841003051 et 8410030181 au boîtier internet de l'exposant, il ne ressortait pas de son expertise que ces adresses IP fussent celles par lesquelles les articles litigieux (et lesquels parmi ceux visés par la prévention ?) auraient été publiés – l'expert précisant dans son rapport du 26 juin 2015, sur la foi d'une information prétendument fournie par téléphone (sans trace écrite) par l'opérateur fournisseur d'accès à internet, que la « box » de l'exposant aurait été utilisée pour au moins l'une des publications sans préciser laquelle (notamment en ne précisant pas s'il s'agissait de la publication du 4 juillet 2010 couverte par la prescription aux termes des propres constatations de l'arrêt attaqué) –, la cour d'appel, qui a statué par motifs inopérants et insuffisants, a privé sa décision de motifs ;

5°/ que, lorsque le délit incriminé à l'article 434-25 du code pénal (dont l'élément matériel consiste non à rédiger mais à rendre publics des propos de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice), prend la forme de la publication d'un article de blog sur internet, l'auteur du délit est le directeur de publication, soit l'individu ayant téléchargé les propos litigieux sur le blog au moyen de sa connexion, qui ne peut par définition qu'être unique dès lors qu'un même article ne peut être publié au même moment, sur une adresse URL unique, par deux individus différents disposant de connexions différentes, avec des adresses IP différentes et éloignés géographiquement l'un de l'autre ; qu'en particulier, lorsque, pour une publication donnée prenant la forme d'un article de blog sur internet, un individu a été reconnu auteur du délit puni par l'article 434-25 du code pénal par une décision passée en force de chose jugée, c'est sa connexion et son adresse IP, dans sa zone géographique, qui sont définitivement réputées avoir servi à commettre l'infraction, sans que celle-ci ne puisse plus être imputée à un tiers, faute pour ce dernier d'avoir pu, depuis une autre connexion, avec une autre adresse IP, dans une zone géographique différente, mettre à disposition sur internet la publication déjà définitivement imputée au condamné ; qu'au cas présent, l'arrêt attaqué a cru pouvoir affirmer que « rien n'exclut par principe, contrairement à ce que soutient M. [H], que la même infraction d'atteinte à l'autorité judiciaire par discrédit jeté sur une décision de justice puisse avoir plusieurs co-auteurs ayant participé, comme rédacteur et/ou diffuseur des écrits incriminés, à l'atteinte publiquement portée à l'autorité de la justice » et que « l'imputabilité à M. [H] de la mise en ligne des textes susvisés, contestée par celui-ci, ne saurait être écartée du seul fait que M. [M], poursuivi pour le même délit, n'a pas jugé bon de former un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, en date du 11 septembre 2017, le condamnant de ce chef à la peine de 3 000 euros d'amende, et de ce que, cité en qualité de témoin à l'audience du 10 septembre 2019, il a persisté à revendiquer la responsabilité exclusive de la rédaction et de la diffusion des publications incriminées » (arrêt attaqué, p. 8) ; qu'en statuant ainsi, quand c'est la diffusion et non la rédaction d'écrits de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice qui consomme le délit incriminé à l'article 434-25 du code pénal, et alors qu'au regard des modalités particulières de diffusion des articles incriminés (publication d'article sur un blog), chaque article publié ne saurait avoir qu'un seul diffuseur, en l'occurence M. [M] dès lors que, dans une décision passée en force de chose jugée, celui-ci a été reconnu auteur du délit pour les quatre faits de diffusion poursuivis, la cour d'appel d'Angers, qui ne pouvait pas légalement reconnaître l'exposant comme auteur de l'infraction, dès lors qu'il disposait d'une connexion distincte de celle de M. [M], avec des adresses IP distinctes de celles de M. [M], depuis un département distant de plusieurs centaines de kilomètres de celui où M. [M] s'était rendu auteur de l'infraction, a violé par fausse application l'article 434-25 du code pénal et par refus d'application les articles 111-4 et 121-1 du même code, ensemble l'article 6 du code de procédure pénale et le principe d'autorité de la chose jugée ;

