5 May 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-14.486

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00380

Titres et sommaires

CAUTIONNEMENT - Caution - Recours contre le débiteur principal - Recours subrogatoire - Prescription - Point de départ - Détermination

Il résulte des dispositions combinées des articles 2224 et 2306 du code civil, que la caution qui est subrogée dans les droits du créancier ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, de sorte que son action en paiement contre le débiteur est soumise à la prescription applicable à l'action dont disposait le créancier et commence à courir du jour où ce dernier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2224 du code civil - Point de départ - Connaissance des faits permettant l'exercice de l'action - Cas - Action subrogatoire de la caution

SUBROGATION - Effets - Effet translatif - Etendue - Détermination - Portée

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 mai 2021




Cassation


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 380 F-P

Pourvoi n° P 19-14.486














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MAI 2021

Mme [H] [O], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 19-14.486 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2018 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [C] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.


Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mme [O], de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 juin 2018), par un acte du 5 août 2003, la société Caisse d'épargne Languedoc Roussillon (la banque) a consenti à Mme [O] deux prêts de 72 000 euros et de 35 000 euros, garantis par l'engagement de caution solidaire de M. [J]. Mme [O], ayant été défaillante dans l'exécution de ses obligations, la banque a mis en demeure le 22 juin 2010, M. [J], qui lui a ensuite payé la somme 63 233,06 euros contre remise d'une quittance subrogative, le 13 décembre 2010. Ayant vainement mis en demeure Mme [O] de le rembourser, M. [J] a assigné cette dernière le 5 décembre 2015.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. Mme [O] fait grief à l'arrêt de déclarer l'action introduite par M. [J] recevable, de la condamner à payer la somme de 68 233,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2015 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que l'action subrogatoire de la caution est soumise à la prescription applicable à l'action du créancier contre le débiteur ; que par suite, la prescription de l'action subrogatoire commence à courir au même moment que la prescription de l'action principale ; qu'en l'espèce, l'action de la banque était soumise à une prescription quinquennale qui a couru à compter du jour où elle a connu les faits lui permettant d'exercer son recours ; qu'en retenant, pour juger recevable le recours de M. [J], que la prescription de son action subrogatoire n'avait couru qu'à compter de la délivrance de la quittance subrogative, soit le 13 décembre 2010, alors que ce délai avait commencé à courir dès que la banque avait eu connaissance de la défaillance du débiteur, soit le 22 juin 2010 au plus tard, la cour d'appel a violé l'article 2306 du code civil, ensemble l'article 2224 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 et 2306 du code civil :

3. Aux termes du second de ces textes, la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur et il résulte du premier que le créancier dispose, pour agir contre ce dernier, d'un délai de cinq ans à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action.

4. Pour déclarer l'action de M. [J] recevable et condamner Mme [O] à lui payer la somme 68 233,63 euros, l'arrêt retient que l'action subrogatoire exercée par M. [J] est une action personnelle soumise à une prescription de cinq ans en application de l'article 2224 du code civil à compter du jour où il a connu les faits lui permettant de l'exercer, soit après le paiement effectué en exécution du contrat de cautionnement, à compter de la date de délivrance de la quittance subrogative, le 13 décembre 2010.

5. En statuant ainsi alors que la caution qui est subrogée dans les droits du créancier ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, de sorte que l'action subrogatoire de la caution contre le débiteur est soumise à la même prescription que celle applicable à l'action du créancier contre le débiteur, laquelle ne commence à courir que du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et le condamne à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour Mme [O].

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré l'action introduite par M. [C] [J] recevable, condamné Mme [H] [O] à payer à M. [J] la somme de 68.233,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2015, et rejeté le surplus de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « c'est à tort que l'appelante se prévaut de l'irrecevabilité de la demande subrogatoire formée à son encontre pour prescription de l'action alors qu'il est constant que les prêts souscrits par Madame [O] en qualité de commerçante et cautionnés par M. [J] sont des prêts à caractère professionnel, que l'action subrogatoire exercée par M. [J] est une action personnelle soumise à une prescription de cinq ans en application de 2224 à compter du jour où il a connu les faits lui permettant de l'exercer, soit après le paiement effectué en exécution du contrat de cautionnement, à compter de la date de délivrance de la quittance subrogatoire, soit le 13 décembre 2010 ; qu'il s'ensuit que l'action subrogatoire exercée par M. [J] par acte d'assignation du 5 décembre 2015 a été engagée avant l'expiration du délai quinquennal ; que la fin de non-recevoir tirée de la prescription a donc été à bon droit écartée par le premier juge ; que Mme [O] ne peut davantage se prévaloir d'un moyen propre à la caution tenant à l'exécution de son engagement au-delà de la durée de 6 ans telle que fixée dans l'acte de cautionnement » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « aux termes de l'article 2224 du code civil les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'occurrence la créance a pris naissance dans la délivrance de la quittance subrogatoire en date du 13/12/2010 ; que l'action, introduite le 5/12/2015, a été dès lors intentée dans le délai de cinq ans à compter de l'origine de la créance ; qu'elle sera en conséquence considérée comme recevable » ;

1°/ ALORS QUE l'action subrogatoire de la caution est soumise à la prescription applicable à l'action du créancier contre le débiteur ; que par suite, la prescription de l'action subrogatoire commence à courir au même moment que la prescription de l'action principale ; qu'en l'espèce, l'action de la banque était soumise à une prescription quinquennale qui a couru à compter du jour où elle a connu les faits lui permettant d'exercer son recours ; qu'en retenant, pour juger recevable le recours de M. [J], que la prescription de son action subrogatoire n'avait couru qu'à compter de la délivrance de la quittance subrogative, soit le 13 décembre 2010, alors que ce délai avait commencé à courir dès que la banque avait eu connaissance de la défaillance du débiteur, soit le 22 juin 2010 au plus tard, la cour d'appel a violé l'article 2306 du code civil, ensemble l'article 2224 du même code ;

2°/ ALORS QUE, subsidiairement, M. [J] a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son action subrogatoire dès le jour de son premier paiement, soit le 10 novembre 2010, de sorte que l'action introduite le 5 décembre 2015 était prescrite ; qu'en retenant que M. [J] avait connu les faits lui permettant d'exercer son action « après le paiement effectué en exécution du contrat de cautionnement, à compter de la date de délivrance de la quittance subrogatoire, soit le 13 décembre 2010 », pour juger son action recevable, la cour d'appel a violé l'article 2306 du code civil, ensemble l'article 2224 du même code.

3°/ ET ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de Mme [O] tendant à voir engager la responsabilité de M. [J] pour n'avoir pas opposé à la banque la prescription de sa créance envers lui, que Mme [O] ne pouvait se prévaloir d'un moyen propre à la caution tenant à l'exécution de son engagement de caution au-delà de la durée de 6 ans telle que fixée dans l'acte de cautionnement, sans fournir le moindre motif permettant de justifier cette assertion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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