22 September 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-24.051

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01038

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 septembre 2021




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1038 F-D

Pourvoi n° K 19-24.051




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

La société Coopérative vinicole et agricole Les Coteaux de Pierrevert, exerçant sous l'enseigne Coopérative Les Coteaux de Pierrevert, société civile agricole, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 19-24.051 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [B] [D], épouse [V], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Coopérative vinicole et agricole Les Coteaux de Pierrevert, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme [D], après débats en l'audience publique du 23 juin 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 septembre 2019), Mme [D] a été engagée en qualité de secrétaire le 1er avril 1999 par la société Coopérative vinicole et agricole les coteaux de Pierrevert (la société).

2. Elle a été élue en 2005 en qualité de délégué du personnel suppléant.

3. Elle a été en arrêt de travail à compter du 20 décembre 2014.

4. Le 12 mars 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et de demandes en paiement d'indemnités de rupture.

5. Elle a été déclarée inapte en une seule visite par le médecin du travail le 2 février 2016 et a été licenciée pour inaptitude le 4 mai 2016, après autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail du 26 avril 2016.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui verser une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que si, dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait cependant pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; que le juge judiciaire reste toutefois incompétent pour connaître de la contestation par le salarié protégé de la cause ou de la validité de son licenciement, autorisé par l'administration du travail, en raison d'un harcèlement ou de tout manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé in limine qu'un salarié protégé, licencié après autorisation administrative pour inaptitude physique, pouvait faire valoir devant le juge judiciaire tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à des manquements de l'employeur à ses obligations et qu'il appartenait au juge judiciaire, le cas échéant, de faire droit à la demande de dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; qu'elle a constaté qu'il a été reconnu que la salariée a été victime d'agissements déloyaux de la part de son employeur et de harcèlement moral ayant eu des répercussions sur sa santé mentale et qu'il ressort des éléments médicaux qu'elle a décrits que l'inaptitude de Mme [V] était en lien direct avec le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'elle en a déduit que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse et, suivant le régime de la rupture pour inaptitude d'origine professionnelle, elle a fait application de l'indemnité minimale de douze mois prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail applicable en la cause ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs. »

Réponse de la Cour

3. Dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement. Il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail. Ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations. A cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

4. La cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait été licenciée pour inaptitude le 4 mai 2016 et a retenu par des motifs non critiqués que la salariée avait fait l'objet d'un harcèlement moral à l'origine de cette inaptitude, en a exactement déduit qu'elle était compétente, même en présence d'une autorisation de licenciement pour inaptitude, pour accorder des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui verser une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la consultation des délégués du personnel, prévue par l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, constitue une formalité substantielle, à laquelle est subordonnée la légalité de l'autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé ; qu'il appartient, en effet, à l'administration de vérifier qu'avant que soient faites au salarié protégé, déclaré inapte par le médecin du travail à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, des propositions de poste de reclassement, les délégués du personnel ont été consultés par l'employeur et ont été en mesure d'émettre un avis ; qu'ainsi, en l'état d'une autorisation administrative non frappée de recours accordée à l'employeur de licencier, pour inaptitude, un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, contrôler le respect par l'employeur de son obligation de consulter pour avis les délégués du personnel ; qu'en l'espèce, il est constant, et non débattu, que la société Coopérative vinicole et agricole Les Coteaux de Pierrevert a obtenu de l'inspecteur du travail, le 26 avril 2016, l'autorisation de licencier Mme [V] pour inaptitude et impossibilité de reclassement et que cette décision n'a été frappée d'aucun recours de la part de la salariée ; qu'après avoir estimé qu'il devait être fait application au licenciement pour inaptitude de la salariée, qu'elle a dit sans cause réelle et sérieuse, les règles protectrices des victimes d'accident du travail, la cour d'appel a relevé que la société ne prétendait pas avoir consulté les délégués du personnel sur les recherches de reclassement de Mme [V] et décidé qu'en conséquence, celle-ci avait droit à l'indemnité minimale de douze mois de salaires prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail applicable au présent litige ; qu'en statuant ainsi, en contrôlant le respect par l'employeur de l'obligation de consulter les délégués du personnel, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de la séparation des pouvoirs et l'article L. 1226-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable :

7. En application du texte susvisé, en cas de refus de réintégration d'un salarié licencié en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, le tribunal octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires. En application du principe susvisé, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement pour inaptitude d'un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier la régularité de la procédure d'inaptitude et le respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

8. Pour condamner la société à verser une certaine somme à la salariée à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a retenu que la société connaissait la volonté de la salariée de faire reconnaître le caractère professionnel de l'accident du 19 décembre 2014, qu'elle devait, par conséquent, appliquer les règles protectrices des victimes d'accident du travail et que la société ne prétendait pas avoir consulté les délégués du personnel sur les recherches de reclassement de la salariée, qui avait ainsi droit à l'indemnité minimale de douze mois de salaire prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Coopérative vinicole et agricole Les Coteaux de Pierrevert à verser à Mme [D], épouse [V] la somme de 27 615,36 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1226-15 du code du travail, l'arrêt rendu le 6 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne Mme [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Pécaut-Rivolier, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Coopérative vinicole et agricole Les Coteaux de Pierrevert


