22 September 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-10.887

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01021

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 septembre 2021




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1021 F-D

Pourvoi n° X 20-10.887




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

1°/ M. [H] [M], domicilié [Adresse 1],

2°/ le syndicat CGT Randstad France dit CGT groupe Randstad France, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ le syndicat CGT interim, dont le siège est [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° X 20-10.887 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant à la société Randstad, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [M], du syndicat CGT Randstad France dit CGT groupe Randstad France et du syndicat CGT interim, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Randstad, après débats en l'audience publique du 23 juin 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 2019), par lettre recommandée avec accusé réception du 17 septembre 2018, le syndicat CGT Randstad France a désigné, en qualité de représentant syndical au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement Randstad Inhouse Services de la société Randstad (la société), M. [M], salarié intérimaire, qui y était rattaché.

2. La société Randstadt a fait assigner le syndicat et le salarié devant le tribunal de grande instance pour obtenir l'annulation de cette désignation au motif que le salarié intérimaire en cause ne remplissait pas la condition d'ancienneté prévue à l'article L. 1251-54, 2°, du code du travail.

3. Le syndicat CGT Interim est intervenu à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le syndicat CGT Randstad France, le syndicat CGT interim et le salarié font grief à l'arrêt d'annuler la désignation en date du 17 septembre 2018 de M. [M] en qualité de représentant syndical au CHSCT de l'établissement Randstad Inhouse Services, alors « qu'en application l'article 23 de l'accord national interprofessionnel du 17 mars 1975 relatif à l'amélioration des conditions de travail, chaque organisation syndicale représentative peut désigner, dans les établissements de plus de 300 salariés, un représentant syndical au CHSCT choisi parmi le personnel de l'établissement concerné, de sorte que tout travailleur rattaché à l'établissement où est constitué un CHSCT peut y être désigné en qualité de représentant syndical ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié exposant était travailleur intérimaire rattaché à l'établissement Randstad Inhouse Services au jour de sa désignation en qualité de représentant syndical au CHSCT de cet établissement ; qu'en annulant néanmoins sa désignation, aux motifs erronés qu'il ne faisait pas partie des effectifs de l'établissement au sens de l'article L. 1251-54, 2°, du code du travail, la cour d'appel a violé l'accord cadre interprofessionnel du 17 mars 1975 en lui ajoutant une condition non prévue et, par fausse application, l'article L. 1251-54 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 1251-54, 2°, du code du travail, pour calculer les effectifs d'une entreprise de travail temporaire, il est tenu compte des salariés temporaires qui ont été liés à cette entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile.

6. Selon l'article 23 de l'accord national interprofessionnel étendu du 17 mars 2015 sur l'amélioration des conditions de travail, le représentant syndical au CHSCT est désigné parmi le personnel de l'établissement concerné.

7. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, ayant constaté que le salarié n'avait effectué aucune mission de travail temporaire en 2017 et seulement huit jours de missions en 2018, a décidé qu'il ne pouvait être désigné en qualité de représentant syndical au CHSCT de l'établissement concerné, quand bien même il était titulaire, le jour de sa désignation, d'une mission.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le syndicat CGT Randstad, le syndicat CGT interim et M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [M], le syndicat CGT Randstad France dit CGT groupe Randstad et le syndicat CGT Interim


Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR annulé la désignation en date du 17 septembre 2018 de M. [M] en qualité de représentant syndical au CHSCT de l'établissement Randstad Inhouse Services.

