5 May 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-21.006

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C100327

Titres et sommaires

AVOCAT - Barreau - Inscription au tableau - Conditions particulières - Article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 - Fonctionnaires de catégorie A - Dispense - Bénéficiaire - Détermination

Les fonctionnaires, agents ou anciens agents de la fonction publique de l'Union européenne, qui ont exercé en cette qualité au sein d'une institution européenne, ne peuvent se voir privés du bénéfice de la dispense prévue à l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat en raison d'un exercice de leur activité en dehors du territoire français. Cependant, conformément à la réglementation nationale exigeant l'exercice d'activités juridiques dans le domaine du droit national, pour assurer la protection des justiciables et la bonne administration de la justice, il y a lieu de déterminer si leurs activités juridiques comportent une pratique satisfaisante du droit national

AVOCAT - Barreau - Inscription au tableau - Conditions particulières - Article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 - Fonctionnaires de catégorie A - Exercice d'activités juridiques dans le domaine du droit national - Appréciation - Portée

UNION EUROPEENNE - Cour de justice de l'Union européenne - Question préjudicielle - Interprétation des Traités - Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne - Articles 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l' Union européenne - Libre circulation des travailleurs - Accès à la profession d'avocat - Conditions particulières - article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 - Fonctionnaires ayant exercé au sein d'une institution européenne - Exercice d'activités juridiques dans le domaine du droit national - Nécessité - Compatibilité


AVOCAT - Barreau - Inscription au tableau - Conditions - Conditions prévues par l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 - Article 18 de la partie II de la Charte sociale européenne dans l'ordre interne - Compatibilité

Les dispositions de l'article 18 de la partie II de la Charte sociale européenne dans l'ordre interne ne sauraient être méconnues par l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 précité, qui ouvre l'exercice de la profession d'avocat à des ressortissants d'Etats membres, en se bornant à les soumettre, comme les nationaux, à certaines conditions justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général proportionnées à l'objectif de protection des justiciables

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Charte sociale européenne révisée - Article 18 - Applicabilité directe - Portée

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 mai 2021




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 327 FS-P

Pourvoi n° J 17-21.006




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 MAI 2021

Mme [Z] [V], domiciliée [Adresse 1] (Belgique), a formé le pourvoi n° J 17-21.006 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ au conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, domicilié [Adresse 2],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Teiller, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme [V], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris et du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Teiller, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Darret-Courgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2017), Mme [V], fonctionnaire de la Commission européenne, a sollicité son admission au barreau de Paris, sous le bénéfice de la dispense de formation et de diplôme prévue à l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, pour les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées, ayant exercé des activités juridiques pendant huit ans au moins dans une administration ou un service public ou une organisation internationale.

2. Par un arrêt du 20 février 2019, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) de deux questions préjudicielles portant sur la compatibilité des articles 11, 2° et 3°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et de l'article 98, 4°, du décret précité, avec les articles 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens, réunis

Enoncé des moyens

3. Par son premier moyen, Mme [V] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors :

« 1° / que l'article 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 prévoit que « sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat : (?) les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale » ; que le droit de l'Union européenne est directement intégré dans le droit national ; qu'à supposer que l'exercice des activités juridiques ainsi visées par le texte soit limité au droit français, il n'impose pas que l'impétrant ait la maîtrise de toutes les branches de ce droit ; qu'aussi, la pratique pendant huit ans au moins de n'importe quelle branche du droit français, dont le droit de l'Union, est suffisante pour que cette condition soit remplie ; qu'au cas d'espèce, en décidant au contraire que Mme [V], fonctionnaire du plus haut grade à la Commission européenne, ne remplissait pas la condition tenant à la pratique du droit français dès lors qu'elle n'avait pratiqué que le droit de l'Union, auquel le droit national ne se limitait pas, la cour d'appel a violé les articles 11, 3°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble le principe de l'intégration directe du droit de l'Union européenne dans les droits internes des Etats membres, ensemble l'article 88-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

2°/ que le droit de l'Union européenne est directement intégré dans le droit national ; que la pratique du droit de l'Union équivaut donc à la pratique de toute autre branche du droit français ; qu'en l'espèce, en distinguant, pour l'application de l'article 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991, entre les fonctionnaires ayant pratiqué certaines branches du droit français hors droit de l'Union et les fonctionnaires qui ont pratiqué le droit de l'Union, pour exclure les seconds du bénéfice de la dispense instituée par le texte, la cour d'appel, qui a distingué là où la loi ne distingue pas, a violé les articles 11, 3°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble le principe de l'intégration directe du droit de l'Union européenne dans les droits internes des Etats le principe de l'interprétation conforme, ensemble l'article 88-1 de la Constitution du 4 octobre 1958. »

4. Par son deuxième moyen, Mme [V] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le droit de l'Union européenne prohibe, non seulement les discriminations directes fondées sur la nationalité, mais aussi les discriminations indirectes, qui ne peuvent être justifiées que par des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ; que, selon la jurisprudence de la CJUE, la notion de discrimination indirecte est d'interprétation large et inclut aussi les entraves d'importance secondaire qui concernent l'égalité d'accès à l'emploi sans distinction en fonction de la nationalité ; qu'à supposer que la dispense prévue par les articles 11, 3°, de la loi du 31 décembre 1971 et 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 doive être comprise comme étant limitée aux fonctionnaires de catégorie A et assimilés qui ont exercé des activités juridiques pendant huit ans, soit exclusivement sur le territoire français, soit en mettant en oeuvre des règles de droit français ne trouvant pas leur source dans le droit de l'Union européenne, alors ces textes ont nécessairement pour effet d'instaurer une discrimination indirecte en faveur des fonctionnaires de la fonction publique française ? dont la grande majorité est de nationalité française ?, qui sont en pratique les seuls à pouvoir remplir ces critères, et en défaveur des fonctionnaires ressortissants appartenant à une autre fonction publique, laquelle n'est pas justifiée par des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ; qu'en refusant sur ce fondement la demande de Mme [V], la cour d'appel a violé les articles 11, 3°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les articles 18, 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tels qu'interprétés par la CJUE. »