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Mme [V] sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société COOPÉRATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamné à payer à la salariée une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,

« Sur le licenciement :
Madame [B] [V] invoque que son inaptitude, d'origine professionnelle a été consécutive à des manquements préalables de l'employeur, qu'à défaut d'annulation de son licenciement, la concluante sollicite sa requalification en un licenciement sans cause réelle et sérieuse comme prévu légalement lorsque celui-ci est la conséquence directe d'un harcèlement moral, que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement, que la coopérative LES COTEAUX DE PIERREVERT était parfaitement informée du recours entrepris par la salariée à l'encontre du refus de prise en charge de son accident au titre de la législation sur les risques professionnels et alors que l'inspecteur du travail a autorisé "le licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement de Mme [V] [B]", la coopérative n'a pas consulté les délégués du personnel et qu'il s'ensuit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La société LES COTEAUX DE PIERREVERT réplique que l'avis d'inaptitude rendu par la médecine du travail précisait qu'il s'agissait d'une maladie ou d'un accident non professionnel et n'a jamais été contesté par la salariée, que la décision de l'inspecteur du travail ayant nécessairement pris en compte la question de l'accident du 19 décembre 2014 et l'inaptitude de la salariée s'impose à la Cour, qu'en tout état de cause l'employeur n'a pas eu connaissance du caractère professionnel de l'accident subi par la salariée antérieurement à son licenciement alors que ce n'est que par jugement du 21 décembre 2016 que le TASS des Alpes de Haute-Provence a jugé que Mme [V] avait été victime d'un accident du travail, que l'employeur n'ayant donc eu connaissance du caractère professionnel de l'accident subi par la salariée que postérieurement à son licenciement (8 mois plus tard), il ne saurait lui être reproché d'avoir rompu le contrat de travail en méconnaissance des dispositions protectrices du code du travail, que la demande de Madame [B] [V] visant à ce que l'inaptitude prononcée par la médecine du travail à l'égard de la salariée soit considérée comme ayant une origine professionnelle doit être rejetée, que le juge judiciaire ne peut, en l'état de l‘autorisation accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé et sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement, que la société concluante n'avait pas à consulter les délégués du personnel, qu'au surplus, la société concluante rapporte la preuve de l'exécution loyale de l'obligation de reclassement qui a par ailleurs été constatée par l'inspecteur du travail dans sa décision et que Madame [B] [V] doit être déboutée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il a été d'ores et déjà été vu qu'il n'appartenait pas à l'administration du travail, chargée de vérifier que l'inaptitude physique de la salariée est réelle et justifie son licenciement, de rechercher la cause de cette inaptitude ; ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que la salariée fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'elle l'attribue à des manquements de l'employeur à ses obligations ; à cet égard, il appartient au juge judiciaire, le cas échéant, de faire droit à la demande dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Alors qu'il a été reconnu que la salariée avait été victime d'agissements déloyaux de la part de son employeur et de harcèlement moral ayant eu des répercussions sur sa santé mentale, il ressort des éléments médicaux décrits ci-dessus que l'inaptitude de Madame [V] est en lien direct avec le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Il s'ensuit que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Au surplus, la société LES COTEAUX DE PIERREVERT était informée de la demande de reconnaissance par Madame [B] [V] du caractère professionnel de l'accident du 19 décembre 2014 puisque ses co présidents, Messieurs [O] [C] et [J] [G], ont été entendus le 16 avril 2015 dans le cadre de l'enquête effectuée par la MSA suite à la déclaration d'accident du travail de Madame [B] [V], laquelle a informé son employeur par courrier recommandé du 29 mars 2016 qu'elle avait entrepris un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour faire reconnaître le caractère professionnel de son accident, lui indiquant qu'elle considérait que son inaptitude était d'origine professionnelle.
La société LES COTEAUX DE PIERREVERT connaissait donc la volonté de la salariée de faire reconnaître le caractère professionnel de l'accident du 19 décembre 2014. Elle devait, par conséquent, appliquer les règles protectrices des victimes d'accident du travail. La société intimée ne prétend pas avoir consulté les délégués du personnel sur les recherches de reclassement de Madame [V].
En conséquence, Madame [B] [V] a droit à l'indemnité minimale de 12 mois de salaire prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail applicable au présent litige.
L'appelante ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle.
En considération de son ancienneté de 17 ans dans l'entreprise occupant plus de 10 salariés et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Madame [B] [V] la somme brute de 27 615,36 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient d'accorder à Madame [B] [V] la somme brute de 4602,56 euros à titre d'indemnité compensatrice en application de l'article L. 1226-14 du code du travail applicable au présent litige, cette indemnité n'ouvrant pas droit aux congés payés afférents. La salariée est donc déboutée de sa demande en paiement d'indemnité de congés payés d'un montant de 460,25 euros.
Madame [B] [V] a également droit à l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail, égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail. Il convient dès lors de faire droit à la réclamation de la salariée, selon les calculs détaillés qu'elle présente et qui ne sont pas discutés par l'employeur, et d'accorder à Madame [V] la somme de 17 398,56 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement. » ;

