22 September 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.635

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01024

Texte de la décision

SOC.

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 septembre 2021




Cassation partielle sans renvoi


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1024 F-D

Pourvoi n° H 20-17.635




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

Le comité social et économique (CSE) Eiffage énergie systèmes Val de Loire, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) Eiffage énergie systèmes Val de Loire, a formé le pourvoi n° H 20-17.635 contre l'ordonnance rendue en la forme des référés le 9 juin 2020 par le président du tribunal judiciaire de Tours, dans le litige l'opposant à la société Eiffage énergie systèmes Val de Loire, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du CSE Eiffage énergie systèmes Val de Loire, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Eiffage énergie systèmes Val de Loire, après débats en l'audience publique du 23 juin 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal judiciaire de Tours, 9 juin 2020), statuant en la forme des référés, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Eiffage énergie systèmes Val de Loire (la société Eiffage) a adopté le 4 octobre 2019 une délibération décidant d'une mesure d'expertise pour risque grave et désigné le 21 octobre 2019 le cabinet Ircaf Réseau pour y procéder.

2. Par acte d'huissier du 5 novembre 2019, la société a assigné le CHSCT devant le président du tribunal de grande instance en annulation de cette délibération, subsidiairement, en annulation de la désignation du cabinet Ircaf Réseau en qualité d'expert.

Examen des moyens

Sur les premiers et troisièmes moyens


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. Le comité social et économique de la société Eiffage, venant aux droits du CHSCT, fait grief à l'ordonnance de lui enjoindre de désigner un cabinet autre que le cabinet Ircaf Réseau, alors « que le CHSCT choisit librement l'expert auquel il décide de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui est donné par l'article L. 4614-12 du code du travail ; que s'il peut annuler la désignation d'un expert entachée d'un abus manifeste, le juge ne peut ni imposer au CHSCT le choix d'un expert, ni lui interdire de désigner un expert en particulier ; qu'en enjoignant au CHSCT de la société Eiffage de désigner un expert autre que le cabinet Ircaf Réseau, le tribunal a violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 4614-12 du code du travail, alors applicable :

5. II résulte de ce texte que, sauf abus manifeste, le juge n'a pas à contrôler le choix de l'expert auquel le CHSCT a décidé de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui est donné par l'article L. 4614-12 du code du travail.

6. Après avoir retenu que le CHSCT n'avait pas respecté son devoir de loyauté s'agissant des modalités de désignation de l'expert et qu'il convenait en conséquence d'annuler la désignation du cabinet Ircaf Réseau, le président du tribunal judiciaire a enjoint au CHSCT de désigner un autre expert.

7. En statuant ainsi, le président du tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. Il convient de débouter la société de sa demande tendant à voir enjoindre au CHSCT de désigner un autre expert que le cabinet Ircaf Réseau.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle enjoint au CHSCT de la société Eiffage énergie systèmes Val de Loire de désigner un autre expert que le cabinet Ircaf Réseau, l'ordonnance rendue le 9 juin 2020, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Tours ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la société Eiffage énergie systèmes Val de Loire de sa demande tendant à voir enjoindre au CHSCT de la société Eiffage énergie systèmes Val de Loire de désigner un autre expert que le cabinet Ircaf Réseau ;

Condamne la société Eiffage énergie systèmes Val de Loire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eiffage énergie systèmes Val de Loire ;

En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Eiffage énergie systèmes Val de Loire à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 600 euros TTC ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le CSE Eiffage énergie systèmes Val de Loire.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le CSE de la société Eiffage, venant aux droits du CHSCT, fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR annulé pour abus la résolution du CHSCT de la société Eiffage du 21 octobre 2019 ayant désigné le cabinet IRCAF Réseau pour réaliser l'expertise, de lui AVOIR enjoint de désigner un cabinet autre que le cabinet 5 IRCAF Réseau, de l'AVOIR condamné aux dépens de l'instance et d'AVOIR rejeté sa demande de condamnation de la société Eiffage à lui rembourser les frais générés par l'instance.

