27 February 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-14.415

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00435

Titres et sommaires

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - comité d'entreprise et délégué du personnel - opérations électorales - modalités d'organisation et de déroulement - vote par voie électronique - confidentialité des données transmises - nécessité - portée - principes généraux - principes généraux du droit électoral - respect - applications diverses

Selon les articles R. 2314-9 et R. 2324-5 du code du travail, le système de vote électronique retenu doit assurer la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes. Viole ces textes et les principes généraux du droit électoral, le tribunal d'instance qui valide des élections, alors que l'envoi de leurs codes personnels d'authentification sur la messagerie professionnelle des salariés, sans autre précaution destinée notamment à éviter qu'une personne non autorisée puisse se substituer frauduleusement à l'électeur, n'était pas de nature à garantir la confidentialité des données ainsi transmises, ce dont il résultait que la conformité des modalités d'organisation du scrutin aux principes généraux du droit électoral n'était pas assurée

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :


Vu les articles R. 2314-9 et R. 2324-5 du code du travail et les principes généraux du droit électoral ;


Attendu que le système de vote électronique retenu doit assurer la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes ;


Attendu, selon le jugement attaqué, que du 12 au 17 mai 2011, ont été organisées les élections des représentants au comité d'entreprise et des délégués du personnel au sein de la société Peugeot Citroën automobiles, suivant un protocole préélectoral et un accord d'entreprise prévoyant le recours au vote électronique ;


Attendu que pour rejeter la demande d'annulation des élections présentée par l'Union locale CGT de Vélizy, le tribunal d'instance énonce que le protocole préélectoral indique que chaque électeur reçoit du prestataire, un code PIN secret et un mot de passe, à son domicile par courrier simple et sur sa boîte mail, et peut voter ainsi en toute confidentialité sur le site web sécurisé créé pour l'occasion, que le protocole précise encore que le flux de vote et celui de l'identification de l'électeur seront séparés en sorte que l'opinion émise par l'électeur sera cryptée et stockée dans une urne électronique dédiée, sans lien aucun avec le fichier d'authentification des électeurs, qu'à supposer, donc, que la direction soit parvenue à s'emparer des données confidentielles du salarié en s'introduisant subrepticement dans sa boîte mail, le syndicat n'explique pas comment elle a pu les utiliser pour prendre connaissance de son vote crypté et immédiatement stocké dans l'urne après avoir été émis, en sorte que le défaut de confidentialité allégué n'est pas établi ;


Qu'en statuant ainsi, alors que l'envoi de leurs codes personnels d'authentification sur la messagerie professionnelle des salariés, sans autre précaution destinée notamment à éviter qu'une personne non autorisée puisse se substituer frauduleusement à l'électeur, n'était pas de nature à garantir la confidentialité des données ainsi transmises, ce dont il résultait que la conformité des modalités d'organisation du scrutin aux principes généraux du droit électoral n'était pas assurée, le tribunal a violé les textes et principes susvisés ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 février 2012, entre les parties, par le tribunal d'instance de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Poissy ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Peugeot Citroën automobiles à payer à l'Union locale CGT de Vélizy la somme de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le syndicat Union locale CGT de Vélizy.


Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir débouté l'Union locale CGT de VELIZY de sa demande d'annulation des élections des représentants au comité d'établissement et des délégués du personnel de l'établissement de VELIZY de l'a société PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES s'étant déroulées du 12 au 17 mai 2011,


AUX MOTIFS QU'à moins qu'elles ne soient directement contraires aux principes généraux du droit électoral, les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin ne peuvent constituer une cause d'annulation que si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections ou, s'agissant du premier tour, si elles ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise, ou du droit pour un candidat d'être désigné délégué syndical ; qu'en l'espèce, il est constant que l'organisation matérielle des élections, par voie électronique, a fait l'objet d'un protocole électoral signé par 4 organisations syndicales sur 6 ; que les deux organisations syndicales qui ne l'ont pas signé n'ont émis aucune réserve et ont présenté des candidats ; que les modalités du scrutin, fixées sur la base de ce protocole ne peuvent, en conséquence, donner lieu à annulation que si elles sont contraires à l'ordre public ou aux principes généraux du droit électoral ;


