20 May 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-15.098

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C200442

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - Instance - Interruption - Causes - Décès d'une partie - Assimilation - Dissolution d'une personne morale (non)

La dissolution d'une personne morale, même assortie d'une transmission universelle de son patrimoine, qui n'est pas assimilable au décès d'une personne physique, même lorsque l'action est transmissible, ne constitue pas une cause d'interruption de l'instance au sens de l'article 370 du code de procédure civile. La transmission universelle de son patrimoine à une personne morale par une société dissoute étant indissociablement liée à sa dissolution, la perte de sa capacité juridique n'interrompt pas le délai de forclusion pour saisir la juridiction de renvoi après cassation, qui continue à courir. Ce délai devient, par l'effet de la transmission de ses droits par la société absorbée, opposable à la société absorbante, qui acquiert de plein droit, à la date de l'assemblée générale ayant approuvé l'opération de fusion-absorption, la qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée

SOCIETE COMMERCIALE (RèGLES GéNéRALES) - Fusion - Fusion-absorption - Effets - Poursuite des instances en cours - Qualité - Date

ACTION EN JUSTICE - Qualité - Personne morale - Société - Société absorbante - Poursuite des instances en cours

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 mai 2021




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 442 F-P

Pourvoi n° Z 20-15.098




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021

La société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 20-15.098 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société Nobilas France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion, de la SCP Spinosi, avocat de la société Nobilas France, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Paris, 29 janvier 2020), la société Publi Expert a interjeté appel du jugement d'un tribunal de commerce qui l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts à la société Nobilas France.

2. La société Nobilas France a formé un pourvoi contre l'arrêt qui a déclaré irrecevable son action en indemnisation.

3. Cet arrêt ayant été cassé, (1ère Civ., 6 septembre 2017, pourvoi n° 16-26459), l'arrêt de la Cour de cassation a été signifié à la société Publi Expert le 26 septembre 2017.

4. Le 22 novembre 2017, la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion, associée unique de la société Publi Gestion a constaté le caractère définitif de la dissolution sans liquidation de celle-ci, aucune opposition n'ayant été formulée dans le délai légal.

5. La société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion a déposé une déclaration de saisine au greffe de la cour d'appel de renvoi le 5 décembre 2017.

6. La société Nobilas France a soulevé l'irrecevabilité de la déclaration de saisine pour tardiveté.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la saisine de la cour d'appel de renvoi en date du 5 décembre 2017 et, en conséquence, de conférer force de chose jugée au jugement rendu le 23 décembre 2014 par le tribunal de commerce, alors « que la perte par une société dissoute de sa personnalité morale à l'issu du délai de trente jours conféré aux éventuels créanciers pour faire opposition, combinée à la transmission universelle simultanée de l'ensemble de ses droits et obligations à une société absorbante, permet à cette dernière d'invoquer la cause d'interruption de l'instance pour cause de succession à l'action d'une partie définitivement éteinte, visée à l'article 370 du code de procédure civile ; qu'en refusant de décider de la sorte, au motif totalement inopérant que le délai de forclusion de deux mois visé à l'article 1034 du code de procédure civile courrait encore à la date du 18 novembre 2017, à laquelle la société Publi Expert avait perdu sa personnalité morale et à laquelle la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion avait obtenu la transmission de son patrimoine universel et de l'ensemble de ses droits et obligations, quand ce fait permettait au contraire de constater que le délai de forclusion n'étant pas écoulé à la date de la succession, l'interruption pouvait encore jouer, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 370 et 1034 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. D'une part, la dissolution d'une personne morale, même assortie d'une transmission universelle de son patrimoine, qui n'est pas assimilable au décès d'une personne physique, même lorsque l'action est transmissible, ne constitue pas une cause d'interruption de l'instance au sens de l'article 370 du code de procédure civile.

9. D'autre part, la transmission universelle de son patrimoine à une personne morale par une société dissoute étant indissociablement liée à sa dissolution, la perte de sa capacité juridique n'interrompt pas le délai de forclusion pour saisir la juridiction de renvoi après cassation, qui continue à courir. Ce délai devient, par l'effet de la transmission de ses droits par la société absorbée, opposable à la société absorbante, qui acquiert de plein droit, à la date de l'assemblée générale ayant approuvé l'opération de fusion-absorption, la qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée.

10. Ayant relevé que l'annonce de la dissolution anticipée sans liquidation de la société Publi Expert avait été publiée le 19 octobre 2017 et n'avait provoqué, dans le délai de trente jours, aucune opposition, la cour d'appel, qui a constaté que la disparition de la personnalité morale de la société Publi Expert assortie de la transmission universelle de son patrimoine, composé de l'ensemble de ses droits, à la société absorbante Publi Expert GestionPubli Expert Gestion s'était produite le 18 novembre 2017, en a exactement déduit que, si la société Publi Expert avait la capacité de la saisir entre le 26 septembre 2017 et le 18 novembre 2017, la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion avait recueilli cette capacité dès le 19 novembre 2017, de sorte qu'en déposant la déclaration de saisine au greffe de la cour d'appel après l'expiration, le 26 novembre 2017, du délai de forclusion, qui n'avait pas été interrompu, elle avait agi tardivement.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion et la condamne à payer à la société Nobilas France la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion

IL EST FAIT GRIEF l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la saisine par la société Publi Expert GestionPubli Expert Gestion du 5 décembre 2017 de la Cour d'appel de Paris désignée comme Cour d'appel de renvoi aux termes de l'arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 6 septembre 2017 et d'avoir, en conséquence, conféré force de chose jugée au jugement rendu le 23 décembre 2014 par le Tribunal de commerce de Nanterre ;

AUX MOTIFS QUE « L'article 1034 du Code de procédure civile dispose qu'à moins que la juridiction de renvoi n'ait été saisie sans notification préalable, la déclaration doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, être faite avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de cassation faite à la partie. Ce délai court même à l'encontre de celui qui notifie. L'absence de déclaration dans le délai ou l'irrecevabilité de celle-ci confère force de chose jugée au jugement rendu en premier ressort lorsque la décision cassée avait été rendue sur appel de ce jugement.
En l'espèce, l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 septembre 2017 et renvoyant les parties devant le cour d'appel de Paris a été signifié à la société PUBLI EXPERT par acte d'huissier du 26 septembre 2017 à la demande de la société NOBILAS France. Le délai de saisine de la Cour d'appel de Paris s'achevait donc le 26 novembre 2017.
Or, la Cour d'appel de Paris a été saisie par déclaration effectuée le 5 décembre 2017 par la société PUBLI EXPERT GESTIONPUBLI EXPERT GESTION ayant absorbé par fusion la société PUBLI EXPERT.
La société PUBLI EXPERT GESTIONPUBLI EXPERT GESTION soutient que la saisine n'a pas été faite hors délai, en raison de l'interruption de ce délai de saisine intervenue suite à la dissolution de la société PUBLI EXPERT, et ce en application des dispositions de l'article 370 du code de procédure civile, qui prévoit qu'à compter de la notification qui en est faite à l'autre partie, l'instance est interrompue par (...) le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d'ester en justice.
Toutefois, l'article 1844-5 alinéa 3 du Code civil prévoit qu'en cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci. (...) La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.
En l'espèce, l'annonce de la dissolution anticipée de la société PUBLI EXPERT a été publiée le 19 octobre 2017 dans le journal "Petites affiches", et le 22 novembre 2017, l'associé unique a constaté le caractère définitif de la dissolution sans liquidation de la société PUBLI EXPERT, aucune opposition n'ayant été formulée dans le délai de 30 jours.
Conformément aux dispositions de l'article 1844-5 alinéa 3 du Code civil, cette dissolution a entraîné la transmission universelle du patrimoine et la disparition de la personne morale de la société PUBLI EXPERT au profit de la société PUBLI EXPERT GESTIONPUBLI EXPERT GESTION, à la date du 18 novembre 2017, tous les engagements et obligations contractés par la société PUBLI EXPERT envers les tiers ainsi que les droits dont elle bénéficiait étant automatiquement transférés à l'actionnaire unique de cette société.
Ainsi, cette dissolution sans liquidation de la société PUBLI EXPERT ne constitue pas la perte d'une partie de sa capacité d'ester en justice au sens de l'article 370 du Code de procédure civile, puisque la personnalité morale de la société PUBLI EXPERT a perduré jusqu'au 18 novembre 2017, date à laquelle la société PUBLI EXPERT GESTIONPUBLI EXPERT GESTION s'est vu transmettre le patrimoine universel et l'ensemble des droits détenus par la société PUBLI EXPERT.
La société PUBLI EXPERT était en capacité de saisir la Cour d'appel entre le 26 septembre 2017 et le 18 novembre 2017, puis, dès le 19 novembre 2017 et jusqu'à l'expiration du délai de saisine le 26 novembre 2017, la société PUBLI EXPERT GESTIONPUBLI EXPERT GESTION bénéficiait de cette capacité d'ester en justice.
La saisine de la Cour d'appel de Paris par la société PUBLI EXPERT GESTIONPUBLI EXPERT GESTION le 5 décembre 2017 a donc été effectuée postérieurement au délai de deux mois prévu par l'article 1034 du Code de procédure civile, et il y a lieu de faire droit au moyen tiré de l'irrecevabilité de la saisine de la Cour d'appel de Paris après renvoi de la Cour de cassation soulevé par la société Nobilas France, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens soulevés » ;

ALORS QUE la perte par une société dissoute de sa personnalité morale à l'issu du délai de trente jours conféré aux éventuels créanciers pour faire opposition, combinée à la transmission universelle simultanée de l'ensemble de ses droits et obligations à une société absorbante, permet à cette dernière d'invoquer la cause d'interruption de l'instance pour cause de succession à l'action d'une partie définitivement éteinte, visée à l'article 370 du Code de procédure civile ; qu'en refusant de décider de la sorte, au motif totalement inopérant que le délai de forclusion de deux mois visé à l'article 1034 du Code de procédure civile courrait encore à la date du 18 novembre 2017, à laquelle la société Publi-Expert avait perdu sa personnalité morale et à laquelle la société Publi-Expert GestionPubli-Expert Gestion avait obtenu la transmission de son patrimoine universel et de l'ensemble de ses droits et obligations, quand ce fait permettait au contraire de constater que le délai de forclusion n'étant pas écoulé à la date de la succession, l'interruption pouvait encore jouer, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 370 et 1034 du Code de procédure civile.

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