28 October 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-21.319

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01757

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - règlement (ce) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 - procédures d'insolvabilité - domaine d'application - litige relatif à l'exécution et à la rupture du contrat de travail - exclusion - portée - conflit de juridictions - compétence internationale - règlement (ce) n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 - article 19 - compétence en matière de contrats individuels de travail - règles de compétence - cas - procédure d'insolvabilité ouverte dans un etat membre de l'union européenne - rupture consécutive à l'insolvabilité de l'employeur

Le litige relatif à la rupture d'un contrat de travail et aux créances salariales durant une relation de travail ne relève pas de la procédure d'insolvabilité, ainsi que cela résulte des articles 4 et 10 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité. La compétence juridictionnelle pour connaître d'un tel litige doit être déterminée en application de l'article 19 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur contredit (Lyon, 31 mars 2014), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 19 déc. 2012, n° 11-22838) que M. X...a été engagé le 2 février 2006 en qualité de premier capitaine par la compagnie de navigation de droit allemand Princesse de Provence mbH & Co. KG, qui l'a affecté à bord du bateau de croisière touristique fluviale « Princesse de Provence », qui effectuait des trajets au départ de Lyon, selon un parcours empruntant la Saône et le Rhône, de Chalon-sur-Saône à Arles en faisant escale en Avignon, Châteauneuf, Mâcon et Lyon ; que le 1er septembre 2009, le tribunal d'instance de Cuxhaven (Allemagne) a ouvert une procédure d'insolvabilité à l'encontre de l'employeur, M. Y... étant désigné en qualité de syndic judiciaire ; que le salarié a été licencié le 29 janvier 2010 et qu'il a saisi le conseil de prud'hommes de Mâcon ;

Attendu que M. Y... en qualité de syndic de la société Schiffarhrtsgesellshaft Princesse de Provence fait grief à l'arrêt de dire le conseil de prud'hommes de Mâcon compétent, alors, selon le moyen, que l'action du salarié, dont l'employeur a fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité ouverte dans un Etat membre de l'Union européenne, qui tend à l'admission à cette procédure et au paiement de diverses créances relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail, dérive directement de la faillite et s'insère étroitement dans le cadre de la procédure collective ; qu'en retenant néanmoins que les demandes de M. X..., visant à obtenir le paiement de diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail qui le liait à la société Princesse de Provence à l'encontre de laquelle une procédure d'insolvabilité avait été ouverte en Allemagne, ne dérivaient pas directement de cette procédure et ne s'y inséraient pas étroitement, pour retenir la compétence du Conseil de prud'hommes de Mâcon sur le fondement du règlement (CE) n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et exclure l'application du règlement (CE) n° 1346/ 2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, la cour d'appel a violé l'article 1er de ce premier règlement, ensemble les articles 1er et 3 du second ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le litige relatif à la rupture du contrat de travail du salarié et aux créances salariales durant la relation de travail ne relevait pas de la procédure d'insolvabilité, ainsi que cela résulte des articles 4 et 10 du règlement CE n° 1346/ 2000 du conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, et que la compétence juridictionnelle pour connaître de ce litige devait être déterminée en application de l'article 19 du règlement CE n° 44/ 2001 du conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le contredit et d'AVOIR dit que le Conseil de prud'hommes de Mâcon section encadrement était compétent pour connaître des demandes par lesquelles M. X...avait sollicité le paiement de diverses sommes ;

AUX MOTIFS QUE Dario X...a été engagé par la société Schiffarhrtsgesellschaft Princesse de Provence ayant son siège à Neustadt en Allemagne ; que l'article 19 du Règlement CE n° 44/ 2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (entré en vigueur le 1er mars 2002) concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit de Bruxelles I, prévoit qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait :
1) devant les tribunaux de l'Etat membre où il a son domicile,
ou
2) dans un autre Etat membre :
a. devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail,
ou
b. lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur ;
qu'il s'agit de règles de compétences spéciales qui interdisent au juge de se référer à ses propres règles de compétence internes ; que selon la Cour de Justice de l'Union européenne, ainsi qu'elle l'a rappelé dans l'arrêt du 27 février 2002 Herbert Z.../ Unversal Ogden Services Ltd, le lieu où le salarié exerce habituellement son travail est l'endroit où, ou à partir duquel, compte tenu de toutes les circonstances du cas d'espèce, il s'acquitte en fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de l'employeur ; qu'ainsi, selon la Cour, il est nécessaire de protéger la partie la plus faible au contrat de travail, le salarié, et ne pas obliger celui-ci à saisir une juridiction éloignée, telle celle de l'établissement qui l'a embauché, alors même qu'on peut déterminer un lieu principal d'exercice de ses activités dans un Etat où il a établi son bureau ou sa résidence ; qu'ici, selon le contrat de travail, Dario X..., engagé en qualité de premier capitaine, était affecté sur le bateau de croisière fluviale « Princesse de Provence » dont il n'est pas contesté qu'il ne naviguait qu'en France ; que les pièces produites attestent que ce bateau effectuait, au départ de Lyon, des croisières en empruntant la Saône et le Rhône, de Chalon sur Saône à Arles avec des escales à Lyon, Avignon, Arles et Châteauneuf ; que le salarié exerçait toute son activité professionnelle sur le territoire français où il avait également fixé son domicile ; que dès lors, au cours de la relation de travail qui doit être considérée dans son ensemble, Dario X...a rempli exclusivement ses obligations professionnelles en France à partir du port d'attache de Lyon où était basé son outil de travail (le bateau « Princesse de Provence ») justifiant la compétence des juridictions françaises, le choix du Conseil de prud'hommes de Mâcon n'étant pas autrement contesté ; que Me Detlef Y... ès qualités oppose que l'action de Dario X...tendant à l'admission d'une créance salariale dans le cadre de la procédure d'insolvabilité ouverte à l'égard de la société Schiffarhrtsgesellschaft Princesse de Provence, est nécessairement soumise à la loi allemande en application de l'article 4. 2 du règlement CE n° 1348/ 2000 relatifs aux procédures d'insolvabilité ; que l'article 10 de ce règlement énonce que les effets de la procédure d'insolvabilité sur un contrat de travail et sur le rapport de travail sont régis exclusivement par la loi de l'Etat membre applicable au contrat de travail ; que ces dispositions traitent de la loi applicable mais non de la détermination de la juridiction ayant à connaître de l'application de cette loi ; que d'autre part, les demandes de Dario X...visant à obtenir diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail ne dérivent pas directement d'une procédure d'insolvabilité et ne s'insèrent pas étroitement dans la procédure d'insolvabilité ; qu'elles ne font dès lors pas obstacle à l'application du règlement CE n° 44/ 2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée ;

ALORS QUE l'action du salarié, dont l'employeur a fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité ouverte dans un Etat membre de l'Union européenne, qui tend à l'admission à cette procédure et au paiement de diverses créances relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail, dérive directement de la faillite et s'insère étroitement dans le cadre de la procédure collective ; qu'en retenant néanmoins que les demandes de M. X..., visant à obtenir le paiement de diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail qui le liait à la société Princesse de Provence à l'encontre de laquelle une procédure d'insolvabilité avait été ouverte en Allemagne, ne dérivaient pas directement de cette procédure et ne s'y inséraient pas étroitement, pour retenir la compétence du Conseil de prud'hommes de Mâcon sur le fondement du règlement (CE) n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et exclure l'application du règlement (CE) n° 1346/ 2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, la Cour d'appel a violé l'article 1er de ce premier règlement, ensemble les articles 1er et 3 du second.

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