5. Par son troisième moyen, Mme [V] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1° / que l'ensemble des dispositions du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la libre circulation des personnes vise à faciliter l'exercice des activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l'Union et s'oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ses ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre ; qu'une mesure qui entrave la libre circulation des travailleurs et la liberté d'établissement ne peut être admise, à supposer qu'elle soit non discriminatoire, que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général, à condition que l'application d'une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; qu'en l'espèce, à considérer que la dispense de l'article 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 doive être refusée aux fonctionnaires de l'Union européenne ayant pratiqué le seul droit de l'Union, lequel fait partie intégrante du droit français, au motif que cette pratique ne garantirait pas au justiciable une défense pertinente et efficace, ou encore la protection des justiciables contre le préjudice qu'ils pourraient subir du fait de services fournis par des personnes qui n'auraient pas les qualifications professionnelles nécessaires, mais qu'elle puisse être accordée aux fonctionnaires ayant exercé dans certaines branches seulement du droit français (autres que le droit de l'Union), et ne présentent donc objectivement pas davantage de garanties, constitue une mesure restrictive qui, à supposer qu'elle poursuive le but légitime de protection du justiciable, est toutefois impropre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et va au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre ; qu'en rejetant dans ces conditions la demande d'inscription au barreau de Mme [V], la cour d'appel a violé les articles 18, 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'interprétés par la CJUE, ensemble les articles 11, 3°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les principes de l'intégration directe du droit de l'Union dans les droits internes des Etats membres et de l'interprétation conforme du droit national ;

2°/ qu'une mesure qui entrave la libre circulation des travailleurs et la liberté d'établissement ne peut être admise, à supposer qu'elle soit non discriminatoire, que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général, à condition que l'application d'une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; qu'aux termes de la jurisprudence de la CJUE, pour exercer ce contrôle lorsqu'est en cause l'accès à une profession réglementée, le juge national doit prendre en considération les périodes d'activité comparables de la partie concernée accomplies dans un autre Etat membre, moyennant une appréciation des qualifications et de l'expérience acquises, qui doit être faite in concreto ; qu'en l'espèce, la cour d'appel devait donc procéder à une comparaison des diplômes, qualifications et expériences professionnelles de Mme [V], fonctionnaire européen ayant certes pratiqué le droit européen pendant dix ans, mais titulaire d'une maîtrise, d'un DEA (master II) et d'un doctorat en droit français, avec ceux exigés d'un fonctionnaire français détenant uniquement une maîtrise en droit et ayant seulement pratiqué le droit français « commun », pendant huit ans, aux fins d'évaluer le niveau de l'impétrante en droit français « commun » ; qu'en se bornant à un rejet in abstracto fondé sur l'absence de pratique du droit français « commun » sans faire une évaluation globale incluant aussi les connaissances de l'intéressée, la cour d'appel a violé les articles 11, 3°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les articles 18, 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tels qu'interprétés par la CJUE ;

3°/ qu'une mesure qui entrave la libre circulation des travailleurs et la liberté d'établissement ne peut être admise, à supposer qu'elle soit non discriminatoire, que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général, à condition que l'application d'une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; qu'en requérant une appréciation in concreto par le juge des connaissances de l'intéressé, le droit de l'Union impose une obligation de résultat de prendre en compte les connaissances et l'expérience équivalentes, obligation dont le non-respect donne lieu à une discrimination indirecte ; que, pour satisfaire à cette obligation le juge national, ne peut pas se borner à renvoyer aux catégories d'accès existantes en droit national si celles-ci ne permettent pas d'atteindre cette obligation de résultat ; qu'en l'espèce, en renvoyant la demanderesse au régime d'accès de droit commun ouvert aux juristes sans expérience professionnelle, alors que ses connaissances et son expérience professionnelle correspondaient au moins en partie à celles ouvrant l'accès dérogatoire aux fonctionnaires de la fonction publique française, que ce régime ne permettait pas la prise en compte effective de son expérience professionnelle et qu'un moyen moins strict pour atteindre l'objectif recherché aurait consisté à exiger la preuve des seules connaissances manquantes, la cour d'appel a violé les articles 11, 3°, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les articles 18, 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tels qu'interprétés par la CJUE, ensemble l'obligation d'interprétation conforme du droit européen. »

Réponse de la Cour

6. L'accès à la profession d'avocat est réglementé par la loi du 31 décembre 1971, notamment par l'article 11, 3°, selon lequel nul ne peut accéder à cette profession s'il n'est titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au 2° du même article. Figure au nombre de ces dispositions l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, modifié, aux termes duquel sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale.

7. Répondant aux questions préjudicielles précitées, la CJUE, par un arrêt du 17 décembre 2020 (C-218/19), a dit pour droit que les articles 45 et 49 du TFUE doivent être interprétés en ce sens « qu'ils s'opposent à une réglementation nationale réservant le bénéfice d'une dispense des conditions de formation professionnelle et de possession du certificat d'aptitude à la profession d'avocat prévues, en principe, pour l'accès à la profession d'avocat à certains agents de la fonction publique d'un État membre ayant exercé dans ce même État membre en cette qualité, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale, et écartant du bénéfice de cette dispense les fonctionnaires, agents ou anciens agents de la fonction publique de l'Union européenne qui ont exercé en cette qualité au sein d'une institution européenne et en dehors du territoire français » mais « qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation nationale réservant le bénéfice d'une telle dispense à la condition que l'intéressé ait exercé des activités juridiques dans le domaine du droit national, et écartant du bénéfice de cette dispense les fonctionnaires, agents ou anciens agents de la fonction publique de l'Union européenne qui ont exercé en cette qualité des activités juridiques dans un ou plusieurs domaines relevant du droit de l'Union, pour autant qu'elle n'exclut pas la prise en compte des activités juridiques comportant la pratique du droit national ».

8. Dans son arrêt, la CJUE précise, d'une part, que la protection « des destinataires des services juridiques fournis par des auxiliaires de justice, d'autre part, que la bonne administration de la justice sont des objectifs figurant au nombre de ceux qui peuvent être considérés comme constituant des raisons impérieuses d'intérêt général susceptibles de justifier des restrictions tant à la libre prestation des services [...] qu'à la libre circulation des travailleurs et à la liberté d'établissement » (point 34).

9. Elle ajoute qu' « il ne saurait être exclu, a priori, qu'un candidat issu d'une fonction publique autre que celle française, notamment de la fonction publique de l'Union, [...] ait pratiqué le droit français en dehors du territoire français de manière à en acquérir une connaissance satisfaisante » mais qu'il est « loisible au législateur français de fixer, de manière autonome, ses standards de qualité [...] et [...] de considérer qu'une connaissance satisfaisante du droit français [...] [peut] être acquise par une pratique de ce droit pendant huit ans au moins » (points 36 et 38).

