29 September 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.976

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C100565

Titres et sommaires

FILIATION - Dispositions générales - Modes d'établissement - Possession d'état - Constatation - Acte de notoriété - Motivation - Pouvoir discrétionnaire

Il résulte de l'article 317 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, que la délivrance de l'acte de notoriété constatant une filiation établie par la possession d'état, qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge, n'a pas à être spécialement motivé

ACTE DE NOTORIETE - Filiation - Dispositions générales - Modes d'établissement - Possession d'état - Motivation - Pouvoir discrétionnaire

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 septembre 2021




Cassation


Mme AUROY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 565 F-B


Pourvois n°
D 19-23.976
F 19-23.978 JONCTION










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2021

Mme [U] [K], domiciliée [Adresse 4], a formé les pourvois n° D 19-23.976 et F 19-23.978 contre deux arrêts rendus les 7 décembre 2017 et 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel de Montpellier, domicilié [Adresse 1],

2°/ à Mme [X] [Q], domiciliée [Adresse 3], prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de [I] [Q] et de [V] [R] [D], veuve [Q],

3°/ à Mme [E] [Q], domiciliée [Adresse 3],

4°/ à M. [H] [Q], domicilié [Adresse 2],

pris tous deux tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de [V] [R] [D], veuve [Q],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse aux pourvois invoque, à l'appui de chacun de ses recours, un moyen unique et trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme [K], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [E] [Q] et de M. [Q], après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 19-23.976 et n° F 19-23.978 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Montpellier, 7 décembre 2017 et 8 novembre 2018), Mme [K] est née le [Date naissance 1] 1968 de [T] [K] sans filiation paternelle déclarée. Un acte de notoriété du 7 mai 2009, dressé par le juge des tutelles, a reconnu qu'elle bénéficiait de la possession d'état d'enfant à l'égard de [G] [Q], décédé le [Date décès 1] 2009.

3. Le 4 janvier 2012, Mme [K] a assigné l'épouse du défunt, [V] [Q], depuis décédée, et leurs enfants, [I], également depuis décédé et au droit duquel vient sa fille [X], ainsi que [E] et [H], afin d'obtenir sa part dans la succession de ce dernier.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° D 19-23.976, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. Mme [K] fait grief à l'arrêt du 7 décembre 2017 d'annuler l'acte de notoriété établi le 7 mai 2009 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Lamentin, alors :

« 2°/ qu'aucune disposition n'impose que les faits constitutifs de la possession d'état soient relevés dans l'acte de notoriété ; qu'en jugeant expressément le contraire, indiquant à tort que « ces articles (317 et 71 du code civil) imposent que les faits constitutifs de la possession d'état soient relevés dans l'acte de notoriété afin de constater que la possession d'état présente toutes les qualités requises pour produire ses effets légaux », la cour d'appel, qui a ajouté des conditions de régularité formelle de l'acte de notoriété non prévues par les textes, a violé les articles 71, 311-1 et 317 du code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

3°/ qu'aucune disposition n'impose que l'acte de notoriété mentionne la teneur exacte de la déclarations des trois témoins sur la foi desquelles il est établi ; qu'en se fondant sur la circonstance que l'acte de notoriété ne mentionnait pas la teneur des déclarations des témoins pour l'annuler, la cour d'appel, qui a ajouté des conditions non prévues par les textes, a violé les articles 71, 311-1 et 317 du code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Mme [E] [Q] et M. [H] [Q] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est dirigé contre le dispositif et les motifs d'une décision qui ne correspond pas au pourvoi.

6. Cependant, l'irrégularité dénoncée résulte d'une erreur purement matérielle, depuis dûment rectifiée.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 317 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 :

8. Selon ce texte, l'acte de notoriété constatant une filiation établie par la possession d'état, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, est délivré par le juge, sur la foi des déclarations d'au moins trois témoins et, si ce dernier l'estime nécessaire, de tout autre document produit qui attestent une réunion suffisante de faits au sens de l'article 311-1 du code civil. Il n'est pas sujet à recours.

9. Il en résulte que cet acte, dont la délivrance relève du pouvoir discrétionnaire du juge, n'a pas à être spécialement motivé.

10. Pour déclarer nul l'acte de notoriété délivré le 7 mai 2009, l'arrêt retient que le juge s'est contenté de reprendre exactement les termes de l'article 311-1 du code civil sans mentionner la teneur de la déclaration des trois témoins, et donc sans faire état de faits concrets et précis révélant le lien de filiation entre Mme [K] et [G] [Q] contrairement aux dispositions des articles 317 et 71 du code civil.