1° ALORS QUE sauf abus manifeste, le juge n'a pas à contrôler le choix de l'expert auquel le CHSCT a décidé de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui est donné par l'article L.4614-12 du code du travail ; que la circonstance que le CHSCT ait désigné un expert sans disposer d'offre ni connaître les modalités et le coût de l'intervention de l'expert ne saurait caractériser un tel abus, les modalités et le coût de l'intervention de l'expertise pouvant être définis après la désignation de l'expert ; qu'en retenant, pour annuler la désignation du cabinet IRCAF, que le CHSCT avait désigné cet expert sans disposer ni d'offre ni d'explication sur la méthodologie proposée ou le coût de l'intervention, le tribunal a statué par des motifs impropres à caractériser un abus manifeste et violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail.

2° ALORS QUE sauf abus manifeste, le juge n'a pas à contrôler le choix de l'expert auquel le CHSCT a décidé de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui est donné par l'article L.4614-12 du code du travail ; que seuls les éléments connus à la date de la désignation de l'expert peuvent caractériser un abus manifeste du CHSCT ; qu'en se fondant sur les éléments ressortant de la convention d'expertise produite par la société IRCAF postérieurement à sa désignation pour considérer que le CHSCT avait commis un abus manifeste dans la désignation de l'expert, le tribunal a violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail.

3° ALORS QUE la décision de recourir à une expertise pour risque grave et la désignation de l'expert choisi pour réaliser l'expertise sont des décisions sur lesquelles les membres élus du CHSCT doivent seuls se prononcer, à l'exclusion de l'employeur, président du comité ; que la désignation de l'expert ne saurait donc être invalidée au motif qu'elle ne résulterait pas d'un accord entre les membres élus et le président du CHSCT ; qu'en retenant que le CHSCT ne pouvait désigner le cabinet IRCAF motif pris que celui-ci ne pouvait procéder à une telle désignation sans constater de désaccord entre son président et les membres élus sur les offres présentées par deux autres cabinets, le tribunal a violé les articles L. 4614-2 et L. 4614-12 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Le CSE de la société Eiffage, venant aux droits du CHSCT, fait grief à l'ordonnance attaquée de lui AVOIR enjoint de désigner un cabinet autre que le cabinet IRCAF Réseau.

ALORS QUE le CHSCT choisi librement l'expert auquel il décide de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui est donné par l'article L. 4614-12 du code du travail ; que s'il peut annuler la désignation d'un expert entachée d'un abus manifeste, le juge ne peut ni imposer au CHSCT le choix d'un expert, ni lui interdire de désigner un expert en particulier ; qu'en enjoignant au CHSCT de la société Eiffage de désigner un expert autre que le cabinet IRCAF Réseau, le tribunal a violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le CSE de la société Eiffage, venant aux droits du CHSCT, fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR déclaré recevable la contestation de la société Eiffage concernant le périmètre de l'expertise et son coût prévisionnel et d'AVOIR jugé que le périmètre de l'expertise devra se limiter aux établissements de [Établissement 1], à l'exclusion de celui de [Localité 3] ([Localité 1]), et de [Localité 2] pour les services de la FDJ, THERME, Grands Projets et INFRA.

ALORS QUE l'employeur peut contester le périmètre de l'expertise dans un délai de quinze jours à compter de la délibération définissant ce périmètre ; que lorsque le périmètre de l'expertise a été défini et porté à la connaissance de l'employeur avant l'adoption de la délibération formalisant la décision du CHSCT de recourir à l'expertise, le délai de contestation du périmètre de l'expertise court à compter de cette délibération ; que le tribunal a constaté que le périmètre de l'expertise avait été défini et porté à la connaissance de l'employeur par un courrier du CHSCT du 15 mars 2019 reçu le 18 mars 2019, avant l'adoption de la délibération du 4 octobre 2019 formalisant la décision du CHSCT de recourir à l'expertise ; qu'il résulte de constat que le délai de contestation du périmètre de l'expertise a commencé à courir à compter de la délibération du 4 octobre 2019 ; qu'en disant néanmoins recevable la contestation du périmètre de l'expertise portée devant lui le 5 novembre 2019, soit plus de quinze jours après la délibération du 4 octobre 2019, le tribunal a violé l'article L. 4614-13 du code du travail.

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