Que sur la présence d'un représentant de la direction en tant que "scrutateur", le protocole préélectoral prévoit que le bureau de vote est composé d'un président et de trois assesseurs et définit ses missions à savoir vérifier la régularité des opérations, procéder au dépouillement automatisé de l'urne électronique ; que l'article 11 de ce protocole autorise les membres du bureau de vote, les délégués de liste et la direction à interroger, au moyen d'un code secret, un compteur donnant le nombre des votants en vertu de l'article L 57-1 du code électoral ; que le syndicat demandeur verse aux débats un document sur lequel sont mentionnés les noms, comme membres du bureau de vote, du Président, des trois assesseurs et de Madame X... en tant que "scrutateur" ; que toutefois, il est constant qu'un scrutateur ne fait pas partie de la composition du bureau de vote, telle qu'elle est prévue par le code électoral et par le protocole électoral ci-dessus ; quant à l'affirmation du syndicat selon laquelle l'intéressée a participé au dépouillement, elle ne peut être retenue dès lors qu'il s'agit d'un vote électronique et que les procès-verbaux des résultats ne sont pas signés par ses soins ; qu'aucune des pièces produites ne permet d'établir que Madame X... a eu un autre rôle que celui qui lui a été accordé par le protocole électoral, à savoir interroger, au moyen d'un code secret, différent de celui des membres du bureau de vote, un compteur donnant le nombre de votants ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en dépit d'une présentation erronée des membres du bureau de vote et d'une appellation inadéquate, la participation d'un représentant de la direction a été strictement conforme à ce qui était prévu par le protocole, dont les dispositions ne sont pas contraires aux principes applicables en matière d'élections professionnelles ; qu'un représentant de l'employeur peut, en effet, assister matériellement le bureau de vote, sans pouvoir y siéger, dès lors qu'il n'a pas un comportement incompatible avec son obligation de neutralité, non établi ni même allégué s'agissant de Madame X... ;


Que sur la violation de l'accord collectif autorisant le recours au vote électronique, le syndicat UL CGT reproche à la Société PEUGEOT CITROEN de ne pas avoir respecté l'article 2 de l'accord collectif qui prévoit que le prestataire apportera un rapport d'expertise indépendant sur l'application de son système de vote et prétend qu'elle ne conteste pas, ce faisant, la validité du protocole électoral ; que toutefois, ledit protocole précise, en préambule, qu'"après avoir vérifié la fiabilité du dispositif et consulté les organisations syndicales, il a été décidé de retenir les services proposés par le prestataire Election Europe, lequel utilise les dernières technologies en matière de chiffrement et de signature assurant ainsi une facilité d'accès à un vote totalement sécurisé. Par ailleurs ce prestataire avait déjà été retenu lors des élections professionnelles de Vélizy en 2007 » ; qu'il en résulte que les signataires du protocole électoral, ainsi que les organisations syndicales qui ne l'ont pas signé mais n'ont émis aucune réserve et présenté des candidats, ont tacitement admis que le système de vote proposé assurait la "confidentialité des données, la sécurité de l'adressage de moyens d'authentification, de l'émargement et du dépouillement des votes", prévus par l'accord collectif ;