6°/ que tout jugement ou arrêt est tenu d'adopter une rédaction compatible avec les exigences du principe d'impartialité tel qu'il résulte de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en affirmant que les conclusions d'appel de l'exposant étaient « répétitives et quelque peu décousues » et en lui reprochant de s'être « employé à dénigrer le travail de l'expert » sans même rappeler que l'expert avait reconnu avoir commis des erreurs (ayant rendu impossible l'étude du journal des visites du disque dur mal copié, qui seule aurait été à même d'établir avec certitude que l'ordinateur de l'exposant avait ou non servi à publier les articles litigieux) et avait proposé de réaliser gratuitement une expertise complémentaire pour tenter de les réparer, ce qui était de nature à justifier une certaine défiance de l'exposant à l'égard des expertises réalisées, la cour d'appel, qui a retenu une motivation révélant une certaine hostilité à l'égard de l'exposant, a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article préliminaire du code de procédure pénale et le principe d'impartialité du juge pénal. »

Réponse de la Cour

19. Pour déclarer le prévenu coupable de l'infraction d'atteinte à l'autorité judiciaire par discrédit porté sur une décision de justice, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des pièces de la procédure qu'ont été diffusés sur internet, dans des blogs accessibles au public, trois textes, intitulés respectivement « [X] [F] [B], la juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Blois, ordonne une vente sur adjudication sans titre exécutoire », mis en ligne le 27 septembre 2010 sur le blog « syndicatavocatcitoyen.blogspot.com », « [X] [F] [B], la juge du tribunal de grande instance de Blois, accorde un passe droit à la Société générale », mis en ligne le 12 octobre 2010 sur le blog « censuresurlepostinfobuzz.blogspot.com » et « 0076 association de malfaiteurs entre juges du ressort de la cour d'appel d'Orléans et juges Cour de cassation », mis en ligne le 7 novembre 2010 sur le blog « ponsonjeanclaude.blogspot.com ».

20. Les juges ajoutent que les termes polémiques employés dans ces documents manifestent une volonté évidente de jeter le discrédit sur les décisions juridictionnelles de magistrats de plusieurs juridictions, parmi lesquels l'une se voit imputer une grossière erreur de droit et une violation de son devoir de probité, et sont de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice.

21. Ils retiennent encore, par motifs propres et adoptés, qu'une expertise informatique a permis d'établir l'intervention du matériel informatique du prévenu, à ses dires utilisé par lui seul, dans la transmission des écrits litigieux vers les blogs en cause, en ce qu'ils ont été émis depuis l'adresse IP de l'intéressé pour deux d'entre eux et que le troisième comporte des termes caractéristiques identiques permettant de conclure à leur commune origine.

22. Ils notent encore que l'expertise a permis d'écarter ses contestations à caractère technique, prises de l'incidence d'un dégroupage, de l'éventuelle interposition d'un wifi ou même d'un piratage informatique.

23. En statuant ainsi, la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance comme de partialité, justifié sa décision.

24. En effet, sans excéder sa saisine, elle a caractérisé l'infraction en tous ses éléments constitutifs, en particulier la diffusion, par un moyen de communication au public en ligne, de deux des articles litigieux par le prévenu à partir de son matériel informatique et en a souverainement conclu, en raison de similitudes de contenu, que le troisième avait la même origine.

25. Par ailleurs, il n'importe que le co-prévenu ait été définitivement condamné pour les mêmes faits en qualité de directeur de publication des blogs en cause, pour les raisons qui suivent.

26. D'une part, la communication au public en ligne ne relève pas de la communication audiovisuelle, dès lors qu'elle en est expressément exclue par l'article 2, alinéa 3, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004.

27. En conséquence, la publication des articles litigieux par internet, c'est-à-dire par la voie de la communication au public en ligne, n'a pas été commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, ce qui exclut les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

28. D'autre part, la cour d'appel a pu souverainement conclure à une co-action des deux prévenus, le premier ayant concédé au second la possibilité de mettre en ligne lui-même les messages sur les blogs en cause.

29. Ainsi, le moyen doit aussi être écarté.

30. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt et un.

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