11. En statuant ainsi, alors qu'aucune disposition n'impose que les faits constitutifs de la possession d'état soient relevés dans l'acte de notoriété ou qu'il mentionne la teneur des témoignages, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées.

Et sur le premier moyen du pourvoi n° F 19-23.978

Enoncé du moyen

12. Mme [K] fait grief à l'arrêt du 8 novembre 2018 de dire que Mme [K] ne rapportait pas la preuve de la possession d'état d'enfant naturel à l'égard de [G] [Q] et de dire que son action en recherche de paternité était irrecevable, comme forclose, alors « que la cassation de l'arrêt mixte du 7 décembre 2017 à intervenir sur le pourvoi n° F 19-23.978, entraînera la cassation par voie de conséquence de l'arrêt attaqué, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile :

13. Il résulte de ce texte que, sur les points qu'elle atteint, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

14. La cassation de l'arrêt du 7 décembre 2017 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 8 novembre 2018 qui en est la suite.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 7 décembre 2017 et 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne Mme [E] [Q] et M. [H] [Q] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° D 19-23.976 par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat aux Conseils, pour Mme [K].

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR annulé l'acte de notoriété établi le 7 mai 2009 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Lamentin (Martinique) ;

AUX MOTIFS QUE

« Aux termes de l'article 310-1 du code civil la filiation peut être légalement établie par un acte de notoriété.

Selon l'article 317 du même code, dans sa rédaction applicable au mois de mai 2009, chacun des parents peut demander au juge que lui soit délivré, dans les conditions prévues à l'article 71 , un acte de notoriété faisant foi de la possession d'Etat jusqu'à preuve contraire.

Quand le parent prétendu est décédé avant la déclaration de naissance de l'enfant l'acte de notoriété peut être délivré en prouvant, au sens de l'article 311–1, une possession d'état établie par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre la personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir.

L'article 71 du code civil applicable au mois de mai 2009 précise que l'acte de notoriété contiendra la déclaration faite par trois témoins qui signeront l'acte avec le juge d'instance.

L'acte de notoriété dressé le 7 mai 2009 par le juge d'instance du Lamentin indique le nom de trois témoins attestant que [U] [K] est la fille naturelle de [G] [Q] « qui l'a toujours traitée comme son enfant, a pourvu aÌ son éducation, son entretien et son établissement, l'enfant étant reconnue comme son enfant non seulement par les membres de la famille mais également par la société ».

Le juge s'est contenté de reprendre exactement les termes de l'article 311-1 du code civil sans mentionner la teneur de la déclaration des trois témoins et donc sans faire état de faits concrets et précis révélant le lien de filiation entre [U] [K] et [G] [Q] contrairement aux dispositions des articles 317 et 71 du code civil applicables au mois de mai 2009.

Or ces articles imposent que les faits constitutifs de la possession d'état soient relevés dans l'acte de notoriété afin de constater que la possession d'état présente toutes les qualités requises pour produire ses effets légaux.


L'acte de notoriété du 7 mai 2009 ne respecte nullement les prescriptions légales et encourt donc la nullité telle que prononcée par le jugement entrepris qui sera confirmé de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE

« L'article 311-1 du code civil dispose que La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir.

Les principaux de ces faits sont :

1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ;
2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ;
3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;
4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ;
5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue.

L'article 311-2 ajoute que la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque.

Conformément aux disposition des articles 317 et 71 du code civil, dans leur rédaction applicable au 7 mai 2009, la possession d'état pouvait être constatée par un acte de notoriété, établi par le juge d'instance, sur la foi des déclarations d'au moins trois témoins, et faisant foi jusqu'à preuve du contraire.

En l'espèce, l'acte de notoriété établi le 7 mai 2009 par le juge des tutelles du tribunal d'instance du Lamentin (Martinique) est dépourvu de toute motivation ou mention du contenu des déclarations des trois témoins entendus. Les faits dont ceux-ci ont pu avoir connaissance à propos des relations entre M. [G] [Q] et Mme [U] [K] sont donc énigmatiques, dans la mesure où tous les témoins sont nés et domiciliés en Martinique, tandis que Mme [U] [K] est née à Casablanca et a vécu de 4 à 16 ans à [Localité 1] et qu'il est constant que M. [G] [Q] a simplement quitté Casablanca (Maroc) ponctuellement quelques mois par an pour séjourner dans l'Aveyron, puis définitivement pour passer ses dernières années de vie à [Localité 1].

