29 April 2021
Cour d'appel de Basse-Terre
RG n° 19/01564

1ère chambre civile

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRET N° 356 DU 29 AVRIL 2021







N° RG 19/01564 - N° Portalis DBV7-V-B7D-DFRY



Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 19 septembre 2019, enregistrée sous le n° 19/00136



APPELANTS :



Monsieur [I], [U] [M]

[Adresse 3]

[Localité 5] / France



Madame [F] [L] épouse [M]

[Adresse 3]

[Localité 5] / France



Tous deux représentés par Me Claudel Delumeau de la SELARL Judexis, avocat au barreau de Guadeloupe, St Martin & St Barthélémy



INTIMES :



Monsieur [K] [P]

[Adresse 6]

[Localité 4]



Madame [J] [Y] épouse [P]

[Adresse 6]

[Localité 4]



Tous deux représentés par Me Jean-Nicolas Gonand, avocat au barreau de Guadeloupe, St Martin & St Barthélémy



COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions de l'article 799 alinea 3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 1er mars 2021.



Par avis du 03 mars 2021 le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de:



Mme Claudine Fourcade, présidente de chambre,

Mme Valérie Marie-Gabrielle, conseillère,

Mme Christine Defoy, conseillère.



qui en ont délibéré.



Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 29 avril 2021.





GREFFIER



Lors du dépôt des dossiers et du prononcé : Melle Claudie Solignac, greffier placé.



ARRET :



Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile. Signé par Mme Claudine Fourcade, Présidente de chambre, et par Mme Claudie Solignac, greffier placé, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.




FAITS ET PROCÉDURE



Selon acte authentique reçu le 06 septembre 2011 par M. [T] [X], notaire à [Localité 9], M. [I] [M] et Mme [F] [L] (les Consorts [M]-[L]) ont acquis des mains de M. [K] [P] et de Mme [J] [Y] épouse [P] (M. et Mme [P]), une propriété bâtie consistant en une maison d'habitation édifiée depuis plus de 15 ans comprenant notamment un séjour, une cuisine aménagée, trois chambres, une salle d'eau, une salle de bains, une galerie, un garage et une piscine hors sol, l'ensemble édifié sur un terrain cadastré section AD [Cadastre 1], d'une contenance de 20 ares 44 centiares, lieudit [Adresse 2] sur la commune de [Localité 7], moyennant le prix global de 460 000 euros.



Prétendant que les vendeurs ont manqué à leurs obligations notamment à leur garantie d'éviction, les Consorts [M]-[L] ont, par acte d'huissier de justice délivré le 15 janvier 2019, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, M. et Mme [P] en paiement des sommes de 24 780,45 euros pour les travaux nécessaires à la délimitation de la parcelle, 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice outre une indemnité de procédure.



Par jugement contradictoire rendu le 19 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, a :

- débouté les Consorts [M]-[L] de toutes leurs demandes formulées à l'encontre de M. et Mme [P]

- condamné in solidum les Consorts [M]-[L] à verser la somme de 1 000 euros à M. et Mme [P] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- et condamné les Consorts [M]-[L] aux dépens.



Les Consorts [M]-[L] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel en date du 14 novembre 2019.



L'affaire dont l'ordonnance de clôture a été rendue le 01 février 2021 a été retenue à l'audience du 01 mars 2021 puis mise en délibéré au 29 avril 2021, date de son prononcé par mise à disposition au greffe.

PRÉTENTIONS ET MOYENS



Vu les dernières conclusions remises au greffe le 23 janvier 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, aux termes desquelles les Consorts [M]-[L] demandent de :

- déclarer leurs demandes bien fondées,

- infirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner M. et Mme [P] au titre de leur responsabilité contractuelle à l'égard des Consorts [M]-[L] eu égard au manquement à leur obligation de garantir l'acquéreur contre l'éviction,

- condamner M. et Mme [P] à verser aux Consorts [M]-[L] la somme de 24 780,45 euros au titre des travaux nécessaires à la délimitation de leur parcelle,

- condamner M. et Mme [P] au titre de leur responsabilité délictuelle à l'égard des Consorts [M]-[L] eu égard à leur réticence dolosive sur des éléments déterminants du consentement de l'acheteur,

- condamner M. et Mme [P] à verser aux Consorts [M]-[L] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice,

- condamner M. et Mme [P] à verser aux Consorts [M]-[L] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. et Mme [P] aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de la Selarl Judexis,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.



Vu les dernières conclusions remises au greffe le 21 avril 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'intimé, aux termes desquelles M. et Mme [P] demandent de:

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a jugé que les Consorts [M]-[L] ne sont pas fondés à invoquer la garantie d'éviction des vendeurs et ne rapportent pas la preuve d'une réticence dolosive,

- débouter les Consorts [M]-[L] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner solidairement les Consorts [M]-[L] aux dépens dont distraction au profit de maître Jean-Nicolas Gonand outre au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,




MOTIFS



Sur le bien fondé de l'appel



Sur la garantie d'éviction



En application de l'article 1625 du code civil, un des objets de la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur est la possession paisible de la chose vendue.



Selon l'article 1626 du code civil, quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.



Sur ces fondements, le vendeur est tenu d'une part de ne pas porter lui-même atteinte à la propriété, à la possession ou à la détention de l'acheteur et d'autre part, il s'oblige à empêcher qu'un tiers, invoquant un droit sur la chose, ne vienne contester le droit que lui-même a cédé à l'acheteur.