AUX MOTIFS, propres, QUE la société Randstad ne remet pas en cause les dispositions de l'accord cadre du 17 mars 1975 relatif à l'amélioration des conditions de travail, dont l'article 23 dispose que: afin de permettre aux organisations syndicales de participer plus étroitement aux actions de prévention, chaque organisation aura la faculté, dans les établissements occupant plus de 300 salariés, de désigner, parmi le personnel de l'établissement concerné, un représentant qui, s'ajoutant aux personnes désignées à l'article R. 236-6 du code du travail, assistera avec voix consultative aux réunions du CHSCT", applicable à toutes les entreprises, accord cadre signé à une époque où les travailleurs temporaires ne pouvaient pas siéger au sein de l'entreprise de travail temporaire ; le calcul de l'effectif de l'entreprise s'opère, de manière générale, par les articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail et, de façon spécifique, pour les entreprises de travail temporaire par l'article L. 1251-54 du code du travail, qui dispose que : « Pour calculer les effectifs d'une entreprise de travail temporaire, il est tenu compte : / 1° Des salariés permanents de cette entreprise, déterminés conformément à l'article L. 1111-2 ; / 2° Des salariés temporaires qui ont été liés à cette entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile ». L'article 23 précité de l'accord de 1975 prévoit que le représentant au CHSCT ayant voix consultative est désigné parmi « le personnel » de l'établissement concerné, ce qui suppose de déterminer quel salarié fait ou non partie du personnel et donc des effectifs de l'entreprise. Les appelants considèrent que le simple fait pour un travailleur temporaire d'être titulaire d'un contrat de mission le jour de la désignation du représentant par une organisation syndicale suffit à établir qu'il est membre du personnel de cette entreprise. Ils font valoir qu'en matière d'institutions représentatives du personnel, plusieurs textes prévoyaient une condition d'ancienneté dans les entreprises de travail temporaire, tel l'article L. 2324-16 du code du travail, applicable jusqu'au 1er janvier 2018, qui disposait que : « Dans les entreprises de travail temporaire, les conditions d'ancienneté sont, pour les salariés temporaires, de trois mois pour être électeur et de six mois pour être éligible. / Ces conditions sont appréciées en totalisant les périodes pendant lesquelles ces salariés ont été liés à ces entreprises par des contrats de mission au cours des douze mois ou des dix-mois précédant l'élection, selon qu'il s'agit d'électorat ou d'éligibilité. / Ce délai est réduit à six mois en cas de création d'entreprise ou d'ouverture d'établissement. Ils précisent cependant qu'en ce qui concerne le CHSC, l'article L. 4613-2 du code du travail ne prévoyait aucune condition d'ancienneté, puisqu'il était ainsi rédigé : […]. Mais ce texte, de portée générale, ne traitait pas de la situation des travailleurs temporaires au sein des entreprises de travail temporaire et de leur potentielle éligibilité au CHCST de ces mêmes entreprises que nul texte n'avait prévues, d'où la possibilité que leur avait offerte l'accord cadre du 17 mars 1975, d'être désigné en leur sein, à tout le moins avec voix consultative. Toutefois, cela supposait que le travailleur temporaire fasse partie du personnel de l'entreprise de travail temporaire et donc de ses effectifs. Pour cela, il n'existe pas d'autre critère que la condition d'ancienneté de trois mois fixée par le 2° de l'article L. 1251-54 du code du travail précité, peu important qu'il ne soit pas titulaire d'un contrat de mission lors de la réunion du collège désignatif, dès lors qu'il n'a pas fait connaître à l'entrepreneur de travail temporaire qu'il n'entend plus bénéficier d'un nouveau contrat et que ce dernier ne lui a pas notifié sa décision de ne plus faire appel à lui pour de nouveaux contrats. C'est donc à bon droit que le tribunal, constatant que M. [M] n'avait effectué aucune mission pour le compte de la société Randstad en 2017 et ne justifiait pas de l'ancienneté requise pour être éligible a annulé sa désignation intervenue le 17 septembre 2018. […] ;