Si Mme [U] [K] est née à Casablanca, où vivait également M. [G] [Q], elle est, de son propre aveu, partie du Maroc à l'âge de 4 ans, pour s'installer à [Localité 1] jusqu'à ses 16 années, ce qui exclut toute proximité avec celui qu'elle présente comme son père durant toute son enfance et son adolescence. Les trois documents qu'elle produit sont d'ailleurs récents : deux photographies d'elle, à l'âge adulte, en compagnie de M. [G] [Q], une lettre sibylline date du 20 juin 1989 censée émaner de M. [Z], présenté comme l'associé du défunt, trois transfert d'argent de M. [G] [Q] à son ordre de 5 000 F 25 000 F 30 000 F, en date respectivement des 12 juillet 1986, 17 novembre 1987 et 10 aout 1988.

Concentrés sur quelques années, tardifs et clairsemés, ces éléments sont équivoques sur le lien de filiation lui-même et ne révèlent aucune possession d'état continue. M. [G] [Q] n'aurait par ailleurs donné quasiment aucune publicité à sa prétendue paternité car, en plus de sa famille légitime, ses plus proches amis attestent qu'il n'a jamais évoqué l'existence d'un enfant naturel alors qu'ils recevaient parfois ses confidences les plus intimes.

Il en résulte que les défendeurs rapportent la preuve de l'absence de possession d'état d'enfant naturel de Mme [U] [K] à l'égard de M. [G] [Q] et de l'insuffisance manifeste de l'acte de notoriété du 7 mai 2009 qui encourt par suite l'annulation » ;

1°) ALORS QUE ni l'acte de notoriété, ni le refus de le délivrer ne sont sujets à recours ; qu'en annulant l'acte de notoriété du 7 mai 2009 du juge des tutelles du tribunal d'instance de Lamentin, la cour d'appel a violé l'article 317 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'aucune disposition n'impose que les faits constitutifs de la possession d'état soient relevés dans l'acte de notoriété ; qu'en jugeant expressément le contraire, indiquant à tort que « ces articles (317 et 71 du code civil) imposent que les faits constitutifs de la possession d'état soient relevés dans l'acte de notoriété afin de constater que la possession d'état présente toutes les qualités requises pour produire ses effets légaux » (arrêt, p.5 3ème paragraphe), la cour d'appel, qui a ajouté des conditions de régularité formelle de l'acte de notoriété non prévues par les textes, a violé les articles 71, 311-1 et 317 du code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU' aucune disposition n'impose que l'acte de notoriété mentionne la teneur exacte de la déclarations des trois témoins sur la foi desquelles il est établi ; qu'en se fondant sur la circonstance que l'acte de notoriété ne mentionnait pas la teneur des déclarations des témoins pour l'annuler, la cour d'appel, qui a ajouté des conditions non prévues par les textes, a violé les articles 71, 311-1 et 317 du code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'acte de notoriété délivré par le juge des tutelles fait foi de la possession d'état d'enfant naturel jusqu'à preuve du contraire ; que pour juger que les défendeurs rapportaient la preuve de l'absence de possession d'état d'enfant naturel de Mme [K] à l'égard de M. [Q], les premiers juges ont relevé que les documents produits par Mme [K] étaient trop « récents », notamment les photographies d'elle en compagnie de M. [Q] et les transferts d'argent de ce dernier à son profit, que la lettre émanant de l'associé de M. [Q] qu'elle avait produite était « sibylline » ; qu'ils ont estimés que les documents produits par Mme [K] étaient « concentrés sur quelques années, tardifs et clairsemés » et que « ces éléments sont équivoques sur le lien de filiation lui-même et ne révèlent aucune possession d'état » (jugement, p. 5, 1er paragraphe) ; que s'il fallait considérer ces motifs adoptés, la cour d'appel a alors inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 317 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce.


Moyen produit au pourvoi n° F 19-23.978 par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat aux Conseils, pour Mme [K].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que [U] [K] ne rapportait pas la preuve de la possession d'état d'enfant naturel à l'égard de [G] [Q], d'AVOIR dit que le motif invoqué par les consorts [Q] pour refuser de se soumettre à l'examen biologique prescrit par l'arrêt du 7 décembre 2017 était légitime, d'AVOIR dit que l'action en recherche de paternité de [U] [K] dirigée contre les ayant droit de [G] [Q] était forclose et d'AVOIR, en conséquence, déclaré [U] [K] irrecevable en cette action ;

ALORS QUE, la cassation de l'arrêt mixte du 7 décembre 2017 à intervenir sur le pourvoi n° D 19-23.976, entrainera la cassation par voie de conséquence de l'arrêt attaqué, en application de l'article 625 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que [U] [K] ne rapportait pas la preuve de la possession d'état d'enfant naturel à l'égard de [G] [Q] ;

AUX MOTIFS QUE

« L'arrêt mixte du 7 décembre 2017 a annulé l'acte de notoriété constatant la possession d'état d'enfant naturel de [U] [K].