Que sur la prise en compte des salariés mis à disposition, en vertu des dispositions de l'article L.1111-2 du code du code du travail, les effectifs sont calculés en prenant en compte notamment "les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure qui sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an" ; que la Société PEUGEOT CITROËN explique qu'elle a consulté, à l'aide de ses bases de données, la liste des sociétés prestataires et bureaux extérieurs et intégré la totalité des effectifs figurant dans le système, à savoir 1.031 salariés, sans tenir compte du critère d'ancienneté, soit un mode de calcul plus favorable que celui prévu par les textes ; qu'elle précise qu'en accord avec les organisations syndicales, elle n'a pas intégré les entreprises de rang 2, c'est-àdire les sous-traitants des sous-traitants, avec lesquelles elle n'a aucun lien commercial et aucun contrat ; que le syndicat UL CGT, qui prétend que cette omission a eu une incidence sur le nombre de sièges, n'a formulé aucune réserve ni contesté les deux protocoles d'accord, signés à la double majorité fixée par les articles L 2314-3-1 et L.2324-4-l du code du travail, relatifs à la répartition des sièges des membres du comité d'établissement et des délégués du personnel, lesquels mentionnent expressément les effectifs concernés et le nombre de sièges à pourvoir ; qu'elle a présenté des candidats pour être élus à ces sièges et n'a plus, en conséquence la possibilité de contester les élections aux motifs d'une minoration des sièges ou de listes électorales incomplètes ;qu'en ce qui concerne la répartition aléatoire des salariés mis à disposition dans les différents collèges, dont aucun n'aurait été affecté au collège des employés et ouvriers, il convient d'observer que selon les explications de la CGT, ces salariés étaient au nombre de 37 ; que certes, ce chiffre est contesté par l'organisation syndicale, laquelle toutefois ne démontre par aucune pièce que des salariés d'entreprises extérieures et travaillant dans les locaux de la Société PEUGEOT CITROËN ont été écartés du vote et ne justifie d'aucune contestation de salariés mis à disposition après publication des listes électorales ; qu'aussi la répartition, fûtelle aléatoire, n'a pu avoir aucune incidence sur le résultat du scrutin ni sur la qualité représentative de la CGT ;


Que sur la confidentialité des votes, le protocole électoral indique que chaque électeur reçoit du prestataire, un code PIN secret et un mot de passe, à son domicile par courrier simple et sur sa boîte mail, et peut voter ainsi en toute confidentialité sur le site web sécurisé créé pour l'occasion ; qu'il précise que le flux de vote et celui de l'identification de l'électeur seront séparés en sorte que l'opinion émise par l'électeur sera cryptée et stockée dans une urne électronique dédiée, sans lien aucun avec le fichier d'authentification des électeurs ; qu'à supposer, donc, que la direction soit parvenue à s'emparer des données confidentielles du salarié en s'introduisant subrepticement dans sa boîte mail, le syndicat n'explique pas comment elle a pu les utiliser pour prendre connaissance de son vote crypté et immédiatement stocké dans l'urne après avoir été émis ; qu'en conséquence, le défaut de confidentialité allégué n'est pas établi ;


Que sur la violation de l'obligation de neutralité, il appartient à l'UL CGT, qui prétend que la direction a transmis la liste des salariés bénéficiaires d'un changement de coefficient à la CFE/COC, d'en apporter la preuve ; que force est de constater à cet égard qu'elle se borne à émettre une hypothèse, qui n'est étayée par aucune pièce ; que la pratique de la CFE/CGC consistant à faire de la propagande électorale par des messages personnalisés envoyés sur les boîtes mails est en effet illicite au regard des dispositions du protocole électoral ; mais qu'en l'absence de toute démonstration de son incidence sur les résultats du scrutin, elle ne peut justifier l'annulation des élections ;


ALORS D'UNE PART QU'un représentant de l'employeur ne peut siéger au bureau de vote lors des élections professionnelles d'une entreprise, sa présence constituant une irrégularité de nature à compromettre la régularité du scrutin et devant entraîner la nullité de celui-ci ; qu'après avoir constaté que le chef de l'établissement de VELIZY, Madame X... dont il n'était pas contesté qu'elle était exclue de la liste des électeurs, avait participé aux élections en qualité de « scrutateur », désignée comme membre du bureau de vote, le Tribunal d'instance qui a considéré que sa présence ne viciait pas le scrutin dès lors qu'il s'agissait d'un vote électronique et que la représentante de l'employeur n'avait pas signé les procès-verbaux, a violé les articles L.65 du Code électoral, L.2314-21 et L.2324-19 du Code du travail ;


