15 September 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-40.013

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01178

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Elections professionnelles - Comité social et économique - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Qualité d'électeur - Eligibilité - Exclusion - Article L. 2314-18 du code du travail - Participation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination collective de leurs conditions de travail et à la gestion de l'entreprise - Caractère sérieux ou nouveau - Renvoi au Conseil constitutionnel

« La disposition de l'article L. 2314-18 du code du travail telle qu'interprétée par la jurisprudence de la Cour de cassation, en privant certains travailleurs de la qualité d'électeur aux élections professionnelles, et en n'encadrant pas mieux les conditions de cette exclusion et en ne les distinguant pas des conditions pour n'être pas éligibles, ne méconnaît-elle pas le principe de participation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail à la gestion des entreprises défini au point 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? »

Texte de la décision

SOC.

COUR DE CASSATION



LG


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 15 septembre 2021




RENVOI


M. CATHALA, président



Arrêt n° 1178 FS-B

Affaire n° B 21-40.013



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 SEPTEMBRE 2021

Le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 17 juin 2021, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 21 juin 2021, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

le Syndicat national de l'encadrement Carrefour CFE-CGC (SNEC CFE-CGC), dont le siège est [Adresse 8],

D'autre part,

1°/ la fédération CGT des personnels du commerce et de la distribution et des services, dont le siège est [Adresse 10],

2°/ la société CSF Carrefour supermarché France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 14],

3°/ la fédération des services CFDT, dont le siège est [Adresse 13],

4°/ la fédération des syndicats du commerce des services et force de vente CSVF CFTC, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ la fédération FGTA FO, dont le siège est [Adresse 7],

6°/ le syndicat Commerce indépendant démocratique SCID, dont le siège est [Adresse 11],

7°/ la fédération Sud commerces et services, dont le siège est [Adresse 3],

8°/ l'Union des syndicats Anti-Précarité, dont le siège est [Adresse 2],

9°/ le syndicat national Carrefour Market UNSA, dont le siège est [Adresse 1],

10°/ M. [Z] [X], domicilié [Adresse 5],

11°/ Mme [I] [W], domiciliée chez Mme [D] [T], [Adresse 9],

12°/ M. [B] [N], domicilié [Adresse 6],

13°/ Mme [J] [O], domiciliée [Adresse 12],

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat du syndicat national de l'encadrement Carrefour CFE-CGC (SNEC CFE-CGC), de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CSF Carrefour supermarché France, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, assistée de Mme Catherine, greffier stagiaire,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. En 2019, la société Carrefour supermarché France (la société) a organisé la mise en place d'un comité social et économique (CSE) au sein de huit établissements, outre un CSE central. Pour l'établissement [Localité 1], le premier tour des élections a eu lieu du 26 au 29 novembre 2019.

2. Par requête reçue au greffe le 9 décembre 2019, la fédération CGT des personnels du commerce et de la distribution et des services (la fédération CGT) a saisi le tribunal d'instance aux fins d'annulation des élections professionnelles pour le 3ème collège, titulaires et suppléants, au sein de cet établissement au motif que les directeurs de magasin avaient été inscrits en qualité d'électeurs. L'affaire a été renvoyée au tribunal judiciaire et réinscrite, à la demande de la fédération CGT, au vu de l'arrêt rendu par la Cour de cassation dans une affaire connexe (Soc., 31 mars 2021, pourvoi n° 19-25.233, publié).

3. Le 18 mai 2021, le syndicat national de l'encadrement du groupe Carrefour CFE-CGC (le SNEC CFE-CGC) a sollicité, aux termes d'un mémoire écrit, motivé et distinct de ses conclusions au fond, la transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité.

4. Le ministère public, avisé de la question prioritaire de constitutionnalité proposée, s'en est, par écrit du 19 mai 2021, rapporté à la décision du tribunal.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

5. Par jugement du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« La disposition de l'article L. 2314-18 du code du travail telle qu'interprétée par la jurisprudence de la Cour de cassation, en privant certains travailleurs de la qualité d'électeur aux élections professionnelles, et en n'encadrant pas mieux les conditions de cette exclusion et en ne les distinguant pas des conditions pour n'être pas éligibles, ne méconnaît-elle pas le principe de participation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail à la gestion des entreprises défini au point 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

6. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne l'inscription sur les listes électorales pour l'élection au comité social et économique d'un établissement de la société.

7. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

8. La question posée présente un caractère sérieux.

9. En effet, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 31 mars 2021, pourvoi n° 19-25.233, publié), que les articles L. 2314-18 et L. 2314-19 du code du travail sont interprétés en ce sens que ne peuvent ni exercer un mandat de représentation du personnel ni être électeurs les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel.

10. Ainsi interprété, l'article L. 2314-18 du code du travail, en ce qu'il écarte les personnes inéligibles en application de l'article L. 2314-19 du même code de la possibilité de participer en tant qu'électeur à l'élection des membres du comité social et économique, pourrait être considéré comme instituant une atteinte non proportionnée au principe de participation des travailleurs reconnu à l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

11. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille vingt et un.

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