10. Il s'en déduit que les fonctionnaires, agents ou anciens agents de la fonction publique de l'Union européenne, qui ont exercé en cette qualité au sein d'une institution européenne, ne peuvent se voir privés du bénéfice de l'article 98, 4°, en raison d'un exercice de leur activité en dehors du territoire français mais que, conformément à la réglementation nationale exigeant l'exercice d'activités juridiques dans le domaine du droit national, pour assurer la protection des justiciables et la bonne administration de la justice, il y a lieu de déterminer si leurs activités juridiques comportent une pratique satisfaisante du droit national et que, dans ces conditions, la réglementation nationale ne heurte pas les articles 45 et 49 du traité.

11. L'arrêt énonce d'abord, à bon droit, sans s'attacher au lieu d'exercice des activités juridiques, que les exigences posées par l'article 98, 4°, ne créent pas de conditions discriminatoires à l'accès à la profession d'avocat, sont justifiées pour protéger le justiciable et pour garantir, par une connaissance satisfaisante du droit national, l'exercice des droits de la défense et qu'elles sont limitées et proportionnées à l'objectif poursuivi. Il constate, ensuite, que Mme [V] remplit la condition de diplôme exigée et a travaillé pendant au moins huit ans dans différents services de l'Union européenne en qualité d'agent temporaire, de fonctionnaire stagiaire puis de fonctionnaire titulaire.

12. Cependant, examinant in concreto les travaux et missions qui lui avaient été confiés, la cour d'appel a estimé que Mme [V] ne justifiait d'aucune pratique du droit national, lequel, même s'il intègre nombre de règles européennes, conserve une spécificité et ne se limite pas à ces dernières, et en a justement déduit qu'elle ne remplissait pas la condition dérogatoire relative à l'exercice d'activités juridiques dans le domaine du droit national.

13. Les moyens ne sont donc pas fondés.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

14. Mme [V] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la Charte sociale européenne révisée (version du 3 mai 1996) prévoit en sa partie I, point 18, que « les ressortissants de l'une des Parties ont le droit d'exercer sur le territoire d'une autre Partie toute activité lucrative, sur un pied d'égalité avec les nationaux de cette dernière, sous réserve des restrictions fondées sur des raisons sérieuses de caractère économique ou social » et, en sa partie II, article 18, qu'« en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à l'exercice d'une activité lucrative sur le territoire de toute autre Parties, les Parties s'engagent : 1. à appliquer les règlements existants dans un esprit libéral » ; que le « droit à l'exercice d'une activité » ainsi visé couvre d'une manière générale la possibilité de cet exercice, sans qu'il y ait lieu d'en distinguer l'« accès » à l'activité concernée ; qu'au cas d'espèce, en repoussant par principe l'application de la Charte, motif pris de ce qu'elle ne concernerait que l'« exercice » d'une profession et non l'« accès » à une profession, et en refusant donc d'interpréter l'article 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 en conformité avec la directive de l'article 18 de la partie II, la cour d'appel a violé la Charte sociale européenne révisée (version du 3 mai 1996), ensemble l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958. »

Réponse de la Cour

15. Quelle que pourrait être la portée des dispositions de l'article 18 de la partie II de la Charte sociale européenne dans l'ordre interne, celles-ci ne sont pas méconnues par l'article 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 qui ouvre l'exercice de la profession d'avocat à des ressortissants d'Etats membres, en se bornant à les soumettre, comme les nationaux, à certaines conditions justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général proportionnées à l'objectif de protection des justiciables.

16. Dès lors, le moyen est inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour Mme [V].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé l'arrêté du 9 mai 2016 ayant refusé l'inscription de Mme [V] au barreau de Paris ;

AUX MOTIFS QUE Mme [V] qui remplit les conditions posées par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, 4°, 5° et 6°, expose qu'elle justifie également de celles fixées par l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 pour être exemptée de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude ; qu'elle conteste l'interprétation de ces dispositions tendant à réserver le bénéfice de la dérogation aux personnes faisant partie de la fonction publique française en faisant valoir que « les personnes assimilées aux fonctionnaires de la catégorie A » comprennent les fonctionnaires des organisations internationales appartenant à une catégorie correspondant à la catégorie A ; qu'elle ajoute qu'une interprétation aussi restrictive n'est pas conforme au droit de l'Union en ce qu'elle est contraire à la liberté de circulation des travailleurs et à celle d'établissement des travailleurs ainsi qu'au principe de non-discrimination, en introduisant une exigence de territorialité qui avantage les ressortissants français ; qu'elle soutient que s'agissant d'une restriction discriminatoire, elle ne peut être fondée que sur des raisons d'ordre public, de sécurité et santé publique qui en l'espèce, n'existent pas et que s'il est retenu qu'elle n'est pas discriminatoire, elle n'en est pas pour autant adaptée au but poursuivi ni proportionnée ; qu'enfin, Mme [V] déclare que les principes de primauté et d'effet direct ainsi que le devoir de coopération loyale imposent de rechercher une interprétation conforme au droit de l'Union, malgré le principe d'interprétation stricte d'une disposition dérogatoire ; qu'en tant que de besoin, Mme [V] propose de soumettre une question préjudicielle à la CJUE ; qu'enfin, Mme [V] invoque la Charte sociale européenne ; que l'article 11de la loi du 31 décembre 1971 dispose que « nul ne peut accéder à la profession d'avocat (?) 2° s'il n'est titulaire sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l'application de la directive 205/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d'au moins une maîtrise de droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession ; 3° s'il n'est titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au 2° (?) » ; que l'article 98 dispense de la formation pratique et théorique et du CAPA les personnes qui ont acquis les connaissances nécessaires à l'exercice de la profession soit en ayant exercé des activités juridiques en France soit en ayant exercé des fonctions qui impliquent une mise en pratique du droit national ; que l'article 98-4 énonce ainsi que « sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (?) les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant 8 ans au moins dans une administration, ou un service public ou une organisation internationale » ; que le droit de l'Union européenne impose un principe de non-discrimination et s'oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ses ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre que le leur et une mesure qui entrave la liberté d'établissement ou la liberté de circulation des travailleurs ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général à condition que l'application d'une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; que l'expérience professionnelle du candidat à l'accès à la profession d'avocat doit être appréciée in concreto afin de déterminer si celle-ci correspond à la qualification professionnelle exigée par l'article 98-4 et répond ainsi aux conditions de formation, de compétence et de responsabilité attachées à la fonction publique de catégorie A ; qu'appréciée in concreto, cette exigence ne crée pas de conditions discriminatoires à l'accès à la profession d'avocat pour les ressortissants de l'Union européenne ; qu'en effet, la volonté de veiller à une connaissance satisfaisante par l'avocat du droit national a pour objectif de garantir l'exercice complet, pertinent et efficace des droits de la défense des justiciables ; que la nécessité impérieuse de rendre ce droit effectif constitue un objectif légitime qui peut justifier des restrictions d'accès à la profession ; que l'article 98 du décret pose des conditions dérogatoires qui doivent à ce titre, être interprétées strictement et les personnes ne pouvant prétendre à leur bénéfice, conservent la possibilité d'accéder à la profession d'avocat selon les modalités générales fixées par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'ainsi la restriction apportée à l'accès à la profession d'avocat reste limitée et proportionnée à l'objectif poursuivi ; qu'il s'ensuit que la compatibilité des dispositions de l'article 98, 4° applicables à la situation de Mme [V] avec les règles et principes du droit européen ne pose pas de difficulté justifiant la présentation de la question préjudicielle proposée à la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'en l'espèce, Mme [V], qui a la double nationalité portugaise et roumaine, remplit la condition de diplôme puisqu'elle est titulaire d'une maîtrise en droit obtenue au sein d'une université française, de deux DEA et d'un doctorat également obtenus en France ; qu'elle justifie ainsi d'une connaissance théorique du droit français ; qu'elle déclare en outre avoir effectué un stage dans un cabinet d'avocat à Nice en septembre 2003 ; que Mme [V] a travaillé pendant au moins 8 ans, auprès des services de l'Union européenne à :

