30 March 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-90.002

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CR00544

Texte de la décision

N° N 21-90.002 F-D

N° 00544




30 MARS 2021

ECF





NON LIEU À RENVOI












M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 MARS 2021



La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, par arrêt en date du 14 janvier 2021, reçu le 20 janvier 2021 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité, dans la procédure suivie, sur la plainte de M. H... C..., partie civile, des chefs de dénonciation calomnieuse.

Des observations ont été produites.

Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 198 du code de procédure pénale porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment au droit à un procès équitable, aux droits de la défense, au droit à un recours effectif, au droit de résistance à l'oppression, au principe de clarté, de précision, d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, au principe de sécurité juridique, au principe de sûreté, au principe d'égalité des armes, au principe du contradictoire, au principe d'égalité des justiciables et citoyens devant la loi, au principe de la séparation des pouvoirs, au principe de péréquation, au principe d'indivisibilité de la République, au principe d'équité territoriale, au principe de sauvegarde de l'environnement, aux principes de préservation et de prévention de l'environnement, aux principes de précaution et de vigilance, ainsi qu'au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, garantis notamment par les articles 1, 2, 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, par le préambule et les articles 1, 2, 34 et 72-2 de la Constitution du 4 octobre 1958, et par les articles 1, 2, 3 et 5 de la Charte de l'environnement de 2004 :

1) en ce qu'il réserve aux seules parties assistées par un avocat, tout du moins à leur avocat, si ce dernier n'exerce pas dans la ville où siège la chambre de l'instruction, la possibilité d'adresser son mémoire au greffier, au ministère public et aux autres parties par télécopie ou par lettre recommandée avec avis de réception ?

2) en ce qu'il prévoit une différence de traitement, entre les parties représentées ou non, sinon entre les parties non représentées et les avocats des autres parties, voire une distinction sociale dans ce dernier cas, ainsi qu'entre avocats, selon leurs lieux de résidence ou d'exercice, ou d'origine ou d'ancrage territorial ?

3) en ce que le terme « ville » employé au dernier alinéa est imprécis et manque de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité, permettant le doute et l'interrogation des justiciables et des avocats sur la marche à suivre pour le dépôt de mémoire à savoir si c'est le ressort du tribunal de la ville où est implantée la chambre de l'instruction ou bien le ressort de la cour d'appel ou simplement la ville qui fait autorité sachant que l'article 173 du code de procédure pénale parle aussi de ressort et que pour tout juriste ou même profane, c'est le ressort d'une juridiction qui fait autorité dans toutes affaires judiciaires en toute logique et intelligence ?

4) en ce qu'il prévoit des délais et dispositions contradictoires aux premiers et derniers alinéas, le premier étant contradictoire avec les interprétations des juges empêchant notamment les justiciables non représentés et même représentés de connaître clairement la règle à suivre pour déposer leurs mémoires dans les bons délais, notamment à cause de la création par les juges, c'est à dire par la jurisprudence de la Cour de cassation, d'un délai occulte et obligé (Crim., 4 septembre 2018, n° 17-86.619) ni prévu ni voulu par le législateur, pouvant de surcroît constituer une oppression envers les justiciables ?

5) en ce qu'il oblige qu'une personne se déplace pour déposer le mémoire au greffe pour toutes les parties non représentées, et tous les avocats exerçant dans la ville où siège la chambre de l'instruction, les contraignant ainsi à avoir un impact négatif sur l'environnement sinon les empêchant de prévenir les atteintes qu'ils sont susceptibles de porter à l'environnement, tout en mettant en péril la santé publique, sa santé individuelle et la sécurité sanitaire au mépris des principes de précaution et de vigilance ? »

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

3. Le demandeur n'est pas fondé à se prévaloir d'un prétendu principe constitutionnel d'équité territoriale, qui résulterait de la combinaison de dispositions déjà appliquées par le Conseil et de l'article 72-2 de la Constitution, qui ne peut être invoqué dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité.

4. En outre, contrairement à ce qu'il est soutenu s'agissant des articles 1 à 3 de la Charte de l'environnement, la question ne porte pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application.

5. Ainsi, la question n'est pas nouvelle.

6. La question posée ne présente pas un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.

7. En prévoyant une dérogation à l'obligation pour les parties et leurs avocats de déposer leurs mémoires au greffe de la chambre de l'instruction au bénéfice des avocats n'exerçant pas dans la ville où siège cette juridiction, seuls autorisés à adresser leur mémoire par télécopie ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'article 198 du code de procédure pénale, qui recourt au critère clair du lieu d'exercice de l'avocat, concilie l'exigence de sécurité juridique à laquelle répond cette formalité, destinée à assurer une date certaine au dépôt des mémoires, avec les contraintes spécifiques inhérentes à la profession d'avocat.

8. Contrairement, en effet, à la partie qui accomplit une formalité dans la seule procédure qui la concerne, l'avocat, qui est tenu de le faire au nom de son client, au risque, à défaut, d'engager sa responsabilité professionnelle à l'égard de la partie qu'il représente, a la charge d'un cabinet comprenant un ensemble de clients pour lesquels il doit, dans le même temps, effectuer des actes de procédure distincts devant des juridictions différentes.

9. Les parties non assistées et les avocats sont ainsi placés dans des situations différentes. Il en est de même des avocats exerçant dans la ville où siège la juridiction, qui peuvent aisément se déplacer au greffe de celle-ci, et des avocats inscrits à d'autres barreaux, autorisés à utiliser la voie de la télécopie ou de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La disposition critiquée, qui règle de façon différente des situations différentes, n'a donc pas pour effet de porter une atteinte injustifiée au principe d'égalité.

10. Enfin, qu'ils soient déposés en application du deuxième alinéa ou adressés par télécopie ou lettre recommandée avec demande d'avis de réception en application du troisième, les mémoires doivent être parvenus au greffe au plus tard la veille de l'audience, de sorte que la disposition critiquée, telle qu'interprétée par la Cour de cassation, assure un égal respect du principe du contradictoire et des droits de la défense.

11. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du trente mars deux mille vingt et un.

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