16 June 2009
Cour de cassation
Pourvoi n° 08-11.618

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2009:CO00597

Titres et sommaires

BANQUE - responsabilité - faute - manquement à l'obligation de conseil - domaine d'application - exclusion - cas - souscripteur d'un contrat d'assurance - vie exactement et complètement informé

Ayant relevé que le montage consistant en la souscription d'un prêt in fine pour financer une acquisition immobilière, adossé à un contrat d'assurance-vie destiné à couvrir tout ou partie de l'amortissement du capital grâce au rendement procuré par le placement de la somme empruntée, est une opération classique, et retenu qu'elle implique une prise de risque, décrite dans la proposition d'assurance qui définit quatre profils de gestion et précise pour chacun d'eux sa structure et son niveau d'exposition au risque des fluctuations boursières, et indique, au chapitre des valeurs de rachat, que la valorisation de l'épargne souscrite dans tout profil de gestion sera liée à la valeur liquidative du profil, justifie légalement sa décision de rejeter l'action en responsabilité exercée par un client contre son banquier pour manquement au devoir de conseil, une cour d'appel qui retient que le devoir du banquier, qui est de porter à la connaissance de son client les données lui permettant de prendre la mesure du risque auquel son choix expose son placement, a été rempli en l'espèce par la remise des documents contractuels, et que le client, exactement et complètement informé des risques inhérents au placement proposé qui constituaient la contrepartie des gains espérés par lui, a choisi le profil de gestion procurant le plus fort potentiel de valorisation et comportant le plus fort risque de perte

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 27 novembre 2007), qu'au mois de février 2000, Mme X..., qui disposait d'une somme avec laquelle elle envisageait de réaliser un projet immobilier, a contracté auprès de la société Caixabank France, aux droits de laquelle est venue la société Boursorama (la banque), un prêt in fine à taux révisable d'un montant de 1 500 000 francs, soit 228 673,53 euros, remboursable en 96 mois, seuls les intérêts étant payés pendant la durée du prêt et le capital devant être remboursé à la dernière échéance ; que Mme X... a affecté en garantie du remboursement de ce prêt un contrat d'assurance-vie à capital variable Caixa vie sélection sur lequel elle avait versé la somme de 228 673,53 euros, investie pour une durée de huit ans dans un profil de gestion en unités de compte dit "Croissance" ; que ce profil correspondant à une orientation boursière qui lui est apparue désastreuse, Mme X..., reprochant à la banque d'avoir manqué à son devoir de conseil, l'a fait assigner en responsabilité ;


Sur le premier moyen :


Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de ne pas faire mention de la lecture du rapport, alors, selon le moyen, que le juge de la mise en état ou exceptionnellement le président de chambre ou un juge qu'il désigne doit faire à l'audience avant les plaidoiries un rapport oral qui expose l'objet de la demande et les moyens des parties ; que l'arrêt qui ne comporte aucune mention relative à l'accomplissement de cette formalité substantielle méconnaît les dispositions des articles 785 et 910 du code de procédure civile ;


Mais attendu qu'aucun texte ne sanctionne par la nullité le jugement ne comportant pas la mention de l'exécution du rapport oral prévu par l'article 785 du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé ;




Et sur le second moyen :


Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen, que le banquier est tenu d'un devoir de conseil envers son client profane quant au caractère adapté d'un produit ou montage qu'il propose à sa situation ou à tout le moins de le mettre en garde sur les risques de l'opération envisagée ; que Mme X... faisait valoir qu'elle était entrée en contact avec la banque afin de placer le capital issu de la vente de son fonds de commerce dans l'attente de la réalisation d'une acquisition immobilière et qu'elle s'était vu proposer de placer son capital dans une assurance-vie en unités de compte, affectée en garantie d'un crédit in fine destiné à financer ladite acquisition, l'objectif de l'opération étant de lui permettre de payer, grâce à l'assurance-vie, le capital emprunté à la dernière échéance tout en bénéficiant d'un certain rendement mais que ce montage s'était révélé inadapté à sa situation puisque le montant du capital investi n'était pas garanti car tributaire de l'évolution des valeurs boursières ; qu'en se bornant à relever, pour écarter toute faute de la banque, que les documents contractuels comportaient un descriptif des instruments financiers sur lesquels reposait le contrat d'assurance-vie et qu'il ne lui appartenait pas de s'immiscer dans le choix de sa cliente sans rechercher si elle avait conseillé sa cliente sur l'adéquation de ce montage à sa situation ou l'avait, à tout le moins, mise en garde contre les risques qu'il présentait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;


