8 July 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-23.673

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C200847

Texte de la décision

CIV. 2

COUR DE CASSATION



CM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 8 juillet 2021




NON-LIEU A RENVOI


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 847 F-D

Pourvoi n° V 20-23.673





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021

Par mémoire spécial présenté le 14 avril 2021,

1°/ Mme [I] [Y], domiciliée [Adresse 1],

2°/ M. [V] [Y], domicilié [Adresse 2], agissant également en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [K] et [Y],

tous deux en qualité d'ayant droit de [Z] [Y], décédé,

ont formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° V 20-23.673 qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans une instance les opposant :

1°/ à la société Valeo équipements électriques moteur, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], et ayant un établissement secondaire sis [Adresse 4],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Manche, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ à la société Friedlander, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

4°/ à la société Ortec industrie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],

5°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 8],

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [I] et M. [V] [Y], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Valeo équipements électriques moteur, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Par décision du 18 juin 2012, la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la pathologie déclarée par [Z] [Y] (la victime), salarié de la société Paris Rhône, devenue la société Valeo Equipements électriques moteur (l'employeur), puis, par décision du 22 août 2012, son décès.

2. Les ayants droit de la victime ont saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

3. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Caen, qui les a déboutés de leur demande de réparation au titre des souffrances physiques et morales endurées par la victime, les ayants droit de celle-ci ont, par mémoire distinct et motivé enregistré le 14 avril 2021 au greffe de la Cour de cassation, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« Les articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, interprétés de façon constante en ce sens que « la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent et que ne sont réparables les souffrances physiques et morales qu'à la condition de n'être pas indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent » (not. Civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-15.951 Civ. 2, 8 octobre 2020, n° 19-13.126 Civ. 2, 20 décembre 2018, n° 17-29.023 Civ. 2, 25 janvier 2018, n° 17-10.299 Civ. 2, 19 janvier 2017, n° 15-29.437 Civ. 2, 16 juin 2016, n° 15-18.592 Civ. 2, 26 mai 2016, n° 15-18.591 Civ. 2, 31 mars 2016, n° 14-30.015, au Bull.), sont-ils contraires à l'article 6 de la Déclaration de 1789 et au principe d'égalité, en ce que, la rente est le produit d'un taux d'incapacité permanente partielle et du salaire de la victime, que le taux d'incapacité ne prend pas en compte les préjudices extrapatrimoniaux subis par la victime, si bien que cette solution retenue a pour effet mécanique de considérer que la souffrance d'un homme vaut plus ou moins en fonction de son salaire ? »

« Les articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, interprétés en tant que « eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée par l'article L. 431-1, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini par l'article L. 434-2, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité » (CE, 8 mars 2013, n° 361273, Lebon ? CE, 5 mars 2008, n° 272447, Lebon) mais ? dans le même temps ? interprétés de manière diamétralement opposée en tant que « la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent et que ne sont réparables les souffrances physiques et morales qu'à la condition de n'être pas indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent » (not. Civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-15.951 Civ. 2, 8 octobre 2020, n° 19-13.126 Civ. 2, 20 décembre 2018, n° 17-29.023 Civ. 2, 25 janvier 2018, n° 17-10.299 Civ. 2, 19 janvier 2017, n° 15-29.437 Civ. 2, 16 juin 2016, n° 15-18.592 Civ. 2, 26 mai 2016, n° 15-18.591 Civ. 2, 31 mars 2016, n° 14-30.015, au Bull.), sont-ils contraires à l'article 6 de la Déclaration de 1789 et au principe d'égalité, en ce que, selon l'ordre juridictionnel, le sort du justiciable sera diamétralement opposé pour l'application des mêmes dispositions législatives ? ».

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

4. Les dispositions législatives critiquées sont applicables au litige, qui concerne l'indemnisation des préjudices subis par la victime de la faute inexcusable de son employeur.

5. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

7. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

8. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec la loi qui l'établit.

9. En premier lieu, la rente d'accident du travail revêtant le caractère d'une prestation légale de la branche des accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale, il ne saurait être sérieusement soutenu que les dispositions des articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation (en dernier lieu 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-15.951), selon laquelle la rente indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent, méconnaissent les exigences du principe constitutionnel d'égalité devant la loi.

10. En second lieu, il ne saurait être davantage soutenu que l'interprétation d'un texte par les juridictions judiciaires et administratives, dont l'indépendance procède, respectivement, de l'article 64 de la Constitution et d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, et qui connaissent de catégories distinctes de litiges, méconnaît les exigences du principe constitutionnel d'égalité devant la loi.

11. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt et un, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

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