15 December 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-15.283

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2015:SO02194

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :






Sur le moyen unique :


Vu les articles L. 1226-9, L. 1225-4, R. 4624-21, en sa rédaction alors applicable, et L. 1332-4 du code du travail ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Adrexo le 26 octobre 2007 en qualité de distributrice ; qu'à la suite d'un congé de maternité, elle a pris un congé parental d'éducation à compter du 10 mars 2009 jusqu'au 9 mars 2010 ; que licenciée le 10 janvier 2011 pour absence injustifiée considérée comme une faute grave, elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ;


Attendu que pour déclarer le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, d'une part, par motifs propres, qu'aux termes de l'article L. 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif non lié à la maladie, qu'il résulte de l'article R. 4624-22 du même code que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail après un congé de maternité, que seul cet examen met fin à la suspension du contrat de travail et que le licenciement pour faute grave est intervenu pour absence injustifiée alors que ce contrat était toujours suspendu puisqu'aucune visite de reprise n'avait été organisée ni proposée à Mme X... à l'issue du congé parental faisant suite au congé de maternité, d'autre part, par motifs adoptés, que la procédure de licenciement a été mise en oeuvre au delà du délai de prescription de deux mois ;


Qu'en statuant ainsi, alors d'une part que les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail étaient inapplicables en l'absence de constat d'une suspension du contrat consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, que la visite médicale prévue à l'article R. 4624-21 du code du travail, lequel ne créait pas une nouvelle cause de suspension, a pour seul objet, après un congé de maternité, d'apprécier l'aptitude de l'intéressée à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation de la salariée ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures, et n'a pas pour effet de différer jusqu'à cette date, la période de protection instituée par l'article L. 1225-4 du même code, d'autre part, que l'employeur est fondé à prendre en considération un fait antérieur de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement de Mme X... sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Adrexo à lui payer la somme de 4 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celles de 225 euros et 22, 50 euros à titre d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, l'arrêt rendu le 6 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;


Condamne Mme X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille quinze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Adrexo




Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme X... était sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Adrexo, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme X... les sommes de 4. 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 225 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 22, 50 euros au titre des congés payés, outre les frais irrépétibles, et d'AVOIR débouté la société Adrexo de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive ;


AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou la maladie ; qu'il résulte de l'article R. 4624-22 du code du travail que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après un congé de maternité et que seul cet examen pratiqué par le médecin du travail met fin à la période de suspension du contrat de travail ; que faute pour l'employeur d'organiser cette visite de reprise et de mettre en demeure son salarié de s'y rendre, celui-ci ne peut licencier le salarié pour absence injustifiée alors que le contrat de travail est toujours suspendu ; qu'en l'espèce, la société Adrexo a procédé au licenciement de Mme X... pour absence injustifiée alors que le contrat de travail était toujours suspendu puisqu'aucune visite de reprise n'a été organisée ni proposée à Mme X... à l'issue du congé parental faisant suite au congé de maternité ; que les mises en demeure de reprendre le travail étaient nécessairement sans objet tant que l'employeur n'organisait pas cette visite de reprise à la suite du congé parental faisant suite au congé de maternité ; que l'absence ne constitue pas une faute grave puisqu'elle n'est que la conséquence de la suspension du contrat de travail ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions comme le demande Mme X... ; que la société Adrexo sera par ailleurs déboutée de ses demandes en paiement d'amende civile et dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;


ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le congé maternité de Mme X... a pris fin le 9 mars 2009 et que son congé parental se terminait le 10 mars 2010 ; que Mme X... a été convoquée à un entretien préalable à licenciement en date du 17 décembre 2010 et licenciée en date du 10 janvier 2011, l'employeur lui reprochant son absence au travail à compter de mars 2010 ; que l'article L. 1332-4 du code du travail précise « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales » ; qu'en l'espèce, la procédure de licenciement a été mise en oeuvre au-delà du délai de prescription de deux mois ; qu'en conséquence, il conviendra de requalifier le licenciement de Mme X... comme sans cause réelle et sérieuse ;