Mais attendu qu'après avoir relevé qu'il s'agit d'un montage classique permettant notamment, par le moyen d'un prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie, de couvrir tout ou partie de l'amortissement du capital grâce au rendement procuré par le placement de la somme empruntée, l'arrêt retient qu'un tel placement implique une prise de risque, que celle-ci est décrite dans la proposition d'assurance qui définit quatre profils de gestion et précise pour chacun d'eux sa structure et son niveau d'exposition au risque des fluctuations boursières, à charge pour le souscripteur de choisir le profil de gestion auquel il souhaite souscrire, et que Mme X... a choisi le profil Croissance procurant le plus fort potentiel de valorisation et comportant le plus fort risque de perte ; qu'il relève encore que la proposition d'assurance précise, au chapitre des valeurs de rachat, que la valorisation de l'épargne souscrite dans tout profil de gestion en unités de compte sera liée à l'évolution de la valeur liquidative du profil ; qu'il retient enfin que le devoir du banquier est de porter à la connaissance de son client les données lui permettant de prendre la mesure du risque auquel son choix expose son placement, ce qui est fait en l'espèce par la description, dans les documents contractuels, des caractéristiques des options offertes au souscripteur ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations desquelles il résulte que Mme X... avait été exactement et complètement informée des risques inhérents au placement qui lui était proposé et qui constituaient la contrepartie des gains espérés par elle, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'autres recherches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne Mme X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille neuf.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt.


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour Mme X....


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué de ne pas faire mention de la lecture du rapport et d'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes ;


ALORS QUE le juge de la mise en état ou exceptionnellement le président de chambre ou un juge qu'il désigne doit faire à l'audience avant les plaidoiries un rapport oral qui expose l'objet de la demande et les moyens des parties ; que l'arrêt qui ne comporte aucune mention relative à l'accomplissement de cette formalité substantielle méconnaît les dispositions des articles 785 et 910 du Code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes ;


AUX MOTIFS QUE la banque ne pouvait se prétendre étrangère à l'opération d'assurance, s'agissant d'un montage classique permettant, par le biais d'un prêt in fine adossé à un contrat d'assurance vie, de défiscaliser les intérêts imputés sur les loyers de l'immeuble financé et de couvrir tout ou partie de l'amortissement du capital par le rendement procuré par le placement de la somme empruntée ; qu'un placement financier ne peut procurer un espoir de gain important sans ‘exposer à une prise de risque, laquelle est décrite dans la proposition d'assurance qui définit quatre profils de gestion et décrit pour chacun d'eux sa structure et son niveau d'exposition au risque des fluctuations boursières, à charge pour le souscripteur de choisir le profil de gestion auquel il souhaite souscrire, avec la faculté, selon les modalités précisées au contrat, de changer de profil en cours de contrat ; qu'en outre, la proposition d'assurance précise, au chapitre des valeurs de rachat que la valorisation de l'épargne souscrite dans tout profil de gestion en unités de compte sera liée à l'évolution de la valeur liquidative du profil ; que le contrat CAIXA VIE de FORTIS ASSURANCE propose quatre profils de gestion Croissance, Equilibre, Prudence et Sécurité ; qu'outre le caractère explicite de cette dénomination, chacun de ces profils est accompagné de la description précise des instruments financiers sur lesquels il repose ; que Madame X... a choisi le profil Croissance procurant le plus fort potentiel de valorisation, et comportant le plus fort risque de perte. Que le devoir du banquier est de porter à la connaissance de son client les données lui permettant de prendre la mesure du risque auquel son choix expose son placement, ce qui est fait en l'espèce par les descriptions des options offertes au souscripteur ; qu'il ne lui appartient pas de se poser en censeur des choix spéculatif d'une clientèle disposant d'un avoir suffisant pour choisir l'orientation d'une épargne employée à la constitution d'un patrimoine locatif ; que la faute de la banque n'est pas démontrée ;


ALORS QUE le banquier est tenu d'un devoir de conseil envers son client profane quant au caractère adapté d'un produit ou montage qu'il propose à sa situation ou à tout le moins de le mettre en garde sur les risques de l'opération envisagée ; que Madame X... faisait valoir qu'elle était entrée en contact avec la banque afin de placer le capital issu de la vente de son fonds de commerce dans l'attente de la réalisation d'une acquisition immobilière et qu'elle s'était vu proposer de placer son capital dans une assurance-vie en unités de compte, affectée en garantie d'un crédit in fine destiné à financer ladite acquisition, l'objectif de l'opération étant lui permettre de payer, grâce à l'assurance-vie, le capital emprunté à la dernière échéance tout en bénéficiant d'un certain rendement mais que ce montage s'était révélé inadapté à sa situation puisque le montant du capital investi n'était pas garanti car tributaire de l'évolution de valeurs boursières ; qu'en se bornant à relever, pour écarter toute faute de la banque, que les documents contractuels comportaient un descriptif des instruments financiers sur lesquels reposait le contrat d'assurance-vie et qu'il ne lui appartenait pas de s'immiscer dans le choix de sa cliente sans rechercher si elle avait conseillé sa cliente sur l'adéquation de ce montage à sa situation ou l'avait, à tout le moins, mise en garde contre les risques qu'il présentait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.