ALORS D'AUTRE PART QUE le Tribunal d'instance qui, tout en constatant que la responsable de l'établissement de VELIZY, représentante de l'employeur, avait participé aux élections en qualité de membre du bureau de vote, a rejeté la contestation du syndicat exposant au motif qu'aucune des pièces produites par lui ne permettait d'établir que Madame X... avait eu un autre rôle que celui qui lui était accordé par le protocole d'accord préélectoral, a violé l'article 1315 du Code civil ;


ALORS DE TROISIEME PART QU'aux termes de l'article R.2324-8 du Code du travail, préalablement à sa mise en place, le système de vote électronique est soumis à une expertise indépendante destinée à vérifier le respect des articles R.2324-4 à R.2324-7 et que le rapport de l'expert est tenu à disposition de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; que l'article 2 de l'accord collectif du 22 décembre 2010 sur l'organisation du vote électronique au sein de certains établissements de la société PCA prévoyait que le prestataire serait tenu d'apporter ce rapport d'expertise indépendant, réalisé par un organisme tiers, sur l'application de son système de vote à l'opération de vote à organiser, les conclusions de cette expertise devant être communiquées aux organisations syndicales avant la signature des protocoles d'accord électoraux ; qu'en se bornant à relever, afin d'écarter la contestation soulevée par le syndicat CGT relative au non respect par l'employeur de son obligation de transmettre l'expertise du système informatique de vote électronique, que le protocole d'accord préélectoral du 8 avril 2011 précisait en préambule que la fiabilité du système proposé par le prestataire Election Europe choisi par l'employeur avait été vérifiée, pour en déduire que le syndicat CGT, en n'émettant aucune réserve lors de la présentation de ses candidats aux élections, avait tacitement admis que le système de vote proposé assurait la confidentialité des données ainsi que la sécurité des votes, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles R.2324-4, R.2324-8 du Code du travail et de l'article 2 de l'accord collectif du 22 décembre 2010 ;


ALORS DE QUATRIEME PART, et en tout état de cause, QUE l'Union CGT faisait valoir qu'elle avait présenté sa liste de candidats, le 7 avril 2011, soit avant même que le protocole d'accord préélectoral ait été conclu par les autres organisations syndicales de sorte qu'elle ne pouvait émettre de réserve sur un protocole d'accord encore inexistant ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen des conclusions de l'exposante duquel il se déduisait l'impossibilité d'une adhésion tacite aux dispositions du protocole d'accord, le Tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;


ALORS DE CINQUIEME PART QU'il résulte des articles R.2324-5 et R.2324-6 du Code du travail que le système de vote électronique doit assurer la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes et que ces données sont uniquement accessibles aux personnes chargées de la gestion et de la maintenance du système ; qu'après avoir constaté que le code secret et le mot de passe de chaque électeur lui avaient adressés par la société prestataire à son domicile mais également sur sa boite mail professionnelle, soit sans aucune garantie de confidentialité, le Tribunal d'instance qui a rejeté cette cause d'irrégularité du scrutin invoquée par le syndicat CGT au motif inopérant que ce dernier ne démontrait pas comment l'employeur aurait pu avoir connaissance du contenu du vote crypté des électeurs, a violé les articles précités ;


ALORS QUE SIXIEME PART QU' après avoir retenu que la pratique de la CFE-CGC ayant consisté à faire de la propagande électorale par le biais de messages personnalisés adressés à tous les techniciens ayant bénéficié d'un changement de coefficient était illicite, le Tribunal d'instance qui s'est borné à relever que, pour autant, le syndicat CGT n'apportait pas la preuve du rôle joué par la direction à cette occasion sans rechercher, comme il y était invité, si le syndicat CFE-CGC n'avait pas pu obtenir la liste nominative des salariés concernés par l'augmentation de coefficients, dans la mesure où celle-ci était confidentielle, qu'avec l'aide illicite de l'employeur ayant ainsi manqué à l'obligation de neutralité à laquelle il était tenu, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.2141-7, L.2314-21 et L.2324-19 du Code du travail.

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