- la DG marchés intérieurs unité 03 de juillet 2007 à novembre 2009 (- 4 mois)
- la DG concurrence unité G3 de décembre 2010 à avril 2013
- la DG concurrence unité d'avril 2013 à septembre 2015
- au secrétariat général unité Cl depuis octobre 2015, en qualité:
- d'agent temporaire sur un emploi permanent,(AD5) de juillet 2007 à octobre 2007
- de fonctionnaire stagiaire d'octobre 2007 à juillet 2008,
- de fonctionnaire titulaire à compter de juillet 2008 ;

Qu'elle déclare détenir le rang d'administrateur qui constitue la catégorie statutaire la plus élevée, aux grades AD5, AD6 depuis le 1er janvier 2012 et AD7 depuis le 1er août 2014 et elle précise les missions qui lui ont été confiées dans le cadre de ces fonctions (voir pages 33 et 34 de ses écritures) et notamment : la rédaction de propositions législatives et de différents documents liés aux développements législatifs, l'analyse de la transposition et de l'application par les Etats membres du droit européen (DG marché intérieur), l'analyse juridique des dossiers de demandes d'octroi d'aides d'Etat, la rédaction des décisions de la Commission dans la matière, le conseil lors de toutes les étapes de la procédure interne, le suivi de l'application des décisions, le suivi des dossiers contentieux (DG concurrence aides d'Etat), l'analyse juridique du comportement des entreprises sur le marché, l'analyse juridique des informations relatives au comportement concurrentiel des entreprises sur le marché, la rédaction des décisions de la Commission (DG Concurrence antitrust), le suivi, l'analyse, le conseil au sein de la Commission en matière d'application des nouvelles règles en matière de meilleure réglementation ; que cependant cette énumération ne fait pas apparaître qu'elle a mis en application le droit français de sorte qu'elle ne justifie d'aucune pratique du droit national, lequel, même s'il intègre nombre de règles européennes, conserve néanmoins une spécificité et ne se limite pas à ces dernières ; qu'ainsi, la seule expérience professionnelle acquise dans l'application du droit européen ne répond pas aux critères de sélection de l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 ;

1°) ALORS QUE l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 prévoit que « sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat : (?) les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale » ; que le droit de l'Union européenne est directement intégré dans le droit national ; qu'à supposer que l'exercice des activités juridiques ainsi visées par le texte soit limité au droit français, il n'impose pas que l'impétrant ait la maîtrise de toutes les branches de ce droit ; qu'aussi, la pratique pendant huit ans au moins de n'importe quelle branche du droit français, dont le droit de l'Union, est suffisante pour que cette condition soit remplie ; qu'au cas d'espèce, en décidant au contraire que Mme [V], fonctionnaire du plus haut grade à la Commission européenne, ne remplissait pas la condition tenant à la pratique du droit français dès lors qu'elle n'avait pratiqué que le droit de l'Union, auquel le droit national ne se limitait pas, la cour d'appel a violé les articles 11, 3° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble le principe de l'intégration directe du droit de l'Union européenne dans les droits internes des Etats membres, ensemble l'article 88-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

2°) ALORS, subsidiairement, QUE le droit de l'Union européenne est directement intégré dans le droit national ; que la pratique du droit de l'Union équivaut donc à la pratique de toute autre branche du droit français ; qu'en l'espèce, en distinguant, pour l'application de l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991, entre les fonctionnaires ayant pratiqué certaines branches du droit français hors droit de l'Union et les fonctionnaires qui ont pratiqué le droit de l'Union, pour exclure les seconds du bénéfice de la dispense instituée par le texte, la cour d'appel, qui a distingué là où la loi ne distingue pas, a violé les articles 11, 3° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble le principe de l'intégration directe du droit de l'Union européenne dans les droits internes des Etats le principe de l'interprétation conforme, ensemble l'article 88-1 de la Constitution du 4 octobre 1958.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé l'arrêté du 9 mai 2016 ayant refusé l'inscription de Mme [V] au barreau de Paris ;

