22 April 1997
Cour de cassation
Pourvoi n° 95-43.097

Chambre sociale

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 4 mai 1995 par la cour d'appel de Caen (3e chambre sociale), au profit :


1°/ de M. Jean-Claude X..., demeurant ...,


2°/ de M. Jacques Y..., demeurant ...,


3°/ de M. Pascal Z..., demeurant ...,


4°/ de M. Christian A..., demeurant ...,


5°/ du syndicat FGTE-CFDT des Cheminots, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;


LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 février 1997, où étaient présents : Mme Ridé, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, M. Brissier, conseiller, M. Chauvy, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. Desjardins, conseiller, les observations de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique pris en sa seconde branche :


Vu les articles L. 200-1 et L. 223-11 du Code du travail, le chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel et le règlement PS 2 ;


Vu le principe fondamental en droit du travail, selon lequel, en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 22 décembre 1992, MM. X..., Y..., Z... et A..., agents du cadre permanent de la SNCF, soutenant ne pas avoir perçu pendant leurs congés payés une rémunération équivalente à celle qu'ils auraient dû percevoir s'ils avaient travaillé, diverses primes et indemnités s'ajoutant à leur rémunération de base n'ayant pas été prises en considération dans le calcul des indemnités de congés payés, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes à titre de rappel d'indemnités de congés payés pour les années 1987 à 1992; qu'en cause d'appel, la Fédération générale des transports et de l'équipement (FGTE-CFDT) est intervenue à l'appui de cette demande ;


Attendu que, pour condamner la SNCF à payer aux quatre salariés susnommés un rappel de congés payés en application des dispositions de l'article L. 233-11 du Code du travail et à la FGTE-CFDT une somme à titre de dommages-intérêts, ainsi que diverses sommes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt énonce que l'article L. 200-1 du Code du travail prévoit que les dispositions du livre II de ce Code, dans lequel est inséré l'article L. 223-11, sont applicables aux établissements publics à caractère industriel et commercial; que les modalités de calcul et la détermination de l'assiette de la rémunération des congés payés sont sans relation avec les exigences propres à la mission de service public de la SNCF, à la différence des règles d'attribution des congés liées aux contraintes tendant à la continuité du service; que la solution du litige imposant au juge, non de se prononcer sur la légalité des règles statutaires, qui n'est d'ailleurs pas contestée, non plus que sur le caractère d'acte réglementaire du règlement PS 2, mais de choisir la norme applicable, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à décision du Conseil d'Etat sur la légalité de l'article 197 de ce règlement; que les dispositions de l'article L. 223-11 du Code du travail sont plus favorables aux salariés, dès lors, que l'assiette de la rémunération inclut, à l'inverse des dispositions statutaires, les majorations pour travail supplémentaire, heures supplémentaires, travail du dimanche et de nuit, l'indemnisation du repos compensateur ainsi que les primes liées notamment aux sujétions de l'emploi ;


Attendu, cependant, qu'il résulte des termes de l'article L. 200-1 du Code du travail, que sont soumis aux dispositions du livre II de ce Code les établissements industriels et commerciaux, qu'ils soient publics ou privés; que les dispositions du livre II et spécialement celles des articles L. 223-11 et suivants, relatives aux congés annuels, sont donc, en principe, applicables aux agents de la SNCF ;


Attendu que ces agents sont, en outre, soumis aux dispositions d'un statut prévu par le décret n 50-637 du 1er juin 1950, qui comporte diverses règles spécifiques relatives aux congés payés, concernant à la fois les conditions de leur attribution, leur durée et leur rémunération ;


Attendu qu'en vertu du principe fondamental en droit du travail selon lequel la situation des salariés doit être régie, en cas de conflit de normes, par celle qui leur est la plus favorable, il convient, dès l'instant qu'aucune illégalité d'une disposition particulière du statut propre à la SNCF n'est invoquée, de déterminer si les dispositions de ce statut concernant les congés payés sont plus favorables que celles résultant du régime légal; que cette appréciation doit être globale à raison du caractère indivisible de ce régime de congés payés institué en tenant compte des nécessités du service public; que cette comparaison n'implique aucune appréciation sur la légalité du décret précité, puisqu'il s'agit seulement de choisir entre deux textes, également applicables, le plus avantageux pour les salariés ;


Et attendu qu'il apparaît que, même si en ce qui concerne les bases de calcul de l'indemnité de congés payés, le statut de la SNCF prévoit une disposition moins favorable, l'ensemble du régime des congés payés prévu par ce statut accorde aux agents des avantages supérieurs à ceux qui résulteraient de l'application du Code du travail ;


D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé les textes et le principe susvisés ;


Et attendu que la cour étant en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée, la cassation encourue sera prononcée sans renvoi, par application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mai 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;


DIT n'y avoir lieu à renvoi ;


Déboute MM. X..., Y..., Z... et A... ainsi que la FGTE-CFDT de leurs demandes ;


Les condamne aux dépens devant les juges du fond et à ceux de cassation ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.

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