15 September 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.909

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00990

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 septembre 2021




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant
fonction de président



Arrêt n° 990 F-D

Pourvoi n° F 19-23.909




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 SEPTEMBRE 2021

La société publique locale Mobilité et stationnement du pays ajaccien, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 19-23.909 contre l'arrêt rendu le 9 octobre 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [Q] [K], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société publique locale Mobilité et stationnement du pays ajaccien, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [K], après débats en l'audience publique du 16 juin 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 9 octobre 2019), Mme [K] a été engagée, à compter du 1er mars 2017, en qualité de manager commercial par la société publique locale Mobilité et stationnement du pays ajaccien, selon contrat de travail à durée déterminée, renouvelé à deux reprises jusqu'au 31 août 2018.

2. Elle a saisi la juridiction prud'homale, le 17 mai 2018, de demandes tendant à la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée et en paiement d'une indemnité de requalification.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2017 et de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité de requalification, alors :

« 1°/ que la mention dans un contrat de travail à durée déterminée qu'il est conclu pour faire face à la réorganisation du service commercial de l'entreprise, laquelle génère nécessairement un accroissement temporaire de l'activité de celle-ci, constitue le motif précis exigé par les articles L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que, nonobstant les stipulations du contrat de travail à durée déterminée ou les mentions de sa fiche de poste, l'embauche d'un manager commercial pour une durée déterminée dont le terme est précisément fixé, n'a ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, lorsqu'elle est justifiée par la mise en oeuvre d'une réorganisation de l'entreprise impliquant - dans le cadre d'une refonte des méthodes de travail - une mission précise et temporaire d'accompagnement des membres de l'équipe commerciale, le temps de cette transition, et à laquelle le directeur commercial et qualité en place ne peut, seul, faire face ; qu'à supposer les motifs des premiers juges adoptés, la cour d'appel a retenu que la fiche de poste de la salariée décrit précisément les missions et fonctions de manager commercial" et que les fonctions et missions visées dans ce document relèvent de l'activité normale et permanente de l'entreprise et ne sauraient s'analyser en un simple surcroît d'activité", pour en déduire que l'objet du contrat, en l'espèce, la réorganisation du service commercial, ne peut, ni par nature, ni par essence, laisser présumer un quelconque caractère temporaire de l'activité" ; qu'en statuant par des motifs inopérants tirés des mentions du contrat de travail et de la fiche de poste, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les circonstances que la salariée avait été embauchée dans le cadre d'un unique contrat à durée déterminée, qu'à l'expiration de ce contrat, aucun salarié n'avait été embauché pour occuper les fonctions assumées auparavant par la salariée et que la mission qui avait été assignée à celle-ci, consistant à accompagner l'équipe commerciale dans la réorganisation des méthodes de travail, n'avait vocation à perdurer que le temps de cette transition, ne permettaient pas de caractériser l'exécution d'une tâche précise et temporaire excluant que l'emploi occupé ait pu être lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel, qui ne s'est pas livrée à l'analyse comparée de l'activité normale de l'entreprise et de celle résultant de cette réorganisation et n'a pas vérifié si les effectifs habituels de l'entreprise pouvaient absorber ce surcroît de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1242-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif.

5. Ayant constaté que le contrat de travail et ses avenants mentionnent qu'ils ont été conclus pour « une réorganisation du service commercial », la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que cette mention ne constitue pas l'énonciation d'un motif précis.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société publique locale Mobilité et stationnement du pays ajaccien aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société publique locale Mobilité et stationnement du pays ajaccien et la condamne à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société publique locale Mobilité et stationnement du pays ajaccien


Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la requalification du contrat de travail en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2017 et condamné la SPL à payer à Mme [K] la somme de 2.558,58 euros à titre d'indemnité de requalification ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en l'espèce, le contrat à durée déterminée à effet du 1er mars 2017, objet de plusieurs avenants, comporte le motif suivant « réorganisation du service commercial » ; que ce motif, qui n'a subi aucune modification par avenants, ne constitue pas un motif précis, tel qu'exigé par les dispositions précitées [articles L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail], permettant de rattacher le contrat à l'un des cas autorisant le recours à un contrat à durée déterminée, ni ne constitue un des motifs prévus par l'article L. 1242-2 ; que l'appelant ne vise aucun texte à l'appui de son moyen suivant lequel une requalification ne pouvait être ordonnée compte tenu de l'activité libérale de formatrice exercée en parallèle par Mme [K] ; que la Cour observe en sus le fait que la salariée ait exercé un temps une activité libérale de formatrice ne s'oppose pas à une requalification du contrat à durée déterminée (ne comportant pas de clause d'exclusivité) en contrat à durée indéterminée ; que dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la requalification du contrat, à durée déterminée, en contrat à durée indéterminée, sauf à rectifier d'office l'erreur matérielle tenant à la date d'effet de la requalification en ce qu'il s'agit du 1er mars 2017 et non du 11 mars 2017 ; que compte tenu de cette requalification, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens développés par l'appelant relatifs à la requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ni les moyens opposés à ces égards par Mme [K] ; qu'au regard de la requalification opérée, de ce qui précède, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à Mme [K] une indemnité de requalification à hauteur de 2.558,58 euros, montant non critiqué par l'employeur, sous la seule réserve que l'employeur se dénomme Société Publique Locale Mobilité et Stationnement du Pays Ajaccien et non Société Publique Locale : Mobilité et Stationnement du Pays Ajaccio ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la requalification du contrat : vu les articles L. 1242-1, 1242-2, 1242-12, 1245-1 du code du travail ; qu'un CDD ne peut pas avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'un CDD ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, dans des cas limitativement énumérés ; qu'en l'espèce, la fiche de poste de Mme [Q] [K] décrit précisément les missions et fonctions de manager commercial ; que les fonctions et missions visées dans ce document relèvent de l'activité normale et permanente de l'entreprise et ne sauraient s'analyser en un simple surcroît d'activité ; que l'objet du contrat, en l'espèce, la réorganisation du service commercial, ne peut, ni par nature, ni par essence, laisser présumer un quelconque caractère temporaire de l'activité pas plus qu'il ne relève des cas de recours aux CDD limitativement énumérés ; qu'en l'espèce, Mme [Q] [K] a exercé un temps en qualité de prestataire dans le domaine de la formation et du coaching ; qu'en l'espèce, le choix de l'employeur d'intégrer en qualité de salarié, un ancien prestataire de service, est sans effet sur le fond du débat ; qu'en conséquence, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio ordonne la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

1°) ALORS QUE la mention dans un contrat de travail à durée déterminée qu'il est conclu pour faire face à la réorganisation du service commercial de l'entreprise, laquelle génère nécessairement un accroissement temporaire de l'activité de celle-ci, constitue le motif précis exigé par les articles L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°) ET ALORS QUE, nonobstant les stipulations du contrat de travail à durée déterminée ou les mentions de sa fiche de poste, l'embauche d'un manager commercial pour une durée déterminée dont le terme est précisément fixé n'a ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, lorsqu'elle est justifiée par la mise en oeuvre d'une réorganisation de l'entreprise impliquant - dans le cadre d'une refonte des méthodes de travail - une mission précise et temporaire d'accompagnement des membres de l'équipe commerciale, le temps de cette transition, et à laquelle le directeur commercial et qualité en place ne peut, seul, faire face ; qu'à supposer les motifs des premiers juges adoptés, la cour d'appel a retenu que « la fiche de poste de Mme [K] décrit précisément les missions et fonctions de manager commercial » et que « les fonctions et missions visées dans ce document relèvent de l'activité normale et permanente de l'entreprise et ne sauraient s'analyser en un simple surcroît d'activité », pour en déduire que « l'objet du contrat, en l'espèce, la réorganisation du service commercial, ne peut, ni par nature, ni par essence, laisser présumer un quelconque caractère temporaire de l'activité » ; qu'en statuant par des motifs inopérants tirés des mentions du contrat de travail et de la fiche de poste, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (cf. conclusions d'appel p. 4 § pénultième à p. 5 § 7 ; p. 5 § antépénultième à p. 8 § 2 ; p. 9 § antépénultième à p. 11 § 2), si les circonstances que Mme [K] avait été embauchée dans le cadre d'un unique contrat à durée déterminée, qu'à l'expiration de ce contrat, aucun salarié n'avait été embauché pour occuper les fonctions assumées auparavant par Mme [K] et que la mission qui avait été assignée à la salariée, consistant à accompagner l'équipe commerciale dans la réorganisation des méthodes de travail, n'avait vocation à perdurer que le temps de cette transition, ne permettaient pas de caractériser l'exécution d'une tâche précise et temporaire excluant que l'emploi occupé ait pu être lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel, qui ne s'est pas livrée à l'analyse comparée de l'activité normale de l'entreprise et de celle résultant de cette réorganisation et n'a pas vérifié si les effectifs habituels de l'entreprise pouvaient absorber ce surcroît de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1242-1 du code du travail.

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