AUX MOTIFS QUE Mme [V] qui remplit les conditions posées par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, 4°, 5° et 6°, expose qu'elle justifie également de celles fixées par l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 pour être exemptée de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude ; qu'elle conteste l'interprétation de ces dispositions tendant à réserver le bénéfice de la dérogation aux personnes faisant partie de la fonction publique française en faisant valoir que « les personnes assimilées aux fonctionnaires de la catégorie A » comprennent les fonctionnaires des organisations internationales appartenant à une catégorie correspondant à la catégorie A ; qu'elle ajoute qu'une interprétation aussi restrictive n'est pas conforme au droit de l'Union en ce qu'elle est contraire à la liberté de circulation des travailleurs et à celle d'établissement des travailleurs ainsi qu'au principe de non-discrimination, en introduisant une exigence de territorialité qui avantage les ressortissants français ; qu'elle soutient que s'agissant d'une restriction discriminatoire, elle ne peut être fondée que sur des raisons d'ordre public, de sécurité et santé publique qui en l'espèce, n'existent pas et que s'il est retenu qu'elle n'est pas discriminatoire, elle n'en est pas pour autant adaptée au but poursuivi ni proportionnée ; qu'enfin, Mme [V] déclare que les principes de primauté et d'effet direct ainsi que le devoir de coopération loyale imposent de rechercher une interprétation conforme au droit de l'Union, malgré le principe d'interprétation stricte d'une disposition dérogatoire ; qu'en tant que de besoin, Mme [V] propose de soumettre une question préjudicielle à la CJUE ; qu'enfin, Mme [V] invoque la Charte sociale européenne ; que l'article 11de la loi du 31 décembre 1971 dispose que « nul ne peut accéder à la profession d'avocat (?) 2° s'il n'est titulaire sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l'application de la directive 205/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d'au moins une maîtrise de droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession ; 3° s'il n'est titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au 2° (?) » ; que l'article 98 dispense de la formation pratique et théorique et du CAPA les personnes qui ont acquis les connaissances nécessaires à l'exercice de la profession soit en ayant exercé des activités juridiques en France soit en ayant exercé des fonctions qui impliquent une mise en pratique du droit national ; que l'article 98-4 énonce ainsi que « sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (?) les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant 8 ans au moins dans une administration, ou un service public ou une organisation internationale » ; que le droit de l'Union européenne impose un principe de non-discrimination et s'oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ses ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre que le leur et une mesure qui entrave la liberté d'établissement ou la liberté de circulation des travailleurs ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général à condition que l'application d'une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; que l'expérience professionnelle du candidat à l'accès à la profession d'avocat doit être appréciée in concreto afin de déterminer si celle-ci correspond à la qualification professionnelle exigée par l'article 98-4 et répond ainsi aux conditions de formation, de compétence et de responsabilité attachées à la fonction publique de catégorie A ; qu'appréciée in concreto, cette exigence ne crée pas de conditions discriminatoires à l'accès à la profession d'avocat pour les ressortissants de l'Union européenne ; qu'en effet, la volonté de veiller à une connaissance satisfaisante par l'avocat du droit national a pour objectif de garantir l'exercice complet, pertinent et efficace des droits de la défense des justiciables ; que la nécessité impérieuse de rendre ce droit effectif constitue un objectif légitime qui peut justifier des restrictions d'accès à la profession ; que l'article 98 du décret pose des conditions dérogatoires qui doivent à ce titre, être interprétées strictement et les personnes ne pouvant prétendre à leur bénéfice, conservent la possibilité d'accéder à la profession d'avocat selon les modalités générales fixées par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'ainsi la restriction apportée à l'accès à la profession d'avocat reste limitée et proportionnée à l'objectif poursuivi ; qu'il s'ensuit que la compatibilité des dispositions de l'article 98, 4° applicables à la situation de Mme [V] avec les règles et principes du droit européen ne pose pas de difficulté justifiant la présentation de la question préjudicielle proposée à la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'en l'espèce, Mme [V], qui a la double nationalité portugaise et roumaine, remplit la condition de diplôme puisqu'elle est titulaire d'une maîtrise en droit obtenue au sein d'une université française, de deux DEA et d'un doctorat également obtenus en France ; qu'elle justifie ainsi d'une connaissance théorique du droit français ; qu'elle déclare en outre avoir effectué un stage dans un cabinet d'avocat à Nice en septembre 2003 ; que Mme [V] a travaillé pendant au moins 8 ans, auprès des services de l'Union européenne à :

- la DG marchés intérieurs unité 03 de juillet 2007 à novembre 2009 (- 4 mois)
- la DG concurrence unité G3 de décembre 2010 à avril 2013
- la DG concurrence unité d'avril 2013 à septembre 2015
- au secrétariat général unité Cl depuis octobre 2015, en qualité:
- d'agent temporaire sur un emploi permanent,(AD5) de juillet 2007 à octobre 2007
- de fonctionnaire stagiaire d'octobre 2007 à juillet 2008,
- de fonctionnaire titulaire à compter de juillet 2008 ;

Qu'elle déclare détenir le rang d'administrateur qui constitue la catégorie statutaire la plus élevée, aux grades AD5, AD6 depuis le 1er janvier 2012 et AD7 depuis le 1er août 2014 et elle précise les missions qui lui ont été confiées dans le cadre de ces fonctions (voir pages 33 et 34 de ses écritures) et notamment : la rédaction de propositions législatives et de différents documents liés aux développements législatifs, l'analyse de la transposition et de l'application par les Etats membres du droit européen (DG marché intérieur), l'analyse juridique des dossiers de demandes d'octroi d'aides d'Etat, la rédaction des décisions de la Commission dans la matière, le conseil lors de toutes les étapes de la procédure interne, le suivi de l'application des décisions, le suivi des dossiers contentieux (DG concurrence aides d'Etat), l'analyse juridique du comportement des entreprises sur le marché, l'analyse juridique des informations relatives au comportement concurrentiel des entreprises sur le marché, la rédaction des décisions de la Commission (DG Concurrence antitrust), le suivi, l'analyse, le conseil au sein de la Commission en matière d'application des nouvelles règles en matière de meilleure réglementation ; que cependant cette énumération ne fait pas apparaître qu'elle a mis en application le droit français de sorte qu'elle ne justifie d'aucune pratique du droit national, lequel, même s'il intègre nombre de règles européennes, conserve néanmoins une spécificité et ne se limite pas à ces dernières ; qu'ainsi, la seule expérience professionnelle acquise dans l'application du droit européen ne répond pas aux critères de sélection de l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 ;

ALORS QUE le droit de l'Union européenne prohibe, non seulement les discriminations directes fondées sur la nationalité, mais aussi les discriminations indirectes, qui ne peuvent être justifiées que par des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ; que selon la jurisprudence de la CJUE, la notion de discrimination indirecte est d'interprétation large et inclut aussi les entraves d'importance secondaire qui concernent l'égalité d'accès à l'emploi sans distinction en fonction de la nationalité ; qu'à supposer que la dispense prévue par les articles 11, 3° de la loi du 31 décembre 1971 et 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 doive être comprise comme étant limitée aux fonctionnaires de catégorie A et assimilés qui ont exercé des activités juridiques pendant huit ans, soit exclusivement sur le territoire français, soit en mettant en oeuvre des règles de droit français ne trouvant pas leur source dans le droit de l'Union européenne, alors ces textes ont nécessairement pour effet d'instaurer une discrimination indirecte en faveur des fonctionnaires de la fonction publique française ? dont la grande majorité est de nationalité française ?, qui sont en pratique les seuls à pouvoir remplir ces critères, et en défaveur des fonctionnaires ressortissants appartenant à une autre fonction publique, laquelle n'est pas justifiée par des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ; qu'en refusant sur ce fondement la demande de Mme [V], la cour d'appel a violé les articles 11, 3° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les articles 18, 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tels qu'interprétés par la CJUE.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire au deuxième)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé l'arrêté du 9 mai 2016 ayant refusé l'inscription de Mme [V] au barreau de Paris ;