AUX MOTIFS, adoptés, QU'en l'absence de dispositions spécifiques encadrant la possibilité pour les travailleurs temporaires d'être désignés au CHSCT de l'entreprise de travail temporaire, la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, a retenu dans un arrêt de principe du 22 septembre 2010, que les intérimaires « qui font partie des effectifs de l'entreprise de travail temporaire et y sont électeurs, sont somme les autres salariés éligibles au CHSCT de l'entreprise qui les emploie ». Par une décision en date du 30 septembre 2015, la Cour de cassation a précisé les conditions de cette éligibilité en retenant que « sont éligibles au CHSCT, dans les entreprises de travail temporaire, les salariés intérimaires qui remplissent les conditions visées à l'article L. 1251-54, 2° du code du travail […] ». L'article L. 1251-54, 2° du code du travail dispose que pour calculer les effectifs d'une entreprise de travail temporaire, il est tenu compte des salariés temporaires qui ont été liés à cette entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile. […]. Les conditions de travail des salariés temporaires, même lorsqu'ils sont exclusivement mis à disposition d'entreprises utilisatrices, dépendent cependant aussi de l'entreprise de travail temporaire. Dans la mesure où le CHSCT a pour rôle de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure, de contribuer à l'amélioration des conditions de travail de ces salariés et de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières, il est nécessaire que le représentant syndicale désigné pour siéger au CHSCT fasse partie du personnel de l'entreprise de travail temporaire. Le salarié d'une entreprise de travail intérimaire, étant lié à l'entreprise par des contrats de mission distincts et s'étalant dans le temps, son appartenance à l'entreprise, s'agissant de la faculté pour lui d'être désigné pour exercer des fonctions représentatives, est établis par les articles L. 1251-54 alinéa 2 et suivants du code du travail relatifs au statut des salariés temporaires et permanents de l'entreprise de travail temporaire, dès lors que le salarié justifie de contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile. Cette condition d'intégration ou de comptabilisation dans l'effectif pour pouvoir occuper un mandat de représentant du personnel au CHSCT est conforme au principe selon lequel l'appartenance à la collectivité du personnel de l'entreprise permet de participer aux droits collectifs des travailleurs. En outre, il n'est pas contestable que la société Randstad entre dans le champ d'application de l'accord interprofessionnel du 17 mars 1975 […] qui ne contient aucune disposition permettant de tenir compte de la spécificité du travail temporaire lorsqu'un travailleur temporaire est désigné au sein du CHSCT d'une entreprise de travail temporaire. Aux termes de l'article 23 de cet accord, le représentant syndical au CHSCT peut être désigné « parmi le personnel de l'établissement concerné », ce qui signifie qu'il doit nécessairement appartenir au personnel, et donc s'agissant des travailleurs temporaires, satisfaire aux dispositions dérogatoires de l'article L. 1251-54 alinéa 2° du code du travail. M. [M] ne justifie pas des conditions d'ancienneté déterminées par les textes susvisés puisqu'il ne justifie d'aucun jour de travail sur l'année 2017 et de 10 jours sur l'année 2018, peu importe qu'il ait été en contrat de mission le 17 septembre 2018, jour de sa désignation.

ALORS QU'en application l'article 23 de l'accord national interprofessionnel du 17 mars 1975 relatif à l'amélioration des conditions de travail, chaque organisation syndicale représentative peut désigner, dans les établissements de plus de 300 salariés, un représentant syndical au CHSCT choisi parmi le personnel de l'établissement concerné, de sorte que tout travailleur rattaché à l'établissement où est constitué un CHSCT peut y être désigné en qualité de représentant syndical ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié exposant était travailleur intérimaire rattaché à l'établissement Randstad Inhouse Services au jour de sa désignation en qualité de représentant syndical au CHSCT de cet établissement ; qu'en annulant néanmoins sa désignation, aux motifs erronés qu'il ne faisait pas partie des effectifs de l'établissement au sens de l'article L. 1251-54, 2°, du code du travail, la cour d'appel a violé l'accord cadre interprofessionnel du 17 mars 1975 en lui ajoutant une condition non prévue et, par fausse application, l'article L. 1251-54 du code du travail.

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