Cet arrêt a également jugé dans ses motifs, ce qu'il conviendra de reprendre dans la présent dispositif, que [U] [K] ne rapportait pas la preuve d'une possession d'état d'enfant naturel à l'égard de [G] [Q].

En effet, d'une part, le courrier du 20 juin 1989 écrit par l'associé du défunt et faisant état des relations intimes entretenues par [G] [Q] avec sa secrétaire et des envois réguliers d'argent pour l'entretien de l'enfant n'est pas corroboré par les bordereaux de versement de chèques qui sont renseignés par l'appelante ellemême et d'autre part, les photographies montrant ensemble [G] [Q] et [U] [K] âgée d'une vingtaine d'années ne permettent pas de rapporter la preuve de relations intimes entre [T] [K] et [G] [Q] pendant la période légale de conception de [U] » ;

1°) ALORS QUE la possession d'état, qui ne caractérise pas un lien biologique, mais un lien social et affectif, s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à qui elle est dite appartenir, tel que le fait que cette personne a été traitée par celui dont on la dit issue comme son enfant et qu'elle-même l'a traitée comme son parent ; que ce lien affectif peut être établi par tout moyen, notamment des photographies ; que pour juger que les photographies montrant Mme [K] et M. [Q] ensemble n'apportaient pas la preuve de la possession d'état d'enfant naturel, la cour d'appel a relevé que ces photographies n'apportaient « pas la preuve de relations intimes entre [T] [K] et [G] [Q] pendant la période légale de conception » de l'exposante ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à exclure la possession d'état, et sans rechercher si les pièces produites ne démontraient pas que M. [Q] considérait Mme [K] comme sa fille, la cour d'appel a violé l'article 311-1 du code civil ;

2°) ALORS QUE la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à qui elle est dite appartenir, tel que le fait que le parent a pourvu à son éducation, à son entretien et à son installation ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée (concl. d'appel, p. 5), si le fait que M. [Q] ait contribué à l'éducation et à l'entretien de Mme [K], en payant ses études et en l'accueillant à son domicile marocain pour les vacances, ne démontrait pas la possession d'état par Mme [K] d'enfant naturel de M. [Q], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 311-1 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le motif invoqué par les consorts [Q] pour refuser de se soumettre à l'examen biologique prescrit par l'arrêt du 7 décembre 2017 était légitime, d'AVOIR dit que l'action en recherche de paternité de [U] [K] dirigée contre les ayant droit de [G] [Q] était forclose et d'AVOIR, en conséquence, déclaré [U] [K] irrecevable en cette action ;

AUX MOTIFS QUE

« La cour, statuant ensuite sur l'action en recherche de paternité, a ordonné une expertise biologique qui est de droit en la matière sauf motif légitime.

Les intimés ont refusé de se soumettre à cet examen biologique en invoquant la prescription de l'action en recherche de paternité.

L'appelante n'a pas conclu sur ce point.

Dès lors que [U] [K], née le [Date naissance 1] 1968, avait plus de 28 ans à la date d'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, de l'ordonnance du 4 juillet 2005 ayant allongé la durée de la prescription de l'action en recherche de paternité à 10 ans, elle ne peut bénéficier des dispositions de l'article 321 du code civil issues de cette ordonnance.

Il convient d'appliquer par conséquent l'ancien article 340-4 du code civil qui prévoyait que l'action devait être engagée par l'enfant dans un délai préfix de deux ans à compter de sa majorité, ce que la cour aurait dû relever d'office dans son arrêt du 7 décembre 2017 (Civ. 1er, 2 juin 1992).

L'action en recherche de paternité ayant été intentée le 4 janvier 2012, soit plus de deux ans après la majorité de [U] [K] (atteinte le 20 juillet 1986), elle doit être déclarée forclose.

Le motif invoqué par les intimés pour refuser de se soumettre à l'examen biologique prescrit par la cour est légitime et il convient d'y faire droit en déclarant l'action intentée par [U] [K] irrecevable » ;

1°) ALORS QUE l'action en pétition d'hérédité, qui est une action personnelle, se prescrit par cinq ans à compter de la date d'ouverture de la succession ; que la cour d'appel, après avoir constaté que M. [Q] était « décédé à [Localité 1] le [Date décès 1] 2009 » (arrêt p.3) et que Mme [K] avait assigné les consorts [Q] « par exploit du 4 janvier 2012 (…) afin d'obtenir sa part sans la succession de son père » (arrêt p. 3), a jugé que l'action qu'elle a qualifié de « recherche de paternité », était forclose et a déclaré Mme [K] irrecevable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 2224 du code civil.

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