AUX MOTIFS QUE Mme [V] qui remplit les conditions posées par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, 4°, 5° et 6°, expose qu'elle justifie également de celles fixées par l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 pour être exemptée de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude ; qu'elle conteste l'interprétation de ces dispositions tendant à réserver le bénéfice de la dérogation aux personnes faisant partie de la fonction publique française en faisant valoir que « les personnes assimilées aux fonctionnaires de la catégorie A » comprennent les fonctionnaires des organisations internationales appartenant à une catégorie correspondant à la catégorie A ; qu'elle ajoute qu'une interprétation aussi restrictive n'est pas conforme au droit de l'Union en ce qu'elle est contraire à la liberté de circulation des travailleurs et à celle d'établissement des travailleurs ainsi qu'au principe de non-discrimination, en introduisant une exigence de territorialité qui avantage les ressortissants français ; qu'elle soutient que s'agissant d'une restriction discriminatoire, elle ne peut être fondée que sur des raisons d'ordre public, de sécurité et santé publique qui en l'espèce, n'existent pas et que s'il est retenu qu'elle n'est pas discriminatoire, elle n'en est pas pour autant adaptée au but poursuivi ni proportionnée ; qu'enfin, Mme [V] déclare que les principes de primauté et d'effet direct ainsi que le devoir de coopération loyale imposent de rechercher une interprétation conforme au droit de l'Union, malgré le principe d'interprétation stricte d'une disposition dérogatoire ; qu'en tant que de besoin, Mme [V] propose de soumettre une question préjudicielle à la CJUE ; qu'enfin, Mme [V] invoque la Charte sociale européenne ; que l'article 11de la loi du 31 décembre 1971 dispose que « nul ne peut accéder à la profession d'avocat (?) 2° s'il n'est titulaire sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l'application de la directive 205/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d'au moins une maîtrise de droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession ; 3° s'il n'est titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au 2° (?) » ; que l'article 98 dispense de la formation pratique et théorique et du CAPA les personnes qui ont acquis les connaissances nécessaires à l'exercice de la profession soit en ayant exercé des activités juridiques en France soit en ayant exercé des fonctions qui impliquent une mise en pratique du droit national ; que l'article 98-4 énonce ainsi que « sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (?) les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant 8 ans au moins dans une administration, ou un service public ou une organisation internationale » ; que le droit de l'Union européenne impose un principe de non-discrimination et s'oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ses ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre que le leur et une mesure qui entrave la liberté d'établissement ou la liberté de circulation des travailleurs ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général à condition que l'application d'une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; que l'expérience professionnelle du candidat à l'accès à la profession d'avocat doit être appréciée in concreto afin de déterminer si celle-ci correspond à la qualification professionnelle exigée par l'article 98-4 et répond ainsi aux conditions de formation, de compétence et de responsabilité attachées à la fonction publique de catégorie A ; qu'appréciée in concreto, cette exigence ne crée pas de conditions discriminatoires à l'accès à la profession d'avocat pour les ressortissants de l'Union européenne ; qu'en effet, la volonté de veiller à une connaissance satisfaisante par l'avocat du droit national a pour objectif de garantir l'exercice complet, pertinent et efficace des droits de la défense des justiciables ; que la nécessité impérieuse de rendre ce droit effectif constitue un objectif légitime qui peut justifier des restrictions d'accès à la profession ; que l'article 98 du décret pose des conditions dérogatoires qui doivent à ce titre, être interprétées strictement et les personnes ne pouvant prétendre à leur bénéfice, conservent la possibilité d'accéder à la profession d'avocat selon les modalités générales fixées par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'ainsi la restriction apportée à l'accès à la profession d'avocat reste limitée et proportionnée à l'objectif poursuivi ; qu'il s'ensuit que la compatibilité des dispositions de l'article 98, 4° applicables à la situation de Mme [V] avec les règles et principes du droit européen ne pose pas de difficulté justifiant la présentation de la question préjudicielle proposée à la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'en l'espèce, Mme [V], qui a la double nationalité portugaise et roumaine, remplit la condition de diplôme puisqu'elle est titulaire d'une maîtrise en droit obtenue au sein d'une université française, de deux DEA et d'un doctorat également obtenus en France ; qu'elle justifie ainsi d'une connaissance théorique du droit français ; qu'elle déclare en outre avoir effectué un stage dans un cabinet d'avocat à Nice en septembre 2003 ; que Mme [V] a travaillé pendant au moins 8 ans, auprès des services de l'Union européenne à :

- la DG marchés intérieurs unité 03 de juillet 2007 à novembre 2009 (- 4 mois)
- la DG concurrence unité G3 de décembre 2010 à avril 2013
- la DG concurrence unité d'avril 2013 à septembre 2015
- au secrétariat général unité Cl depuis octobre 2015, en qualité:
- d'agent temporaire sur un emploi permanent,(AD5) de juillet 2007 à octobre 2007
- de fonctionnaire stagiaire d'octobre 2007 à juillet 2008,
- de fonctionnaire titulaire à compter de juillet 2008 ;

Qu'elle déclare détenir le rang d'administrateur qui constitue la catégorie statutaire la plus élevée, aux grades AD5, AD6 depuis le 1er janvier 2012 et AD7 depuis le 1er août 2014 et elle précise les missions qui lui ont été confiées dans le cadre de ces fonctions (voir pages 33 et 34 de ses écritures) et notamment : la rédaction de propositions législatives et de différents documents liés aux développements législatifs, l'analyse de la transposition et de l'application par les Etats membres du droit européen (DG marché intérieur), l'analyse juridique des dossiers de demandes d'octroi d'aides d'Etat, la rédaction des décisions de la Commission dans la matière, le conseil lors de toutes les étapes de la procédure interne, le suivi de l'application des décisions, le suivi des dossiers contentieux (DG concurrence aides d'Etat), l'analyse juridique du comportement des entreprises sur le marché, l'analyse juridique des informations relatives au comportement concurrentiel des entreprises sur le marché, la rédaction des décisions de la Commission (DG Concurrence antitrust), le suivi, l'analyse, le conseil au sein de la Commission en matière d'application des nouvelles règles en matière de meilleure réglementation ; que cependant cette énumération ne fait pas apparaître qu'elle a mis en application le droit français de sorte qu'elle ne justifie d'aucune pratique du droit national, lequel, même s'il intègre nombre de règles européennes, conserve néanmoins une spécificité et ne se limite pas à ces dernières ; qu'ainsi, la seule expérience professionnelle acquise dans l'application du droit européen ne répond pas aux critères de sélection de l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 ;