ALORS, en premier lieu, QUE, si, dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait cependant pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; que le juge judiciaire reste toutefois incompétent pour connaître de la contestation par le salarié protégé de la cause ou de la validité de son licenciement, autorisé par l'administration du travail, en raison d'un harcèlement ou de tout manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé in limine qu'un salarié protégé, licencié après autorisation administrative pour inaptitude physique, pouvait faire valoir devant le juge judiciaire tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à des manquements de l'employeur à ses obligations et qu'il appartenait au juge judiciaire, le cas échéant, de faire droit à la demande de dommagesintérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; qu'elle a constaté qu'il a été reconnu que la salariée a été victime d'agissements déloyaux de la part de son employeur et de harcèlement moral ayant eu des répercussions sur sa santé mentale et qu'il ressort des éléments médicaux qu'elle a décrits que l'inaptitude de Mme [V] était en lien direct avec le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'elle en a déduit que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse et, suivant le régime de la rupture pour inaptitude d'origine professionnelle, elle a fait application de l'indemnité minimale de douze mois prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail applicable en la cause ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs ;

ALORS, en deuxième lieu, QUE la consultation des délégués du personnel, prévue par l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, constitue une formalité substantielle, à laquelle est subordonnée la légalité de l'autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé ; qu'il appartient, en effet, à l'administration de vérifier qu'avant que soient faites au salarié protégé, déclaré inapte par le médecin du travail à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, des propositions de poste de reclassement, les délégués du personnel ont été consultés par l'employeur et ont été en mesure d'émettre un avis ; qu'ainsi, en l'état d'une autorisation administrative non frappée de recours accordée à l'employeur de licencier, pour inaptitude, un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, contrôler le respect par l'employeur de son obligation de consulter pour avis les délégués du personnel ; qu'en l'espèce, il est constant, et non débattu, que la société COOPÉRATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT a obtenu de l'inspecteur du travail, le 26 avril 2016, l'autorisation de licencier Mme [V] pour inaptitude et impossibilité de reclassement et que cette décision n'a été frappée d'aucun recours de la part de la salariée ; qu'après avoir estimé qu'il devait être fait application au licenciement pour inaptitude de la salariée, qu'elle a dit sans cause réelle et sérieuse, les règles protectrices des victimes d'accident du travail, la cour d'appel a relevé que la société ne prétendait pas avoir consulté les délégués du personnel sur les recherches de reclassement de Mme [V] et décidé qu'en conséquence, celleci avait droit à l'indemnité minimale de douze mois de salaires prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail applicable au présent litige ; qu'en statuant ainsi, en contrôlant le respect par l'employeur de l'obligation de consulter les délégués du personnel, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs ;

ALORS, en troisième lieu, QUE la consultation des délégués du personnel, prévue par l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, constitue une formalité substantielle, dont la méconnaissance par l'employeur donne droit au salarié, licencié pour inaptitude d'origine professionnelle et dont la réintégration a été refusée, à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires ; qu'il appartient à l'administration de vérifier qu'avant que soient faites au salarié protégé, déclaré inapte par le médecin du travail à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, des propositions de poste de reclassement, les délégués du personnel ont été consultés par l'employeur et ont été en mesure d'émettre un avis ; qu'ainsi, en l'état d'une autorisation administrative non frappée de recours accordée à l'employeur de licencier, pour inaptitude, un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, contrôler le respect par l'employeur de son obligation de consulter pour avis les délégués du personnel ; qu'en l'espèce, il est constant, et non débattu, que la société COOPÉRATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT a obtenu de l'inspecteur du travail, le 26 avril 2016, l'autorisation de licencier Mme [V] pour inaptitude et impossibilité de reclassement et que cette décision n'a été frappée d'aucun recours de la part de la salariée ; qu'après avoir estimé qu'il devait être fait application au licenciement pour inaptitude de la salariée, qu'elle a dit sans cause réelle et sérieuse, les règles protectrices des victimes d'accident du travail, la cour d'appel a relevé que la société ne prétendait pas avoir consulté les délégués du personnel sur les recherches de reclassement de Mme [V] et décidé qu'en conséquence, celle-ci avait droit à l'indemnité minimale de douze mois de salaires prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail applicable au présent litige ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle ne pouvait valablement faire état de l'absence de consultation par l'employeur des délégués du personnel, et en faisant application de l'indemnité minimale de douze mois de salaires en dehors des cas dans lesquels cette indemnité est susceptible d'être due, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail, dans leur version applicable au litige.

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