L'éviction suppose un trouble actuel, et non simplement éventuel, la simple connaissance par l'acheteur de l'existence d'un droit au profit d'un tiers susceptible de l'évincer ne suffit pas à lui permettre d'agir en garantie.



En l'espèce, il ressort des pièces du dossier notamment de l'acte de vente du 06 septembre 2011 passé avec les Consorts [M]-[L], des plans de bornage dressés les 04 janvier 2000 (annexé à l'acte notarié d'achat du 11 octobre 2005 de M. et Mme [P]) et 23 mai 2012 par le cabinet [Z] géomètres-expert que la superficie de la propriété AD [Cadastre 1] acquise par les Consorts [M]-[L] est bien de 20a 44ca, cette contenance étant réelle et non contestée.



Aussi, il convient de souligner qu'il n'existe pas de défaut de contenance de la parcelle en cause de sorte que M. et Mme [P] en vendant l'immeuble cadastré AD [Cadastre 1] sis à [Adresse 8]) n'ont pas cédé de droits aux Consorts [M]-[L] sur la portion de terre litigieuse jouxtant leur propriété laquelle appartient à la SCI Christian Nesty.



S'il est certain que par courrier du 01 juin 2012 le représentant de cette SCI a fait savoir aux Consorts [M]-[L] que l'emplacement de leur 'piscine et (de leur) clôture empiétait sur la parcelle qui jouxte (leur) propriété' et qu'il leur appartenait de 'prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites qui sont les (leurs)' puis par missive du 01 avril 2016 a renouvelé cette demande en précisant que suite à la réalisation d'un procès-verbal de bornage révélant que 'cette barrière empiète sur (son) propre jardin (et que) l'empiétement s'étend sur une surface de 375m²', il les met en garde contre une éventuelle démolition judiciaire 'en vertu de l'article 544 du code civil (à défaut de) l'arrêt de cet empiétement, dans les meilleurs délais', le contenu de ces courriers ne caractérise pas l'éviction ou le risque d'éviction des Consorts [M]-[L] puisque la parcelle AD [Cadastre 1] acquise ne contient pas la portion de terre dont s'agit.



A ce sujet, contrairement à ce que soutiennent les appelants, autant le vendeur que l'acheteur aurait pu exiger l'expertise d'un géomètre sur les délimitations de la propriété en cause, étant précisé que la contenance ne fait pas défaut.



Par ailleurs, les écritures et pièces du dossier notamment le rapport d'expertise en date du 10 décembre 2017 diligenté par M. [S] [A] révèlent que ladite piscine (en kit bois construite en 2006 et vétuste) a été démolie en 2016 de sorte qu'elle n'est plus implantée sur la portion litigieuse, seule la clôture dont il n'est pas rapporté qu'elle soit définitive demeurant entre les fonds, selon les termes dudit rapport.



Ce faisant, il y a lieu de considérer que les Consorts [M]-[L] échouent à établir la preuve d'un trouble de droit actuel dont l'origine serait imputable à M. et Mme [P] de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes indemnitaires formulées par eux au titre de la garantie d'éviction des vendeurs.



En conséquence, le jugement querellé sera confirmé de ce chef.



Sur le dol



A l'énoncé de l'article 1109 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable en la cause), il n'y a point de consentement valable (pour la validité d'une convention), si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.



L'article 1116 du même code dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.



La validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat et pour prononcer une annulation pour dol, doit être rapportée la preuve de manoeuvres dolosives destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement de son co-contractant.



En l'espèce, les Consorts [M]-[L] ne produisent aucune pièce justifiant de leur argumentaire et notamment l'existence de manoeuvres dolosives de la part de M. et Mme [P] ayant conduit à l'achat de leur propriété du seul fait de l'emplacement de la piscine, d'un bassin à poissons ou de la clôture.



Ils ne démontrent pas davantage le caractère intentionnel de la réticence par dol invoquée à l'encontre de M. et Mme [P] et du fait que le manquement allégué a été la cause déterminante de la promesse puis du contrat de vente conclu.



Ce faisant, vu les pièces du dossier, il n'est point démontré de manoeuvres dolosives intentionnelles de la part de M. et Mme [P] ayant pu vicier le consentement des Consorts [M]-[L] lors de la signature de l'acte authentique du 06 septembre 2011.



Il n'est pas davantage rapporté une faute délictuelle de la part des intimés et dans tous les cas les Consorts [M]-[L] échouent à rapporter la preuve d'un préjudice direct et certain qui serait né de manoeuvres dolosives dont M. et Mme [P] seraient les auteurs.



Dés lors, c'est par une exacte appréciation des faits de la cause que la juridiction de premier ressort a rejeté l'argumentaire des appelants fondé sur une quelconque réticence dolosive et partant leurs demandes en indemnisation de ce chef.



En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.



Sur les frais irrépétibles et les dépens



L'article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.



En l'espèce, il n'est pas inéquitable, en cause d'appel, que chacune des parties supporte les frais irrépétibles engagés par elle pour la présente instance. Les demandes faites donc à ce titre, devant la cour, seront rejetées.



Succombant, les Consorts [M]-[L] supporteront les entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de M. Jean-Nicolas Gonand, avocat.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe ;



Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant,



Rejette les demandes faites au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne les Consorts [M]-[L] aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Nicolas Gonand, avocat au barreau de Guadeloupe ;



Signé par Claudine Fourcade, président et par Claudie Solignac, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;





La greffière La présidente

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