1°) ALORS QUE l'ensemble des dispositions du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la libre circulation des personnes vise à faciliter l'exercice des activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l'Union et s'oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ses ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre ; qu'une mesure qui entrave la libre circulation des travailleurs et la liberté d'établissement ne peut être admise, à supposer qu'elle soit non discriminatoire, que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général, à condition que l'application d'une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; qu'en l'espèce, à considérer que la dispense de l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 doive être refusée aux fonctionnaires de l'Union européenne ayant pratiqué le seul droit de l'Union, lequel fait partie intégrante du droit français, au motif que cette pratique ne garantirait pas au justiciable une défense pertinente et efficace, ou encore la protection des justiciables contre le préjudice qu'ils pourraient subir du fait de services fournis par des personnes qui n'auraient pas les qualifications professionnelles nécessaires, mais qu'elle puisse être accordée aux fonctionnaires ayant exercé dans certaines branches seulement du droit français (autres que le droit de l'Union), et ne présentent donc objectivement pas davantage de garanties, constitue une mesure restrictive qui, à supposer qu'elle poursuive le but légitime de protection du justiciable, est toutefois impropre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et va au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre ; qu'en rejetant dans ces conditions la demande d'inscription au barreau de Mme [V], la cour d'appel a violé les articles 18, 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'interprétés par la CJUE, ensemble les articles 11, 3° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les principes de l'intégration directe du droit de l'Union dans les droits internes des Etats membres et de l'interprétation conforme du droit national ;

2°) ALORS, subsidiairement, QU'une mesure qui entrave la libre circulation des travailleurs et la liberté d'établissement ne peut être admise, à supposer qu'elle soit non discriminatoire, que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général, à condition que l'application d'une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; qu'aux termes de la jurisprudence de la CJUE, pour exercer ce contrôle lorsqu'est en cause l'accès à une profession réglementée, le juge national doit prendre en considération les périodes d'activité comparables de la partie concernée accomplies dans un autre Etat membre, moyennant une appréciation des qualifications et de l'expérience acquises, qui doit être faite in concreto ; qu'en l'espèce, la cour d'appel devait donc procéder à une comparaison des diplômes, qualifications et expériences professionnelles de Mme [V], fonctionnaire européen ayant certes pratiqué le droit européen pendant dix ans, mais titulaire d'une maîtrise, d'un DEA (master II) et d'un doctorat en droit français, avec ceux exigés d'un fonctionnaire français détenant uniquement une maîtrise en droit et ayant seulement pratiqué le droit français « commun », pendant huit ans, aux fins d'évaluer le niveau de l'impétrante en droit français « commun » ; qu'en se bornant à un rejet in abstracto fondé sur l'absence de pratique du droit français « commun » sans faire une évaluation globale incluant aussi les connaissances de l'intéressée, la cour d'appel a violé les articles 11, 3° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les articles 18, 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tels qu'interprétés par la CJUE ;

3°) ALORS, de la même manière, QU'une mesure qui entrave la libre circulation des travailleurs et la liberté d'établissement ne peut être admise, à supposer qu'elle soit non discriminatoire, que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général, à condition que l'application d'une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; qu'en requérant une appréciation in concreto par le juge des connaissances de l'intéressé, le droit de l'Union impose une obligation de résultat de prendre en compte les connaissances et l'expérience équivalentes, obligation dont le non-respect donne lieu à une discrimination indirecte ; que pour satisfaire à cette obligation le juge national, ne peut pas se borner à renvoyer aux catégories d'accès existantes en droit national si celles-ci ne permettent pas d'atteindre cette obligation de résultat ; qu'en l'espèce, en renvoyant la demanderesse au régime d'accès de droit commun ouvert aux juristes sans expérience professionnelle, alors que ses connaissances et son expérience professionnelle correspondaient au moins en partie à celles ouvrant l'accès dérogatoire aux fonctionnaires de la fonction publique française, que ce régime ne permettait pas la prise en compte effective de son expérience professionnelle et qu'un moyen moins strict pour atteindre l'objectif recherché aurait consisté à exiger la preuve des seules connaissances manquantes, la cour d'appel a violé les articles 11, 3° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98, 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les articles 18, 45 et 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tels qu'interprétés par la CJUE, ensemble l'obligation d'interprétation conforme du droit européen.

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire au troisième)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé l'arrêté du 9 mai 2016 ayant refusé l'inscription de Mme [V] au barreau de Paris ;