1°) ALORS QUE la visite médicale prévue à l'article R. 4624-21 du code du travail après un congé de maternité a pour seul objet d'apprécier l'aptitude de l'intéressée à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation de la salariée ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures, et n'a pas pour effet de différer jusqu'à cette date la période de protection instituée par l'article L. 1225-4 du même code ; qu'en l'espèce, pour juger le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a pourtant dit que seule la visite de reprise pratiquée par le médecin du travail mettait fin à la période de suspension du contrat de travail, de sorte que faute pour la société Adrexo d'avoir organisé la visite de reprise à l'issue du congé parental faisant suite au congé maternité de Mme X..., le contrat de travail était toujours suspendu à la date du licenciement, et que l'absence de la salariée ne constituait pas une faute grave puisqu'elle n'était que la conséquence de la suspension du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, quand la période de protection de la salarié instituée par l'article L. 1225-4 avait expiré au terme du délai de quatre semaines qui avait suivi la fin de son congé de maternité, d'où il s'évinçait qu'à la date de son licenciement intervenu après le congé parental d'éducation, la salariée ne bénéficiait plus de cette protection, peu important l'absence de visite de reprise, la cour d'appel a violé les articles R. 4624-21, R. 4624-22 et L. 1225-4 du code du travail ;


2°) ALORS QU'il résulte de l'article L. 1225-4 du code du travail que l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement, sans toutefois que la rupture du contrat de travail puisse prendre effet ou être notifiée pendant le congé de maternité ; qu'en l'espèce, pour juger le licenciement de Mme X... sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé qu'aux termes de l'article L. 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne pouvait rompre ce dernier que s'il justifiait soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou la maladie ; qu'en se référant à l'article L. 1226-9 propre à la suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, quand la suspension du contrat de travail consécutive à un congé de maternité est régie par l'article L. 1225-4, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-9 et L. 1225-4 du code du travail ;


3°) ALORS QUE l'employeur, qui n'envisage pas de licencier le salarié pour inaptitude, n'a pas à prendre l'initiative d'un examen par le médecin du travail du salarié qui n'a pas demandé à reprendre le travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour juger le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, a relevé que c'était à l'employeur d'organiser et de proposer à la salariée à l'issue de son congé parental faisant suite au congé de maternité une visite de reprise, qu'en l'absence de cette visite de reprise, le contrat de travail était toujours suspendu à la date du licenciement et que l'absence de la salariée nonobstant mises en demeure infructueuses ne constituait donc pas une faute grave puisqu'elle n'était que la conséquence de la suspension du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, quand la société Adrexo n'avait pas à organiser de visite de reprise puisque la salariée n'avait pas manifesté sa volonté de reprendre le travail, la cour d'appel a violé les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail ;


4°) ALORS en tout état de cause QUE l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement, à condition que la rupture du contrat de travail ne prenne pas effet ou ne soit pas notifiée pendant le congé de maternité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société Adrexo ne pouvait pas licencier la salariée pour absence injustifiée puisque le contrat de travail était toujours suspendu faute de visite de reprise ; qu'en statuant ainsi, quand à supposer même que le contrat ait encore été suspendu, l'employeur pouvait de toutes les façons licencier la salariée en dehors de son congé de maternité pour son absence injustifiée, le comportement de la salariée constituant une faute grave non liée à son état de grossesse ou à l'accouchement, la cour d'appel a violé l'article L. 1225-4 du code du travail ;


5°) ALORS enfin QUE l'employeur est fondé à prendre en compte un fait antérieur de plus de deux mois à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour faute grave si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes, pour juger le licenciement pour faute grave de Mme X... sans cause réelle et sérieuse, a relevé que la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre au-delà du délai de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail ; qu'à supposer même que ce motif du jugement ait été adopté par la cour d'appel, l'absence injustifiée de la salariée à son retour de congé parental d'éducation ayant perduré jusqu'à son licenciement malgré plusieurs mises en demeure, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail.

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