AUX MOTIFS QUE Mme [V] qui remplit les conditions posées par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, 4°, 5° et 6°, expose qu'elle justifie également de celles fixées par l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 pour être exemptée de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude ; qu'elle conteste l'interprétation de ces dispositions tendant à réserver le bénéfice de la dérogation aux personnes faisant partie de la fonction publique française en faisant valoir que « les personnes assimilées aux fonctionnaires de la catégorie A » comprennent les fonctionnaires des organisations internationales appartenant à une catégorie correspondant à la catégorie A ; qu'elle ajoute qu'une interprétation aussi restrictive n'est pas conforme au droit de l'Union en ce qu'elle est contraire à la liberté de circulation des travailleurs et à celle d'établissement des travailleurs ainsi qu'au principe de non-discrimination, en introduisant une exigence de territorialité qui avantage les ressortissants français ; qu'elle soutient que s'agissant d'une restriction discriminatoire, elle ne peut être fondée que sur des raisons d'ordre public, de sécurité et santé publique qui en l'espèce, n'existent pas et que s'il est retenu qu'elle n'est pas discriminatoire, elle n'en est pas pour autant adaptée au but poursuivi ni proportionnée ; qu'enfin, Mme [V] déclare que les principes de primauté et d'effet direct ainsi que le devoir de coopération loyale imposent de rechercher une interprétation conforme au droit de l'Union, malgré le principe d'interprétation stricte d'une disposition dérogatoire ; qu'en tant que de besoin, Mme [V] propose de soumettre une question préjudicielle à la CJUE ; qu'enfin, Mme [V] invoque la Charte sociale européenne ; que l'article 11de la loi du 31 décembre 1971 dispose que « nul ne peut accéder à la profession d'avocat (?) 2° s'il n'est titulaire sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l'application de la directive 205/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d'au moins une maîtrise de droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession ; 3° s'il n'est titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) sous réserve des dispositions réglementaires mentionnées au 2° (?) » ; que l'article 98 dispense de la formation pratique et théorique et du CAPA les personnes qui ont acquis les connaissances nécessaires à l'exercice de la profession soit en ayant exercé des activités juridiques en France soit en ayant exercé des fonctions qui impliquent une mise en pratique du droit national ; que l'article 98-4 énonce ainsi que « sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (?) les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant 8 ans au moins dans une administration, ou un service public ou une organisation internationale » ; que le droit de l'Union européenne impose un principe de non-discrimination et s'oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ses ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre que le leur et une mesure qui entrave la liberté d'établissement ou la liberté de circulation des travailleurs ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général à condition que l'application d'une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; que l'expérience professionnelle du candidat à l'accès à la profession d'avocat doit être appréciée in concreto afin de déterminer si celle-ci correspond à la qualification professionnelle exigée par l'article 98-4 et répond ainsi aux conditions de formation, de compétence et de responsabilité attachées à la fonction publique de catégorie A ; qu'appréciée in concreto, cette exigence ne crée pas de conditions discriminatoires à l'accès à la profession d'avocat pour les ressortissants de l'Union européenne ; qu'en effet, la volonté de veiller à une connaissance satisfaisante par l'avocat du droit national a pour objectif de garantir l'exercice complet, pertinent et efficace des droits de la défense des justiciables ; que la nécessité impérieuse de rendre ce droit effectif constitue un objectif légitime qui peut justifier des restrictions d'accès à la profession ; que l'article 98 du décret pose des conditions dérogatoires qui doivent à ce titre, être interprétées strictement et les personnes ne pouvant prétendre à leur bénéfice, conservent la possibilité d'accéder à la profession d'avocat selon les modalités générales fixées par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'ainsi la restriction apportée à l'accès à la profession d'avocat reste limitée et proportionnée à l'objectif poursuivi ; qu'il s'ensuit que la compatibilité des dispositions de l'article 98, 4° applicables à la situation de Mme [V] avec les règles et principes du droit européen ne pose pas de difficulté justifiant la présentation de la question préjudicielle proposée à la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'en l'espèce, Mme [V], qui a la double nationalité portugaise et roumaine, remplit la condition de diplôme puisqu'elle est titulaire d'une maîtrise en droit obtenue au sein d'une université française, de deux DEA et d'un doctorat également obtenus en France ; qu'elle justifie ainsi d'une connaissance théorique du droit français ; qu'elle déclare en outre avoir effectué un stage dans un cabinet d'avocat à Nice en septembre 2003 ; que Mme [V] a travaillé pendant au moins 8 ans, auprès des services de l'Union européenne à :

- la DG marchés intérieurs unité 03 de juillet 2007 à novembre 2009 (- 4 mois)
- la DG concurrence unité G3 de décembre 2010 à avril 2013
- la DG concurrence unité d'avril 2013 à septembre 2015
- au secrétariat général unité Cl depuis octobre 2015, en qualité:
- d'agent temporaire sur un emploi permanent,(AD5) de juillet 2007 à octobre 2007
- de fonctionnaire stagiaire d'octobre 2007 à juillet 2008,
- de fonctionnaire titulaire à compter de juillet 2008 ;

Qu'elle déclare détenir le rang d'administrateur qui constitue la catégorie statutaire la plus élevée, aux grades AD5, AD6 depuis le 1er janvier 2012 et AD7 depuis le 1er août 2014 et elle précise les missions qui lui ont été confiées dans le cadre de ces fonctions (voir pages 33 et 34 de ses écritures) et notamment : la rédaction de propositions législatives et de différents documents liés aux développements législatifs, l'analyse de la transposition et de l'application par les Etats membres du droit européen (DG marché intérieur), l'analyse juridique des dossiers de demandes d'octroi d'aides d'Etat, la rédaction des décisions de la Commission dans la matière, le conseil lors de toutes les étapes de la procédure interne, le suivi de l'application des décisions, le suivi des dossiers contentieux (DG concurrence aides d'Etat), l'analyse juridique du comportement des entreprises sur le marché, l'analyse juridique des informations relatives au comportement concurrentiel des entreprises sur le marché, la rédaction des décisions de la Commission (DG Concurrence antitrust), le suivi, l'analyse, le conseil au sein de la Commission en matière d'application des nouvelles règles en matière de meilleure réglementation ; que cependant cette énumération ne fait pas apparaître qu'elle a mis en application le droit français de sorte qu'elle ne justifie d'aucune pratique du droit national, lequel, même s'il intègre nombre de règles européennes, conserve néanmoins une spécificité et ne se limite pas à ces dernières ; qu'ainsi, la seule expérience professionnelle acquise dans l'application du droit européen ne répond pas aux critères de sélection de l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 ;

ALORS QUE la Charte sociale européenne révisée (version du 3 mai 1996) prévoit en sa partie I, point 18, que « les ressortissants de l'une des Parties ont le droit d'exercer sur le territoire d'une autre Partie toute activité lucrative, sur un pied d'égalité avec les nationaux de cette dernière, sous réserve des restrictions fondées sur des raisons sérieuses de caractère économique ou social » et, en sa partie II, article 18, qu'« en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à l'exercice d'une activité lucrative sur le territoire de toute autre Parties, les Parties s'engagent : 1. à appliquer les règlements existants dans un esprit libéral » ; que le « droit à l'exercice d'une activité » ainsi visé couvre d'une manière générale la possibilité de cet exercice, sans qu'il y ait lieu d'en distinguer l'« accès » à l'activité concernée ; qu'au cas d'espèce, en repoussant par principe l'application de la Charte, motif pris de ce qu'elle ne concernerait que l'« exercice » d'une profession et non l'« accès » à une profession, et en refusant donc d'interpréter l'article 98, 4° du décret du 27 novembre 1991 en conformité avec la directive de l'article 18 de la partie II, la cour d'appel a violé la Charte sociale européenne révisée (version du 3 mai 1996), ensemble l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958.

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